On condamne la théorie du voisin en la traitant de statique et on défend la sienne en la qualifiant de dynamique.
P. Samuelson.
Si la distinction opérée en
économie entre statique et dynamique est inspirée de la mécanique, - l'élément historique prend une importance croissante A mesure que, changeant d'échelon, on passe de la physique A la biologie et, de lA , A l'évolution des sociétés humaines - (Cournot, 1838). A un niveau syntaxique, elle concerne essentiellement la prise en compte, explicite ou non, du temps dans l'énoncé des variables et des relations d'un modèle, quelles qu'en soient les formulations retenues ou les interprétations adoptées. A un niveau sémantique, elle correspond A deux horizons d'analyse, le court terme et le long terme, dont la définition rigoureuse met en jeu des variables hiérarchisées d'après leur vitesse d'évolution plus ou moins rapide. Si la temporalité est ainsi de mieux en mieux intégrée dans la théorie économique, il n'en est pas de mASme d'une dimension plus proprement évolution-niste dont l'importance est indéniable, mASme si Keynes rappelle, que - A long terme, nous serons tous morts -.
Temps exogène et endogène.
Traité d'abord comme une variable unidimensionnelle orientée (- temps-date -), le temps traduit la succession des énements économiques telle qu'elle est décrite explicitement par le modélisateur ou traduite mentalement par chacun des agents. Le temps exogène (ou - physique -) est le temps-support du fonctionnement et de l'évolution du système économique, considéré comme commun aux agents, mASme s'il est cu subjectivement de faA§on spécifique, sous forme de - temps propres -. Le temps endogène (ou - psychologique -) est le temps de base de la représentation individuelle des faits antérieurs ou postérieurs, sous forme de mémoire (avec un coefficient d'oubli) ou de prévision (avec un facteur d'incertitude). Cette appréhension des énements conduits A - indicer - doublement les variables (d'environnement, d'action ou d'interface) comme les fonctions, une première fois selon leur date d'apparition, une seconde selon leur date de perception ou d'anticipation.
De fait, -le temps transforme en passé unique une multiplicité d'avenirs possibles- (Lesourne, 1985), idée qui renvoie A l'opposition classique entre situation ex ante et ex post, au sens de situation virtuelle et réalisée. La situation ex ante résulte de la combinaison des intentions de comportement des agents fondées sur leurs anticipations, et la situation ex post de la conjonction des actions effectivement mises en œuvre, avant ou après la matérialisation des autres variables. Dans ce contexte, un état réalisable ex ante sera réalisé ex post s'il y a coïncidence, sur la période considérée, entre anticipations et réalisations des variables prises en compte par les agents (voir II, 4). Incidemment, les macro-économistes utilisent parfois une autre distinction entre situation ex ante et ex post, la première se rapportant A une modification locale de l'économie induite par une action (- avant bouclage -) et la seconde aux conséquences subséquentes sur l'ensemble de l'économie (- après bouclage -).
Vues par le modélisateur, les relations sont considérées ex post et mélangent usuellement variables réalisées et anticipées :
' les relations techniques (fonctions de production) ou comples (égalité ressources-emplois) ne font intervenir que des variables réalisées;
' les modèles de comportement (fonctions de consommation) relient des actions réalisées A des variables explicatives anticipées ;
' les schémas d'anticipation (prévision
des prix) relient les anticipations effectuées A des variables obseres ;
' les relations institutionnelles (équilibre offre-demande) sont plus ambiguA«s et traduisent aussi bien de riles contraintes physiques que des processus d'équilibration fictifs.
Vues par l'agent, ces mASmes relations peuvent cependant AStre considérées ex ante pour définir leur comportement (fonction de production perA§ue) ou déterminer leurs anticipations (équilibre offre-demande simulé).
La principale manifestation psychologique de l'écoulement du temps réside dans le processus d'- actualisation -, par lequel un agent pondère les utilités des effets séquentiels qu'il subit, de faA§on décroissante avec leur horizon. Plus précisément, le - taux d'escompte psychologique - est défini comme l'utilité relative associée A un mASme effet monétaire subi A deux périodes successives et traduit la - préférence pour le présent - de l'agent, qui lui est intrinsèque. Ainsi, la maxime : - un tiens vaut mieux que deux tu l'auras - (dans un an) traduit un taux d'escompte de 100 % alors que l'affirmation : - après moi, le déluge - traduit un taux quasi infini. Plus généralement, du fait de sa subjectivité ou de la nature du problème posé, l'horizon pris en compte par l'agent peut AStre fini ou infini, voire indéterminé si la date finale est aléatoire ; si l'horizon fini peut AStre analysé comme correspondant A un taux d'escompte éle, il se distingue néanmoins par la possibilité pour l'agent de raisonner par récurrence inverse A partir de ce point d'appui.
