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MARKETING

Le marketing, parfois traduit en mercatique, est une discipline de la gestion qui cherche à déterminer les offres de biens, de services ou d'idées en fonction des attitudes et de la motivation des consommateurs, du public ou de la société en général. Il favorise leur commercialisation (ou leur diffusion pour des activités non lucratives). Il comporte un ensemble de méthodes et de moyens dont dispose une organisation pour s'adapter aux publics auxquels elle s'intéresse, leur offrir des satisfactions si possible répétitives et durables. Il suscite donc par son aspect créatif des innovations sources de croissance d'activité. Ainsi l'ensemble des actions menées par l'organisation peut prévoir, influencer et satisfaire les besoins du consommateur et adapter ses produits ainsi que sa politique commerciale aux besoins cernés.


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Lea§on de pub sous les lambris

Quelques minutes après Juliette, Estelle fut introduite dans le Salon des portraits, après avoir dépassé la volée de marches qui conduit du stibule d'honneur A  l'étage présidentiel, et trarsé de nombreuses pièces toutes somptueusement décorées, surchargées de dorures et de moulures impressionnantes. Le mobilier moderne de bois clair la rassura plutôt et elle se félicita d'AStre en pantalon, car le bureau du Président ne comportait pas de le de réunion (- ça me permettra de décroiser les jambes -, pensa-t-elle). D'ailleurs, le Président, qui avait accueilli la jeune femme par des excuses pour avoir ainsi monté cet enlèment matinal ac la complicité de sa tante Claire, la mit rapidement A  l'aise en annonA§ant tout de go : - Ici, la règle, c'est que chacun parle et puisse m'interrompre. Sinon, cela ne sert A  rien. - Il lui proposa sans faA§on une tasse de café, ce qui acheva de la détendre. Outre Claire, qui lui avait fait la bise, la présence de Juliette et d'Aurélien, que le président lui avait familièrement présentés en leur mettant la main sur l'épaule avant de convier tout le monde A  s'asseoir sans préséance, la convainquit enfin qu'elle n'avait pas été attirée dans un traquenard en forme de grand oral.
Sans ambages, le Président expliqua aux deux jeunes femmes qu'il souhaitait avant tout comprendre A  quoi tenait ce - coup de Calgon - d'un secteur où l'on n'avait jamais entendu dire que les gens y étaient malheureux, au contraire, cette profession était riche !
' Aurélien, précisa-t-il, m'a brossé avant que vous n'arriviez toutes deux, un leau très complet sur le poids économique de la pub (- Sarko ne fait pas de chichis sur le vocabulaire ! s'amusa Estelle. Il est vraiment cool -), mais je ne comprends pas bien que des tensions puissent surgir A  ce point dans une profession où, j'ai l'impression, tout le monde connait tout le monde bien mieux qu'ailleurs. Donc, j'imagine que la concertation devrait encore mieux y fonctionner.
' C'est vrai que le monde des agences et celui des annonceurs est un peu un microcosme, mASme si ce n'est pas un monde fermé, monsieur le Président, s'enhardit Estelle, mais c'est peut-AStre en raison de cela, les uns et les autres ayant déloppé une telle dépendance réciproque et pris de telles habitudes, mauvaises parfois, qu'il est très difficile de renir dessus.
' Pourtant, je connais beaucoup de chefs d'entreprise, y compris dans des agences de publicité ou des groupes de communication, et jamais personne n'a évoqué un quelconque blocage devant moi, alors qu'ils me sant tout A  fait intéressé, et mASme plutôt bien formé, ajouta Nicolas Sarkozy ac un petit sourire faussement modeste, A  ces techniques de la communication.
Estelle comprit que le Président cherchait A  en savoir davantage sur les raisons du malaise plutôt que sur l'organisation de la profession. Elle choisit aussitôt de s'appuyer sur les études auxquelles elle collaborait depuis peu et qui contenaient beaucoup d'éléments d'explication, sinon de réponses évidentes. Toutes exprimaient un immense sentiment de frustration de la part des agences et elle se demanda comment résumer la situation au Président.
