NAVIGATION RAPIDE : » Index » MARKETING » publicité La pub sur un plateauA€ vous déjuger réunissait ce soir un panel d'invités exceptionnel autant qu'hétéroclite. Ariette Chabot avait été contactée par une délégation commune Medef, UDA, AACC (fortement soutenue financièrement par Bercy et le ministère du Travail) pour monter en catastrophe son émission dette sur le thème de la grè et de ses conséquences désastreuses. On en était en effet A plus de cinq semaines de conflit, et l'économie commenA§ait A tanguer sérieusement tandis que la nervosité et l'incompréhension de la population denaient chaque jour plus perceptibles. Des CDD renoulables avaient été suspendus, les nombreux stages payés A 30 % du Smic, également. Des milliers d'emplois précaires avaient disparu. Tous ces petits métiers liés de près ou de loin A la pub se précipitaient donc A l'ANPE qui vit se gonfler dangereusement ses statistiques de chercheurs d'emploi. Côté - Free-lances en colère -, la disparition des commandes n'était pas tenable et, faute de pouvoir bénéficier d'allocations chômage, ne restait que la colère comme moyen de s'exprimer. Relayés un temps par leurs caisses de retraite, comme la Maison des artistes, qui se plaignaient de ne plus recouvrer de cotisations, des groupes de free-lances s'étaient regroupés spontanément via la blogosphère pour aller crier leur désarroi et leur colère devant des sièges d'agence ou devant le ministère du Travail. Une manif devant ce dernier était passée A peu près inaperA§ue, mais celle organisée en haut des Champs-Elysées, devant le siège de Publias, avait sensibilisé l'opinion. Il avait mASme fallu faire appel aux forces de l'ordre pour dégager l'anue prestigieuse, pourtant déjA mal en point fautes de cinémas ourts et de désertion d'une bonne partie de ses touristes. Ce qu'il restait de télés avait bien sûr court l'événement, mais c'étaient surtout les vidéos des téléphones porles qui en avaient été le meilleur relais. Par diffusion spontanée, les images s'étaient vite retrouvées sur Internet. La plupart des secteurs liés A la publicité avaient également commencé A licencier du personnel: outre l'imprimerie, où la solidarité du début faisait A présent place A une nervosité mal contenue, l'audiovisuel, le show-biz, les expos, le Web, l'événementiel, les intérimaires du - tractage - sur la voie publique ou dans les boites aux lettres, des dizaines et des dizaines de métiers étaient nus s'ajouter A la liste. Plus personne, désormais, ne pouvait ignorer qu'une population encore mal connue, mais qui semblait très jeune ée aux syndiqués bien protégés, souffrait durement de la grè et ne disposait d'aucune des protections classiques. Ainsi, d'un conflit catégoriel, qui faisait rudement parler de lui depuis qu'il perturbait le mental et les habitudes de consommation de beaucoup de FranA§ais, on était passé contre toute attente A un grand désordre national comme jamais on n'aurait pu l'imaginer. On en vint donc A penser que la partie immergée de l'iceberg méritait sans doute d'AStre explorée un peu plus sérieusement. Peut-AStre était-ce lA qu'on trourait des solutions pour y mettre fin ? Un grand déballage s'imposait, et Ariette Chabot avait été choisie pour jouer les - Madame Loyal - d'un débat qui remplirait au moins la soirée et remplacerait avantageusement les programmes insipides de France 2. Cependant un coup de fil de la présidence avait imposé qu'elle partage la dette ac Marc-Olivier Fogiel et Thierry Ardisson, - plus incisifs et modernes -. Depuis l'automne 2007, - Chabot -, c'est ainsi que le Président l'appelle, avait encouru les foudres du patron de la France en osant énoncer dans la presse qu'il - fallait aborder le divorce de Nicolas Sarkozy -, appelant de sa part cette cinglante remarque pleine de sous-entendus : - La prochaine fois qu'elle m'invitera, je lui dirai : "le vais avoir le courage d'évoquer votre vie privée !" - Celui-ci récidivant début 2008 en expliquant A propos de la suppression de la publicité sur la télévision publique : - C'est pour emmerder Chabot et Carolis. Ils sont nuls1 ! - L'émission démarra assez brutalement sur la remarque assez mal nue d'Ariette Chabot elle-mASme. Croyant bien faire, la directrice de l'information de France 2 