Les discours A l'interne rythment la vie de l'entreprise. Ils fournissent non seulement l'occasion de dresser des bilans, mais aussi permettent de relancer la machine, de montrer le chemin sur lequel s'engager, de redéfinir le projet collectif.
Depuis la fusion de TBWA et BDDP en 1998, j'en ai prononcé une dizaine, qui sont comme des bornes sur le chemin parcouru. Ce sont A la fois des discours distanciés, dans lesquels je dispense mes visions du métier ou de l'agence, et des harangues, comme en ferait un chef de nte pour mobiliser ses troupes.
Celui que j'ai fait A Madrid, en 2001, s'intitulait -A€ quoi ressemble le succès ? -. J'y expliquais en détail les rtus de notre modèle
économique et de notre mode d'organisation, soulignais la vigueur de notre produit créatif et précisais notre raison d'AStre : - Notre mission consiste A rendre nos
clients célèbres au trars des idées qu'ils décident d'incarner. Des idées elles-mASmes célèbres, qui peunt propulser leur entreprise en avant pour de nombreuses années. -
Je concluais en détaillant les dirs critères sur lesquels nous allions mesurer notre performance dans les cinq années A nir.
En mars 2003, A Los Angeles, j'ai prononcé le discours d'ourture d'une conférence qui se tenait quelques jours avant le début des hostilités en Irak. Je me souviens d'avoir souligné que toutes les nuances d'opinion se trouvaient dans la salle, que chaque partie du monde était représentée et que nous savions tous que le chemin rs un monde en paix commenA§ait par la compréhension des autres cultures. J'ajoutai : - C'est ce qu'on appelle la tolérance. - J'ai ensuite souhaité la biennue A tout le monde dans la seule ville du monde où il existe un musée de la tolérance. Stanislas de Quercize, l'ancien patron de Cartier A New York, m'avait donné l'adresse, West Pico Boulevard.
Ce jour-lA , le thème de mon interntion était : - A€ la bonne place au bon moment. - Nous sortions de deux années d'environnement économique douloureux. Nous avions travaillé pour le futur pendant ces années, nous avions continué A instir. Je me souviens de la fameuse phrase de Sam Walton, le fondateur de Wal Mart : - La récession ? J'ai décidé de ne pas y participer. - J'étais renu sur ce que nous avions accompli, comme pour gager que nous allions sortir renforcés de ces années difficiles, et avais conclu en disant : - Nous constituons un réseau qui se singularise de plus en plus, ac une personnalité unifiée et une culture différente. Mon objectif est que vous puissiez dire A vos parents ou A vos amis, lorsqu'ils vous posent des questions sur TBWA, que c'est une entreprise vraiment A part. Dans quelques années, quand vous regarderez derrière vous et que vous repenserez A la période passée chez nous, vous vous direz : "J'étais au bon endroit au bon moment." -
Il faut savoir sacrifier A l'enthousiasme de ce genre de réunions. Ces envolées sont fondées, car elles contiennent une part de vérité : notre ambition est de faire de TBWA l'un des endroits les plus intéressants de notre industrie. Et nous sommes en ordre de bataille.
Nous avons commencé par une reprise d'initiati en amont, sur le stratégique. Ce fut la disruption. Puis nous avons innté, creusé, approfondi nos savoir-faire et avons affûté nos capacités dans cinq domaines : l'organisation, l'intégration, les s d'action, le New Business et la communication interne.
Pour chacune de ces activités, nous nous sommes donné une ligne de conduite. Nous avons nos faA§ons de voir et nos faA§ons de faire. Pas toujours conformistes, elles résultent d'une série de partis pris.
Organisation
Vous travaillez chez Procter & Gamble, et vous arriz A la conclusion que la camne de
publicité franA§aise pour Pampers doit AStre changée. Mais qui va décider en fin de compte ? Le patron de la France ou celui de la
marque Pampers au niau mondial ? Le premier est intéressé au premier chef, puisque les décisions prises auront des conséquences directes sur son résultat financier. Mais comme il s'occupe de plusieurs dizaines de produits, des couches aux lessis, des produits de beauté aux parfums, il ne peut atteindre le niau d'expertise du second. Celui-ci, nourri de l'expérience accumulée dans une seule catégorie, mais dans une centaine de pays, a probablement un avis mieux étayé.
En réalité, la décision doit AStre prise conjointement, selon un système matriciel. Toutes les entreprises mondiales ont déloppé le leur, trouvant des équilibres différents entre le local et le global et définissant leur organisation en fonction de leur histoire, de leur culture et de leur secteur d'activité. H n'est pas possible d'y échapper, et celles qui prétendent le contraire se révèlent vite inefficaces.
Nous avons pour notre part éli une organisation très stricte. Nous avons gardé les directions régionales, inéviles. Nous avons ainsi des patrons pour l'Amérique, l'Asie, l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient. Parallèlement, nous avons renforcé l'autorité des patrons des budgets mondiaux. Les responsables Apple A Los Angeles, Nia A Hambourg ou Absolut A New York ont les pleins pouvoirs. Ils peunt décider de faire changer une
stratégie ou une camne A l'autre bout du monde. Ils peunt mASme exiger le remplacement du responsable local du budget. Le
management de ces clients mondiaux est de la sorte totalement centralisé, quitte A faire grincer des dents ici ou lA .
Tout cela reste classique. LA où nous nous distinguons, c'est dans notre faA§on de croiser les disciplines ac la géographie. Pour éclairer l'alternati et faire comprendre le choix qui est le nôtre, je cite sount un contre-exemple. Quand, dans les années soixante-dix, Lester Wunderman a accepté l'offre d'Ed Ney, le président de Young & Rubi-cam, consistant A faire de Wunderman la marque de
marketing direct de son groupe, il n'a posé qu'une condition : que Wunderman soit un centre de profit parallèle, séparé. Cette décision aboutira, trente ans plus tard, A une insuffisance de synergie et de clients partagés entre Young & Rubicam et Wunderman. Ce fut une erreur tragique.
Cette erreur a été répétée depuis par la quasi-totalité des réseaux de services de marketing, car ils se ulent tous autonomes A l'intérieur des grands holdings mondiaux. Les gens de marketing direct ulent rester ac les gens de marketing direct, les spécialistes de l'interactif ac les spécialistes de l'interactif, les créatifs d'agence ac les créatifs d'agence. On se comprend tellement mieux ainsi. Le problème est que l'on reste entre soi, en silos cloisonnés.
