Dès 1958 Raoul Prebisch, Secrétaire Exécutif de la Commission
économique pour l'Amérique latine (C.E.P.A.L., aujourd'hui C.E.P.A.L.C. en y joignant les Caraïbes) m'appelle pour que je suggère les formules d'un marché régional en Amérique latine.
Première question, des pays en nombre limité, ou la zone le plus vaste possible ? Il allait de soi que les méthodes différeraient de ce que j'avais contribué A faire en Europe. Inégalités énormes entre les pays par la taille et les ressources, orientation vers l'extérieur plutôt que dans les relations au-dedans du continent, recours aux changes multiples. Passé par New York, Mexico, Bogota, Lima et La Paz, j'ai travaillé A Santiago et, au retour, contacté les gouvernements de l'Argentine et du Brésil. Un comité d'experts a repris presque intégralement mes propositions. Mais les diplomates ont fait un Traité de Montevideo où les listes communes de libération promettaient d'infinies réunions d'experts, et où la préférence régionale pouvait aussi bien prendre la forme du relèvement des tarifs vis-A -vis des pays tiers. Le groupe andin s'est davantage inspiré de l'Europe, l'Amérique centrale avait pris de l'avance, mais les conflits armés ont tout détruit. C'était pour moi le début de yages multiples en Amérique latine, en liaison avec la Banque interaméricaine ou l'Alliance pour le Progrès, où j'ai participé aux études sur le Mexique et sur la Colombie. Mais je ne publie que des rapports dont je suis l'auteur sans partage. J'ai traduit pour ce recueil le texte que j'avais écrit en anglais.
Suggestions sur le problème d'un marché régional pour l'Amérique latine
Introduction
A. La position du problème
L'élissement d'un Marché commun en Europe a sans aucun doute aidé A faire revivre l'idée d'une intégration économique de l'Amérique latine, mais le concept n'est pas nouveau. Sous différents aspects il a été longtemps équé publiquement, et le besoin d'un tel effort dérive de causes qui existaient avant qu'un tel
développement prenne place en Europe et impressionne avec force l'observateur du dehors.
Des corrélations hatives ou des analogies superficielles doivent donc AStre accueillies avec réserve. La situation diffère radicalement de celle des six parties contractantes de la Communauté, et les solutions adoptées, encore qu'elles puissent bénéficier de l'expérience européenne, doivent revAStir un caractère propre adapté aux conditions qui prévalent en Amérique latine.
1. La première différence frappante est que, tandis que le commerce entre les pays européens, mASme A l'intérieur du groupe des Six, mais plus fortement encore dans le cadre de PO.E.C.E., représente la plus grande part de leur commerce total, le commerce intra latino-américain n'est qu'une fraction mineure, de l'ordre de 10 %, du commerce extérieur total des pays en cause.
Il existe naturellement des différences substantielles de pays A pays, mais une telle moyenne reflète le fait que les pays latino-américains ont chacun pour soi orienté leurs économies vers une complémentarité avec le monde extérieur, de faA§on prédominante l'Europe ou les Etats-Unis. Au surplus, un fait frappant est l'absence pratique de toute exportation de produits manufacturés d'un pays latino-américain A un autre. VoilA qui montre le défaut de
concurrence dans les conditions où les industries se sont développées et la tendance A des coûts élevés qui ne petit manquer de résulter d'un tel caractère autarcique.
La question se pose de sair si une telle situation de fait prive toute tentative d'intégration économique plus étroite de toute portée pratique ou, au contraire, la,rendra moins difficile et plus fructueuse. On peut soutenir que l'élimination de toutes les barrières aux échanges entre des pays qui sont très proches les uns des autres, qui ont un système de transport très développé, qui sont engagés dans les mASmes lignes de production, et qui se situent A un niveau de développement ou de
productivité relativement égal, comporte plus de
risques et peut appeler davantage d'ajustements qu'une intégration entre pays qui sont situés sous des latitudes très différentes, ont des climats très divers, et dès lors sont très largement complémentaires et protégés par le simple fait de la distance et des difficultés de transport.
Quant A la distance et aux difficultés du transport, on peut A bon droit soutenir qu'elles ne devraient pas AStre redoublées par des obstacles artificiels aux échanges. Un cercle vicieux semble se révéler et qui devrait d'une manière ou d'une autre AStre brisé. Une condition du développement est l'élissement d'un réseau de
moyens de transport, qui ne peut AStre créé ou exploité économiquement s'il n'y a pas assez de marchandises A transporter. Inversement, mASme si les obstacles aux échanges sont abaissés ou abolis, la situation arriérée du système de transport empASchera le flux des biens. C'est seulement si les obstacles artificiels qui sont superposés aux obstacles naturels sont graduellement éliminés que le système de transport peut AStre développé, les coûts de transport abaissés, le flux des marchandises et le rythme de développement accélérés A leur tour.
