NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » economie générale La conduite d'un système humain complexeTous les hommes éprouvent le besoin d'exercer un certain pouvoir et d'AStre assurés que leurs actions sont reconnues. L'ambition du pouvoir prend des formes très diverses suivant les individus, mais les luttes pour le pouvoir sont toujours parmi les principales causes de problèmes dans notre société, A quelque niveau que ce soit. La plupart des gens croient que la philosophie n'a pas d'incidence sur la vie de tous les jours, qu'elle est réservée A quelques intellectuels, et que c'est par simple tradition qu'elle est encore enseignée en classe terminale. Quelques noms de philosophes se détachent dans la conscience collective, mais on serait bien en peine de résumer leurs idées. Et pourtant dans les librairies le nombre de lies de philosophie ne cesse d'augmenter, parce que des universitaires ont régulièrement l'ambition de mettre les idées des grands auteurs A la portée de tous en y ajoutant, si j'ose dire, leur grain de sel. Ceci ne fait qu'augmenter la confusion dans l'esprit des amateurs de philosophie. Or il faut savoir que certains ouages classiques sont plus clairs, plus précis, et finalement faciles A comprendre que la plupart des essais modernes ; c'est le cas du lie Règles pour la direction de l'esprit, publiée par la librairie Vrin, une œue de jeunesse de Dessectiunes. Bien que le manuscrit eut été écrit et communiqué A plusieurs savants une dizaine d'années avant le Discours de la méthode, il ne fut imprimé qu'après la mort de l'auteur. Ce détail est important parce que Dessectiunes, déjA célèbre A l'époque pour ses découvertes scientifiques, n'avait pas encore de grandes ambitions philosophiques. Son but était d'expliquer comment progresse la connaissance d'un chercheur. Dans mes cours et mes séminaires sur le management de la qualité, je ne manque jamais de signaler ce lie aux étudiants ; beaucoup sont surpris d'y trouver une approche très moderne de la conduite d'un projet. D'autres lies m'ont beaucoup aidé au cours de mes recherches sur le management, en particulier des ouages de Bergson, Russell et Poincaré. Ils s'adressaient aux hommes d'action, mais je crois que leurs messages n'ont pas bien été entendus. C'est sans doute parce que les hommes d'action n'ont pas le temps de fréquenter des lies, tant ils sont occupés A fréquenter leurs semblables. Il faut espérer que dans l'entourage des dirigeants actuels quelques hommes d'influence sauront leur faire adopter des idées importantes et toujours méconnues, parfois depuis plus d'un siècle. Il faut savoir enfin que Shewhart et Deming, qui étaient des scientifiques, ont adhéré A la philosophie de Clarence Lewis, professeur A l'Université de Harvard, une philosophie originale dans laquelle on trouve l'influence de Kant, pour élir une théorie unitaire du management et l'appliquer avec succès. Les buts du système La question des buts d'un système semble si simple au premier abord qu'elle est presque toujours étudiée superficiellement ; mais A bien réfléchir, beaucoup de problèmes politiques proviennent de ce que les buts ont été mal préparés ou mal expliqués, ce qui provoque des situations conflictuelles. Pour un système humain complexe on peut distinguer trois catégories de buts. La première est l'ensemble des buts permanents, A très long terme, sur lesquels les changements internes et externes ont peu d'influence. Nous pouvons les ranger sous le titre de mission (ou raison d'AStre) du système. La deuxième est l'ensemble des buts A long terme, sur lesquels les changements internes, notamment les changements de personnes, ont peu d'influence, mais qui par principe doivent s'adapter rapidement aux changements externes, notamment A la conjoncture économique. Nous pouvons les ranger sous le titre de politique et stratégie. La troisième est l'ensemble des buts A moyen et court terme, sur lesquels tous les changements internes et externes ont une influence. Ce sont les plus nombreux ; ils sont souvent désignés sous le nom d'objectifs. Les trois catégories doivent évidemment former un ensemble cohérent. L'énoncé de la mission d'un système humain deait faire l'objet d'un consensus de tous les participants, mais on en est loin en pratique quand il s'agit de grands systèmes. CommenA§ons par examiner le problème de la mission d'une entreprise privée. Il faut distinguer trois groupes de participants dont les intérASts A court terme (mais pas A long terme) sont divergents : les actionnaires, les salariés et les clients. Un dialogue soutenu entre les représentants des trois groupes ainsi que des camnes d'explication au sein de chacun des groupes peuvent aboutir A une définition de la mission de l'entreprise qui ne soulèvera pas trop d'objections. Mais les entreprises rencontrent de sérieux problèmes quand elles cherchent