' Je dirais que les problèmes relènt de deux ordres, monsieur le Président : des relations d'une part, qui ne sont pas toujours idéales, et des instruments de mesure des prestations, d'autre part, qui sont ou qui devraient AStre une base objecti de rémunération et sur lesquels peu de monde est d'accord. C'est particulièrement le cas pour la création.


' D'où des récriminations?

' C'est exactement cela. Sur le des relations, les agences estiment AStre largement pressurées par leurs clients pour apporter toujours plus de créativité. Le problème est qu'elles passent énormément de temps A  concevoir leurs camnes ou leurs recommandations stratégiques. Et si elles travaillent pour une grosse PME, elles trount mASme parfois qu'elles se substituent A  la déficience ou A  l'indisponibilité du service marketing de leur client, sans en avoir la contrepartie au de la rémunération. La rotation dans les équipes marketing est d'environ deux ans. Difficile dans ce contexte d'élir des relations de long terme. Un directeur marketing arri ac sa personnalité, sa vision et les changements de cap sont fréquents. En fait, ce sont sount les agences qui détiennent l'historique, mais elles ne parviennent pas A  facturer et valoriser cette prestation. De manière très paradoxale, alors qu'on perA§oit une reprise en main du pilotage des s de communication par beaucoup d'entreprises annonceurs, ayant désinsti dans l'humain celles-ci demandent énormément A  leurs prestataires. Les seniors n'y sont pas assez nombreux et les juniors jouent un jeu ambigu dans un rapport maitre/ escla se reposant énormément sur des agences auxquelles ils demandent toujours plus, mASme si A§a n'est pas compris, ou suffisamment clair, dans les contrats initiaux. Ils agissent comme de vériles chronophages enrs elles. Ajoutez A  cela que les entreprises vont parfois A  la bataille en ordre dispersé. Elles bougent beaucoup en interne, leurs organisations sont sount éclatées et cela ne facilite pas le travail des agences. Des interlocuteurs non pérennes peunt AStre amenés A  signer des contrats pérennes, qu'ils ne suivront pas. Les strates hiérarchiques et les niaux de décision s'empilent, alors que ceux d'une agence sont plus sles et concentrés, mASme si la montée des stagiaires, pour raisons d'économies, mais ce secteur n'est pas le seul A  appliquer cette méthode, amène A  une baisse de la qualité, notamment au niau des livrables.


' Des quoi ?

' Pardon, les livrables sont toutes les actions quotidiennes qu'une agence doit produire pour aboutir A  ce que vous voyez A  la télévision, dans la presse ou sur tout support de communication et qui parfois ne sont pas A  la hauteur des attentes des annonceurs. Les entreprises annonceurs, donc, ont appris A  travailler ac d'autres structures de conseil, comme les grands cabinets anglo-saxons, dont les méthodes de travail et de facturation sont très rigoureuses, ce qui fait qu'A  leurs yeux, A  tort ou A  raison, les agences paraissent trop laxistes ou trop opaques.
' Ce ne sont pas de mauvaises pratiques, pour autant. C'est plus une question d'organisation. Chacun doit s'adapter.
