Toutes les agences ne se valent pas, tous les publicitaires non plus. On le sait des médecins, des avocats ou des architectes. Nous partageons ac ces derniers le fait de mettre au grand jour nos réalisations et de ne pouvoir nous préserr d'une opinion qui, A juste titre, s'émeut de la médiocrité et du mauvais goût d'un grand nombre de films ou d'affiches.
Les fruits de cette médiocrité ont beau AStre éphémères, ils contribuent A dresser un portrait peu élogieux de notre métier. Et trop sount, ceux parmi les publicitaires qui ont le souci du
travail bien fait finissent par baisser la tASte, cernés par le feu croisé des pouvoirs publics, qui ulent sur-réglementer, pensant A tort que la profession ne peut s'autodiscipliner, des
départements des achats, jaloux d'un train de vie qu'ils imaginent dispendieux, et des adrsaires de l'économie de marché, qui font de ce métier le symbole de tous les excès capitalistes.
Je Us dans les yeux de mes interlocuteurs une ombre de déception quand je leur révèle ma profession. Il me faut alors enchainer vite. Dès que j'ajoute que mon agence est responsable des camnes pour Apple, Adidas ou PlayStation, le ton change. Très vite, la conrsation s'anime, et les questions pleunt concernant tel ou tel film. On me demande des tirés A part des dernières affiches. D'un seul coup, j'appartiens A un monde presque enchanteur, où se bousculent des images puissantes et colorées, sount inattendues, au son de musiques connues ou appelées A le denir dans la semaine.
Aldo Papone a été vice-président d'American Express, de Body Shop et de Macy's. Il avait eu la gentillesse d'apporter son soutien A mon premier livre sur la disruption. Au cours des trente dernières années, il a sélectionné des agences de
publicité et des consultants dans le monde entier. Voici ses commentaires sur notre métier : - Il est toujours intéressant d'acheter auprès d'un consultant en
management un rapport précis et approfondi du
marché sur lequel votre entreprise intervient, ainsi qu'une analyse sur ses forces et ses faiblesses, tout comme sur celles de ses concurrents. Cela dit, vous ne saurez pas toujours quoi faire ac toute cette information.
- Ce qui est formidable quand vous travaillez ac une bonne agence, c'est qu'elle peut vous livrer une analyse tout aussi rigoureuse, mais qu'en mASme temps elle vous propose un tas d'éléments tangibles, sous forme d'images, de mots, de design, de programmes, lesquels transforment les analyses en recommandations concrètes et donnent de la vie aux observations arides. Je me demande sount pourquoi nous ne tirons pas davantage profit de tout cela. -
C'est une bonne question. Je crois que les annonceurs ont plus que jamais besoin de leurs agences. Seules les agences sant faire remonter A la surface le sens d'une
marque et faire ressentir au public ce qu'elle a de plus profond. Seules les agences maitrisent l'art de distiller une idée en quelques mots. Nous sommes des experts en pensée ramassée. Seules les agences sont en mesure d'apporter une
communication intégrée, telle qu'elle est attendue aujourd'hui. L'intégration n'est pas une science, mais un art, et nous sommes des chefs d'orchestre en la matière.
Seules, les agences peunt rebatir le pont entre média et création. Car, sur le des achats média, l'évolution des vingt dernières années a fini par se révéler pénalisante. Ce que les annonceurs ont gagné en rabais, ils l'ont perdu en intelligence ; ou plus exactement ils ont perdu une part de la bonne intelligence qui prévalait entre les médias et la création.
Enfin, seules les agences apportent des conseils stratégiques empreints de créativité. Les analyses sèches sur l'existant portent court. Nos
clients se lassent de dépenser des fortunes pour payer des consultants A ne rendre compte que de la réalité. Les agences sant que le futur des marques ne peut AStre prédit, mais seulement imaginé. Cela prend du temps, mais certains commencent A mesurer la contribution inégalable qu'apportent les agences sur ces sujets.
Les agences sant révéler les marques, orchestrer l'intégration, marier la création et les médias, imaginer des futurs différents. Aucune autre entité ne fait tout cela, et encore moins tout cela A la fois, ce qui est pourtant essentiel, puisque ces activités sont interconnectées.