commenA§a par rappeler le reproche traditionnel fait A la publicité de ne pas démontrer sa vérile utilité économique et d'inciter outrageusement A la consommation sans en justifier vérilement le besoin. Elle n'eut pas le temps de prolonger sa question (en fait, elle voulait simplement rappeler quelques points négatifs avant de questionner ses invités sur l'impact insoupA§onné que la grè actuelle avait déclenché dans la vie quotidienne). Ce fut radical. Dix paires de bras se dressèrent en mASme temps et des sifflets fusèrent sans retenue aucune : - Quoi, vous commencez par ressasser les vieilles lunes alors que cette grè nous paralyse lentement mais sûrement ! Mais on est où, lA ? Si vous n'aviez pas l'état derrière vous, on ne serait mASme pas lA ce soir ! France Télévisions en berne et écran noir pour toutes vos chaines. Comme les copains ! Un peu de sérieux, s'il vous plait ! - Ariette Chabot bien décidée A rester maitre de l'émission reprit les choses en main, abondant dans le sens de ses interrupteurs (- Mais non, si nous sommes ici ce soir, c'est que nous sommes tous bien conscients qu'il y a un problème, etc. -). On passa donc rapidement A ce qui faisait problème, l'emploi, et Xavier Bertrand lui-mASme, le ministre du Travail, cita quelques chiffres de l'ANPE qui firent forte (et mauvaise) impression. Les représentants de la pub eux-mASmes les découvraient en mASme temps et, pendant quelques secondes, plusieurs visages parurent incrédules, sinon atterrés. Dans le brouhaha qui suivit, Maurice Lévy leva haut la main, puis se leva lui-mASme, ce qui fit que, vu sa haute taille, il s'imposa rapidement aux exclamations et commentaires des uns et des autres et, secouant un index ngeur, tel un prophète haranguant des ames en perdition : - Plus de 2 % du PIB, près de 70 000 entreprises, plus de 360 000 emplois. Je l'ai rappelé A votre confrère, Jean-Pierre Elkabbach, il y a près de six semaines sur sa radio. VoilA ce que c'est que la pub. Il est temps de s'en rendre compte. On ne le savait pas ou on ne voulait pas le savoir. Eh bien, vous l'az décourt. Nous sommes une force économique. Qu'on ne l'oublie pas. - Et il se rassit. Cela incita Ariette Chabot A envoyer dans la foulée une courte séquence d'images tournées dans les rues de Paris, et dans son métro, pour montrer toute la force de l'absence de la publicité. Une remontée rapide sur les Grands Boulevards A hauteur des cinémas déparés de leurs affiches, le hall de correspondances du RER A Opéra tout aussi neutralisé, puis, pour faire bonne mesure, un échantillon de quelques plaintes représentatis des secteurs sinistrés : un directeur d'agence, un directeur marketing d'un grand groupe de la distribution, une jeune infographiste très remontée contre les abus des deux précédents. Enfin, le P-DG d'une marque internationale expliqua calmement que si le marché franA§ais lui faisait faux bond, il y avait suffisamment A faire ailleurs (-Vers l'Asie, vous voyez ce que je ux dire -) pour se contenter de traiter l'Hexagone comme un pays du tiers-monde le temps qu'il faudrait, ce qui attira plusieurs remarques acerbes sur le plateau. Pour faire bonne mesure, la rédactrice en chef de France 2 donna ensuite la parole en direct sur l'antenne A un anti-pub, membre du - Collectif des déboulonneurs - (ceux-lA mASme qui avaient été poursuivis pour avoir barbouillé des affiches aux Champs-Elysées. Mais c'était A une autre époque). Celui-ci avait manifestement bien préparé son interntion, qu'il voulut la plus provocatrice possible : ' Il faut supprimer totalement l'affichage, que ce soit dans Paris ou A l'extérieur, dans les zones urbaines ou A la camne, partout, fini ces étrons. Les publicitaires pourraient alors se rabattre sur la téloche, au point de corruption où elle en est, pas gra ! Et, par dessus-tout, en finir ac ces ordures dans le métro. Quel bonheur et quel repos pour les yeux et l'esprit, ces murs blancs dans les stations rénovées, un vrai bain de paix et de jounce. Mais je rAS éillé1. ' Vous ne croyez pas que c'est justement très utopique. Il y a plus de 300 stations de métro A Paris, répliqua aussitôt l'animatrice, désireuse de couper court aux commentaires A voix haute de plusieurs publicitaires et annonceurs sur le plateau (- étron