Nous avons retenu le système inrse, totalement décentralisé dès lors qu'il s'agit de la gestion des disciplines. Le patron de Tequila Paris, notre société de marketing direct, rapporte au patron du groupe France, et seulement indirectement au patron du réseau Tequila Monde. Pour nous, le succès de l'intégration repose sur une collaboration étroite, une familiarité entre les internants, bref sur la proximité. En définiti, la proximité prime sur la compétence.
Les systèmes matriciels croisent des intérASts non pas contradictoires, mais dirs et parfois dirgents. Le système McDonald's, par exemple, repose sur la tension positi engendrée par la collaboration entre une organisation mondiale, intéressée en priorité par le volume des ntes ' McDonald's se rémunère au pourcentage ', et des franchisés, pour lesquels le volume est moins important que la profiilité, autrement dit que le bénéfice qu'ils tirent A titre personnel de leur instissement. L'équilibre entre ces objectifs de nature différente maintient la cohésion de la structure.
D'ordinaire, plusieurs systèmes sont possibles. Il faut donc en choisir un, le plus sount en considérant les inconvénients qui paraissent les moins handicapants. Ensuite, il suffit de s'y tenir. Rien n'est plus coûteux, financièrement et commercialement, que les aller-retour, les tergirsations, les indécisions.
Nous sommes dans une position privilégiée pour obserr le comportement de nos clients et constater que beaucoup d'entre eux manquent de rigueur A cet égard. S'y ajoute parfois une volonté délibérée de tolérer, voire d'encourager, les ambiguïtés. Certains cultint les équivoques pour créer ce qu'ils appellent des - tensions saines -. Je ne crois A rien de tout cela.
C'est pourquoi nous avons mis en place un système tranché, centralisé dans la gestion des clients, mais décentralisé dans la gestion des disciplines. On peut en contester le bien-fondé, mais on ne peut en discuter la précision.
Intégration
Aujourd'hui, nos concurrents comme nous-mASmes sommes organisés en groupes, comprenant des sociétés spécialisées en marketing direct, relations publiques, événementiel, dirtissement et publicité. L'ensemble des internants sur le
marché de la communication ont adopté un modèle multidisciplinaire.
Nous comptons plus de vingt sociétés dans le seul groupe France, qui ont chacune leur spécialité. Notre agence de relations publiques - haut de gamme - organise des défilés de mode pour des marques prestigieuses, parmi lesquelles Christian Dior, Jean-Paul Gaultier, Ys Saint Laurent, Kenzo ou Louis Vuitton. Notre société d'édition publie chaque semaine l'équivalent de trois hebdomadaires généralistes grace aux deux cents journalistes qu'elle emploie. Notre structure - non lucrati - collabore quotidiennement ac plus de vingt ONG, tels les Petits Frères des pauvres, Médecins du monde ou la Croix-Rouge. Notre société d'édition électronique a mis au point un logiciel, que nous exportons dans le monde entier, qui permet, A partir des s de bureaux d'étude, de reproduire sur des catalogues des photos d'automobiles dont le premier modèle n'a pas encore été construit. Notre agence événementielle a mis en scène la célébration des cent ans du Tour de France sur les Champs-Elysées, installé une locomoti de TGV sur les trottoirs de Wall Street A l'occasion de l'introduction en Bourse d'Alstom et conA§u l'exposition Absolut Metropolis, qui fait le tour du monde des musées d'art moderne.
Le défi consiste A faire travailler ensemble, de faA§on harmonieuse, toutes ces sociétés spécialisées. Ac le temps, nous avons déployé plus qu'un savoir-faire en la matière, nous avons rédigé d'authentiques les de la loi. Dans une réunion A Séville, il y a cinq ans, le président du groupe France a présenté les dix commandements de l'intégration. Ces règles, qui participent de la culture de TBWA, ne doint souffrir aucune exception.
Première règle : le terme filiale est proscrit. Nous ne parlons que de - sociétés sœurs -, ou de sociétés associées. Deuxième règle : des représentants de toutes les disciplines impliquées assistent au briefing donné par le
client ; tout le monde doit AStre traité sur un pied d'égalité. Troisième règle : interdiction absolue de commissions croisées ou d'apports. Chacun doit aider l'autre en sachant que, dans la durée, les
aides et les apports d'affaires s'équilibreront. Si ce n'est pas le cas, cela dénote que l'une des sociétés n'est pas assez compétiti et qu'il est temps d'agir. Combien de fois des nouaux nus, transférés d'autres agences, m'ont demandé comment fonctionnait notre système de commissions d'apport entre sociétés du groupe ? Incrédules, ils pensaient chaque fois que je n'avais pas compris la question quand je les informais qu'il n'en existait pas dans notre organisation.
H y a ainsi six ou sept autres règles qui faA§onnent le caractère de notre groupe. L'idée sous-jacente est de renforcer la collaboration entre égaux. Cet engagement est aussi pris par la plupart de nos concurrents, mais il est battu en brèche tous les jours. Chez nous, une entorse aux règles constitue l'une des fautes les plus gras pour un de nos collaborateurs. L'harmonie repose sur un équilibre fragile.
Mais voici l'essentiel : les patrons de budgets ne sont pas obligés de travailler ac les sociétés du groupe. Tel directeur A l'agence peut choisir, pour un client donné, de travailler ac une société de marketing direct extérieure. Tel chargé de mission Corporate peut ne pas choisir notre agence de publicité pour réaliser sa camne. Ac le temps, tous apprendront bien sûr A s'apprécier et finiront par travailler ensemble, mais ils n'y seront pas forcés, gage de la meilleure efficacité. A€ ma connaissance, aucun autre groupe de publicité ne fonctionne suivant ces principes, A la fois ourts et contraignants.
Au mondial, notre groupe comprend sept activités, organisées sous forme de réseaux : TBWA (publicité). Tequila (marketing direct), Agency.com (interactif), Inte-ger (marketing du point de nte), E-Graphics (édition), Stream (dirtissement), The Disruption Consultancy (conseil). Pour des raisons historiques, le groupe s'appelle TBWA. Ce nom est désormais connu. Le fait qu'il soit celui de l'agence de publicité peut sembler en contradiction ac nos objectifs, mais le principe de réalité s'est imposé. Nous utilisons le nom le plus évident.
Plans d'action
Les livres de management américains traitant de la stratégie d'entreprise occupent des rayons entiers chez Barnes & Noble, A New York. Je les parcours parfois afin d'y glaner opinions et analyses sur des concepts tels que les - compétences clés -, la - raison d'AStre -, la - migration de la valeur -, etc. Je tombe sount sur des essais fumeux mais suis parfois séduit par le brio d'un auteur.
En fin de compte, je ne crois guère aux grands s stratégiques, A trois ans ou davantage. Il s'avère toujours dangereux d'écrire une stratégie A partir de prédictions. Je ne pense pas qu'il faille chercher A prévoir. Il faut plutôt se mettre en situation de répondre aux défis qui se présentent et AStre prompt A réagir.
