Nous donnerons dans cet exposé quelques exemples des diverses approches de l'éluation des politiques culturelles de l'Etat en Suède.
La structure organisationnelle détermine les cadres de l'éluation. La structure administrative suédoise est caractérisée par la dimension relativement restreinte des ministères, dont la tache principale est de présenter des propositions au Parlement et de définir les orientations générales que devront suivre les organismes administratifs responsables, dans le cas qui nous occupe, des affaires culturelles. Une fois que ces propositions ont été soumises A toutes les instances concernées, tant au sein de l'administration qu'A l'extérieur, le ministère de l'Education et des Affaires culturelles prend position sur les éluations faites par les commissions d'enquASte nommées par le gouvernement. Mais le ministère lui-mASme n'a pas de ressources propres pour effectuer de telles éluations, qui doivent par conséquent AStre confiées A d'autres instances. Du reste, le personnel ministériel qui s'occupe des affaires culturelles et des grands
moyens de communication ne compte pas plus de trente personnes, personnel de bureau compris.
Les commissions d'enquASte, nommées par le gouvernement, sont une composante très caractéristique de l'administration suédoise. Elles sont l'instrument essentiel des grandes éluations, au premier chef celles qui sont susceptibles d'aboutir A des changements significatifs sur le politique.
L'enquASte proprement dite est souvent menée par un homme politique, appartenant le plus souvent au parti au pouvoir. Viennent s'y ajouter un ou plusieurs autres représentants politiques, dont le nombre est fonction du caractère politique de la question examinée. Les autres membres de la commission sont souvent des représentants du domaine étudié, représentant syndical de la catégorie de trailleurs culturels concernés ou représentant de la branche. Outre les personnalités responsables du rapport, la commission s'adjoint souvent des experts. D'ordinaire, elle comprend aussi des fonctionnaires, par exemple du Conseil national de la culture.
Les commissions publient souvent des rapports exhaustifs, qui suscitent un large intérASt de la part du public et sont normalement soumis A un grand nombre de
services publics et d'organisations, qui doivent présenter leurs points de vue. Cela pour dire que le leau dressé par une commission de la situation de fait et les conclusions qu'elle en tire sont examinés minutieusement et sous des angles multiples. C'est seulement après cette procédure que le gouvernement se prononce sur le rapport et présente ses propositions au Parlement.
Les organismes autonomes du secteur culturel - au premier chef le Conseil national de la culture et la Direction nationale du patrimoine - procèdent également A des études, soit sur la demande du ministère de l'Education, soit de leur propre initiative. L'une des missions du Conseil national de la culture est d'éluer dans quelle mesure les objectifs de politique culturelle adoptés en 1974 par le Parlement ont été réalisés.
C'est au moment de cette décision parlementaire de 1974 que la structure actuelle du secteur de la politique culturelle A été mise en place.
1984: une éluation de la Coopération entre l'Etat, les conseils généraux et les communes
A la fin des années 70 s'éle un très vif débat au sujet des grandes disparités des dépenses culturelles d'une commune A l'autre. On se demandait aussi dans quelle mesure la politique culturelle de 1974 ait eu un impact aux échelons régional et local. C'est dans ce contexte que la direction du Conseil national de la culture prit l'initiative d'un rapport (-Les communes, l'Etat et les politiques culturelles-, Rapport kulturradet 1984:3), qui a été achevé vers la fin de 1984. L'optique de son éluation porte au premier chef sur l'extension dans laquelle la politique culturelle de l'Etat a réalisé deux objectifs: la
décentralisation des activités et des responsabilités, et la prise en compte des besoins des catégories défavorisées.
L'objectif de décentralisation est examiné sous trois angles: a) dans quelle mesure la ification, la prise de décisions et les responsabilités ont-elles été décentralisées? b) dans quelle mesure des activités culturelles autonomes se sont-elles développées dans les régions? c) quelle est la part des
moyens et des responsabilités transférés A des organisations ne relent pas de l'Etat? Les divers aspects de la réalisation ou non de ces objectifs sont élués sur la base d'une large analyse statistique accomnée des appréciations générales formulées par le groupe de trail chargé du rapport. Une grande place est
donnée aux actions culturelles des communes, ant tout du point de vue économique. On ne dispose pas d'informations très complètes sur les activités, sauf en ce qui concerne les institutions culturelles subventionnées par l'Etat et l'éducation populaire. Compte tenu des nouvelles missions culturelles assignées aux organismes politiques régionaux dans le cadre de la réforme de 1974, le rapport fait une large place aux actions des conseils généraux et des communes. Et il constate que, dans une très large mesure, ces instances ont été A la hauteur de leurs responsabilités.