A remplir leur mission, et j'en citerai deux. Concernant les actionnaires, le problème est leur manque d'attachement A l'entreprise. C'est le cas des fonds de pension américains qui se déclarent prASts A vendre leurs actions si elles ne sont pas assez renles, et qui arrivent ainsi A faire valser les PDG qui ne se conforment pas A leurs exigences, méthode connue sous le nom de corporate governance. Concernant les salariés, le problème est la méfiance habituelle des syndicats. En décembre 1998 par exemple, un ouier de chez Renault déclare A la télévision : - autrefois, la Régie avait un rôle social, elle travaillait pour le bien-AStre des FranA§ais. Maintenant le seul but de Renault est de gagner de l'argent -. C'est absurde, évidemment. Les centrales syndicales, qui travaillent avec d'excellents économistes, font un certain effort pour former leurs adhérents, mais il leur faudra encore beaucoup de temps pour faire disparaitre ce type de raisonnement simpliste. On peut espérer que le Medef fera un effort semblable pour améliorer la formation économique des cadres dirigeants. Finalement ce sont souvent les clients qui posent le moins de problèmes aux entreprises dans la poursuite de leur mission, bien qu'un grand nombre de PME soient actuellement prises A la gorge par des centrales d'achats dont le but est de faire un maximum de bénéfices A court terme sans se soucier de la survie de leurs fournisseurs. Il semble cependant que les entreprises privées ont acquis une conscience un peu plus grande de l'intérASt pour elles d'étudier leur mission avec tous leurs partenaires. Les interactions du système Quand il est question d'étudier un système humain complexe, la théorie de l'approche systémique peut séduire. On se souvient qu'A la fin des années 1960 des chercheurs avaient inventé la cybernétique, dont la première application fut un automate qui semblait manifester un soupA§on d'intelligence. Le secret de cette machine, dont l'électronique avait pour modèle le système nerveux d'un animal, résidait dans l'asservissement de moteurs électriques A des capteurs. Forts de ce succès, ils ont eu l'idée de représenter le fonctionnement d'une entreprise par un diagramme sur lequel chaque opération est commandée par des signaux, envoie d'autres signaux qui commandent d'autres opérations et ainsi de suite. On voit ici l'analogie entre l'influx nerveux chez un animal et l'information dans une entreprise. Mais la grande faiblesse du modèle vient du fait qu'un système humain ne peut pas se diriger comme une machine, avec un poste de pilotage et des signaux circulant entre des organes, parce que l'homme est un médiocre transmetteur de signaux. On peut voir tous les jours dans une entreprise A quel point les informations sont déformées, les ordres retardés. Les interactions les plus importantes d'un système humain sont d'ordre psychologique ; elles sont diffaciles A saisir, mais on ne peut pas améliorer le système quand on ne les comprend pas. De cette approche, nous retiendrons une idée importante : celle de représenter un système humain par un diagramme fonctionnel, ure sur laquelle des composants (départements, équipes ou individus) sont reliés par des flèches. La représentation n'est peut-AStre pas très fidèle A la réalité, mais elle stimule fortement l'imagination et la mémoire quand on cherche A comprendre le fonctionnement du système. Est-ce dire dans ce cas que le diagramme a plutôt une valeur de symbole ? Certainement, car s'il fallait choisir entre deux solutions extrASmes, je pense que la psychanalyse serait probablement plus utile que l'approche rationaliste pour comprendre le fonctionnement d'un système humain. Quand on a sous les yeux le diagramme fonctionnel d'une entreprise, on peut difficilement ' A moins d'une parfaite mauvaise foi ' négliger les interactions qui existent entre les composants. Sachant par exemple qu'une interaction entre deux équipes risque d'AStre chargée d'une grande tension affective, et d'avoir ainsi un effet important sur le fonctionnement du système, on pourra décider de l'observer de plus près. En particulier, il est absolument déplorable de voir que des sociologues spécialisés dans l'étude des entreprises négligent systématiquement la présence du client dans le système, ce qui fausse gravement leurs analyses. Mais ils n'utilisent pas de diagrammes fonctionnels. Le diagramme fonctionnel est complété par le diagramme de flux, ou flugramme. La dynamique d'un système humain se matérialise dans les processus, qui sont en quelque sorte ses fonctions vitales (ables A la synthèse chlorophyllienne des tes par exemple). Un processus est représenté par un flugramme, ure sur laquelle les événements répétitifs sont reliés par des flèches. Comme le diagramme fonctionnel, le flugramme a plutôt une valeur de symbole qu'une valeur d'outil au service d'une technique.