Transrsalité
Un grand essayiste anglais, Charles Handy, l'auteur de L'Age de déraison (1996), a écrit que bien des entreprises devraient s'inspirer de la faA§on dont sont organisées les agences de publicité. La raison en est que nous fonctionnons de faA§on transrsale, ac des gens issus de disciplines extrASmement variées : commercial, création, finance, ning, média, production.
Tous ces talents travaillent ensemble de faA§on non pas hiérarchique, mais par projets. Des agences telles que les nôtres comptent vingt A quarante personnes par département. Des personnes de chacun de ces groupes sont affectées A chaque marque. Des équipes différentes sont donc formées pour Adidas, Nissan ou Danone.
Une raison importante du succès de Nissan sous l'impulsion de Carlos Ghosn tient A ce que l'entreprise a réussi A casser les silos entre départements et pays. Pour chaque problème A résoudre, Carlos Ghosn a créé des - équipes transrses - d'une quinzaine de personnes, de disciplines et de nationalités différentes.
Il se trou qu'il est dans notre nature de travailler de cette faA§on. Ce qui est très difficile A réaliser dans une entreprise industrielle d'enrgure l'est beaucoup moins dans une société de services, A l'échelle tellement plus réduite. Nous faisons travailler ensemble un directeur artistique, probablement diplômé des Arts décoratifs et qui dessine merilleusement bien, mais qui n'est pas forcément très cultivé, ac un ner stratégique qui a pu faire sa thèse de sémiologie sous la direction de Roland Barthes. C'est la raison pour laquelle j'aime ce métier. Il est passionnant de voir ces gens travailler et apporter ensemble des idées neus justement parce qu'ils viennent d'horizons différents.
Les agences sont des lieux de brassage. Des gens de toutes disciplines et de toutes origines œuvrent de faA§on orchestrée, chacun s'enrichissant du travail des autres. Pour y parnir, il est essentiel qu'aucun groupe ne domine, qu'aucune discipline ne soit jugée plus noble qu'une autre. C'est la condition nécessaire de la transr-salité, autrement dit de la conjugaison des expertises et des imaginations d'une discipline A une autre.
Brassage des savoir-faire
A€ certains égards, la gestion d'une grande entreprise mondiale n'est pas si ardue. Il suffit de repérer les succès. Quand l'entreprise est acti dans plus de cent pays, il est statistiquement impossible que des initiatis intelligentes n'aient pas été prises ici ou lA . Pour les découvrir, il faut simplement faire preu de curiosité, mais d'une curiosité sincère, ce qui semble inaccessible A bien des entreprises.
Certaines organisations sant cependant susciter une vraie écoute et encourager ce qu'un auteur américain a appelé - l'art de copier ac enthousiasme -. Dans ces entreprises, l'éternel syndrome du - non innté ici - décline. Ce sont celles où l'on apprend le plus.
Ces organisations sant qu'il existe un réservoir de
croissance sous-exploité, communément appelé - bonnes pratiques -. Le terme est déjA usé, et pourtant. Procter & Gamble doit son succès avant tout aux bonnes pratiques. Les collaborateurs de l'entreprise repèrent celles qui marchent, tout en prenant le temps d'analyser en profondeur les raisons du succès. Ils sant ensuite les diffuser de faA§on systématique dans le monde entier, et ce A une vitesse phénoménale. A. G. Lafley, président de Procter & Gamble, affirme que son entreprise doit sa compétitivité avant tout A la vitesse ac laquelle ces bonnes pratiques sont mises en œuvre.
Chez TBWA, nous multiplions les sources d'information sur nos meilleures expériences. Nous avons créé une Disruption Bank, qui comprend plus de cent cas filmés. Nous avons aussi créé des cercles de réflexion, que nous appelons des rings, composés de quinze A vingt collaborateurs du monde entier. Il existe un Interacti Ring, un Planning Ring, un Ring des relations publiques, etc.
Nous organisons aussi nombre de séminaires. L'un d'entre eux, qui dure cinq jours, s'intitule Learningjor Leaders (- LeA§ons de
leadership -). D'autres, plus pratiques, tels les séminaires How to, proposent trucs, tactiques, techniques et autres conseils concrets orientés rs l'action, afin de fournir aux participants A notre anture des clés ou des raccourcis. Nous aboutissons de la sorte A un brassage des savoir-faire. Chacun s'enrichit des connaissances des dix mille autres collaborateurs du réseau.