C'est pourquoi nos s d'action sont différents de ceux des autres entreprises. Ds ne comportent aucun déloppement sur la stratégie, ni sur les objectifs. Ils ne comprennent que des taches A accomplir.
David Maister, un ancien professeur de Harvard, va dans le mASme sens quand il remarque : - Sur le personnel comme sur le professionnel, nous savons ce que nous avons A faire : perdre du poids, arrASter de fumer et faire plus de sport. Dans le monde des affaires, les s stratégiques sont également truffés d'objectifs trop bien connus : délopper la
relation client, créer un esprit d'équipe, proposer A chacun une carrière prometteuse. [] Pourtant, la plupart d'entre nous, individus ou entreprise, ne changent rien. -
Nourris de ce constat, nos s d'actions sont très concrets. Ils se condensent en ce que nous appelons un 15 Actions Plan. Chacun des cinq chapitres qui le composent ' - Produit créatif -, - Disruption -, - Connexions -, - Talents -, - Croissance organique - ' compte en moyenne trois actions. Le consiste A coucher sur le papier les quinze actions que
le management de chacune de nos agences s'engage A accomplir dans l'année. Il est revu chaque trimestre. Vous AStes, par exemple, le patron d'une société de marketing direct et vous n'az pas de numéro deux. En nombre, vous vous engagez A identifier et A recruter votre successeur. Si, en mars, vous n'az pas avancé, ce n'est pas trop gra. En juin, cela passe encore, mais, en septembre, vous AStes définitiment coupable.
Le 15 Actions Plan accélère les prises de décision d'un ou deux trimestres. Faites le compte : quinze actions multipliées par deux cent trente-huit sociétés, soit près de quatre mille décisions prises plus vite. Comment ne pas croire que cela ne génère pas au niau global au moins un ou deux points de croissance organique supplémentaires ?
New Business
Pour vivre, les agences doint gagner de nouaux budgets. Cette activité, connue sous le nom de New Business, déclenche des batailles homériques. Il n'y a qu'un vainqueur. Deuxième ou dernier, c'est pareil. Une agence qui arrirait éternellement deuxième serait A deux doigts d'AStre la meilleure du monde, mais elle ferait faillite.
Dans les présentations de New Business, vous az environ quatre-vingt-dix minutes pour convaincre, persuader et gagner. Ce sont les quatre-vingt-dix minutes les plus onéreuses que vous puissiez imaginer. L'instissement en temps et en argent nécessaire A leur préparation atteint des sommets. C'est une question de survie.
Au cours de ces réunions, nous devons mettre les autres participants hors jeu. La suffisance serait une erreur fatale ; nous ne pouvons nous permettre de sous-estimer nos adrsaires. La plupart du temps, l'un d'eux se révèle excellent, et nous ne gagnons que de - quelques centimètres -, pour reprendre les mots d'Al Pacino dans L'Enfer du dimanche. Dans ce film d'Olir Stone, l'acteur américain incarne Tony d'Amato, un entraineur charismatique de football américain. La causerie d'avant match se transforme en un moment d'anthologie. Adossé aux casiers du stiaire, Al Pacino s'enflamme et prononce le discours que tout entraineur rAS de faire un jour : - La vie est un jeu où l'on avance centimètre par centimètre. Il en va de mASme du football. Dans chacun de ces jeux, la vie ou le football, il n'y a pas de place pour la moindre marge d'erreur. La moitié d'un pas trop tôt ou trop tard, une demi-seconde de retard ou d'avance, et vous échouez. Chaque centimètre peut se gagner n'importe où, A chaque reprise de jeu, A chaque minute, A chaque seconde. -
J'ai participé A des centaines de réunions de New Business, ces grand-messes de la publicité. La tension y est toujours maximale. Des milliers d'heures de
travail ont été épuisées, des centaines de milliers d'euros dépensés. Le contenu a été discuté, disséqué, décortiqué des jours durant, et tout se joue sur une présentation, ou plutôt sur une représentation. Dès qu'il entre dans la salle de réunion, le prospect, c'est-A -dire le client potentiel, se transforme en spectateur. La dramaturgie ' le mot n'est pas excessif ' a été mise au point ac précision. Tout est théatralisé. On répète plusieurs fois, mais on ne joue qu'une fois. Dans notre métier, il n'y a que des générales. Dommage, certaines présentations mériteraient de rester une semaine A l'affiche.
J'aime la tension, l'angoisse de ces réunions. L'atmosphère est lourde, les sourires forcés. Par angoisse de mal faire, j'ai toujours appris par cœur mes interntions. Un jour, dans une compétition pour le budget des magasins du Printemps, j'ai dû retenir le nom d'une dizaine de créateurs que je ne connaissais pas Les aides visuelles, les fameuses charts, aujourd'hui des présentations PowerPoint, doint AStre impeccables. Une seule erreur, une seule faute d'orthographe risque de donner un sentiment de dernière minute qui entamera d'autant la confiance du spectateur. Tout se joue A de multiples petits détails.
Bertrand DelanoA« n'a peut-AStre jamais vu L'Enfer du dimanche, le film ac Al Pacino. La candidature d'une ville aux jeux Olympiques ressemble, A une échelle très différente, A une compétition d'agences. Il n'y a ni argent ni bronze, et seule compte la médaille d'or. On ne vient pas pour participer, mais pour gagner. La candidature de Paris est tombée dans la plupart des pièges que nous avons appris A connaitre : parler de soi plus que du prospect, refuser de voir en face ses éntuelles faiblesses, ne pas choisir les meilleurs présentateurs, rabacher ce qui est connu sans apporter de neuf et, surtout, prendre ses rASs pour des réalités, le pire ennemi du New Business.
Sans vouloir rien retirer au talent de Luc Besson, ni A la détermination d'Arnaud Lagardère, il faut admettre que la présentation était connue. Les FranA§ais ont été A la hauteur des attentes. Ni plus ni moins. Nous avons montré ce qui était attendu.
Un faisceau d'autres raisons expliquent cet échec. Quand, par exemple, j'ai appris que Sir Sébastian Coe avait confié la supervision du film de présentation A Michael J. Power, auparavant Global Business Services Officer chez Procter & Gamble, je me souviens avoir été inquiet. Les Anglais avaient probablement compris qu'il fallait éviter recueil de se parler A soi-mASme. De par son expérience, M. J. Power allait le leur rappeler.