J'ai dit plus haut qu'il faut commencer par faire de la philosophie. C'était aussi l'opinion de Shewhart quand il a inventé sa théorie du management dans les laboratoires de Bell Téléphone en 1931. Il a pris comme point de départ l'idée de Lewis que - la connaissance commence et finit dans l'expérience, mais ne finit pas dans l'expérience où elle a commencé -. En d'autres termes la connaissance est toujours adossée A l'expérience. La traduction de ce principe dans la vie active est le cycle PDCA (Plan, Do, Check, Act), popularisé au Japon dès les années 1950, qui s'applique notamment A l'étude des processus industriels. Cette approche est utilisée dans tous les domaines : la production naturellement, mais aussi la recherche, l'enseignement, la médecine, l'administration, les services, etc. Les quatre étapes du cycle forment le processus dynamique d'acquisition de la connaissance. Appliqué de faA§on instinctive par les premiers chercheurs, ce schéma joue le rôle d'un catalyseur dans le processus que les hommes ont adopté universellement depuis quelques siècles pour développer leurs connaissances. Je ferai ici un rapide exposé de chaque étape, en soulignant qu'il ne faut pas les traiter séparément, parce que le contenu de chacune dépend des étapes précédentes. Il faut considérer l'ensemble des quatre étapes comme une expérience scientifique dont l'objectif est de faire le meilleur usage des informations disponibles. Le cycle PDCA favorise ainsi un progrès continuel de la connaissance. Préparer (Plan) Cette étape consiste A faire un d'action concernant une expérience ou un changement. Tout d'action fait appel A des prévisions, conscientes ou non. Voudrait-on faire un d'action sans prévisions qu'on ne le pourrait pas. Dans toute préparation d'un d'action, il faut chercher A dresser une liste complète des prévisions, en sachant que les prévisions inconscientes sont souvent mauvaises et dangereuses. Quand un d'action est préparé par plusieurs personnes, par exemple un comité de direction, il est essentiel de trouver au départ un terrain d'entente sur toutes les prévisions. Le doit également comporter des règles définies d'un commun accord pour noter les résultats, analyser les données et prendre des décisions opérationnelles. Quand on néglige cette précaution, le cycle PDCA est inefficace et les responsables du projet risquent de recommencer plusieurs fois sans succès. Tous ceux qui ont l'occasion d'observer des groupes de travail dans une entreprise, une université ou une administration, pour peu qu'ils aient l'habitude d'utiliser le cycle PDCA, peuvent constater chaque jour avec étonne-ment que les personnes qui cherchent A résoudre un problème ou A faire évoluer une situation essayent, avec la meilleure volonté du monde, de raccourcir cette première étape. Il faut au contraire s'organiser soigneusement et agir sans précipitation en suivant le et en observant tout ce qui se passe. Mais la première étape engendre souvent un certain malaise parce que, quand on réfléchit, on a l'impression de ne rien faire, on craint d'AStre jugé par les autres comme un rASveur.
Il s'agit de mettre en œue le changement tel qu'il est présenté dans le d'action, si possible A petite échelle pour des raisons économiques. Il ne faut jamais modifier le au cours de l'étape, mais noter éventuellement ce qui ne convient pas afin d'en tenir compte dans le d'action du cycle suivant. |
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