Depuis cinq ans, nous avons multiplié les initiatis A ce sujet, et nos progrès sont indéniables. Malgré tous ces efforts, nous sommes encore loin du compte. Je réalise sount A quel point il est difficile de faire circuler l'information, de diffuser les savoirs. Chaque fois me revient en mémoire cette remarque de l'ancien président de Hewlett-Packard : - Si Hewlett-Packard savait ce que Hewlett-Packard sait, Hewlett-Packard rapporterait trois fois plus. -
Brassage des disciplines
Nous avons recommandé A Danone de créer un Institut pour la santé. Nous participons aux réunions de travail sur le packaging d'Apple et nous avons ché sur l'architecture intérieure de ses magasins. Nous avons suggéré A la première banque directe suédoise de créer des prASts immobiliers d'un genre inédit. Nous proposons A Pedigree des idées de produits nouaux. Nous mettons chaque semaine en ligne un jeu PlayStation différent. Nous internons de fait sur tout ce qui a trait aux rencontres entre les marques et leur audience.
Pour rendre compte de tout cela, nous parlons de points de contact. Ces derniers peunt employer de nombreux canaux, prendre de multiples formes, sount bien éloignées du sacro-saint - trente secondes télévision -, lesquelles sont imaginées par les spécialistes de nombreuses disciplines, l'interactif,
le marketing direct, l'événementiel, la promotion des ntes, etc.
Le tout est d'arrir A faire travailler tout le monde ensemble. Certains groupes de communication se proclament experts et parlent de multimédia, de communication intégrée, de communication holistique, de communication média neutral, c'est-A -dire - neutre sur le choix des médias -. Ils parlent de connection ning. Le rôle de l'agence consiste en effet A optimiser chacun des points de contact, A les orchestrer dans le temps et dans l'espace, ainsi qu'A iller A leur interaction.
Ce n'est pas aux habitants d'un pays féru de recherche opérationnelle ' les chercheurs franA§ais sont experts en la matière ' que je vais prétendre enseigner que l'intervalle entre les éléments d'un ensemble compte autant que les éléments eux-mASmes ; ni que l'interaction entre chaque élément compte autant que l'action de chaque élément pris séparément. Maintenant que toutes les agences se sont muées en groupes pluridisciplinaires, le connection ning est denu le Graal. On fait mine de découvrir que chaque point de contact compte, comme si ce constat était nouau.
Les grands groupes de communication ulent faire du connection ning leur différence spécifique. J'obser pour ma part que ce n'est pas l'existence d'un tel département qui fait la différence, mais l'expertise que l'on se crée ac le temps. Tout le monde est sur la mASme ligne de départ et personne n'a décidé de ne pas participer. La pratique fera la différence.
Cette pratique découle de l'évidence trop sount ignorée depuis vingt ans que c'est la mASme personne qui s'intéresse A la marque et qui consomme des médias. Cela implique la fusion des nings stratégique et média, autrement dit des spécialistes des marques et des spécialistes des audiences.
Le mot - connexion - est sec, froid et peu inspirant. Il ne désigne de surcroit qu'un moyen pour une fin. Lee Clow, comme nous l'avons déjA évoqué, préfère parler de média arts : - Nous exerA§ons un métier qui appartient aux média arts. Nous ne sommes pas, ou plus, une agence de publicité au sens strict du terme. Nous reconurons notre industrie au trars des multiples arts de
la communication qui sont A notre disposition. Un design de magasin, comme un Apple Store, aussi bien que le design d'un packaging, tels les paquets de Pedigree, font partie intégrante de la publicité. -
Quand nous parlons d'art, nous parlons bien évidemment d'art appliqué, d'art vivant. Il suffit cependant de pénétrer dans un magasin Apple pour ressentir que l'architecte qui l'a conA§u est un artiste de talent.
Nous denons des artistes de la communication qui utilisent les médias pour inviter les gens A pénétrer dans les unirs de marques que nous créons. Chaque fois qu'ils entrent en contact ac la marque, ils la jugent. C'est pourquoi tout ce que nous créons pour une marque doit AStre A la fois soigné et inspiré. Tout doit AStre créatif. Chaque point de contact peut denir déterminant dans la relation ac la marque.