Aux premiers rangs de la délégation franA§aise, on vit de nombreux représentants des autorités sportis et des pouvoirs publics, plus quelques sportifs. Du côté britannique, on ne vit que des sportifs. Paris parla de Paris, et Londres des jeux Olympiques. Al Pacino avait raison. Nous n'avons perdu que de deux centimètres, en l'occurrence de deux voix.
En fait, Paris était dans une position moins enviable qu'on ne le croyait. Dans l'esprit de tous, la - ville lumière - était en tASte. Dans ce genre de situation, on perd plus sount qu'on ne gagne. La raison en est simple. Soucieux de continuer A ler sur ses forces, on finit par ne plus surprendre, on n'innte rien de nouau. On n'étonne plus, on rabache, alors mASme que les concurrents, qui sant qu'ils sont en retard, jouent leur va-tout. Ils sont ainsi deux ou trois qui n'ont rien A perdre A prendre des risques. Le plus sount, l'un d'entre eux arri A renrser la tendance.
L'obsession de gagner doit guider toute tentati de New Business. Mieux vaut gagner en ayant tort que de perdre en ayant raison. Dans le premier cas, vous az plusieurs semaines ou mois pour corriger le tir. Dans le second, vous n'az pas de client, et vous ne vous consolerez jamais en ayant la certitude d'avoir eu raison. La seule certitude dans ce métier est qu'il n'y a rien de certain.
Cette faA§on de poser le problème ' avoir raison ou gagner ' n'a rien A voir ac le cynisme. En aucun cas je ne suggère qu'il faille gagner A tout prix, que tous les
moyens sont bons. L'histoire de notre agence illustre que nous avons toujours su où se trouvaient les limites.
Notre métier consiste A emmener nos clients plus loin, A leur faire découvrir les possibilités de la créativité et de l'ourture au risque. Certains y viennent lentement, d'autres en quelques réunions seulement. Aucun en une seule. Autrement dit, nous ne pouvons avoir la mASme attitude quand notre futur client n'est pas encore notre client. Nous devons adopter une posture différente, sount plus réservée. Dès que le contrat nous est attribué commence le travail en commun. Nos clients progressent ac nous, sur le mASme rythme.
Je me souviens d'une camne novatrice, proposée aux Magasins du Printemps, dont le thème était Rencontrer l'émotion. A€ l'époque, les grands magasins les plus dynamiques au monde étaient Seibu et Parco, A Tokyo. Nous avons disséqué leurs camnes de publicité pendant six mois, nous préparant plus ou moins consciemment A adopter un style publicitaire - A la japonaise -. Le comité de direction du Printemps acheta la camne A l'unanimité, après A peine quelques minutes de discussion. Pourtant, Bruno Vallée, qui en était le président A l'époque, et les autres directeurs n'étaient pas les moins conservateurs de nos clients. Simplement, nous avions fait le chemin ensemble, pendant six mois, ce qui est impossible en New Business.
Je ne crois plus A ces grand-messes au cours desquelles les agences ndent ac brio leurs camnes A des clients séduits, parfois mASme interloqués. La très grande majorité des camnes de l'agence, en particulier les plus créatis, n'auraient jamais pu exister sans nos clients. Non seulement parce qu'ils les ont achetées, mais surtout parce qu'elles n'auraient pu AStre conA§ues sans eux, leur réflexion, leurs intuitions, leurs commentaires, voire leurs idées.
En conséquence, notre parti pris, dès lors qu'il s'agit de New Business, consiste A accepter de faire ce qui n'est pas le mieux, afin de pouvoir le proposer plus tard. La camne pour l'iPod, la très célèbre camne qui montre des ombres de danseurs sur des A -plats de couleur, n'aurait jamais été acceptée dans une phase de New Business. Elle est d'une simplicité renrsante, ce qui parait toujours inquiétant A première vue.
Pour gagner, l'objectif est simple : rendre le choix d'une autre agence difficile, voire impossible, nous montrer incontournables. Dès notre première année, en 1984, alors chez BDDP, nous y étions parnus. Nous avions été les champions de France du New Business grace A Michelin, McDonald's et BMW. Pas mal pour une jeune et noulle agence. Nous avions déjA compris que le New Business est entièrement affaire de discipline et qu'il a peu A voir ac le talent. H requiert une approche A la fois exhausti et systématique.
Nous appliquions ce que nous avons appelé les - principes du New Business -. Nous nous sommes ensuite toujours interdit de déroger A cette liste de principes, qui ne cesse de s'enrichir et de s'affirmer au fil du temps.
D'abord, pour paraphraser le slogan de Head & Shoul-ders, - il n'y a pas de seconde chance pour faire une première impression -. Quand ils entrent dans nos bureaux, la première impression que les gens doint se faire est celle d'un lieu accueillant, amical, tout sauf un endroit sombre et mal tenu, où le prospect ne se sentirait pas biennu. Cela tombe sous le sens. Pourtant, combien d'agences manquent cette première marche ?
En parlant d'endroit mal tenu, me revient en mémoire une anecdote célèbre en Angleterre. Un prestigieux prospect ' il est le président d'une des plus grandes entreprises britanniques ' se présente A la réception d'une agence. Le bureau de la réceptionniste est vide. Le visiteur attend dix minutes avant qu'on vienne lui demander de faA§on peu amène ce qu'il fait lA . Entre-temps, il s'est assis sur un divan rapiécé, les pieds sur un tapis élimé. Au moment où, excédé, il s'apprASte A partir, le président de l'agence vient A lui. Conscient de l'agacement de son invité, puisqu'il avait lui-mASme prémédité toute cette mise en scène, il lui dit : - Désolé, Sir, je voulais juste vous faire ressentir ce que l'on vit lorsqu'on voyage sur vos lignes. - Le prospect était le président de British Rail, réputé A l'époque pour la médiocrité de son équipement et de ses services. L'agence gagna le budget.
Quelques semaines après la fusion entre TBWA et BDDP, j'ai participé A une réunion de préparation pour un New Business A New York. Le patron du déloppement du réseau, Laurie Coots, rappela devant moi A l'un de ses adjoints qu'il fallait respecter la règle d'- une réunion d'avance -. J'étais interloqué : c'était la première des règles que nous avions cherché A inculquer A nos collaborateurs depuis toujours. Laurie avait gardé en mémoire que, près de quinze ans auparavant, Jay Chiat m'avait invité A faire une présentation A ses troupes en Californie sur notre faA§on de conduire les compétitions de New Business. Nos taux de transformation étaient si élevés que notre réputation avait atteint Los Angeles. Laurie était une jeune assistante A l'époque. Dès le lendemain, elle avait fait siens nos principes, lesquels avaient résisté A l'usure du temps.