toi-mASme -, - Mais oui, c'est A§a. Et tu les repeins comment tes stations ? -, etc.). Et puis, regardez ce que A§a donne, la télé sans pub. Voyez où nous en sommes depuis quelques semaines. On ne peut pas nier que ' Mais tant mieux, madame Chabot ! Moi, je me souviens de ce qu'a dit le patron de TFi, y a un ou deux ans. Il nous disait que sa chaine elle servait A ndre - du temps de cerau disponible A Coca-Cola1 ! - Dites donc, c'est A§a leur pub ? Mais ils nous prennent pour des c ou quoi ! Le brouhaha qui s'ensuivit fut encore plus inaudible que le précédent, quelques dizaines de minutes plus tôt. Des bras se levèrent A nouau, mais, dans un geste de franc désespoir, les plus ardents défenseurs de la pub se trouvant dûment piégés par une remarque hélas trop connue, qu'on leur ressortait au plus mauvais moment. Un quart d'heure supplémentaire d'échanges plus que vifs entre - pro - et - anti - pub la mena A son grand soulagement A la fin de la première partie qu'elle annonA§a (presque) comme A l'accoutumée : - Si voulez bien, nous allons en rester lA pour l'instant et nous reprenons le débat juste après cette petite pause, le temps que d'autres invités s'installent. - Et la régie de France 2, faute de spots, lanA§a quatre minutes de séquences - Le monde en direct - prises en webcam fixes dans quelques grandes villes de la ète : une plage au petit matin près de Sydney (Australie), un carrefour anonyme A Stockholm (Suède), les faubourgs de Metz (Lorraine). Et, insistant, il martela son accoudoir : ' Elle est un facteur de croissance économique ! L'instissement publicitaire pèse en effet de plus en plus lourd dans le PIB des pays industrialisés, comme chez nous, par exemple, puisqu'il y est mASme supérieur A celui de la défense, qui ne fait que 1% ! évidemment, il y a d'autres facteurs variables que la publicité pour expliquer la croissance économique d'un pays, mais on a calculé qu'un marché publicitaire dynamique est une condition sine qua non pour que l'économie atteigne des performances élevées et durables. La publicité stimule la consommation, on ne peut pas le nier, mais elle accélère aussi la diffusion de l'innovation, comme on a pu le mesurer dans les entreprises qui ont la plus forte croissance en valeur ajoutée. Ce sont justement celles qui consentent le plus gros effort en recherche et déloppement et en publicité. Et puis elle dynamise aussi la concurrence et cela, personne ne peut nier non plus que c'est bon pour les consommateurs. Enfin, et lA je m'adresse A tous ceux qui aiment le football, comme moi, et qui sont privés de matchs depuis des semaines. Si on n'a plus de matchs, c'est bien parce que le sport est financé par le sponsoring, donc par la pub. Plus de pub, plus de sport ! CQFD ! Alors qu'on ne nous dise pas que ' Mais pourtant, l'interrompit Ariette Chabot, j'aimerais comprendre. Cette grè, ce ne sont pas les consommateurs qui l'ont déclenchée, mASme si certains prétendent pouvoir se passer de la publicité. Ce ne sont pas non plus de noulles restrictions de la part des pouvoirs publics. Dommage que Maurice Lévy ait quitté ce plateau, parce que, si je me souviens bien, c'est quand mASme aux annonceurs qu'il en voulait. A€ ceux que vous représentez et A qui il reprochait de ne pas rémunérer la création des agences A son juste prix. On bougea soudain beaucoup dans les rangs des publicitaires. C'est vrai, on était quand mASme en grè pour A§a, mASme si, au fil des semaines, tout avait franchement dérapé. Il était peut-AStre temps de reprendre les choses en main. ' Ariette Chabot a raison, intervint l'un d'entre eux. Tenez, si on prend l'exemple des publicitaires britanniques. Ils raflent régulièrement les premiers prix dans les classements internationaux et on les considère A juste titre comme les meilleurs créatifs du monde. Mais quand on sait que leurs agences sont bien mieux payées qu'en France, ac un décalage de 4 A 1 en leur faur, cela montre bien qu'une juste rémunération de la créativité n'est pas vaine et mASme qu'elle y incite fortement.
' On ne s'en rend pas compte, mais nos camnes coûtent horriblement cher. Est-ce qu'on sait, ici, comment A§a fonctionne chez nous? Une camne, c'est d'abord une |
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