Temps historique et informatique.
Le temps peut également servir d'indicateur au déroulement d'une opération
économique (- temps-durée -), qu'il s'agisse d'une opération qui se déploie dans la sphère matérielle ou qui s'effectue dans la sphère informative. Le - temps historique - voit se réaliser physiquement les processus de production (transformation progressive des inputs en outputs), de
consommation (durée nécessaire A la consommation d'un bien) ou d'échange (échelonnement d'une transaction). Le - temps informatique - voit se dérouler conceptuellement le processus de décision d'un agent (durée nécessaire A la délibération) ou le processus de coordination entre agents (durée du processus de tatonnement vers un équilibre). Si le temps informatique est généralement modélisé par des étapes successives d'un processus algorithmique, le temps historique est formalisé sous forme de durées de réalisation de certaines opérations (temps de consommation) ou de délais dans l'action de certains facteurs sur d'autres (fonctions de production).
Dans la première optique, le temps historique peut AStre considéré comme une ressource rare de l'économie, transformée, échangée ou consommée par les agents comme tout autre facteur primaire. De fait, dans des modèles introduits par Becker (1965), cette ressource est allouée entre les diverses activités du consommateur en fonction de leurs durées unitaires et de leurs utilités intrinsèques, par le biais d'une contrainte globale de temps ajoutée A la contrainte financière (Dupuy, 1975). Si le temps apparait ainsi comme partiellement substituable A la monnaie dans certaines consommations (transport rapide et cher vs lent et économe), on peut définir une - valeur du temps - comme taux de substitution entre les deux ressources (voir III, 7). De faA§on analogue, on interprète parfois le comportement d'un agent, dans un processus de
négociation par exemple (Rubinstein, 1982), comme un arbitrage entre son résultat et sa durée, ce deuxième facteur reflétant un - degré d'impatience -, plus ou moins bien internalisable dans le taux d'escompte de l'agent.
Dans la seconde optique, le temps historique soulève le problème des actions irréversibles, qui restreignent le champ des actions futures, par opposition aux actions flexibles, qui permettent de conserver une plus grande marge de manœuvre. Au niveau de l'agent, un investissement non revendable augmente le
capital et empASche un investissement alternatif ultérieur ; au niveau collectif, l'exploitation d'une ressource naturelle non renouvelable diminue son stock et limite son exploitation ultérieure. Bien entendu, une telle irréversibilité est relative A un horizon et A un environnement donnés, la dépréciation du capital ou le renouvellement de la ressource autorisant de nouvelles actions A un terme plus ou moins éloigné. Formellement, elle se traduit souvent par une variation en sens unique imposée A une variable (d'action ou d'état) et s'interprète en fait comme une évolution endogène des contraintes sous l'influence des actions passées.
Dans leur expression temporelle, les relations économiques se présentent finalement sous forme synchronique (si elles ne font intervenir que des variables de mASme date) ou diachronique (si elles contiennent des variables de dates différentes). Une fonction de production ou une fonction de consommation est diachronique dès qu'interviennent des phénomènes d'inertie ou d'anticipation, alors qu'une relation d'équilibre ressources-emplois est traditionnellement traitée comme synchronique (voir II, 5). Granger (1969) fait cependant remarquer que cette propriété n'est pas intrinsèque et dépend fondamentalement de la longueur de la période de base retenue dans le modèle. En effet, s'il existe une causalité entre deux variables impliquant un certain délai d'action, elle donne naissance A une relation diachronique si l'on adopte une périodicité plus courte, mais peut conduire A une relation synchronique si la période est plus longue, car cause et effet s'y manifestent simultanément.
Temps continu et discret.