Trois aspects sont étudiés statistiquement en détail: a) que deviennent les écarts entre les actions des différentes communes? b) comment ont évolué les efforts de l'Etat en vue de la promotion des activités régionales? c) comment se répartissent les actions générales des communes, du conseil général et de l'Etat dans différents départements?
L'objectif de prise en compte des besoins des catégories défavorisées était plus difficile A éluer. Un certain nombre de décisions parlementaires ont assurément été adoptées, concernant par exemple le soutien aux besoins culturels des enfants, aux activités culturelles des handicapés et aux cultures immigrées. Il existe des bases de décision pour les activités culturelles sur les lieux de trail, et des études ont été effectuées sur la culture dans le secteur des services d'accueil et de soins publics. Les fédérations d'éducation populaire sont considérées comme ayant les meilleures possibilités d'atteindre les catégories défavorisées, et l'aide qui leur est accordée a été réajustée de manière A mieux répondre aux besoins culturels.
Pour mettre en évidence les effets de ces décisions sur les catégories défavorisées, on a utilisé des études de niveau de vie réalisées par l'Office central de statistique. Deux études de ce type ont été effectuées, l'une en 1976 et l'autre en 1982-l983.
Ces études donnent des possibilités d'examiner les changements intervenus. D'une manière générale, ils sont minimes et/ou non significatifs. Mais, mASme s'ils sont limités, ils vont souvent dans le bon sens; par exemple, les catégories défavorisées sont devenues plus actives. Toutefois, les pratiques culturelles de la population dans son ensemble ont évolué dans la mASme proportion. Les écarts par rapport aux catégories défavorisées restent inchangés ou fluctuent légèrement dans un sens ou l'autre. Dans aucun des cas étudiés l'écart entre les catégories défavorisées et le reste de la population ne s'est élargi de manière significative. De mASme en ce qui concerne les disparités d'origine socio-
économique en matière de pratiques culturelles, la tendance principale est A une grande silité. Seuls des changements mineurs peuvent AStre constatés, et ils témoignent presque toujours d'une légère augmentation de l'activité.
On pourrait donc en conclure que les pratiques culturelles ne semblent pas avoir été infléchies par les efforts spécifiques faits en faveur des catégories défavorisées. Mais le rapport dans son ensemble fait apparaitre que l'évolution des pratiques culturelles est généralement lente et dépend pour une large part de facteurs extérieurs au champ de la politique culturelle. Si ces efforts n'aient pas été accomplis, il est très possible que les disparités se seraient élargies.
D'une manière générale, le rapport conclut, quant au
développement des actions publiques de politique culturelle, que les changements sont allés dans un sens favorable, tout en soulignant les points sur lesquels des efforts devraient AStre prioritaires ou restent A accomplir.
L'étape suinte de l'éluation est la mise en évidence des changements qui ont affecté l'environnement social dans son ensemble, en particulier s'agissant de la situation économique et de l'évolution attendue dans le domaine des grands moyens de communication.
Sur la base de ces analyses de l'évolution politico-culturelle au cours des dix dernières années et des modifications intervenues, le Conseil tire diverses conclusions concernant la politique culturelle pour la suite des années 80. Les objectifs de 1984 restent lables, mais un programme en cinq points plus concret est présenté.
Ce programme ouvre certaines perspectives quant A la manière dont les communes, qui peuvent mettre en ouvre leur politique culturelle comme elles le souhaitent (et lèvent également des impôts) pourraient développer leur action future. L'accent est mis particulièrement sur la nécessité d'améliorer la ification directive. Des projets de développement régional subventionnés par l'Etat sont proposés. Enfin, le programme présente diverses conclusions au sujet de l'action de l'Etat. Il s'agit au premier chef de diverses améliorations, limitées mais stratégiquement importantes, de l'aide aux institutions culturelles qui est, avec l'aide aux activités culturelles des fédérations d'éducation populaire, le principal instrument de l'Etat pour la promotion d'une vie culturelle diversifiée dans l'ensemble du pays. En ce qui concerne les taches du Conseil de la culture, l'accent est mis sur l'éluation et la présentation régulière de ses points de vue sur l'évolution en cours.
Pour ce qui est de la méthode, le rapport a été élaboré par la section des études et de la ification du Conseil de la culture, sous la responsabilité d'un groupe de trail comprenant des responsables politiques de toutes les régions du pays et de tous les partis. Certains de ses membres étaient nommés par la Fédération des communes et la Fédération des conseils généraux de Suède. La collaboration entre l'Etat et ces deux organismes a été essentielle pour l'aboutissement de ces traux.
