NAVIGATION RAPIDE : » Index » MARKETING » publicité - ici londres, les frana§ais parlent aux frana§ais -Délaissant pour un soir la lecture A laquelle il s'est remis, Pierre fait brièvement le tour des chaines de télé pour attraper au vol un film qui le retiendra suffisamment. Désespérant ! Peu de news, sauf sur les chaines publiques, majoritairement des programmes de rediffusion, et il n'a aucun courage pour aller consulter les sites du cable ou de la TNT sur son ordinateur. Comme la radio, la télé avait en effet pris de plein fouet la première vague du raz-de-marée, celle qui renverse tout sur son passage. MPG, Carat, Starcom, toutes les agences médias avaient annulé en cascade leurs achats d'espaces sans un mot d'explication. Du jour au lendemain, plus un spot, plus une coupure, plus un seul - infomercial1 -, plus rien. Chaos total pendant quarante-huit heures. Plusieurs chaines jouaient carrément l'écran noir. Depuis la fin de La Cinq, un certain 12 avril 1992, c'était la première fois que le PAF (paysage audiosuel franA§ais, pour reprendre la terminologie de l'époque) se prenait une telle baffe ! La première chaine généraliste privée, lancée en 1985 par Berlusconi avec l'assentiment (politiquement intéressé) des pouvoirs publics, et rachetée par Lagardère au groupe Hersant après de nombreuses tribulations, avait été fermée pour cause d'incessantes modifications de sa grille. La désaffection du public ayant, par voie de conséquence, entrainé une baisse imparable des rentrées publicitaires. Les mASmes causes produisant les mASmes effets (au moins pour l'aspect publicitaire), le phénomène se reproduisit, mais cette fois-ci dans un paysage audiosuel qui s'était considérablement étendu. Beaucoup des chaines aujourd'hui sinistrées étaient apparues notamment A l'occasion du déploiement du cable et de la TNT. La majeure partie de leurs programmes constituée de sit-coms et de séries, en adéquation avec des audiences de plus en plus sélectives, encore plus prAStes A zapper, dépendait plus que jamais de la fidélité de leurs annonceurs, leur modèle économique reposant A 100% sur la publicité. Dans ces conditions, ète, Voyage, Direct 8, BFM, etc., suspendirent progressivement, le temps d'écluser les contrats en cours, toute diffusion. Le retrait de celle-lA leur interdisait brutalement d'acheter les droits A diffusion des séries récentes ou anciennes ; impossible alors de meubler les trous noirs de leurs programmes. MASme les bouquets payants avaient menacé de fermer l'antenne. L'intervention des pouvoirs publics autant que les risques de perdre définitivement des abonnés lors du renouvellement des contrats les en avait fortement dissuadés. Numéricable ne voulait en aucun cas rééditer les images désastreuses d'abonnés venant se plaindre bruyamment des dysfonctionnements administratifs devant les portes barrica-dées de ses agences comme cela avait été le cas avant la reprise de Noos. Mieux valait se contenter de diffuser le peu qui restait plutôt que rien du tout. Désormais, sur le cable, sur le satellite, ou en hertzien, hormis France Télésions et TFi, les chaines étrangères régnaient en maitre sur la bande passante. Grace A TV5 et surtout aux chaines du Maghreb, le franA§ais restait encore assez présent. Hormis les populations originaires de la région, les programmes n'avaient rien de bien attrayant pour les autres téléspectateurs. Pour le reste, seuls les polyglottes avaient l'embarras du choix. Très peu pour Pierre et Victoire, qui ne se voyaient pas se remettre A la méthode Assimil pour se gaver de paillettes russes ou de groupes folkloriques roumains ou qataris. Tout juste l'anglais les attirait-il un peu. D'autres chaines, les mieux armées financièrement, avaient réagi avec plus ou moins de bonheur. Ainsi, TFi, par exemple, se souvenant lentement de son passé de chaine publique (trop difficile A expliquer A Victoire, elle était A peine née), avait bati en catastrophe une grille des programmes compatible avec la nouvelle situation. La chaine avait des réserves d'images et se sentait prASte A soutenir un siège, ou plutôt un rationnement de plusieurs semaines sans pub, au moins pour occuper l'écran et conserver un fonds de fidèles pour le jour où les choses reprendraient un cours normal. En lever de rideau - les programmes ne démarraient plus qu'en fin de matinée - TFi avait affiché une mire toute neuve, assez joliment dessinée, histoire de faire patienter le téléspectateur en manque et en attente. Puis, pendant une bonne dizaine de minutes, l'horloge, remise au goût du jour, qui égre-nait ses secondes sans compassion aucune pour l'impatience du