' Vous az raison, monsieur le Président, mais l'incompréhension est sount plus profonde. On constate ainsi que beaucoup de ces entreprises, particulièrement les directions marketing et commerciales, sont soumises A  une forte pression qui les limite dans leurs stratégies de communication. Il y a la concurrence des économies émergentes qui les tétanise et les pousse A  border la voile et A  opter pour les actions de communication dites de court terme. Celles-ci peunt avoir un effet sur le chiffre d'affaires, donc le résultat d'exploitation, mais elles ne construisent pas l'anir. En nant, j'ai entendu dans la voiture une interview exceptionnelle du président de Publicis. Il disait que les patrons d'entreprise devraient utiliser la publicité comme une arme de combat. Ils sont soumis A  une forte pression boursière et cette pression est telle que la peur du risque a fini par prendre le dessus. Leurs objectifs de communication s'orientent en conséquence davantage rs les publics financiers, qui n'ont qu'une vision de renilité A  court terme, ac cette espèce de loi non écrite du retour sur instissement A  15 %, alors que c'est d'abord les liens ac leurs entreprises et leurs clients qui sont des points essentiels qu'ils devraient renforcer. La résultante de tout cela est que le pouvoir de prescription des agences s'est beaucoup affaibli. Les clients sont denus dirigistes allant jusqu'A  intemaliser des fonctions qui hier étaient la force de celles-ci, comme le conseil stratégique et l'un des risques majeurs est que la création s'affadisse, donc qu'elle perde sa valeur intrinsèque. Pourtant les grands perdants dans un tel scénario, ce seraient eux, les annonceurs, leurs clients n'étant pas dupes et le risque de désaffection pour les marques denant, A  cet instant, réel. C'est un cercle vicieux. Les patrons ne sont pas suffisamment en phase ac leurs agences. Un P-DG passera, par exemple, un temps fou sur le choix d'un nouau logo pour son entreprise ou sa marque au détriment de la publicité. Sount, aussi, il ne fera pas suffisamment appel A  toutes les autres disciplines qui pourtant font partie d'un tout. La culture des entreprises franA§aises, leurs habitudes de travail, l'organisation et le fonctionnement en silo de beaucoup d'entre elles, les empASchent d'avoir une vision A  3600 des actions A  mener pour promouvoir leurs marques ou leurs produits. Elles se print ainsi d'exploiter tous les canaux qui pourraient les reliera leurs clients.
Juliette, qui jusqu'A  présent n'était pas internue, jugea qu'elle pouvait apporter sa contribution au débat A  ce point de la conrsation. Ce qu'elle entendait de la bouche d'Estelle ne la surprenait pas trop, mais elle ne tenait pas A  internir sur le mASme registre, sous peine de faire doublon, d'autant qu'elle connaissait certainement moins bien la situation en France. Aussi préféra-t-elle orienter son propos rs le contexte international du sujet - pourquoi pas vu de la Chine ? - ce qui ne manquerait pas d'intéresser le Président et viendrait compléter la vision hexagonale du problème tel qu'il lui était présenté. Tout aussi impressionnée que sa voisine de discussion par le côté absolument extraordinaire de cette réunion impromptue autant que matinale ac le chef de l'état, elle avait été rapidement conquise par son attitude A  la fois simple et chaleureuse.
' Oui, Juliette, dites-nous ce que vous en pensez. ça doit vous paraitre très loin, tout cela, vu de Shanghai. Mais c'est A  qui, dans ces groupes publicitaires, excipera du réseau le plus mondial, global, comme ils disent, des budgets les plus internationaux. Alors, je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'ils vont nous coller une grè, ici en France, alors qu'ils sont soi-disant partout. Ils s'en ulent A  eux-mASmes ou quoi ? Comment voyez-vous les choses, vous qui nez de reprendre contact ac la réalité hexagonale ?
' Ce qui m'a frappée, monsieur le Président, c'est le décalage dans lequel se trou bon nombre d'entreprises franA§aises, et pas uniquement celles de la publicité, face A  l'accélération de la mixité mondiale. On ne peut plus raisonner en termes de publicité franA§aise uniquement, dès lors que la quasi-totalité des marques présentes sur le marché hexagonal le sont aussi, A  des degrés dirs, sur d'autres marchés, certaines A  l'échelle mondiale. Cette mixité touche donc aussi bien leurs collaborateurs, que leurs modes de fonctionnement, leurs marchés, leurs fournisseurs, a fortiori si ceux-ci sont en Chine ou en Inde. On ne peut plus dormir A  Paris A  l'heure où les marchés explosent en Asie. Surtout si on ne travaille que trente-cinq heures.