2. Le niveau du développement, tel qu'il est mesuré par le revenu réel par tASte, est, en moyenne, beaucoup plus bas en Amérique latine que dans les pays européens. La différence reflète le fait que, tandis que les pays européens (en particulier ceux de la Communauté des Six) sont déjA engagés dans toutes les lignes de production, le processus d'industrialisation et de développement a encore un long chemin A parcourir en Amérique latine. Sous certains aspects, cette situation initiale devrait rendre l'idée d'intégration A la fois plus aisément acceple et plus attrayante. Il ne s'agit pas tant de concurrence entre des industries déjA existantes, avec les risques des ajustements, que d'une chance de ifier un développement de nouvelles industries en commun, d'éviter des doubles emplois inutiles ou des localisations antiéconomiques, finalement d'assurer dès le départ l'échelle de production la plus appropriée aux industries qui doivent AStre lancées.
Il est aussi important de perceir les facteurs qui aujourd'hui bloquent le développement et mASme lui opposent des limites. C'est dans beaucoup de cas le manque de capitaux suffisants, ce qui rend d'autant plus important qu'ils ne soient pas gaspillés dans l'instauration d'industries sur petite échelle et A coût élevé, qui souffriront entre autres du manque de facilités de base en transport et en énergie. Il y a par ailleurs la grande insilité du marché d'exportation pour les produits primaires, dont la plupart de ces pays dépendent comme base de leur production et comme le moyen de payer pour les importations qui leur sont nécessaires. D'où la vulnérabilité du processus de développement, qui dépend dans une large mesure du flux de
capital étranger et de la capacité d'importer des biens d'équipement. Dans certains cas, les débouchés extérieurs ne sont pas seulement insles mais en ie de rétrécissement, du moins vers les pays industrialisés d'où les biens d'équipement doivent provenir.
De tels faits conduisent A la nécessité d'orienter le capital vers les industries A plus haute productivité, d'en réserver une part plus grande pour les équipements de base, pour un approvisionnement alimentaire plus adéquat, pour la mise sur pied de certaines industries de biens d'équipement travaillant pour un large marché, et finalement de réorienter une partie des exportations, particulièrement de produits alimentaires, vers des régions en Amérique latine mASme où ils peuvent satisfaire des besoins urgents. Ces régions pourraient fournir en échange certaines des matières premières ou des marchandises qui sont nécessaires pour la production et le développement.
3. Au surplus, A un niveau de développement qui se situe très en dessous de celui de l'Europe, les différences entre pays, et aussi entre régions dans un mASme pays, sont beaucoup plus larges que celles qu'on observe dans la Communauté des Six, ou mASme entre les cas extrASmes au sein de l'Organisation de Coopération économique Européenne. A n'en pas douter, des écarts aussi larges peuvent représenter une difficulté qui doit AStre regardée en face. A moins qu'elle se soucie de la prendre en compte et d'y appliquer des mesures spécifiques, une tentative d'intégration peut conduire A une concentration encore plus poussée du développement industriel dans certaines zones et laisser le reste inchangé ou mASme appauvri. Dans une zone plus étendue, des méthodes peuvent AStre imaginées pour donner aux régions moins farisées un élan initial qui leur permettra de tirer avantage d'opportunités économiques qui autrement seraient demeurées gaspillées.
Il est particulièrement frappant que, tandis que chacune des économies européennes, A peu d'exceptions près, peut AStre considérée comme vigoureusement intégrée, A la fois dans le sens de relations intenses et d'écarts relativement étroits de revenu réel entre leurs différentes parties, la plupart des pays latino-américains présentent de vastes disparités entre leurs diverses régions, avec peu de chances pour les principaux centres d'activité d'aider au développement des régions les plus excentrées. C'est seulement si ces zones reA§oivent la possibilité de relations plus intenses avec les zones isines dans d'autres pays que les obstacles peuvent AStre surmontés. Il y aurait mASme une place pour des s régionaux de développement, réunissant un ensemble de districts situés dans différents pays et qui sont liés entre eux géographiquement. De telles perspectives ne peuvent AStre ouvertes avec succès que si les frontières politiques ne constituent pas en mASme temps des frontières économiques insurmonles, et si le processus d'intégration interpays apparait comme une condition pour l'intégration interne au sein de certains pays.
B. Des ies alternatives
On peut résumer les traits fondamentaux de la situation comme suit : le besoin d'un taux accéléré de développement, mais en mASme temps de vastes inégalités non seulement entre pays mais aussi entre les régions dans les mASmes pays ; un manque d'homogénéité et de communications directes aisées dans la région prise ensemble ; malgré l'orientation vers le dehors des économies latino-américaines, des difficultés chroniques de balance des paiements qui entravent le développement.