Pourquoi - une réunion d'avance - ? Pour prendre un temps d'avance dans les discussions ac nos prospects. Une compétition classique se déroule en trois temps. Le premier consiste A se présenter. La liste des agences participantes est ensuite réduite. De dix, il n'en reste que trois ou quatre, qui vont AStre briefées. Ce sera le deuxième temps, le troisième étant la présentation de l'agence. Un plus grand nombre de réunions peunt AStre prévues, mais le principe reste identique.
Supposons qu'il y ait trois réunions. A€ la première, celle où nous sommes censés nous présenter, notre habitude est de ne parler de nous que vingt pour cent du temps et d'en passer quatre-vingts pour cent A poser des questions A la société qui nous invite. MASme si chaque annonceur est persuadé que son problème est d'une grande complexité, il n'est jamais bien difficile de nir ac une liste de questions pertinentes. Cela produit un double effet : nous faire sélectionner pour le second tour et nous aider A nous former une idée de ce que sera le briefing.
En attendant la deuxième réunion, nous commenA§ons A travailler sur des
stratégies publicitaires, des concepts, voire des débuts d'idée de camne. Lors de la réunion, nos questions pourront de la sorte AStre orientées A partir du travail déjA accompli. Plutôt que d'AStre de simples compléments d'information, les réponses des prospects deviendront des révélateurs, qui éclaireront le terrain et nous donneront un aperA§u du bien-fondé de nos approches.
Nous avons ainsi un temps d'avance, par rapport A notre client comme par rapport A nos concurrents. C'est un avantage sount déterminant.
Sur le du contenu, nous suivons un principe essentiel, qui consiste A tenter de faire porter le choix des clients non sur l'idée de camne, mais en amont, sur la stratégie. Nos prospects visitent plusieurs agences et se voient présenter en tout dix A quinze camnes. Le choix se révèle toujours difficile. Les publicitaires ne sont pas infaillibles, mais, après avoir réalisé des centaines de camnes dont ils connaissent les résultats, ils ont un meilleur jugement que les prospects. Ce sont cependant ces derniers qui décident, sount pour des raisons discules, pour ne pas dire superficielles.
Si le jugement sur la création ne peut échapper A la subjectivité, l'évaluation des stratégies relè d'un ordre plus objectif. Une bonne démarche consiste donc A proposer une stratégie différente des autres et A la rendre incontournable. Si nous y parnons, la décision coupe court aux impondérables de la création. Je ne me défie en aucun cas de nos capacités créatis. Simplement, j'estime depuis toujours qu'il faut augmenter notre espérance de gain, au sens statistique du terme.
L'un de nos autres principes consiste A résister A la tentation de l'équité. Les gens les plus compétents pour préparer les présentations ne sont pas forcément les plus brillants pour les présenter. Comme le dit Nick Baum, le patron de notre réseau en Europe du Sud, grand spécialiste en la matière : - Rien ne permet de dire que Shakespeare était un bon acteur, ou encore moins que Richard Burton aurait pu écrire un Hamlet convaincant. Les décisions A prendre A ce sujet peunt paraitre injustes, voire brutales. Mais les gens doint comprendre que la présence A des réunions de New Business n'est pas une récompense. Il y a d'autres faA§ons de prendre acte de la qualité d'un travail. -
En trente ans de New Business, je n'ai jamais vu une répétition qui n'ait conduit A des améliorations majeures dans la présentation, telles que des changements de rythme, un rééquilibrage des arguments, voire une refonte totale. Il faut convaincre les participants de répéter - pour de bon -. Il faut A tout prix éviter les répétitions de dernière minute, les mises au point dans l'ascenseur. Nous avons parfois attendu tant d'années pour concourir, tant de personnes ont travaillé pendant tant de semaines, le plus sount jour et nuit, que l'improvisation de dernière minute s'apparente A un péché mortel.
Nous suivons comme cela plus d'une trentaine de principes. Nous savons que, si nous les appliquons tous A la lettre, notre taux de transformation dépassera cinquante pour cent. Dans le cas contraire, il peut vite s'approcher de zéro. Quand nous perdons, je sais le plus sount pourquoi. D'où la réputation d'intransigeance qui m'est parfois faite, ne me contentant pas d'une situation où quatre-vingt-dix pour cent des critères sont remplis.
- Le client a dit non, la nte commence. - Ce vieil adage des représentants de commerce reflète l'inconfort de l'acheteur. Il est toujours plus facile de refuser que d'accepter. L'acheteur se sent A la fois inquiet, menacé, exposé, sceptique, soucieux, suspicieux. Rien de bien positif. La plupart de nos principes ont pour effet, lorsqu'ils sont appliqués, de le mettre en confiance. Ainsi, je me bats toujours pour que nous présentions la création le plus tôt possible, alors que la plupart de mes confrères le font A la fin, comme une sorte d'apogée, de bouquet final. L'attente peut se révéler très inconforle.
- Méfiez-vous de ces présentations durant lesquelles vous passez plus d'une heure A expliquer A nos clients ce qu'ils vont voir, sans rien leur montrer pour autant, tout en affirmant que la camne proposée est formidable -, ai-je dit A mes collaborateurs. J'ajoutai : - Vous leur promettez beaucoup. Leur imagination s'envole. Et lorsqu'ils finiront par voir le résultat final, celui-ci sera très différent de ce qu'ils avaient imaginé. Pour éviter les mauvaises surprises, mieux vaut présenter la création tôt dans la réunion et expliquer les forces de la camne plutôt après qu'avant. -
Un jour, un prospect ne nous avait donné qu'une heure. Je me souviens d'avoir présenté la création au bout de seulement sept minutes. C'est un record personnel, si je puis dire. Tout le monde oublie cette règle élémentaire qu'il est plus facile de ndre un produit connu que l'inrse. Les arguments en faur d'une camne portent mieux quand on la connait. C'est une question de bon sens, lequel n'est pas la qualité la mieux partagée.
Et puis, pourquoi attendre ? Autant bannir ces réunions fastidieuses où l'on passe une demi-heure, voire une heure, A assommer nos clients de considérations prétendument intelligentes. Ces minutes interminables ne sernt en définiti qu'A rassurer ceux qui présentent. Cela leur donne l'illusion de prendre leur respiration avant de se jeter dans le grand bain. Mieux vaut plonger tout de suite.
Le New Business n'est pas seulement le souffle vital de l'agence, le facteur clé de sa croissance. C'est également un baromètre de sa compétitivité et, par voie de conséquence, de son moral. Le New Business agit en fait comme un miroir ; il nous renvoie une image parfois cruelle, mais toujours juste, de ce que nous sommes.