Le Président leva les yeux au ciel. Heureusement, cet épisode était derrière lui !
' je le dis au propre comme au uré, car c'est comme cela que A§a se passe. Il ne peut plus y avoir de décalage horaire, exactement comme sur les marchés financiers. C'est du continu, du temps réel en permanence. Mais cette mixité touche aussi les consommateurs : elle est sociologique, ethnique, temporelle, spatiale. Les gens bougent, voyagent, émigrent, les carrières sont internationales, la culture l'est aussi. Tout est moument. On travaille où l'on se trou. Ac votre ordinateur, vous pouz vous trour n'importe où et votre bureau est purement virtuel. Pourtant, vous AStes relié au monde entier. Un peu comme si l'espace-temps était déformable A  l'infini. Mais en France, on a l'impression que les outils et les méthodes du marketing, de la publicité, le fonctionnement des entreprises en général, qu'Estelle vient d'évoquer, ac leurs silos, leur conformisme, vint encore sur d'anciens paradigmes, sur des schémas où tout était clair, c'est-A -dire é : des classes sociologiques, donc des classes de consommateurs, donc des habitudes de consommation, etc., toutes bien délimitées. Depuis cinquante ans, nous avons vécu dans un unirs de la publicité de masse, comme l'indique bien ce mot de mass média. Or les patrons franA§ais peunt-ils ignorer que leurs politiques de marques doint fonctionner différemment, dans un monde où tout bouge en temps réel, où on ne peut justement plus raisonner en termes de masse et où le risque majeur est d'AStre observateur et non pilote ? Les Anglo-Saxons l'expriment par une bonne formule : think global, act local, c'est-A -dire - pensez au niau mondial et agissez au niau local -. Mais aujourd'hui, cela va encore plus loin. C'est aussi, - pensez individuel - ! Parce que dans un monde où cette mixité est générale et ne cesse de prendre de l'ampleur, où le nomadisme des objets comme des comportements devient la règle, toujours en temps réel, ac une remise en cause complète des habitudes de consommation, c'est précisément au niau du consommateur individuel qu'il vous faut agir. Et cela, je dirais, en le suivant presque A  la trace heure par heure.
Nicolas Sarkozy était impressionné. Le sounir de son écran plat allumé A  l'aube le ramena cependant A  une vision plus apaisée des choses. Cette charmante Juliette était probablement un peu exaltée, emportée qu'elle était par sa démonstration.
- Mais pourtant, je ne vois pas que la publicité a changé. Quand j'allume ce poste, fit-il en montrant l'écran plasma par la porte de son bureau, entre les deux portes-fenAStres, j'y vois toujours autant de matraquage A  coups de spots qui sont toujours les mASmes. Du moins jusqu'A  ce matin.
' Vous saz bien que nous sommes entrés dans une noulle ère, monsieur le Président. Ac l'Internet, ac le téléphone gratuit sur ordinateur, ac les blogs, les pod-casts.


' Les quoi ?

Nicolas Sarkozy ne put s'empAScher de rire de sa petite provocation. Lui revint en mémoire le fameux épisode du - mulot -, lorsque les médias avaient décourt ac délectation que Jacques Chirac, se faisant présenter le matériel informatique de la noulle bibliothèque FranA§ois-Mitterrand, A  Paris, ne connaissait ni le terme ni l'usage de la - souris-. L'éloigne-ment élyséen était apparu ce jour-lA  dans toute sa splendeur aux nombreux témoins de l'étonnement présidentiel. Il précisa aussitôt qu'il n'était pas ignorant A  ce point, que sa femme lui avait offert lors de la sortie de son dernier album un iPod dernier cri et se promit de ne pas récidir ce genre de - blague A  deux balles - pour ne pas froisser la jeune femme.