Face A un tel leau, on peut se demander avec pertinence si un effort d'intégration est la réponse appropriée, ou s'il ne risque pas de rendre le développement plus difficile A travers un accroissement du coût de l'investissement comme le prix A payer pour l'élissement d'industries de biens capitaux. Ce n'est pas cependant inévile, car la protection initiale accordée pour la création d'industries nouvelles n'a pas A AStre maintenue en permanence ' elle peut AStre d'autant plus faible que plus large est le marché pour lequel elles travaillent et plus forte la concurrence qu'elles doivent affronter sur ce marché.
Au surplus, l'alternative ne serait probablement pas la continuation d'un échange de produits primaires contre des produits manufacturés et des équipements avec le monde extérieur, mais un effort accru de production de produits manufacturés A l'intérieur de
marchés nationaux limités, tel que l'a mis en évidence le renversement dramatique de la divisiion internationale du travail dans les politiques des pays latino-américains.
Il faut insister sur le fait qu'au-delA des économies d'échelle, qui s'offrent très largement dans certaines industries d'importance stratégique, le principal effet d'une zone économique plus large et plus forte réside dans la nouvelle psychologie et dans les comportements nouveaux qu'elle proque, l'élan qu'elle donne A une diffusion plus rapide du progrès technologique mais, avant tout, dans une plus grande capacité A résister aux chocs venus du dehors, A surmonter les difficultés de balance des paiements et A éviter les restrictions cumulatives. Cette diminution de la vulnérabilité et de l'insilité, aussi bien que la circulation plus libre des talents et la renaissance de l'esprit d'entreprise, est une contribution décisive au développement lui-mASme.
Il est tout A fait vrai, d'autre part, que dans une zone aussi vaste que l'Amérique latine, il y a des régions mieux circonscrites qui constituent des unités plus réelles et plus praticables sur lesquelles l'effort du développement pourrait AStre utilement concentré. Mais une telle idée n'est pas contradictoire avec la recherche d'un cadre plus large, qui permettrait A de telles régions d'émerger comme le sujet approprié de s de développement en commun et aussi d'ésectiuner les obstacles A l'exécution de ces s.
Pas davantage ne devrait-on imaginer une sorte d'option entre une politique d'intégration et une politique de programmes d'investissement. Elles sont complémentaires l'une de l'autre. Plus grande est la part de nouvelles industries A développer, plus éminent est le rôle qui doit AStre joué par une analyse approfondie des marchés potentiels, des types de productions avancées, de la taille et de la localisation des entreprises. L'élimination des obstacles aux échanges donnerait du mASme coup A une telle analyse sa pleine portée pratique et éviterait qu'elle soit frustrée dans ses résultats par des limitations institutionnelles.
On pourrait penser A une approche progressive A travers un processus d'intégration initialement confiné A un nombre limité de produits. Quatre idées évidentes devraient immédiatement AStre équées. MASme pour des industries particulières l'intégration doit AStre progressive, de sorte que l'addition de périodes transitoires industrie après industrie apparaitrait sans fin. Au surplus, il n'est pas toujours facile de tenir un équilibre entre les pays dans un champ limité de produits. En outre, il n'est pas toujours vérifié que la meilleure manière d'accroitre les échanges soit de libérer la mASme liste de produits parmi tous les partenaires, et dans certains cas il peut AStre plus approprié que l'un libère une liste de biens et l'autre une autre. Finalement les conditions de concurrence qui s'élissent dans une libération limitée ne sont pas les mASmes qui prévalent dans un marché plus général, et les politiques économiques d'ensemble ne peuvent pas AStre appliquées pour contrebalancer un déséquilibre, de telle sorte que le système pourrait AStre fondé sur une distorsion fondamentale.
La progressivité peut prendre une autre forme, c'est-A -dire un processus pas A pas, pour l'
économie dans son ensemble, moyennant les délais nécessaires. Au lieu d'une alternative entre différents types de solution ' un vaste marché régional ou des zones spécifiques de développement, le jeu des forces du marché ou la programmation de l'investissement, une libération sur toute la ligne ou la libération d'un seul type de produits ' la clef est d'imaginer un système qui soit A la fois assez large et assez flexible pour permettre simultanément la poursuite de ces buts, A travers la marge de choix qu'il laisse, les contreparties qu'il dégage et les limitations qu'il ésectiune.
Un tel ne devrait pas seulement prendre en compte les traits de base de la situation latino-américaine tels qu'on les a esquissés, mais aussi la nécessité de permettre l'élissement plus rapide d'un marché régional dans certaines catégories de produits, par exemple les équipements ; un accroissement accéléré des échanges entre pays isins, par exemple en fournitures complémentaires ; une ification du développement régional dans des territoires qui apparaissent comme une unité naturelle. Par-dessus tout, ce projet devrait incorporer des traits tels que les pays les moins avancés pourraient s'y joindre, et des mécanismes qui leur faciliteraient l'opération de rattrae de leur retard. Finalement ce projet ne devrait pas masquer le fait qu'une grande partie des obstacles aux échanges, du moins dans certains pays d'Amérique latine, ne prennent pas la forme conventionnelle de tarifs douaniers ou de contingents mais de restrictions de change, de manipulation des taux de change, et de, règlements bilatéraux.