Bien sount, le gain d'un budget inaugure un temps nouau dans la vie de la marque concernée, en ce qu'il ouvre la voie A la créativité par un positionnement et une camne inédits. Budweiser ou Burger King en Amérique, Tesco ou John Smith en Angleterre, Adidas, PlayStation ou évian en France ont vécu des heures creuses, de grands passages A vide créatifs, avant de nous régaler ac des idées neus et inattendues.
Depuis vingt ans, des dizaines de collaborateurs de notre agence ont rejoint les concurrents, et la machine A photocopier a tourné A plein régime. Notre avance s'est réduite. Parfois, nous sommes battus sur notre propre terrain. Le risque est alors d'en conclure que, toutes choses égales par ailleurs, si tous les principes sont respectés A la lettre par l'ensemble des participants, seul le talent compte. Or ce n'est vrai que si vous vous appelez Philippe Michel ou Bill Bernbach. Mais ces derniers restent des exceptions. De plus, ce qui peut marcher pour un pays ' se fonder sur le talent d'un individu d'exception ' ne peut faire vivre tout un réseau.
Par conséquent, l'activité de New Business doit AStre placée au cœur de l'agence. Pour gagner, il ne faut rien laisser au hasard et ne pas oublier que - l'espoir n'a jamais été une stratégie -.
Certains disent qu'il faut de la chance en New Business. Napoléon ne disait-il pas qu'il voulait des - généraux chanceux - ? Je préfère néanmoins le point de vue de Gary Player, le champion de golf aux huit majeurs. Un journaliste l'interviewa après une victoire dans un tournoi du Grand Chelem au cours duquel Gary Player avait réussi plusieurs très longs putts sur les derniers trous. Le journaliste, après l'avoir félicité, ne résista pas A la tentation de lui dire qu'il avait eu de la chance, et il est vrai qu'il en faut pour réussir de très longs putts. Gary Player lui répondit ac sa r coutumière : - Vous az raison, j'ai eu de la chance. Mais c'est drôle, j'ai remarqué que, plus je m'entrainais, plus j'avais de chance. -
Communication interne
Dans beaucoup d'entreprises, le président ne s'adresse A ses collaborateurs qu'une fois par an, et encore de manière indirecte, dans l'introduction du rapport annuel. Cela renvoie A une conception de l'entreprise dépassée. Aujourd'hui, l'entreprise est un patrimoine en moument, aux acquis de plus en plus volatils et A la dynamique insle.
Il fallait un autre rythme. Afin de transmettre une culture née ailleurs mais qui allait s'imposer peu A peu dans le réseau dont j'ai pris la direction, j'ai décidé d'écrire une lettre hebdomadaire et de l'envoyer A chaque collaborateur. J'appelle cette lettre un mémo, bien qu'elle s'apparente davantage A un éditorial de journal.
Après mes trois ou quatre premiers mémos, alors que j'étais en visite A Paris, l'un des anciens de BDDP me suggéra d'arrASter. 11 ne me reconnaissait pas dans cette forme de communication, qui reflétait pour lui un paternalisme d'un autre age, teinté d'un américanisme de mauvais aloi. A€ moitié ébranlé, je persévérai malgré tout. Bien m'en prit, car ces courts textes, qu'on nomme désormais les Thursdays, d'après le jour où ils sont postés, ont contribué A créer l'esprit de corps qui est le nôtre aujourd'hui. Bs resserrent les mailles du réseau.
J'en ai écrit pas loin de trois cents, qui tous m'ont prodigué leur petite heure d'inquiétude chaque semaine. J'y aborde de multiples sujets, touchant au réseau, aux collaborateurs, aux clients, aux palmarès, etc.
En un feuillet, j'y parle du redressement de Nissan orchestré par Carlos Ghosn, des valeurs de transparence chez TBWA, du lien entre
la satisfaction des collaborateurs et celle des clients, de la vie de Jay Chiat, créateur de Chiat Day, des meilleurs livres de management de l'année, de la camne de soutien A l'équipe de Corée au dernier Mondial de football, du plus ancien client du réseau (un grand magasin de Mexico), des nouaux outils de la dis-ruption, de notre opinion sur l'ouvrage violemment antipublicitaire No Logo de Naomi Klein, du lancement de l'euro, des week-ends dits - ouvre-boite - de l'agence de Paris (qui se présente ainsi aux étudiants des meilleures unirsités), de la marque élue par la presse comme la plus influente au monde (Apple).
J'y parle aussi des séminaires de formation chez TBWA, de l'épisode de la série télévisée Sex and The City dans lequel la bouteille Absolut s'arroge le premier rôle, de l'architecture de notre bureau de Shanghai, de l'hommage A Nicole Cooper, mon assistante pendant vingt-trois ans, du pouvoir angoissant aux états-Unis de l'enregistreur numérique TiVo, des résultats du festival de Cannes, de la dis-ruption en Inde, du difficile équilibre entre modestie et ambition, du gain du budget Nextel puis, deux ans après, de celui de Sprint Nextel, de la - Mode en Images -, notre filiale franA§aise qui met en scène de nombreux défilés de mode, de la première place de notre agence en Finlande et de la seconde en Afrique du Sud, de la dénonciation du jargon employé dans le monde des agences et du marketing, de la Biennale de Venise, de la célébration de notre élection comme meilleur réseau en Asie plusieurs années de suite, du discours de Ste Jobs aux étudiants de Stanford, de la joint-nture au Japon entre TBWA et Hakuhodo, de l'inquiétude devant ce qu'on appelle déjA la postglobalisation, etc.
J'ai encore écrit des mémos sur le Koweït, l'Egypte, l'Iran, sur l'inntivité arabe et son rôle dans l'épanouissement de l'Occident. Je ne manque jamais une occasion de donner des informations qui rapprochent. Tout cela crée une culture commune. Ces lettres sont lues chaque jeudi matin, de Tokyo A Los Angeles, et le plus sount affichées quelque part dans les agences. Certains clients nous ont mASme demandé de les mettre en copie.
J'en ai sélectionné trois, qui donnent une idée de la dirsité des sujets traités. Le premier est consacré A l'une de nos agences, TBWAHuntLascaris, en Afrique du Sud, le deuxième A l'un de nos clients, Carlos Ghosn, désormais le patron de Nissan et de Renault, et le troisième A l'une des marques que nous gérons et que nos confrères nous envient, Sony PlayStation. Une agence, un client, une marque.