téléspectateur exaspéré. Une présentatrice (comme autre-fois les - speakerines -) venait ensuite annoncer et commenter l'invariable enchainement de documentaires et de séries (uniquement des rediffusions) qui constituaient dorénavant l'ordinaire des programmes. De BelphégorA Thierry la Fronde, pour les plus anciennes, A Arnold et Willy ou Inspecteur Derrick, pour les plus récentes (!), ce fut un vérile rembobinage dans le passé auxquels assistèrent les téléspectateurs, surpris tout d'abord, amusés et mASme intéressés ensuite, puis finalement blasés et enfin lassés. Autant de temps pris sur la soirée cependant, avec toujours la roue de secours de quelque interlude insipide (généralement des reportages touristiques) pour meubler les temps morts. A€ ce point de simplicité de la programmation, n'était la couleur, on se serait cru revenu au temps de la défunte ORTF (en 1975, se souvenait Pierre). Des mauvaises langues faisaient mASme remarquer qu'on avait conservé l'inusable Jean-Pierre Foucault pour faire plus rétro que nature. édemment, les jeux aux grandes heures de l'audimat avaient disparu, leurs animateurs remerciés. - Point d'argent, point de Suisse - Qui y avait-il A gagner ? Certainement pas des millions et mASme plus quelques centimes d'euro. La dèche totale. La cassette était de. La - pompe A finance - de la pub s'était brusquement tarie. Nonce Paolini, presque plus froidement encore que ne l'aurait fait Patrick Le Lay, son prédécesseur (pourtant réputé pour son côté - poisson froid - dans ses décisions), avait immédiatement suspendu tout ce qui était sponsorisé de près ou de loin par la publicité et mis fin A tout ce qui ressemblait A un contrat A temps partiel, A un intérim ou A un stage. Idem pour les achats A des producteurs indépendants ou les abonnements A des séries. Martin Bouygues ne décolérait pas et parlait déjA de recentrer son groupe sur le béton du père fondateur pour y noyer tous ces maitres chanteurs de la pub. Trois semaines après le début de la grève, TFi, et c'était pourtant l'une des chaines les plus solides, se donnait en tout et pour tout un mois de sursis. Après, tout était ensageable, mASme le pire. Pierre entend soudain Victoire qui s'esclaffe dans la chambre. A€ plat ventre sur la moquette, devant son ordinateur porle, la jeune femme rit franchement. Informée par une copine, elle a découvert depuis quelques soirs sur le Web une kyrielle de sites qui ent suppléer la défaillance de la pub hexagonale. - Chéri, tu m'emmènes en Belgique ? - lui demande-t-elle gaiement sans lever les yeux de son écran. Pierre s'accroupit et lit la e affichée : - Amis franA§ais, sitez la Belgique, une fois. - Le slogan loufoque ouvrait sur une série d'annonces publicitaires pour des grandes enseignes de la distribution, ainsi que sur une longue liste d'offres de produits livrables dans les quarante-huit heures. Il faut dire que la grève avait relancé le commerce transfrontalier A un niveau que seuls ceux qui se souvenaient de Mai 68 pouvaient avoir idée. A€ l'image des Anglais qui venaient encore remplir, il n'y avait pas si longtemps, dans les grandes surfaces de Calais des camionnettes entières d'alimentation, de canettes de bière et d'alcool, toujours a le Web, de vériles - circuits shopping - en autocar s'étaient montés A Paris et dans toutes les capitales régionales situées A trois heures de route maximum d'une frontière. Les sites belges en profitaient pour faire leur propre pub A l'attention des annonceurs potentiels, affichant sans vergogne leur prétention A fabriquer les meilleures pubs sur le Web pour redresser des courbes de vente défaillantes et pallier la très dommageable absence des agences franA§aises. Intrigué, il suit quelques minutes Victoire dans ses pérégrinations rtuelles et découvre une incroyable variété de sites publicitaires pour des marques vendues en France mais privées de médias hexagonaux depuis le début de la grève. Au fil des liens qui s'additionnent, ils tombent sur un podcast anglais plein d'humour, - Ici Londres, des FranA§ais parlent aux FranA§ais -, qui diffuse en fait de réelles annonces publicitaires A la manière des messages codés de la radio de la France libre, toujours pour des produits disponibles en France. - Sacrés British, commente Pierre, voilA qu'ils nous balancent nos propres pubs, maintenant. - Un autre site signalait des chaines du cable, sponsorisées par différentes marques, qui avaient pris le relais auprès des annonceurs s'adressant au public franA§ais. Il avait d'ailleurs constaté depuis plusieurs jours l'apparition de nouvelles fréquences A la radio, qui émettaient de l'Europe entière et qui