C. Esquisse d'une solution
Le premier pas vers une telle solution serait d'envisager un Marché commun couvrant finalement toutes les branches de la production, au bénéfice de quatre types essentiels de procédure :
a) Les barrières aux échanges seraient graduellement démantelées sur une certaine période de temps, et par une méthode qui permettrait A chaque pays de retenir la plus grande liberté d'action possible. A chaque étape, la mesure dans laquelle les droits de douane seraient réduits ou, autres cas possibles, les contingents ou les mesures de change rendus plus flexibles, serait fondée sur une moyenne, plutôt que sur un rythme applicable de faA§on obligatoire A chaque produit ; chaque pays serait ainsi en position de choisir, sous réserve de ses engagements globaux, les lignes de production sur lesquelles il allégerait plus rapidement le taux des droits et celles auxquelles il continuerait A accorder une plus grande protection pour une période plus longue.
b) les limites de temps stipulées pour la disparition des barrières aux échanges varieraient selon le niveau de développement atteint par les différents pays.
c) Le but final du système serait A la fois la suppression des droits de douane et des restrictions de change entre les pays membres, et la création d'une union douanière, avec un tarif commun envers le reste du monde. Ce tarif ne serait lui aussi éli que graduellement.
d) Le système de paiements serait restructuré sur une base multilatérale et des mesures prises pour rendre différents systèmes de change compatibles avec le fonctionnement correct d'un Marché commun.
Sans entrer dans les détails qui ne peuvent AStre définis qu'A un stade ultérieur, une brève indication sera
donnée sur les ressemblances et les différences entre un tel et le système de la Communauté économique Européenne instituée par le Traité de Rome.
1. Dans les deux cas une union douanière, c'est-A -dire, un tarif commun, serait mise en place. Deux considérations essentielles militent en sa faveur, le désir de prévenir les distorsions dans les conditions de la concurrence inter-industrielle qui résulteraient d'une disparité dans le niveau des droits de douane, et la lonté de renforcer la capacité de négociation extérieure des pays en cause.
2. Dans le marché latino-américain, le système applicable A la disparition des barrières aux échanges serait beaucoup plus flexible que celui qui a été adopté dans le Traité de Rome. Grace A la flexibilité, des accords spéciaux par groupes de pays pourraient aisément AStre incorporés. Des exemples qui se suggèrent d'eux-mASmes sont les pactes en ie de réalisation parmi les républiques d'Amérique centrale ; l'action concertée pour accélérer la création d'un Marché commun pour les biens capitaux parmi les pays qui pensaient qu'ils seraient capables, dans un avenir proche, d'obtenir leur équile part de tels produits manufacturés ; ou, enfin, les s concertés de développement régional, aussi bien que les mesures pour intensifier les échanges entre pays isins ou entre des économies qui présentent un haut degré de complémentarité entre elles. Les accords du premier type ne sont pas plus incompatibles avec un Marché commun général que la formation anticipée ou accélérée d'une union douanière entre les pays du Bénélux avec leur appartenance A la Communauté économique européenne. Des arrangements du second type signifieraient que les pays en cause, d'un commun accord, laisseraient la charge principale de la réduction de leurs droits de douane vis-A -vis des pays membres peser sur les biens capitaux, A l'intérieur de la moyenne qui doit AStre respectée dans les étapes initiales. Des mesures de la troisième sorte reposeraient sur des consultations visant A déterminer les postes auxquels les pays désireux d'intensifier immédiatement leurs échanges mutuels appliqueraient les plus fortes réductions de droits de douane de part et d'autre. De telles réductions s'appliqueraient A tous les pays membres de manière indiscriminée, mais dans la réalité, par l'effet des choix mASmes des produits, affecteraient essentiellement les importations réciproques des pays qui concluent de tels accords.
3. Par-dessus tout, la limite de temps fixée pour les différents groupes de pays ne serait pas la mASme, et cette renonciation A une uniformité complète et une réciprocité totale peut se révéler l'une des conditions indispensables pour rétrécir, dans l'intérASt de la région toute entière, l'écart existant ' qui autrement s'élargirait vraisemblablement ' entre les niveaux de développement des pays latino-américains.
En fait, le mécanisme envisagé offrirait la possibilité d'attirer le capital étranger plus spécialement vers les zones les moins développées, parce qu'elles offriraient une combinaison de trois sortes d'avantages ; (i) la période de protection serait plus longue, (ii) un marché plus large serait ouvert sans le besoin d'attendre que la protection du marché domestique arrive A son terme, (in) finalement ' puisque le tarif commun ne serait éli que graduellement ' l'équipement pourrait AStre obtenu des producteurs traditionnels, alors que les industries concurrentes dans les pays plus avancés supporteraient le fardeau de la protection accordée A la fabrication domestique de biens capitaux.