Nous ne pouvons plus nous permettre ces décalages entre ce que nous voyons sur Internet, A la télévision, dans une boutique ou sur un packaging. Nous ne devrions pas accepter qu'une camne talentueuse soutienne un produit au packaging surchargé et de mauvais goût. Pendant des années, les agences se sont cantonnées A leur terrain privilégié d'expression et ont laissé faire. Il ne faut pas lacher prise. Tout compte. Il y a des dizaines de points de contact possibles entre une marque et ses clients. Chacun d'eux doit AStre fidèle A l'idée que nous nous faisons de la marque et doit contribuer A augmenter sa différence.
Pour approfondir nos savoir-faire en la matière, nous avons créé un Media Arts Lab, sorte de laboratoire au sein duquel nous affinons notre compréhension de la communication de demain. Situé A Los Angeles, de l'autre côté de la rue où se trou notre agence, il partage les bureaux de Frank Gehry. Nous sommes convaincus que le futur de notre métier passera par le croisement du design et des technologies interactis. L'ensemble des collaborateurs qui travaillent pour Apple appartiennent au laboratoire. Nous réfléchissons aux interactions entre la publicité, le design, l'interactif et le dirtissement. Nous profitons d'avoir Ste Jobs pour client, Frank Gehry pour voisin et Hollywood pour environnement. Le brassage est total, et le laboratoire modèle nos futures faA§ons de faire.
Les idées les plus inattendues, et sount les plus fortes, jaillissent quand des créatifs d'unirs différents parviennent A travailler ensemble. Il faut susciter des collisions, mais il ne suffit pas pour autant de réunir des spécialistes d'horizons variés. Il faut encore une ligne directrice. Le rôle de notre approche stratégique, la disruption, est de fournir cette colonne rtébrale. En fondant tout sur une idée centrale, le plus sount une idée de marque, nous pouvons ensuite la décliner, l'exprimer de toutes les faA§ons imaginables. C'est la fonction des média arts. La disruption et les média arts se nourrissent ainsi l'un l'autre.
Et puis, il n'y a pas que nous. Nous devons de plus en plus savoir faire appel A des talents extérieurs pour internir de faA§on ponctuelle sur un dossier donné. Ce seront, suivant les cas, un anthropologue, un designer, un graphiste, un sociologue, un nutritionniste, un démographe, un scénariste, un spécialiste des graffiti, un statisticien, un sémiologue La liste des talents spécialisés est longue. Dès aujourd'hui, Procter & Gamble conA§oit plus de la moitié de ses nouaux produits en faisant appel A des talents extérieurs A l'entreprise. Ce sont le plus sount des structures de très petites tailles, des cabinets, voire des personnes travaillant seules. L'institutionnel se nourrit d'initiatis individuelles non programmées.
Alors que la plupart des organisations se préoccupent davantage de ce qu'elles sant déjA , les sociétés créatis font pénétrer délibérément le monde extérieur entre leurs murs. Les agences de publicité doint aller dans le mASme sens et AStre A la recherche permanente de noulles intersections, de croisements inédits, de collisions imprévues. Comme le dit Alex Graham, l'un des producteurs de programmes télévisés les plus célèbres d'Angleterre : - Ce qui est merilleux dans ce travail, c'est que vous partez d'une feuille blanche et que vous vous demandez ac qui vous az envie de travailler plutôt que qui est disponible. -
Brassage des collaborateurs
Il est une chose que l'on peut difficilement transmettre, et pourtant, c'est peut-AStre la plus importante. Je ux parler du goût pour la dirsité, de la jubilation que l'on éprou A découvrir des cultures différentes, des approches créatis d'un autre monde, des attitudes parfois incompréhensibles.
En Inde, les brahmanes ne travaillent pas. Aucun publicitaire n'est donc censé pronir de cette caste, A l'exception de Sandip Mahapatra. Il lui a fallu trour une explication : - Je suis directeur du ning. Je ne travaille donc pas, je pense. - J'ai préservé comme cela des dizaines d'anecdotes qui me sont chères, légères comme la réplique de Sandip ou plus profondes, m'éclairant sur les différences qui, parce que culturelles, sont tellement plus ancrées que nous ne l'imaginons.