s'adressaient A ce mASme public. Leurs émissions étaient essentiellement des suites d'annonces de pub A peine entrecoupées d'un peu de musique et manifestement concoctées pour contrebalancer les effets de la grève. En fait, CSA oblige, elles n'auraient pas pu se glisser dans la bande passante sans autorisation. Elles avaient simplement piraté des fréquences existantes, édemment avec l'accord de celles-ci qui devaient toucher quelque chose au passage. Juste de quoi subsister en attendant la fin du cauchemar. Toujours sur le Web, les propositions de téléchargement gratuit avaient explosé. A€ partir de sites édemment hébergés A l'étranger, des offres gracieuses pour de la musique, des films, des œuvres littéraires, etc., étaient mises en avant sous la bannière de marques qui avaient trouvé lA un moyen intelligent de se rappeler au bon souvenir des internautes consommateurs. Mais rapidement, compte tenu de l'engouement, un grand nombre de ces offres denrent payantes et les gens repayèrent. Le besoin d'images était trop fort, les habitudes trop ancrées. Beaucoup de chaines du cable, par exemple, devenues vraiment - rasoirs - depuis la disparition de la pub et du financement que celui-ci représentait, perdirent leurs abonnés qui achetèrent les nouvelles offres. D'ailleurs Victoire s'y met et explique en direct sur un forum A au moins quelques dizaines d'internautes où et comment, faute de trouver sa marque préférée dans la supérette voisine, elle a déniché un shampooing correct, quoique d'une marque inconnue, et surtout renouvelé dans une autre enseigne. Elle en profite également pour tenter de lui extorquer une promesse de vacances après qu'un blog lui eut permis de dénicher les prix d'un voyagiste dont le site officiel était désespérément muet depuis trois semaines, outre l'absence de toute pub dans les médias hexagonaux. Pour tout le reste (qui n'était pas mince, A en voir le nombre de paquets qu'elle recevait maintenant plusieurs fois par semaine), elle a déjA passé commande sur le Web. Puis, elle va se gaver de quelques spots - d'avant - que certaines marques passent en continu sur des sites qui s'annoncent A coups de spams, histoire, sans doute, de maintenir la dépendance jusqu'A ce que les choses reprennent un cours normal. La tASte lui tourne. - La grève n'est pas perdue pour tout le monde -, se dit Pierre. Et il se relève pensivement. Au mASme moment, dans le salon des appartements privés de l'Elysée, le Président Sarkozy éteint rageusement l'énorme écran de télésion devant lequel il aime A s'installer, exaspéré par le de qu'il constate grandissant chaque jour sur l'ensemble des chaines. - Enfant de la télé - il a grandit au cours des années i960, devant un poste allumé. Le jeudi, jour de repos pour les scolaires, il ne manque jamais Thierry la Fronde, Zorro ou La Piste aux étoiles. Lors des vacances dans la maison familiale dans les Yvelines, pas de télésion. Heureusement quelques voisins sont eux équipés, lui permettant de ne manquer ni Rintintin, ni Les Chevaliers du ciel, ni surtout les étapes du Tour de France. Cette assuétude perdure alors qu'il s'installe A Neuilly en 1973. Ce sont alors les émissions cultes de Maritie et Gilbert Carpentier qui, comme 15 millions de FranA§ais, l'occupent. C'est un peu plus tard également qu'il passe de l'autre côté de l'écran pour la première fois, alors agé de ngt ans, dans le cadre d'une - tribune libre - réservée aux jeunes UDR, début d'une série d'interventions qui ne se tariront plus. Quand il a annoncé le 8 janer 2008, A la surprise générale, la suppression de la publicité sur les chaines publiques, jamais il n'avait imaginé ce que la télé sans pub pouvait avoir comme incidences. Certes, cette décision allait coûter 1,1 milliard d'euros A France Télésions, mais divers scénarios cohérents avaient été imaginés pour compenser cette perte de recettes. Aujourd'hui, le Président se pose des questions. Les annonceurs qui ont du mal A imaginer comment ils vont trouver l'espace nécessaire pour diffuser leurs spots sur les chaines privées sont inquiets et la grève n'arrange rien A leurs préoccupations. L'Union syndicale de la production audiosuelle ne décolère pas et certaines mauvaises langues sont mASme allées jusqu'A faire courir le bruit que la réforme lui servait A régler ses comptes, d'autres allant imaginer qu'il s'agissait d'une - fausse barbe - pour défendre TFi qui aurait raté le rage de la télésion numérique terrestre. Mais lA , A l'instant présent, c'est lui qui personnellement pati du manque de contenu de sa télé et se sent un peu orphelin. |
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