La mise sur pied de ces mécanismes n'est qu'une partie de la solution aussi bien que de la tache A accomplir. Ils donnent une portée plus large A l'analyse et A la programmation des investissements. Une telle analyse se révélerait d'autant plus fructueuse si le processus d'intégration permettait l'élissement d'entreprises assez vastes pour répartir rationnellement différentes unités de production en fonction des avantages naturels de chaque région. En outre, des mécanismes destinés A un
financement commun, sous des formes qui tiennent pleinement compte des conditions et des limites dans lesquelles le capital peut AStre obtenu, formeront une partie essentielle d'un programme de développement intégré.
Si le système est bien conA§u, il devrait incorporer les incitations nécessaires pour chaque pays A se joindre au groupe auquel il doit se rattacher en vertu de ses potentialités économiques et de son niveau de développement. Il est dans l'intérASt des pays les plus avncés de s'accorder pour procéder avec la plus grande rapidité, de telle sorte que les industries de biens capitaux qu'ils désirent mettre sur pied puissent s'assurer les marchés les plus larges dans l'intervalle de temps le plus court possible ; il est de l'avantage des autres de faire les progrès les plus rapides, de telle sorte que dans le réglage des droits de douane ils puissent arriver A des accords avec les pays plus avancés de nature A développer le plus rapidement des filières d'échanges mutuellement avantageuses ; et finalement il est de l'intérASt commun des deux catégories que les pays sous-développés accèdent au système et que ceux qui sont plus avancés facilitent cet élargissement du marché.
En bref, la question est de construire un cadre A l'intérieur duquel des objectifs plus circonscrits et plus clairement définis peuvent du mASme coup AStre plus facilement atteints.
APPENDICE A L'INTRODUCTION
Une méthode pour lancer un marché régional qui a été suggérée apparait au premier abord séduisante. Le but serait de créer un Marché commun latino-américain pour les biens capitaux produits A l'intérieur de la région.
L'avantage essentiel de cette proposition serait, en premier lieu, que les fabrications en cause n'ont pratiquement pas été tentées, de telle sorte que les industries existantes ne seraient pas exposées aux effets adverses possibles de la concurrence ; et, deuxièmement, qu'il serait plus aisé de préserver la continuité des programmes de développement, aujourd'hui constamment menacés par la difficulté de trouver les devises étrangères nécessaires avec lesquelles importer d'Europe et des états-Unis les biens capitaux qui constituent une partie essentielle d'un programme de cette sorte.
Mais dans le choix de la sphère d'expérimentation en matière d'intégration économique, on doit veiller A ce que tous les pays impliqués se ient offrir des opportunités de développement pour certaines lignes de production dans leurs territoires. Autrement, ils ne feraient pas autre chose que de changer de fournisseurs, dans des conditions qui pourraient se révéler désavantageuses ; ils ne seraient pas moins dépendants des autres qu'avant ; leurs perspectives d'industrialisation sur des bases économiques seraient réduites ; et finalement, un Marché commun ainsi restreint A certains secteurs courrait le risque de dislocation par suite de déséquilibres dans les balances de paiement. En d'autres termes, seuls les pays qui seraient sûrs de participer aux industries projetées dans la fabrication des biens capitaux seraient en position d'accéder au système, l'implication étant que seulement ceux qui avaient fait le plus de progrès dans la création d'industries mécaniques ou chimiques pourraient réellement y participer. Un Marché commun confiné A un nombre limité de produits, essentiellement des biens capitaux, serait aussi automatiquement confiné A un nombre limité de pays.
Ceux qui seraient condamnés A rester en dehors du système, et qui sont les moins avancés, se trouveraient prendre un retard encore plus grand au regard des pays plus hautement développés ; de fait, il est logique de supposer que la mise en commun du développement l'accélérerait. Les pays qui mettraient en commun leur développement de cette manière seraient capables de faire de leurs investissements productifs un projet économique plus sain, et offriraient des perspectives plus attrayantes au capital étranger, de telle sorte que, en fin de compte, le fossé divisant les économies latino-américaines ne ferait que s'élargir. C'est une illusion de supposer que l'institution d'un bloc limité de pays peut servir comme une première étape vers une union plus englobante A quelque date future, A partir de l'hypothèse que des succès initiaux encourageraient d'autres pays A prendre part A l'expérience ; au contraire, A mesure que le temps s'écoule, il deviendrait plus difficile pour eux de remplir les conditions qui les mettraient en mesure de se joindre au système.
Juste A titre de rappel, on peut mentionner les problèmes techniques délicats qui se découvrent aussitôt que l'intégration est conA§ue comme limitée A des catégories spécifiques de produits ; mASme dans ce qui semble AStre les industries les plus clairement définies, il y a des cas frontières qui appellent des négociations d'experts avant de pouir AStre inclus dans le leau de libération ou relégués au statut ordinaire. Particulièrement quand les biens capitaux sont en jeu, l'équipement neuf et les pièces de rechange doivent AStre soumis A un seul et mASme système ; mais il y a beaucoup de cas où ces pièces peuvent AStre affectées A des usages multiples. Pour ne citer qu'un exemple, les mASmes pièces peuvent servir A construire ou A réparer aussi bien des tracteurs, qui seraient admis au Marché commun sous la rubrique des biens capitaux, que des itures de tourisme qui, comme biens de consommation, en demeureraient exclues.