Depuis l'alliance Renault-Nissan, en 1999, je suis allé des dizaines de fois A Tokyo. J'ai été amené A travailler étroitement ac l'agence de Nissan au Japon, Hakuhodo, la deuxième du marché, une grande institution. En juin 2006, nous avons réalisé la fusion de leur division Nissan ac notre agence de Tokyo. Je connais plusieurs dizaines de collaborateurs de cette agence, et une solide amitié s'est forgée ac quelques-uns d'entre eux. Un jour, excédé par des argumentations qui n'en finissaient pas, j'ai posé une simple question : - Est-ce un désaccord ou un malentendu ? - Peut-AStre était-ce un désaccord, mais leur politesse, ou leur désir d'avancer, leur a fait décider que ce n'était qu'un malentendu. Depuis lors, j'ai dû poser cette mASme question A une vingtaine de reprises. Le plus sount, le désaccord s'est estompé.
On peut éprour un plaisir quotidien dans la confrontation culturelle. Nous avons créé tous ces rings qui mettent en contact des collaborateurs du monde entier en temps réel, mais aussi des programmes d'échange, qui concernent les plus jeunes comme les plus confirmés. Nous avons en outre constitué des commandos créatifs, fondés sur l'idée que, devant un problème difficile, il était productif de faire travailler ensemble des créatifs de nationalités différentes. Notons bien : ensemble, pas A côté.
Cette initiati fut prise en réponse A une question que Ste Wilhite, le patron du marketing de Nissan aux états-Unis, nous avait posée il y a quelques années. Ste s'étonnait de ne pas profiter de la créativité de nos agences hors Amériques, celles d'Afrique du Sud ou d'Australie, par exemple. Ste avait raison. S'il nous arrivait de faire travailler des agences de multiples pays pour créer une camne mondiale, les camnes dont Ste était responsable étaient exclusiment destinées au marché domestique américain, et seuls les créatifs de nos agences américaines travaillaient pour lui.
Du jour au lendemain, suivant son conseil, nous avons créé des - commandos créatifs -. Quand un problème difficile apparaissait, nous envoyions trois ou quatre équipes de pays différents, qui passaient une semaine ou deux ensemble. Récemment, A Hambourg, des équipes américaines, Slovènes, chinoises et allemandes ont travaillé ainsi intensément, presque derrière les rrous, pendant une semaine. Alors que les créatifs sont réputés pour leur individualisme et leur peu de goût pour l'effort collectif, je puis témoigner que, cette fois, l'engouement a été tel que nous avons dû créer une liste d'attente. Les créatifs du monde entier ulent participer au prochain - commando -.
Les Chinois qui ont rencontré les Slovènes continuent A communiquer via Internet. Il n'est pas impossible qu'un jour la solution A un problème posé A Shanghai vienne de Ljubljana, sans que le
client ni mASme le patron de notre agence de Shanghai en aient conscience.
A€ l'arrivée, l'attitude de chacun compte plus que tout. Ou vous trouz plaisir A essayer de comprendre ce que pense un créatif coréen qui cherche A vous faire ressentir la force d'une camne déconcertante, ou cela ne vous intéresse pas. Un réseau de publicité ressemble aux Nations unies A une micro-échelle, mais A des Nations unies qui fonctionneraient. Nous construisons A partir de nos différences. Elles ne nous opposent pas.
D'un monde A l'autre
En exerA§ant mon métier A New York, je participe A ma faA§on A ce brassage. On me demande sount, quand je suis de retour A Paris, l'impression que je ressens d'AStre un FranA§ais A la tASte d'un réseau américain. Cette question ne m'est jamais posée par les Américains, ce qui indique que ce qui peut surprendre ici ne soulè aucune question lA -bas.
Dans le réseau, personne ne me parle de mes origines. Comme si cela ne comptait pas. Cependant, au fond de moi, je sais que ce que j'apporte vient d'abord de ma différence, de mon origine franA§aise. C'est ce qui compte. AŠtre un FranA§ais A New York, c'est vivre en permanence ce paradoxe.
Pour le monde des affaires, et encore plus pour celui de la publicité, New York reste la capitale de la ète. On y trou A tous les postes imaginables des gens de toutes nationalités. Non seulement je n'ai pas eu A me glisser dans le moule américain, mais j'ai pu assumer mon origine, comme je le souhaitais, quitte A afficher A mon insu les défauts les plus criants de mes compatriotes.
L'impatience latine, par exemple, surprend toujours outre-Atlantique, où elle n'est guère appréciée. Dans le mASme ordre d'idées, la critique si naturelle chez nous ' nos instituteurs nous y ont accoutumés dès nos premières années ' est mal perA§ue. LA où nous la trouvons constructi, elle est ressentie comme contre-producti. Et pourtant, comment avancer, comment progresser sans une analyse objecti des erreurs passées ou des problèmes récents ?