Du point de vue de sa structure formelle, le temps est traité tantôt comme une variable continue (temps du pendule), tantôt comme une variable discrète (temps du calendrier). Le temps continu est souvent privilégié dans les modèles théoriques, car il se prASte A un traitement mathématique plus simple ; pour traduire un système dynamique, les équations différentielles sont plus maniables que les équations aux différences. Le temps discret est, en revanche, plus proche de l'application, car les grandeurs économiques sont toujours mesurées de faA§on périodique, le problème étant de savoir s'il existe des périodes plus - naturelles - que d'autres. Si, en matière agricole, la période annuelle correspond A un cycle d'activités, et si, en matière financière, cette mASme période correspond A un exercice budgétaire, les opérations économiques se déroulent sur des périodes variables et sont de plus peu synchronisées entre elles.
Les principales variables économiques ont, A ce sujet, des définitions naïves différentes :
les prix sont des grandeurs définies A tout instant (mASme s'ils évoluent fréquemment en
marches d'escalier) ; les quantités de biens produites, échangées ou consommées sont des grandeurs définies sur une période
donnée (bien qu'elles intègrent des opérations élémentaires discrètes). Cela n'empASche pas cependant de définir les prix en temps discret, soit en retenant leur valeur en début ou en fin de période, soit en calculant leur moyenne sur la période considérée ; en sens inverse, on peut estimer une quantité de biens en temps continu en calculant un - débit moyen - sur une période petite. Les flux de biens conduisent enfin, par intégration en temps continu ou sommation en temps discret, A définir des stocks de biens ; les stocks, dans leur définition naïve, sont plutôt des grandeurs instantanées, mais, par commodité, sont évalués en temps discret par leur valeur en début ou en fin de période.
Les relations économiques admettent comme variables aussi bien des prix que des flux ou des stocks ; ainsi, une fonction de production lie un flux de produit A un flux de
travail et A un stock de capital alors qu'une fonction de demande de liquidités lie un flux d'actifs A un taux d'intérASt et A un stock patrimonial. Un cas particulier porte sur les relations flux-stock concernant une mASme grandeur ; elles expriment la variation du stock comme somme de l'évolution endogène du stock (développement ou dépréciation) et du solde de l'apport extérieur de flux (positif ou négatif). Bien entendu, une relation synchronique faisant intervenir un stock est en fait diachronique par rapport aux flux que ce stock intègre ; ainsi, une fonction de production est définie soit en fonction du capital (s'il est - malléable -, c'est-A -dire homogène), soit en fonction d'une chronique d'investissements (si ceux-ci ont des productivités dépendant de leur age).
Tout modèle économique pose le problème du passage d'une périodicité, par exemple annuelle, A une autre, par exemple trimestrielle (voir II, 8) ; en particulier, le passage A la limite d'une période élémentaire A une période infiniment petite correspond A la traduction du modèle du temps discret au temps continu. Si ce passage ne pose guère de problème pour les variables (en dehors de leur observation) ou les relations synchroniques, il est A peine plus délicat pour les relations diachroniques dont la structure des retards doit AStre traduite en déries continues en définissant la valeur asymptotique des paramètres correspondants. En fait, c'est le passage inverse qui est problématique car non univoque, un système d'équations différentielles pouvant AStre traduit de différentes faA§ons en système d'équations aux différences, avec des coefficients (qui reflètent les vitesses d'ajustement des variables) eux-mASmes transposés de faA§on approchée.
Temps emboités.
Dans un système économique où le modélisateur privilégie certaines variables, celles-ci évoluent de faA§on concomitante, contraintes par des relations synchroniques et diachroniques faisant intervenir des paramètres supposés invariants. En fait, d'une part, les variables se modifient plus ou moins vite comme en témoignent, en dehors mASme d'une influence directe du temps, les délais et les coefficients qui résument l'influence qu'elles subissent de leurs valeurs passées et d'autres variables. D'autre part, les paramètres eux-mASmes peuvent se déformer au cours du temps ou en fonction d'autres variables selon des lois où s'introduisent de nouveaux paramètres supposés plus sles que les précédents, bien que variant A leur tour. On est donc tenté de classer variables et paramètres selon leurs vitesses d'évolution et mASme, compte tenu du spectre a priori continu de ces vitesses, de passer A la limite pour faire apparaitre des rythmes différentiels discontinus.
Si l'on considère par exemple deux types de variables, - lentes - et - rapides -, le modélisateur en tiendra compte en supposant A la limite que, sur un intervalle de temps donné, les premières sont fixées et les secondes sont mobiles. Plus précisément, dans un modèle A temps discret où une période de base a été définie, trois niveaux d'invariance temporelle peuvent AStre considérés :
' les variables fixes sur l'ensemble des périodes (niveau 0) ;
' les variables fixes sur chaque période, mais mobiles entre deux périodes (niveau 1) ;
' les variables mobiles A l'intérieur de chaque période (niveau
Cette conuration est implicite dans la notion de - système A états -, les variables correspondantes étant respectivement les paramètres des lois d'évolution, les variables d'état et les variables d'entrée-sortie du système.