Le Président relanA§a donc la discussion ac un bon sourire engageant, histoire de ne pas interrompre une si convaincante démonstration.
' Mais expliquez-moi, Juliette, comment feront les entreprises pour résoudre cette quadrature du cercle : toucher chaque client ac de la grosse artillerie ?
' Elles ont justement un gra problème, monsieur le Président, répondit Juliette, soulagée par le ton anant. Comme tout est interconnecté, tout s'est également complexifié. En fait, pas mal d'entreprises ont du mal A  s'adapter. DéjA , sur le de leur organisation, elles sont en retard d'un métro, si je puis me permettre. Elles sont en face d'une problématique très complexe. Pour la plupart, elles doint gérer un marketing client ac l'œil rivé sur le chiffre d'affaires tout en gérant un marketing de marque en fonction des valeurs de l'entreprise. Mais, sount, elles le pilotent mal, uniquement parce qu'il n'y a pas de coordinateur en interne pour des raisons de lutte de pouvoir. La gestion du client a été la panacée sur les dernières années, mais trop sount au détriment de la marque elle-mASme. Je vais AStre un peu outrancière, mais elles sont sount inconstantes, elles réagissent trop sount A  des phénomènes de mode, Internet et tous les nouaux médias interactifs en sont un bon exemple ; elles sont A  la fois timorées et brouillonnes et, en plus, elles en ulent aux agences. Mais quand on est grand ou petit, obèse ou maigre, noir ou jaune, on accepte désormais de moins en moins que la publicité s'adresse A  tout le monde et pas A  soi en particulier. Il est sûr que le déloppement d'Internet, celui du téléphone mobile, les journaux citoyens, les heu les pod-casts (- Mince ! - se dit-elle intérieurement.), les forums de discussion ont changé la donne parce que tous les messages des entreprises, leurs publicités, la qualité de leurs produits, tout passe A  la moulinette d'outils que chacun peut s'approprier. On prend, on ne prend pas, comme A  la télé. Si A§a ne vous plait pas, vous zappez. Et en plus, vous az un droit de réponse, et surtout de critique, que l'entreprise est dans l'incapacité totale de gérer. Résultat, un bon blog peut descendre en flammes une mauvaise publicité ou, mieux, un mauvais produit, mASme si la publicité est bonne. Et cela ne pardonne pas. Les consommateurs possèdent désormais une redoule arme de contre-pouvoir. Et pourtant, la force de frappe des grands médias est réelle, mASme si d'aucuns la disent fortement menacée. Comme nous l'avons déjA  évoqué, ce sont les entreprises, leurs marques, leurs valeurs perA§ues qui sont le phare, le repère dans le maquis des offres. Finalement, c'est très compliqué, car on est passé en peu de temps d'une logique de communication qui était cartésienne, un message diffusé par un canal, A  une logique systémique, où tout est interconnecté.
' Donc, les marques sont très désilisées.
' C'est tout leur problème, monsieur le Président, particulièrement pour les plus grandes d'entre elles. Leur légitimité, leur impérialisme historique n'a plus court. Elles doint désormais démontrer en quoi elles sont supérieures. Et comme le consommateur ne se laisse plus convaincre si facilement, il peut se réfugier dans le low cost pardon dans les marques A  prix réduit. On peut très bien commander une glace chez HA agen-Dazs et acheter ses yaourts chez Leader Price.
Cependant, s'il percevait mieux A  présent cette complexité qui s'était déloppée dans un monde où tout s'accélérait trop vite et que lui décrivait si bien Juliette, il aurait bien aimé savoir pourquoi, en France, le problème prenait une dimension si aiguA« ac cette foutue grè. Compte tenu de l'évolution des technologies, du métissage des grandes entreprises denues mondiales, où l'intelligence en réseau permettait de délopper toujours plus rapidement les savoir-faire, l'armement, l'industrie automobile, le déloppement des énergies noulles, tous ces mondes étaient aussi confrontés A  une accélération fulgurante. Ce n'était pas pour cela qu'ils se mettaient en grè ! Ah oui ! Juliette avait évoqué la rémunération. Pour ce qu'il en savait, ces gens de la pub n'étaient pas A  plaindre. Qu'en était-il exactement ?