H y a vingt ans, A la grande époque de l'apartheid, qui aurait pu imaginer que l'Afrique du Sud deviendrait la Rainbow Nation^ la nation arc-en-ciel ? John Hunt et Reg Lascaris ont créé leur agence en 1983. Deuxième par le chiffre d'affaires, c'est de loin la plus créati du pays. L'agence doit une partie de son essor au fait qu'elle a été l'agence de Nelson Mandela. Dès 1991 sortit la première camne pour l'ANC. John et Reg s'étaient déjA depuis longtemps prononcés contre l'apartheid et pour une société plus ourte. Ils avaient l'avantage de ne pas AStre Afrikaners. John est né en Rhodésie, et Reg est d'origine grecque. Tous deux ont publié The South Ajrican Dream, un best-seller qui rendique sans arrogance que l'Afrique du Sud se place A la pointe du combat pour saur l'Afrique. Selon eux, - si l'Afrique meurt, le monde disparaitra -.
J'ai écrit plusieurs lettres hebdomadaires sur cette agence, qui incarne sans doute le meilleur de TBWA. En voici une :
Dans le cadre du dixième annirsaire de la
démocratie en Afrique du Sud, le Financial Mail a décidé de décerner le prix de l'Agence de la décennie. Il revient A celle qui a le plus contribué A l'industrie publicitaire durant cette période. TBWAHuntLascaris a remporté ce prix, et voici les moments clés qui ont ponctué cette décennie :
1994 : l'agence est désignée pour promouvoir la première élection démocratique de tous les temps et soutenir Nelson Mandela.
1995 : l'agence met sur pied une camne qui présente la noulle Constitution.
1996 : le - Business Against Crime - (BAC) est créé, en réaction au taux de criminalité important. L'agence est chargée de la camne de promotion.
1997: l'agence travaille sur une camne nationale visant A obtenir la normalisation des règles de gournance (baptisée - Masakhane -). L'agence lance aussi la camne en faur de l'amnistie fiscale.
1998 : l'agence conA§oit la camne de sécurité routière baptisée - Arri Ali - (* arriz vivants -).
1999 : l'agence mène la camne pour l'élection en faur de Thabo Mbeki, l'actuel président sud-africain.
2000 : l'agence travaille sur la camne visant A encourager les Sud-Africains A participer personnellement A l'appel général en faur du tourisme. C'est la camne - The Welcome -.
2001 : l'agence lance la première camne de préntion contre le sida.
2002 : l'agence lance la camne baptisée - The Proudly South African -.
2004 : l'agence est A nouau retenue pour mener la bataille contre le sida.
Je terminais mon mémo en reproduisant le texte écrit par l'agence pour célébrer la jeune démocratie sud-africaine :
Parce que nous dansons quand nous sommes heureux.
Parce que nous dansons quand nous sommes tristes.
Parce que nous vivons désormais côte A côte comme si ce n'était pas nouau.
Parce que notre passé est aussi sombre que notre futur est clair.
Parce que nous savons trop bien ce qu'est l'indifférence.
Parce que notre vocabulaire est tranché.
Parce que l'on n'est jamais trop vieux pour apprendre.
Parce que les rues sont nos promenades.
Et que les arbres sont nos temples.
Parce que nous parlons onze langues.
Mais que nous n'avons qu'un seul drapeau.
Ces phrases sont denues l'hymne de la comnie aérienne nationale, la South African Airways.
La deuxième lettre hebdomadaire que je reprends ici est consacrée A Carlos Ghosn, le plus connu de nos clients ac Ste Jobs. L'un comme l'autre a dû faire face A un profond scepticisme. Quand Ste Jobs est renu chez Apple, en 1997, Michael Dell a déclaré qu'il serait plus sage de mettre la société en faillite : - Que ferais-je si j'étais A la tASte d'Apple ? Je fermerais boutique, et je rendrais l'argent qui reste aux actionnaires. - De son côté, Bob Lutz, l'actuel président délégué de General Motors, ne s'est pas encombré de nuances quand on lui a demandé son avis sur la décision de Renault de nir au secours de Nissan : - Autant mettre cinq milliards de dollars dans un conteneur et le couler au milieu de l'océan. -
On connait l'extraordinaire redressement de Nissan orchestré par Carlos Ghosn. J'y ai déjA fait allusion plusieurs fois. Le constructeur automobile japonais revient de loin, ce qui fit dire A son nouau patron, quelques années plus tard : - Si vous renez de l'enfer, alors le purgatoire n'est pas si mal. - II fallut au président de Nissan un grand nombre de qualités pour orchestrer une telle prouesse. Parmi elles, je distinguerais volontiers son talent A faire travailler ensemble des gens de toutes origines et de toutes disciplines, une tache sount ardue, mais toujours bénéfique. La plupart des entreprises ne sont que multinationales. Autrement dit, elles ne sont que des appositions de nationalités, ce qui est le contraire du multiculturalisme.
Voici ce que j'ai repris dans un de mes Thursdays d'un discours qu'il avait prononcé sur la dirsité au diner annuel de la Japan Society de New York :
On n'apprend jamais grand-chose des gens qui nous ressemblent trop. On apprend bien plus des gens qui ne sont pas issus du mASme moule que nous, des gens qui n 'ont ni le mASme passé, ni le mASme age, ni la mASme éducation, ni la mASme expérience de vie que nous, et qui ne parlent pas la mASme langue. Nous avons pu le constater chez Nissan. Autrefois, les ingénieurs ne parlaient qu'aux ingénieurs. Les designers uniquement aux designers. Les Japonais préféraient avoir affaire A des Japonais, et les Américains A des Américains. []
L'une des premières initiatis que nous ayons prises lorsque nous avons entamé le redressement de Nissan a été d'abattre les cloisons qui séparaient les fonctions et les régions entre elles. [] La mondialisation, qui marquera notre siècle, est inévile compte tenu de la circulation des technologies, de l'information et des capitaux. Le défi consiste A s'appuyer sur nos différences pour apprendre et progresser, et finir ainsi par renforcer notre propre identité. S'ouvrir au changement ne signifie pas oublier ses racines. Bien au contraire.
Pour Carlos Ghosn, il n'y a de management que sans frontières. Plusieurs fois je l'ai vu discourir sur la dirsité et le multiculturalisme, un sujet qui lui tient particulièrement A cœur. Pour lui, l'ourture aux autres cultures est la clé de l'efficacité, le succès des équipes transrses en étant l'illustration. En mASme temps, quand je l'entends en parler, je ressens son émotion. Né au Brésil, ayant fait ses études en France puis travaillé tour A tour en France, au Brésil, aux états-Unis et au Japon, il est un authentique - citoyen du monde -, pour reprendre le titre de l'ouvrage qu'il a publié en 2003 en France.
Isaac Newton avait noté que beaucoup plus d'hommes construisaient des murs que des ponts. Carlos Ghosn construit des ponts.