Pour le producteur, deux types de facteurs de production sont pris en compte, les consommations intermédiaires qui sont rapidement ajustées A la demande et les équipements dont l'adaptation est beaucoup plus progressive. La minimisation de la dépense en facteurs, A niveau de production donné, permet alors de définir, selon que les équipements sont considérés comme fixes ou variables, des fonctions de coût total dites -A court terme- et -A long terme-. Pour le consommateur, qui optimise quasi instantanément sa consommation, on peut considérer que ses préférences sont lentement évolutives en fonction des consommations passées et déterminent des fonctions de demande A court terme successives. Face A une telle évolution des préférences, mASme prévue par l'acteur, on peut parfois observer un phénomène d'- inconséquence temporelle - (dynamic inconsistency), A savoir que l'action qu'il retient aujourd'hui pour demain ne coïncide plus avec celle qui sera retenue demain, car il ne la juge pas avec les mASmes critères (cf. Ulysse sachant qu'il va céder au chant des sirènes).
Au niveau collectif, dans le modèle de l'équilibre walrasicn (voir II, 4), les variables rapides sont les quantités échangées et les prix d'équilibre ; les variables lentes sont les stocks, en particulier le capital et le niveau d'emploi. La fixation des prix et des quantités A chaque période définit un - équilibre A court terme - alors que l'ajustement des stocks entre deux périodes définit un - équilibre A long terme - sous forme d'un sentier de croissance. En revanche, dans le modèle d'équilibre A prix fixes, on suppose que les prix sont plus - visqueux - que les quantités et s'ajustent plus lentement pour des raisons diverses (prix administrés, contrats intertemporels entre agents). En passant A la limite, les prix sont fixes sur chaque période et déterminent A court terme les quantités A travers des schémas de rationnement, alors que, entre deux périodes, les prix s'adaptent en fonction des demandes nettes non satisfaites, et définissent un équilibre A long terme.
Court terme et long terme.
Dans sa définition la plus générale, la notion d'équilibre d'un système dynamique traduit simplement l'ajustement mutuel de ses caractéristiques endogènes en fonction des facteurs exogènes, sur une période donnée, et s'obtient formellement comme - solution - du modèle associé. La typologie précédente des variables, allant des plus lentes (structurelles) aux plus rapides (conjoncturelles), permet de définir deux types d'équilibres emboités :
' un équilibre A court terme sur chaque période : les variables lentes (niveau 1) sont fixées et les variables rapides (niveau 2) s'ajustent;
' un équilibre A long terme sur l'ensemble des périodes : les variables lentes s'ajustent entre deux périodes et les variables rapides A chaque période.
Formellement, A chaque période, les variables rapides sont définies A partir d'elles-mASmes, des variables lentes et des variables exogènes ; entre deux périodes, les variables lentes s'ajustent en fonction des variables rapides et lentes retardées, et des variables exogènes.
Ainsi, dans l'équilibre A court terme, les variables lentes - encadrent - les variables rapides, alors que, dans l'équilibre A long terme, les variables lentes peuvent AStre influencées en retour par les variables rapides. La définition des deux équilibres suppose que les variables rapides ont eu le temps de s'ajuster avant que les variables lentes n'aient bougé, ce qui revient A dire que les rythmes d'ajustement respectifs sont ordonnés lexicographiquement. De plus, le processus d'ajustement vers l'équilibre A long terme est décrit par la suite des équilibres A court terme, alors que l'équilibre A court terme est décrit, quant A lui, sans que l'on précise son mode d'ajustement (supposé instantané). Formellement, l'équilibre A long terme, qui se présente ainsi comme l'équilibre A court terme asymptotique, s'obtient en temps discret en annulant les décalages de toutes les relations, abstraction faite des variables exogènes (voir II, 4).