' Avant que vous n'arriviez, Aurélien m'a é ce monde de la publicité A  une industrie. Alors expliquez-moi pourquoi ils n'arrint pas A  facturer les choses correctement, comme le ferait tout bon industriel. ça ne doit quand mASme pas AStre sorcier de définir une rémunération avant de démarrer un travail. C'est comme un projet d'architecte. Vous saz sur quoi vous vous embarquez, abstraction faite des dépassements de devis ; mais A§a, c'est sount une question de mauvaise gestion, particulièrement dans notre administration, et j'en parle en connaissance de cause.
' C'est vrai que c'est un peu comme un concours d'architecte, monsieur le Président, répondit Estelle, que la controrse animait. Sauf que la présentation d'une belle maquette devant la direction générale n'est que la partie visible de l'iceberg. Avant, il y a des semaines de travail. Il a d'abord fallu digérer toute l'analyse marketing de l'annonceur dans laquelle celui-ci te le décor le plus complet possible pour le positionnement de son produit, que ce soit face A  la concurrence, mais également par rapport aux besoins et aux attentes du segment de clientèle envisagé, ou encore en fonction du mode de distribution, etc. S'imbiber de tout cela n'est pas neutre, d'autant que A§a constitue la feuille de route des créatifs ou des média ners1.
Aurelien reprit la balle au bond, rendu presque jaloux par les brillantes démonstrations des deux visiteuses de la matinée.
' Le problème, monsieur le Président, c'est qu'il n'y a pas un, mais cinquante modes de rémunération. Avant la loi Sapin, les choses étaient claires ; les agences se rémunéraient sur la fameuse commission de 15 % sur l'achat d'espaces. C'est ce qui rémunérait la valeur de leur création et une agence, si sa camne était reconduite sur plusieurs années, y trouvait largement son compte. Mais la loi a cassé tout cela pour apporter davantage de transparence dans un système qui avait donné lieu A  beaucoup d'abus. Aujourd'hui, en revanche, les agences n'y trount plus leur compte car elles estiment que leur travail et leurs créations ne sont pas rémunérées A  leur juste mesure. Alors, tous les moyens sont bons mais aucun n'est satisfaisant. ' Il y affectiment un désaccord profond sur la définition mASme de la rémunération, ajouta Estelle. Et ce qui est paradoxal, c'est que nos enquAStes montrent que tout le monde est A  peu près d'accord pour reconnaitre qu'il y a problème ! C'est avant tout sur l'aspect de la rémunération de la création que les choses achoppent. Quand une agence répond A  une compétition, A§a coûte extraordinaire-ment cher. Et A  supposer qu'elle gagne, avant d'amortir ses frais de compétition, il faut quasiment une bonne année de coopération ac l'annonceur, et cette collaboration ne devient intéressante qu'A  partir de la deuxième année. Après, cela dépend des budgets. Mais A  nouau, monsieur le Président, c'est un peu comme l'architecte qui a remporté son concours. Il a ndu son projet et puis, derrière, il doit réaliser tous les s d'exécution et suivre le déroulement des travaux ac tous les corps de métier. Mais sur quoi est-il payé réellement ? Sur la qualité intrinsèque de son projet, donc sur sa créativité ? Sur du temps passé? Ou plus simplement sur le bon achèment des travaux, car, finalement, c'est bien A§a qui intéresse le client ? Dans tout cela, on a l'impression que si les annonceurs se rendent compte qu'il y a eu un travail de création, ils n'en reconnaissent pas la valeur ajoutée. Alors que c'est bien celle-ci qui va leur créer de la richesse. Et encore, A§a n'est pas systématique qu'ils uillent bien admettre ce travail de création. Certains voudraient mASme le réduire uniquement A  du temps passé. Comme si on pouvait chronométrer la gestation d'une bonne idée par rapport A  une mauvaise ! En fait, A§a résume tout. Ils ne ulent tout simplement pas rémunérer l'idée. De toute faA§on, juger une création est certainement très difficile. La preu, c'est que personne ne s'accorde sur la manière de la faire. On est A  la fois dans le qualitatif et dans le quantitatif. La création de l'agence peut paraitre très bonne au client et la camne se révéler un désastre, et inrsement. Si vous me permettez l'expression, monsieur le Président, A§a ne peut pas AStre qu'une - note de gueule - ! Un peu comme si un P-DG disait A  son agence : - Ma femme m'a dit qu'elle n'aime pas la blonde dans votre dernier spot, alors cette année, je ne vous récompenserai pas. -
Nicolas Sarkozy éclata de rire. La démonstration imagée d'Estelle lui faisait parfaitement comprendre la difficulté du problème. Mais quelque chose lui semblait clocher dans ce raisonnement.