Le traitement ultérieur de ce rapport s'ésectiune de la procédure courante des commissions d'enquASte, en ce sens qu'il ne doit pas AStre soumis pour avis aux instances et aux organismes concernés. Au lieu de cela, on prévoit qu'il sera discuté dans le cadre des communes et des conseils généraux, qui en tireront les conclusions qu'ils jugeront appropriées. Pour mettre en route cette procédure, le Conseil de la culture organise actuellement, en divers points du pays, des conférences réunissant des hommes politiques et des responsables des affaires culturelles de toutes les communes, conseils généraux, institutions culturelles et fédérations éducatives départementales. []
Eluation de la subvention aux programmes culturels
En 1974, a été créé un nouveau type d'aide de l'Etat aux programmes culturels des associations d'éducation populaire, organisations de la vie associative et autres groupes. Son but était de diffuser ce genre de programmes dans des groupes et des milieux que n'atteint généralement pas l'offre des institutions culturelles, tout en donnant de nouvelles possibilités d'emploi pour les trailleurs culturels.
Cette subvention était conA§ue de manière A donner une plus grande liberté aux bénéficiaires. Après quelques années, en 1978, le Conseil de la culture décida d'en éluer l'impact. L'hétérogénéité des programmes culturels rendait inopérant le recours exclusif A des questionnaires ou A des statistiques. Le trail d'éluation fut donc organisé sous la forme d'études de terrain en des lieux choisis. Avec le concours des services de l'emploi, on recruta un certain nombre d'enquASteurs. Leurs études constituent un élément important du rapport définitif, qui contient de nombreux exemples concrets de la faA§on dont les traux ont été menés dans le pays.
L'enquASte, réalisée par la section des études du Conseil de la culture, était dirigée par un groupe de trail comprenant principalement des représentants de la vie associative. Le rapport, d'environ 240 es (-Programmes culturels dans la vie associative-, Rapport fran kultur radet, 1979:3), contient des conclusions et des propositions, une description concrète de la mise en ouvre des programmes culturels, des données statistiques et les questionnaires utilisés pour la collecte des données.
Le rapport concluait qu'il s'agissait d'une activité de programmes diversifiée, présentant une évolution favorable. L'intérASt pour les programmes culturels s'est accru au sein des fédérations éducatives. De nouvelles formes d'activités se sont développées. L'intention d'utiliser plus largement les services des trailleurs culturels s'est elle aussi réalisée. Le rapport constatait aussi l'existence d'importants besoins non satisfaits, et proposait par conséquent d'accroitre les moyens alloués. Certaines retouches étaient proposées quant A la réglementation de l'aide.
Ce rapport a constitué l'une des bases d'une large restructuration de l'aide aux organisations éducatives en 1981. La subvention aux programmes culturels a été refondue en mASme temps, ce qui a permis de tenir compte des diverses propositions du rapport. Depuis, l'aide a été considérablement accrue (quelque 103 millions de couronnes actuellement). Une autre éluation du fonctionnement de cette nouvelle subvention est prévue pour 1985, et d'autres études approfondies seront certainement nécessaires pour cette forme d'aide, étant donné la difficulté de trouver une forme d'éluation continue donnant l'information adéquate.
Tendances actuelles des traux d'étude et d'éluation
En raison de la situation économique, résultant pour une large part du
déficit budgétaire, tous les partis politiques conviennent qu'il est nécessaire de faire des économies dans le budget de l'Etat. Il en est résulté une considérable diminution du nombre de commissions d'enquASte officielles dans le domaine culturel. Il est notoire que ces commissions, mASme si elle ne sont en droit de proposer une augmentation des
aides publiques que si elles peuvent en mASme temps suggérer des réductions sur un autre point, entrainent généralement, en réalité, une pression accrue des demandes de subventions. Pour la mASme raison, les grands projets d'études dans le cadre des administrations centrales sont aussi devenus moins courants.
Au lieu d'éluations de projets particuliers, les pouvoirs publics soulignent l'importance d'éluations continues des activités culturelles, effectuées par le Conseil de la culture.
C'est ce que prévoit par exemple le projet de loi sur l'aide aux bibliothèques publiques et A la littérature soumis au Parlement en 1985. Le ministère de l'Education et des Affaires culturelles y déclare qu'il existe un besoin manifeste de
connaissances pratiques permettant d'éluer régulièrement les actions de l'Etat. Outre cela, on estime qu'il serait utile pour la ification des bibliothèques que le Conseil de la culture puisse, par la publication régulière de rapports les concernant, fournir des données sur la situation des bibliothèques publiques et les présenter aux communes sous une forme claire, afin de faciliter leurs prises de position. Dans le mASme temps, il a été demandé conjointement A l'Office central de statistique et au Conseil culturel de présenter des propositions en vue de l'élaboration A long terme de statistiques culturelles globales. A longue échéance, il en résulterait une amélioration de l'éluation permanente des actions de politique culturelle, et peut-AStre une couverture de tout le domaine culturel et non simplement des bibliothèques. Ces rapports pourraient consister en les numériques, mais aussi en analyses de problèmes particuliers.