Au niveau individuel, la recherche d'un optimum est souvent formalisée par un processus séquentiel d'adaptation, où les actions retenues A chaque étape dépendent des résultats obtenus au cours des étapes précédentes. Un tel processus est décrit, en temps informatique, par la plupart des algorithmes d'optimisation (méthode du gradient, par exemple), mais aussi, en temps historique cette fois, par des procédures plus frustes d'essais-erreurs. Le monopoleur peut ainsi, en fonction de la variation de profit, positive ou négative, obsere au tour précédent, augmenter ou diminuer sa production de faA§on proportionnelle A l'écart de production testé précédemment. Le consommateur placé dans un cadre concurrentiel, selon que le taux marginal de substitution entre deux biens qu'il - ressent - A une date donnée est supérieur ou inférieur au rapport des prix de ces biens, va modifier en conséquence leurs consommations respectives.
Au niveau collectif, la recherche d'un équilibre est souvent traduite par un processus séquentiel de tatonnement, où les signaux émis par une - institution - A chaque étape sont modifiés en fonction des actions mises en œuvre précédemment par les agents. Ainsi, le tatonnement walrasien décrit en temps informatique la recherche d'un équilibre concurrentiel, le - commissaire-priseur - ajustant les prix A la hausse ou A la baisse selon que les déséquilibres obsers sont du côté de l'offre ou de la demande. Les mécanismes de prospection considèrent, cette fois en temps historique, des demandeurs d'emploi qui visitent des entreprises et acceptent un travail si le salaire offert est supérieur A un seuil donné (salaire de réservation), lui-mASme éventuellement ajusté en fonction des résultats passés de la recherche. La recherche d'optima collectifs donne lieu A des processus du mASme type, en particulier les - procédures de ification -. qui simulent le dialogue entre un centre et des unités décentralisées.
Equilibres hiérarchiques.
La typologie précédente des variables peut AStre généralisée A un nombre quelconque de niveaux temporels, correspondant A des périodes emboitées les unes dans les autres : périodes, sous-périodes, sous-sous-périodes. LA encore, il s'agit d'un ordre lexicographique dans la mesure où, A chaque niveau, on fait l'hypothèse que les variables rapides ont le temps de s'ajuster complètement avant que les variables plus lentes ne se modifient. On y associe une hiérarchie d'équilibres (A infra-court, court, moyen, long, ultra-long terme), où l'équilibre de rang;, qui s'élit sur chaque sous-période de niveau j, est défini par l'ajustement de toutes les variables de niveau supérieur ou égal A j, celles de niveau inférieur étant fixées. On peut alors considérer qu'un équilibre de niveau;', qui décrit un modèle - tangent A la réalité - sur toute période de rang y, est la limite du processus dynamique décrit par la suite des équilibres de niveau j+1.
La formalisation des équilibres emboités multiples ne peut plus cependant AStre effectuée dans le cadre traditionnel des modèles A temps discret et A variables retardées, car il faudrait distinguer divers niveaux de retards (ou définir des superdéries en temps continu). On peut néanmoins contourner l'obstacle en étudiant l'interaction entre les deux niveaux supérieurs dans ce cadre (les variables plus lentes étant fixées), puis recommencer l'opération pour les deux niveaux immédiatement inférieurs. En pratique, on définit des temporalités variables dans le cadre habituel en renonA§ant A les ordonner de faA§on strictement lexicographique, une variable connaissant alors des fluctuations de court terme autour d'une évolution A moyen terme, elle-mASme oscillant autour d'un trend A long terme. Traditionnellement, le court terme est de l'ordre d'un A deux ans, lié au cycle budgétaire, le moyen terme de trois A sept ans, lié A l'horizon de ification, le long terme de dix A vingt-cinq ans, traduisant les tendances lourdes.
Au niveau individuel, le modèle de décision satisfacing d'H. Simon peut AStre interprété comme articulant trois niveaux temporels (dans la mesure où tout modèle mettant en jeu des niveaux de décision peut, plus ou moins conventionnellement, AStre temporalisé) :
' A court terme, l'agent confronte les utilités partielles d'une action A des seuils d'aspiration et l'adopte si elle y satisfait ;
' A moyen terme, l'agent explore séquentiellement l'ensemble des actions possibles, rangées dans un ordre prédéfini ;
' A long terme, si ce processus n'aboutit pas (ou aboutit trop facilement), l'agent abaisse (ou élève) les seuils exigés.