Un tel système requiert non seulement une révision constante des définitions au cours de négociations techniques, mais aussi des contrôles qui risquent de faire peser une charge trop lourde sur l'administration des douanes et d'entraver sérieusement la circulation mASme des biens détaxés. Et cet aspect n'est pas d'importance secondaire. Il est beaucoup plus essentiel de se rendre compte que les conditions de concurrence ne sont pas les mASmes dans un système limité ou dans une intégration plus générale. Les aisons de prix et de coût sont impossibles sans une conversion en monnaie ; mais les relations de change ne sont pas indépendantes des autres contrôles des échanges, qu'ils soient exercés A travers des droits de douane, des contingents, ou mASme des restrictions des mouvements de capitaux. Un Marché commun limité court le danger de reposer sur une distorsion fondamentale. Ce risque avait déjA été perA§u dans l'expérience de la Communauté européenne du charbon et de l'acier ; des industries immergées dans des économies nationales séparées, avec, en particulier, des degrés très différents de protection extérieure, d'où résultent des écarts dans le coût de la vie et dans le niveau des
salaires monétaires, ont été néanmoins mises en relation les unes avec les autres sans aucune forme de protection, et dans leurs transactions réciproques les taux de change étaient appliqués indépendamment des autres éléments A travers lesquels, dans l'équilibre global de la balance des paiements, ils sont corrigés et complétés. Cette distorsion était tolérée comme un moyen de proquer une action plus étendue, et aussi parce que, dans des industries qui existaient déjA , et dans un secteur aussi lourd, le coût mASme de l'investissement opposait une limite aux risques impliqués. Si l'investissement a peine A suivre la
croissance de la demande, il y a très peu de chance qu'il reA§oive un élan supplémentaire si grand que les autres producteurs se trouveraient chassés du Marché. Quand, au contraire, ce qui est requis est une estimation des perspectives relatives d'une industrie nouvelle, suivant qu'elle est installée dans un pays ou dans un autre, le calcul peut AStre radicalement faussé A défaut d'une certaine
connaissance de ce qui se passera probablement, dans un avenir relativement proche, dans les autres secteurs de l'économie. Finalement, si seulement un secteur limité est libéré, une absence d'équilibre peut AStre due A un choix inapproprié de produits et ne peut AStre proprement corrigée par des politiques économiques générales, de telle sorte que les ajustements risquent de prendre la forme de restrictions plus strictes imposées dans les autres domaines des échanges.
I. L'éTABLISSEMENT D'UNE UNION DOUANIÀRE
La pratique générale dans l'élissement d'une union douanière est de prendre le niveau existant des droits comme un point de départ et ensuite de les abolir, par les méthodes qui paraissent appropriées, entre les pays membres, cependant qu'ils sont fusionnés dans un tarif douanier commun vis-A -vis du reste du monde. Dans certaines républiques latino-américaines, on se heurte A la difficulté initiale que les obstacles aux échanges revAStent un grand nombre de formes et de nuances cependant que les tarifs douaniers, du moins pour certains des importants partenaires potentiels, ont perdu leur signification pratique et ont été remplacés par des méthodes plus directes de contrôle. Tel est le cas quand elles étaient originairement composées de droits spécifiques qui n'ont pas été rajustés vers le haut A la suite d'un accroissement de prix. Pour élir une union douanière, par conséquent, l'une des conditions techniques préalables est ou bien de simplifier les nombreuses méthodes de contrôle des échanges qui sont couramment appliqués par un certain nombre de ces républiques ou de calculer leur équivalent en termes de droits de douane et d'élir un tarif complètement nouveau qui ne peut AStre basé sur les tarifs nationaux aujourd'hui en existence.
A. Un tarif commun
Si de fait le tarif commun peut difficilement apparaitre comme une sorte de moyenne des taux existants, ilA qui peut se révéler un avantage pour la structure finale, encore que l'absence d'une base bien élie rende la négociation quelque peu difficile entre les futurs partenaires. Les considérations suivantes devraient aider A résoudre le problème :
En gros, les biens A couvrir par les tarifs en Amérique latine se répartissent entre trois catégories. D'abord il y a ceux dont l'Amérique latine est le principal exportateur, c'est-A -dire toute une série de matières premières et de produits alimentaires. Dans ce cas, la région dans son ensemble n'a pas besoin de protection, mais il s'agirait d'une mesure de la préférence que les pays importateurs du groupe donneraient A leurs partenaires A l'encontre d'autres producteurs des mASmes marchandises.