' Attendez, je ne comprends pas. C'est certainement très difficile de s'entendre sur la valeur d'une création, c'est parfaitement subjectif. Si A§a n'est pas une - note de gueule -, comme vous disiez très justement, A§a y ressemble furieusement. Moi, je vois un élément très simple A  prendre en compte : c'est le résultat. Mon conseil en corn' est bon, je suis élu. Il est mauvais, je suis battu ! Et lui, fit-il en se tournant ac un œil noir rs Franck Louvrier qui n'avait pas ourt la bouche depuis le début de cet échange mené A  batons rompus, il est au chômdu ! J'exagère, mais


Cette fois-ci, c'est Estelle qui éclata de rire.

' Les uns et les autres y ont bien pensé, monsieur le Président, mais le système n'a pas été adopté par tous et surtout il ne fait pas l'unanimité quant A  son mode de calcul. Mais enfin, il a le mérite d'exister. C'est ['incenti, c'est-A -dire une prime qui
A€ cet instant, Aurélien crut bon d'internir. Le coup de l'architecte lui paraissait AStre en mesure de rrouiller la démonstration dans l'esprit du Président.
' Si vous me permettez, monsieur le Président, je crois que la aison d'Estelle ac l'architecte illustre bien le problème. Cette notion d'incenti, de prime au mérite pourrait-on dire, si elle est mal définie, peut se révéler parfaitement abusi. Un peu comme si on demandait A  cet architecte de garantir le bonheur des gens dans les logements qu'il a construits et qu'on le rémunère en fonction de A§a. A€ ce tarif-lA , en allant plus loin, on peut considérer que la crise des banlieues est uniquement due A  la conception des cités, en faisant fi de tout le reste ! Vous comprenez. -
Le Président ne comprenait que trop bien et il fit une moue qui aurait pu paraitre d'acquiescement, ce dont Aurélien ne fut pas sûr du tout, regrettant immédiatement de s'AStre anturé sur un terrain hautement sensible, les banlieues, qui ne cessait d'empoisonner le débat politique. Il jugea prudent de ne rien ajouter et de laisser Estelle reprendre le fil de sa démonstration en se reculant ostensiblement contre son dossier. Nicolas Sarkozy se retourna rs la jeune femme : - Pourtant, il devrait bien y avoir moyen que tout le monde s'entende en définissant quelques critères. -
Juliette intervint A  son tour, sa propre expérience lui permettant de compléter la démonstration.
' A€ ce que vous décrit Estelle, monsieur le Président, on peut rajouter la dimension internationale, lorsqu'une création est exploitée dans plusieurs marchés et qu'elle utilise A  la fois la pub, le marketing direct, Internet, les relations publiques, etc. Face A  une telle batterie d'actions, on ne sait pas mesurer la contribution globale d'une stratégie de communication A  la performance finale. Alors, le faire pour plusieurs pays, vous imaginez.