La théorie de l'oligopole fournit également un exemple de choix hiérarchisés d'un producteur concernant un bien donné, avec remises en cause de plus en plus rapides : entrée sur le marché ' qualité du bien ' technologie de production -> prix et quantité. Au niveau collectif, divers modèles juxtaposent, d'une part le processus de tatonnement vers une situation d'équilibre privilégiée, d'autre part le déplacement de cet équilibre sous l'impulsion de facteurs exogènes et endogènes. Simon (1959) e la situation A de la mélasse dans un bol qui connait un équilibre de moyen terme intermédiaire entre un équilibre A court terme (déplacement de la mélasse vers le fond du bol) et A long terme (déformation lente du bol). Machlup (1963) prend l'exemple d'une balance dont les plateaux supportent des récipients de formes différentes remplis d'une mASme quantité d'eau et connait un équilibre intermédiaire entre un équilibre de court terme (oscillations mécaniques de la balance) et de long terme (évaporation de l'eau). Mais, en économie, on est fondé A penser qu'une évolution rapide des variables d'environnement, accomnée d'irréversibilités, empASche sinon la formation d'équilibres intermédiaires, du moins la convergence vers un équilibre A long terme.
Convergence et silité.
L'état d'équilibre de court terme d'un système tout comme ses propriétés (existence, unicité, silité) sont conditionnels aux facteurs exogènes qui agissent sur lui. La - statique ative - consiste alors A étudier les modifications des variables endogènes d'équilibre induites par des variations tant des variables d'environnement que des variables endogènes retardées. Mais, outre que l'on e ainsi des états alternatifs non réalisables simultanément, -la méthode de la statique ative reste vide tant que l'on n'a pas défini un système dynamique correspondant et que l'on n'a pas démontré sa silité - (Samuelson, 1947). La -dynamique ative- répond A la seconde objection et confronte, cette fois, les équilibres A long terme obtenus par convergence des équilibres A court terme successifs A partir de chroniques différentes des variables d'environnement.
En fait, A ce processus de convergence vers un équilibre asymptoti-que, on peut associer deux notions de silité, qui, lA encore, diffèrent en ce qu'elles mettent en jeu des variables de niveaux temporels différents. La silité asymptotique est assurée lorsqu'on déplace légèrement une variable exogène (de niveau 1 ou 2) A une période donnée (ce qui revient A modifier l'état initial A cette période) et que la nouvelle trajectoire du système converge vers l'ancienne. La silité structurelle est assurée lorsqu'une petite modification d'un paramètre (de niveau 0), maintenue sur toutes les périodes, induit une nouvelle trajectoire du système qui reste constamment voisine de l'ancienne. Plus largement, on peut associer A chaque état d'équilibre ou --attracteur - du système un - bassin d'attraction - formé de tous les états initiaux qui mènent A l'équilibre ; ces bassins ont des frontières ou - séparatrices - qui se modifient elles-mASmes avec les paramètres du système. L'étude des attracteurs est facilitée par l'existence d'un potentiel dont dérive la dynamique du système, potentiel qui existe en mécanique, mais est peu manifeste en économie.
A l'échelon individuel, la fonction de demande A court terme d'un consommateur, définie A partir des préférences instantanées, peut converger vers une fonction de demande A long terme lorsque les préférences évoluent régulièrement en fonction des consommations passées. De mASme, la fonction de coût (total ou marginal) A court terme d'un producteur peut converger vers une fonction de coût A long terme lorsque les équipements s'adaptent progressivement au niveau de production optimal. Un processus de décision adaptatif d'un agent améliorant progressivement son utilité peut aussi converger peu A peu vers un optimum, mais cet optimum sera cependant plus souvent local que global (en cas d'optima multiples). Enfin, un comportement - satisfaisant - au sens de Simon peut converger vers un comportement - optimisant - lorsque les seuils d'aspiration de l'agent s'ajustent de faA§on ni trop rapide ni trop lente aux résultats obtenus (Day, 1967).
A l'échelon global, une suite d'équilibres concurrentiels A court terme peut converger vers un sentier de
croissance équilibrée A long terme si le capital a un taux de croissance régulier et adapté A celui (exogène) de l'emploi. De mASme, une suite d'équilibres A prix fixes peut converger vers un équilibre
concurrentiel pour certaines règles d'ajustement des prix et des salaires, si bien que le régime économique s'avère - keynésien A court terme et classique A long terme - (Muet, 1979). Un processus de tatonnement walrasien peut lui aussi converger vers un équilibre concurrentiel, si la règle de révision des prix est suffisamment réactive et si la demande nette obéit A des propriétés spécifiques. Enfin, un processus de prospection des salariés sur le marché de l'emploi converge généralement vers un équilibre concurrentiel, en l'absence de - frottements - (coûts d'adaptation du comportement, de transaction ou d'information), et vers des équilibres de nature différente sinon (voir II, 4).