Deuxièmement, les industries existantes ou en projet sont très fortement protégées dans chaque pays. Cette protection s'applique non seulement aux pays tiers mais aux mASmes industries au sein de l'Amérique latine. Le but de l'union douanière est d'abolir progressivement ces protections réciproques de manière A donner aux industries en cause une base plus saine et une plus grande incitation A la productivité. Le tarif commun définitif pourrait donc AStre beaucoup plus bas que le tarif équivalent aux restrictions actuellement appliquées dans les différents pays de l'Amérique latine.
Le troisième groupe comprend les industries qui n'existent pas aujourd'hui ou qui commencent A peine A se développer. Dans ce cas le but d'une union douanière est de permettre A de tels développements d'AStre poursuivis en commun. Il n'y a pas A se cacher qu'en face des industries puissantes existant dans le reste du monde, particulièrement dans le domaine des biens capitaux, ces nouvelles industries en Amérique latine ne peuvent AStre développées sans l'aide d'une protection initiale. Cela ne signifie pas qu'elles doivent conserver un caractère autarcique. La méthode appropriée serait de convenir que le tarif commun sur de tels produits devrait, après une certaine période de temps, AStre progressivement réduit. Un tel arrangement est aussi nécessaire pour persuader les pays du groupe qui ne sont pas appelés A jouer un rôle important dans les industries de biens capitaux d'ouvrir leurs marchés dans ce domaine A leurs partenaires. D'un autre côté, on doit rappeler qu'ils n'auront pas A appliquer le tarif commun dès le départ, mais seulement A réduire pas A pas la différence entre leurs droits présents dans les relations avec le reste du monde et les taux communs sur lesquels l'accord se sera fait.
Le meilleur tarif serait un tarif très simple, avec aussi peu de différenciations que possible A l'intérieur de vastes catégories, de manière A éviter les pressions des intérASts particuliers et le risque d'édifier une protection en proportion de l'inefficacité. VoilA qui est particulièrement important dans le cas des industries projetées ou embryonnaires, qui en tout cas doivent atteindre un lume de production considérablement plus élevé que celui d'aujourd'hui. Il est aussi essentiel d'éviter les différences arbitraires dans le niveau de protection qui créeraient des distorsions dans la structure de l'industrialisation et l'orienteraient dans des directions anti-économiques.
B. élimination des barrières intérieures
Le point de départ pour la réduction des droits de douane devrait AStre le tarif en vigueur. Plus il est élevé en moyenne, plus forte sera la réduction A effectuer A chaque stade. Cela pose un problème particulier pour les pays qui n'ont pas de tarif douanier ou un tarif sans effet réel. Dans ce cas la situation de fait est que la protection tarifaire est pratiquement remplacée par des restrictions quantitatives qui doivent aussi AStre abolies. Il est nécessaire de pouir appliquer une sorte d'étalon commun aux mesures prises par les divers gouvernements dans l'exécution de leurs engagements et que des assurances soient obtenues que ces engagements ne seront pas viciés par le maintien ou l'introduction d'autres mécanismes équivalents.
A cette fin, la meilleure solution serait une simplification vigoureuse de l'arsenal complexe des restrictions aujourd'hui appliquées. Si les politiques de l'impôt et du crédit qui ont été mélangées avec les contrôles des échanges pouvaient AStre simplifiées et clarifiées, il n'y a pas de raison pour que les formes traditionnelles de contrôle ne suffisent pas A faire face A tous les types de situations, générales ou spécifiques, difficultés de balance des paiements, menaces sur certaines industries, tendances inflationnistes ou déflationnistes, taux de change, en surévaluation ou sous-évaluation. Autre solution : il serait nécessaire de calculer un tarif équivalent A certaines des restrictions présentes, taxe d'importation ou taux de change multiples, qui seront considérés dans le chapitre suivant.
Une distinction devrait AStre maintenue entre les instruments de protection permanente et des mécanismes temporaires. Ainsi les taxes de change, ou les subventions, devraient AStre tenues en réserve pour faire face A des situations exceptionnelles ou des déséquilibres anormaux qui devraient AStre considérés A part, en fonction de circonstances spécifiques. Moyennant quoi, ou bien le tarif ou l'équivalent tarifaire des restrictions présentes devraient former la base A partir de laquelle mettre en route l'élimination progressive des barrières aux échanges.
Dans leurs relations avec leurs partenaires de la région, les pays concernés devraient se ir accorder le droit A tout moment de remplacer les autres restrictions par des droits de douane. Si cette substitution a lieu avant le début du processus de démantèlement, le taux applicable le plus élevé devrait AStre dans chaque cas l'équivalent exact des mesures précédemment appliquées, s'il peut AStre calculé comme dans le cas des taxes sur les importations ; autrement, ce sera ou bien le taux prévu dans le tarif commun final ou le taux appliqué par le pays concerné A ses importations en provenance des pays tiers, en choisissant le plus bas des deux termes. Si la substitution a lieu A une date ultérieure, le taux devrait AStre le mASme taux initial, moins les réductions qui auraient été appliquées, compte tenu de la période écoulée, si de tels droits avaient été en vigueur dès le départ.