Les problèmes des éluations de politique culturelle en Suède
Les éluations effectuées par des commissions nommées par le gouvernement et comprenant des groupes de trail A composition politique ou des représentants des intérASts en cause ont un antage: leurs résultats sont fondés sur une pondération des données quantitatives par des considérations d'ordre plus général. Le système qui consiste A les soumettre A l'examen des instances concernées donne lieu A un débat public propre A contrebalancer une éventuelle unilatéralité ou partialité des rapports.
Les éluations effectuées par des administrations dont les directions sont nommées sur une base politique ont les mASmes antages et inconvénients que les commissions mises en place par le gouvernement. Pour les questions politiquement litigieuses, l'éluation par une
administration publique peut AStre moins appropriée. Comme nous l'avons mentionné plus haut, on tend A attacher plus de poids aux éluations continues des administrations elles-mASmes.
Souvent, les administrations ne disposent pas elles-mASmes des experts nécessaires pour une analyse approfondie. Une solution, choisie A diverses occasions par le Conseil de la culture, consiste alors A faire appel A des spécialistes extérieurs. Mais ceux-ci sont en nombre restreint. Rares sont ceux qui considèrent l'étude des moyens de mise en ouvre de la politique culturelle par les pouvoirs publics comme un sujet scientifique particulièrement captint. Néanmoins, il se constitue peu A peu un corps de spécialistes qui s'intéressent aux modes de fonctionnement des instruments de politique culturelle. Outre cela, le Conseil de la culture dispose de ses propres experts, attachés A sa section des études et de la ification. Il publie une série spéciale d'études effectuées par des chercheurs, résumant les résultats des recherches dans divers domaines (par exemple recherche musicale, dans le domaine des arts plastiques, de la culture commerciale).
Une difficulté générale de l'éluation des questions culturelles est que le rôle des communes est d'une telle importance que les instruments de décision ne sont pas dans la main de l'Etat. Ainsi, celui-ci n'a ni droit de regard ni possibilité de se prononcer, A moins que certaines formes de collaboration ne soient élies. Mais, s'agissant du développement des statistiques, l'Etat est en mesure de recueillir des informations présentant un intérASt général en elles-mASmes, tant pour lui-mASme que pour les communes. Il n'est toutefois pas possible de réunir beaucoup d'informations par le moyen de statistiques générales. L'Etat peut alors proposer A la place des modèles indiquant aux communes ou aux institutions culturelles comment procéder elles-mASmes A des études, concernant les publics par exemple.
Une autre difficulté de l'éluation des actions de politique culturelle est que leurs résultats dépendent aussi de facteurs extérieurs au domaine culturel comme il ressort de ce qui a été dit plus haut de la lenteur de l'évolution des pratiques culturelles. Si le public du théatre diminue malgré l'accroissement des subventions, cela n'est pas nécessairement dû A une mauise distribution des aides publiques, mais peut-AStre A de tout autres circonstances, comme par exemple l'amélioration des programme de télévision.
Une forme d'éluation d'une situation complexe qu'il est très intéressant de développer est celle de projets de développement mettant l'accent, lorsque l'information théorique se révèle inappropriée, sur l'expérience pratique. Le Conseil de la culture a expérimenté divers types de projets de développement, et constaté la difficulté qu'il y a de trouver des formes scientifiques permettant une éluation satisfaisante. Ce qui est nécessaire, c'est un débat, A la lumière de l'expérience, sur les méthodes A appliquer.
Deux grands projets de développement s'étendant sur plusieurs années ont été réalisés, l'un concernant la culture dans le monde du trail et l'autre la culture dans l'habitat. Le premier a fait l'objet d'un rapport et le gouvernement en a tiré ses conclusions en 1985. Pour ce qui est du second, le Conseil de la culture présentera en 1985 un grand rapport rendant compte de l'action menée dans cinq localités. Outre le rapport du Conseil de la culture, un ethnologue a rédigé une thèse de doctorat consacrée A ce projet.
Enfin, il est essentiel de souligner que, comme il est difficile de définir les finalités ultimes de la politique culturelle, du fait de leurs nombreuses dimensions, il est tout aussi difficile de parvenir A des éluations reposant sur des faits élis, mais prenant simultanément en compte les multiples objectifs et dimensions de cette politique. Le Conseil de la culture a engagé des traux pour étudier les relations entre les objectifs de politique culturelle généralement formulés et les divers indicateurs susceptibles d'AStre utilisés pour déterminer dans quelle mesure ils ont été atteints. C'est lA un trail de méthodologie fondamentale, qui pourrait trouver une inspiration et des impulsions bénéfiques dans ce projet international sur l'éluation.