Tout cela n'empASche pas les Américains d'adopter nos faA§ons de faire, sans arrière-pensée, dès lors qu'ils y voient leur intérASt. C'est ainsi qu'ils ont importé la disruption. Elle était née en France, qui vient rarement en tASte de liste lorsqu'il s'agit d'exporter des - bonnes pratiques -.
Il n'est pas étonnant que la disruption, une méthode qui cherche A créer des ruptures, ait vu le jour dans notre pays. Depuis toujours, les penseurs franA§ais ont légitimé la contestation, valorisé l'indépendance d'esprit et fait de la remise en cause des conntions une exigence permanente, et l'école nous l'a bien transmis. En ce sens, le doute méthodique est d'une certaine faA§on au cœur de la disruption.
Nous parlons sount de paradoxes dans ce livre. Il y a un lien de cousinage entre les paradoxes et la disruption. Ils partagent cette tension ramassée, ce télescoe d'idées qui créent une étincelle inattendue, ces pirouettes de la pensée qui nous accrochent.
Nous avons proposé A Nextel, une société de téléphonie, une camne qui encourageait ses clients A agir plus, A denir des - doers -. De ce fait, cela les incitait A moins parler, et donc moins téléphoner. Le paradoxe crée l'impact. Notre agence d'Afrique du Sud a affiché aux quatre coins du pays les pires photos de l'apartheid, qu'elle a détournées pour dénoncer une autre forme d'apartheid, celle que créent les gens des camnes quand ils chassent les séropositifs de leur village. Des images A enfouir A jamais pour servir une noble cause. Paradoxe ultime.
J'ai observé A maintes reprises l'inclination marquée des FranA§ais pour les paradoxes, qui renvoie A notre disposition naturelle A la remise en cause. Dans l'étymologie du mot, on trou - contredire l'opinion -. Nous aimons d'autant plus les paradoxes que, par nature, ils ne sont jamais lA où nous les attendons.
Il reste la langue, et les barrières qu'elle crée. On a beau chercher A comprendre ce que, derrière les mots, dit l'autre, on reste un étranger. Il faut un bilinguisme parfait, très rare, pour que rien ne se perde. On ressent toujours une frustration, un sentiment de pauvreté A ne pas parler dans sa langue. Autant l'admettre et s'y habituer, et se rappeler que la langue est la zone de secret de chacun d'entre nous, ce A partir de quoi nous construisons notre monde. Elle nous permet de nous dire A nous-mASmes nos convictions et nos passions, telle celle que j'éprou chaque jour A travailler au plus près de gens de tous pays, de toutes cultures et, justement, de tous langages.
En Amérique, on parle parfois de - culture atlantique - pour exprimer le fait que New York regarde l'Europe et que l'Europe regarde l'Amérique. Cette forme de culture se manifeste dans la très grande majorité des réseaux publicitaires. Nés A New York, ils ont accomné, et quelquefois précédé, leurs clients, en commenA§ant toujours par l'Europe. C'est également vrai pour TBWA, mais A une nuance près, une nuance de taille. Notre plus grande agence, et de loin, se trou A Los Angeles. Regardant la mer, nos collaborateurs songent surtout A la Chine et au Japon. Pour eux, cette attraction est d'autant plus forte que Sony et Nissan comptent parmi les clients les plus importants de cette agence.
Est-ce déjA une culture ? En tout cas une force, une attraction, une polarité - pacifique - a pris une ampleur A la fois réelle et symbolique forte dans le réseau. Cela se traduit par des réunions, des échanges d'idées, des camnes imaginées en commun. De multiples ponts culturels sont ainsi jetés d'un continent A un autre. Entre l'Asie et l'Amérique autant qu'entre l'Europe et l'Asie. Je ressens chaque jour cet étirement du réseau. Son centre de gravite n'est pas le mASme que celui de nos concurrents. Il est plus en ligne ac le monde tel qu'il se présente A nous aujourd'hui. Il autorise, mieux, il encourage une bien plus grande dirsité.
Je souhaite que TBWA devienne l'une des entreprises les plus métissées, le lieu de tous les brassages. C'est une des conditions pour faire de notre réseau ce qui arri de plus intéressant dans ce métier.
Comme le disait Philippe Michel, l'un de mes plus brillants confrères, - le talent, c'est le talent de l'autre -.