' Finalement, cette commission des 15 % avait du bon.
' Dans l'absolu, sans aucun doute, monsieur le Président, répondit Estelle, et la loi Sapin, comme l'a dit très justement Aurélien a cassé le système. Mais ce sont les abus de la profession elle-mASme qui l'ont condamné. Seulement le problème n'est pas résolu. Aujourd'hui, les agences se trount contraintes A  la transparence, certes, mais comme elles donnent le détail de leur activité, elles ont beaucoup de mal A  justifier de la valeur d'une idée face A  des annonceurs qui préfèrent des feuilles d'heures comme justificatifs. Résultat, leurs honoraires ne sont absolument pas représentatifs de la valeur qu'elles génèrent pour leurs clients. Encore faut-il que cette valeur soit objectiment mesurable sur des critères admis par les deux parties. Et l'on revient A  la case - départ -. Cela pose en fait le problème des droits d'auteur. Je n'en suis pas spécialiste, mais j'ai compris que les annonceurs s'en exonéraient facilement. Et dans ce domaine, les annonceurs ont un peu un rôle totalitaire et dominateur. Un responsable d'agence m'a donné une bonne aison ac l'exemple de - La pie qui chante -. Un beau slogan, qui a peut-AStre été payé trois francs six sous A  un publicitaire A  l'époque. - Eh bien ! me disait-il, A§a fait combien de temps qu'elle chante, cette fameuse pie ? Plus d'un demi-siècle ! Et A§a profite A  qui ? Où ils sont, les droits d'auteur, dans tout A§a ? -
' Pourtant, les agences sont habituées, depuis le temps, A  travailler ac des entreprises. Vous leur faites porter le chapeau un peu systématiquement.
' Vous az entièrement raison, monsieur le Président. On ne peut pas se contenter de charger uniquement les entreprises. Les agences peunt également faire leur mea culpa car elles peinent A  reformater leur modèle et leur offre.
Le secrétaire général de l'Elysée passa la tASte par l'entrebaillement de la porte : - Monsieur le Président, annonA§a Claude Guéant, monsieur le Premier ministre est arrivé. - C'était la règle que les deux hommes dussent se rencontrer en tASte A  tASte pendant au moins une demi-heure avant le Conseil des ministres. Il fallait abréger. Ce qu'il retenait, c'est que ces histoires de rémunération et d'incentis étaient au cœur du conflit. Et A§a, il n'avait pas la baguette magique pour y remédier. Mais comme d'habitude, il le pressentait, on ne manquerait pas de se tourner rs l'état quand les négociations seraient bloquées. Décidément, les FranA§ais étaient indécrotles !
Ce triste constat fut immédiatement relayé par celui, beaucoup plus optimiste, que lui inspiraient ses interlocuteurs qui se levaient A  présent pour le saluer. Ces jeunes gens avaient tout compris. Cela valait largement tous les rapports qu'il n'avait d'ailleurs jamais eus sur le sujet et il se dit qu'il devrait bien reconduire la formule.
Un peu plus tard, il soupira en lui-mASme tandis qu'il pénétrait dans la salle du Conseil où se tenaient tous ses ministres. - Ils m'attendent et ils se demandent bien ce que je sais et ce que je vais bien pouvoir leur dire sur ce bordel qu'ils n'ont mASme pas vu nir. Ils ne vont pas AStre déA§us ! Quand je pense que pas un ne m'en a parlé. Tiens ! Dans le fond, A§a leur aurait fait du bien, A  certains, d'AStre rémunérés A  l'incenti. Quali et quanti ! Il faudra que j'en parle au ministère des Finances. - A cette pensée délicieusement méchante, il se sentit tout ragaillardi et dépassa en souriant l'huissier qui s'apprAStait A  refermer la double porte.



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