Vision évolutionniste de l'économie.
La prise en compte du temps dans la théorie économique formalisée a été très progressive, avec une difficulté évidente A y intégrer les conceptions plus littéraires, mais plus authentiquement dynamiques, d'auteurs comme Marx ou Schumpeter. Prenant appui sur la théorie des systèmes dynamiques, l'introduction de délais de réaction et de variables exogènes fluctuantes a conduit A définir des équilibres non plus stationnaires, mais temporellement emboités, faisant apparaitre des cycles ou des bifurcations, mais l'analyse demeure toujours très cinématique. Plus récemment, s'inspirant de la théorie des jeux dynamiques, la considération du comportement finalisé et anticipatif des agents a permis une approche moins déterministe, où l'évolution d'un système dépend non seulement de ses conditions initiales et de ses lois de fonctionnement, mais de la vision du futur des agents (conditions terminales). Il subsiste toutefois une exigence pour une conception sémantiquement encore plus riche, qui puisse rendre compte d'évolutions qualitatives du système, tant le - noyau dur de l'économie ignore l'histoire - (Lesourne, 1985).
Une telle conception se manifeste encore timidement dans les processus d'évolution des déterminants des agents sous l'influence du temps, de leurs actions passées, de celles des autres et de facteurs d'environnement. Les contraintes se modifient du fait tant des rigidités induites par des variables d'action ou institutionnelles passées que des innovations qui interviennent sur les technologies ou les produits. Les préférences se transforment sous l'action de la formation ou des médias, mais aussi du comportement passé par un effet d'expérience (produits courants testés), d'accoutumance (drogue) ou d'autoforma-tion (biens culturels), comme des actions d'autrui (publicité). Les représentations enfin changent A travers l'enseignement qui est reA§u, mais aussi par un processus d'apprentissage qui amène A les réactualiser, selon divers rythmes et modalités, en fonction des observations effectuées (voir II, 6).
Elle se manifeste plus profondément dans les tentatives visant A endogénéiser l'émergence de structures nouvelles, dues A des énements locaux qui manifestent leurs potentialités, au franchissement de seuils dans des évolutions quantitatives, ou A un processus d'autoorganisation où les actions individuelles jouent un rôle prédominant. Il s'agit d'abord de rendre compte de la démographie des agents, sous l'influence de conditions naturelles modulées par l'activité économique (démographie des individus) ou de facteurs économiques complexes (démographie des entreprises). Il s'agit ensuite d'expliquer la modification des réseaux de relations entre agents, dans leur structure (phénomènes d'intégration verticale ou horizontale des entreprises), comme dans leur nature (
concurrence entre entreprises par la technologie ou la qualité plutôt que par les prix). Il s'agit enfin de décrire la genèse et l'évolution des institutions, aussi bien A long terme l'apparition de la monnaie ou la formation de marchés, qu'A plus court terme, la transformation des contrats de travail ou les transitions entre diverses formes d'organisation ou de concurrence (voir II, 5).
Un recours aux modèles biologiques est fréquemment invoqué : - c'est la biologie économique plutôt que la mécanique économique qui constitue La Mecque de l'économie, bien que les conceptions biologiques soient plus complexes que celles de la mécanique - (Marshall, 1948). Un processus souvent mobilisé, bien que très controversé du fait de son caractère grossièrement analogique (voir I, 3), est celui associant de faA§on encore peu formelle une mutation aléatoire et une sélection déterministe. Il a d'abord été appliqué aux agents eux-mASmes, surtout les entreprises, qui, mASme si elles n'apparaissent pas au hasard, sont censées survivre en fonction de leurs performances économiques ées A celles des autres (voir II, 2). Il est appliqué de faA§on plus réaliste aux procédés technologiques ou aux procédures de décision utilisées par les agents, qui sont engendrés par des processus de recherche et sont renforcés ou inhibés en fonction des résultats obtenus (Nelson-Winter, 1982). Il est enfin appliqué aux institutions qui, lA encore, peuvent apparaitre de faA§on quelque peu arbitraire et sont conseres ou éliminées en fonction de leurs propriétés d'efficacité globale ou de leur utilité pour les agents.