Je rAS de diriger une agence qui comprenne dix mille citoyens du monde. Non pas des gens sans racines, des apatrides, mais dix mille collaborateurs fiers de leurs origines, épris de leur culture et soucieux de préserr leurs différences. Mais, en mASme temps, dix mille personnes qui trount un réel plaisir A travailler en ignorant les frontières. Rien n'est plus jubilatoire que de voir un Californien et un Thaïlandais imaginer ensemble la solution pour un Chinois. Cela arri chaque jour dans notre réseau, car notre culture le permet. Mon rôle est de décupler ces - accidents -.
La troisième lettre hebdomadaire que je souhaite évoquer concerne Hollywood et PlayStation. Hollywood est la référence absolue du monde du dirtissement, et ce depuis presque un siècle. Il parait indétrônable. Pourtant, comme je l'écrivais en 2002 dans les lignes qui suint, des produits révolutionnaires peunt renrser l'ordre éli : - Une enquASte a été menée auprès des consommateurs, leur demandant si les jeux que leur proposait PlayStation pouvaient rivaliser ac les longs métrages. Cinquante-neuf pour cent ont répondu oui. Il ne faut donc pas s'étonner que l'industrie du jeu vidéo ait aujourd'hui dépassé l'industrie du film en termes de ntes.
- La aison entre les jeux vidéo et le cinéma ne s'arrASte pas lA . Kaz Hirai, président de Sony PlayStation, a été promu quatrième au classement des personnes les plus puissantes de l'industrie du dirtissement par Entertainment Weehly. C'est la première fois qu'une personne issue de l'industrie du jeu vidéo apparait sur cette liste. Kaz supte ainsi le trio Sten Spielberg, David Geffen et Jeffrey Katzenberg, de Dreamworks, le rappeur Eminem, le réalisateur Ridley Scott, la reine des médias Oprah Win-frey et l'acteur George Clooney. -
Un grand nombre de nos camnes pour Sony PlayStation ont été primées. A€ tel point que Sony PlayStation a été élu annonceur de l'année A Cannes. Ce jour-lA , Ken Kutaragi, le créateur de PlayStation, déclara que la publicité conA§ue depuis dix ans pour PlayStation avait été particulièrement inspirante.
Il reste que notre plus grand motif de fierté en ce qui concerne Sony ne provient pas de toutes ces camnes, qui, si elles furent brillantes, n'en relènt pas moins d'une approche traditionnelle. Il repose A l'inrse sur une absence de camne : le lancement de la PSI, comme nous l'avons déjA vu, s'est fait au départ de manière virale. Nous avons suscité un bouche-A -oreille irrésistible, donnant le sentiment A des millions d'adolescents qu'ils étaient des initiés. La première annonce de publicité ne vit le jour que six mois après le lancement. Aujourd'hui, séminaires et colloques se multiplient pour recueillir les témoignages de ceux qui réussissent des lancements en se dispensant des grands médias. On les écoute comme les dépositaires d'une discipline radicalement noulle, comme des messies. Le lancement de la PSI date de 1996. C'était il y a dix ans. PlayStation était très en avance.
J'ai écrit des centaines d'autres mémos. Le choix des sujets est si dirs qu'il peut paraitre hétéroclite. J'ai imaginé ce que pourrait AStre la disruption dans le monde de la finance, révélé les recettes de ce que nous avons appelé notre Livre de cuisine, un ouvrage de trois cents es dans lequel sont détaillés tous les outils de la disruption ; je me suis élevé contre le patriotisme économique ; j'ai dénoncé l'arrogance de certains publicitaires, expliquant par ailleurs que je m'étais toujours laissé séduire par les candidats cent pour cent confiants et zéro pour cent prétentieux, parce qu'ils réussissaient toujours ; j'ai stigmatisé la superficialité des interprétations d'un grand nombre de sociétés de recherche, dressé le portrait de collaborateurs méconnus, annoncé la naissance du Grand Prix de la disruption, notre festival interne, qui se déroule chaque année en mASme temps que celui de Cannes.
Quelques semaines après cette dernière annonce, je me réjouissais que notre premier Grand Prix soit allé A notre agence coréenne pour la camne qu'elle avait créée A l'occasion de la Coupe du Monde de football 2002. C'est dans notre bureau de Corée qu'il y a, et de loin, le moins de gens qui parlent anglais. Nous n'avions pas besoin d'explications de leur part. Les grandes idées sont unirselles.
Cette lettre hebdomadaire que j'envoie au réseau n'est qu'une des multiples initiatis qui nous permettent de communiquer ensemble. En réalité, l'idée mASme d'un président qui communique A ses troupes est déjA d'un autre age. Désormais chacun de nos dix mille collaborateurs peut communiquer A tout le réseau. Les noulles technologies le permettent.
Au moment où j'écris ces lignes, nous lanA§ons dans le monde entier notre tout noul intranet, le premier de la génération Web 2.0, que nous avons baptisé - mytbwa. com -. Il ne s'agit pas d'une simple évolution de notre intranet collaboratif précédent, - insideTBWA -, mais d'une totale révolution. Parce que nous pensons que toute entreprise doit désormais démultiplier le partage de l'information et non le contrôler, nous avons supprimé l'intranet existant pour repartir de zéro et créer de toutes pièces un intranet conA§u sur le modèle de Wikipédia, s'ap-puyant exclusiment sur la contribution des utilisateurs.
Chaque discipline de communication et chaque marque de nos clients disposent d'un canal fonctionnant comme une chaine de télévision. Nourrie par des rédacteurs en chef et des contributeurs constitués de l'ensemble des collaborateurs du groupe dans le monde, chaque chaine fonctionne comme un blog. Informations pertinentes et commentaires sont enrichis de fonctionnalités de type - wiki - permettant A tous d'alimenter la base commune et de noter les meilleures contributions.
L'actualisation s'effectue en permanence depuis tout ordinateur, blackberry ou téléphone. On peut mASme télécharger des films ou des podcasts sur iPod.
Cette démarche va boulerser le partage des connaissances. Nous travaillons déjA A la prochaine rsion, qui permettra A nos clients d'accéder A cette information vivante et de l'enrichir. La communication interne ne sera plus dirigée exclusiment rs l'intérieur. Elle deviendra tout simplement la communication.
Nous prônons la transparence, l'audace, l'ourture d'esprit. Ces valeurs d'entreprise ne sont pas originales en elles-mASmes. Ce qui l'est davantage, c'est notre acharnement A y rester fidèles.
De la mASme faA§on, pour chacune de nos pratiques, que cela concerne notre organisation, notre faA§on de concevoir nos s d'action, notre manière de conquérir de nouaux clients ou notre souci de communiquer, nous nous sommes donné une ligne de conduite précise. Et nous n'en démordons pas.