Chaque pays membre devrait s'engager A abolir toutes les restrictions aux échanges dans les relations avec tous les pays membres au cours d'une période qui pourrait AStre de dix, quinze ou vingt ans. En première approximation, on pourrait penser que le groupe A dix ans devrait AStre composé du Brésil, du Mexique, de l'Argentine, de la Colombie et du Venezuela ; le groupe A quinze ans du Chili, du Pérou, de Cuba et de l'Uruguay ; le groupe A vingt ans de la Bolivie, de l'Equateur, du Paraguay, des Caraïbes autres que Cuba et des Républiques d'Amérique centrale.
Pour des raisons expliquées plus haut, la structure générale du système est faite pour induire chaque pays A se ranger dans le groupe auquel il doit appartenir.
Ainsi le rythme de réduction doit AStre un 1/10, 1/15 ou 1/20 par année. Dans tous les cas ce taux s'appliquerait seulement A une moyenne pondérée des droits existants. La pondération choisie ne peut pas AStre la valeur des importations en provenance des autres pays membres dans une période donnée, comme on l'a fait dans la Communauté européenne. Dans beaucoup de cas de telles importations n'existent pas, et leur poids serait nul. Le lume des ressources brutes, c'est-A -dire la somme des importations et de la production, ne peut pas non plus AStre retenu. La production inclut des exportations qui pour certains produits, dans certains pays, représentent une telle part de la production nationale que les pays en cause pourraient trop aisément échapper A leurs obligations de réduire en moyenne rapidement A zéro la protection sur une telle production dans laquelle ils ont un avantage atif si manifeste.
D'un autre côté, la consommation, c'est-A -dire les importations plus la production moins les exportations, serait une pondération très appropriée, puisqu'elle représente le marché potentiel. On peut faire valoir que dans un grand nombre de cas les importations et les exportations sont connues mais beaucoup moins la production elle-mASme, de telle sorte que la
consommation peut difficilement AStre chiffrée. On doit cependant se souvenir qu'une estimation approximative sur une année de référence serait parfaitement suffisante. Les pondérations doivent AStre fixées de telle sorte que la production qui est en ie de développement puisse garder une protection quelque peu plus élevée pour une période plus longue sans trop tirer sur la moyenne pondérée. Ainsi l'estimation de la consommation est juste destinée A assigner son importance relative A chaque droit d'importation. Il ne s'agit pas lA d'un pur exercice statistique, et une appréciation raisonnable qui ne serait pas attaquée par d'autres membres comme une sur ' ou sous-estimation grossière est assez bonne pour le but qui lui est assigné.
A l'intérieur d'une large moyenne, les pays membres auront un droit discrétionnaire de répartir les restrictions de la manière qui sert le mieux leurs intérASts. On ne peut pour autant les empAScher d'en parler entre eux et ce serait d'autant mieux que, comme on l'a déjA expliqué, cela permet entre autres la création plus rapide d'un marché unique pour les biens d'investissement entre les pays intéressés et l'accroissement immédiat du commerce sur certaines marchandises entre d'autres couples ou groupes de pays.
Un passage progressif de tarifs séparés A un tarif commun vis-A -vis du reste du monde peut AStre effectué en réduisant A intervalles convenus la différence entre les droits existants et les droits convenus. L'adoption finale d'un tarif commun par chaque pays devrait air lieu A la mASme date où les tarifs A l'égard des autres pays membres sont finalement abolis.
A aucun moment le taux appliqué aux pays membres sur aucune marchandise ne devrait AStre plus élevé que celui qui joue A l'égard des pays tiers. Cela risquerait d'AStre le cas si les pays démarrant sur une marchandise particulière A partir d'un taux de droit plus élevé que le tarif commun l'avaient réduit moins, A l'intérieur de la moyenne prescrite dans la zone, que ne l'exige la règle ci-dessus A l'extérieur de la zone. L'effet net de telles dispositions est que durant toute la période la préférence que chaque pays membre accorde aux autres s'accroisse de manière A atteindre la pleine valeur du tarif extérieur A la fin de la période de transition prévue pour le pays en cause. D'un autre côté, ces dispositions fournissent un frein utile A la tentation de fixer le tarif commun A un niveau trop élevé, particulièrement sur les biens que les pays du groupe A souhaitent produire. Plus ce taux est élevé, plus grand peut AStre l'avantage temporaire laissé aux utilisateurs de tels biens dans les pays B et C s'ils achètent A l'étranger A un tarif plus bas.
C. Clauses spéciales
Il n'est pas évident que des dispositions particulières doivent AStre envisagées pour l'agriculture. Le problème est très différent de celui de l'Europe, où de petits agriculteurs avec une production totale approximativement égale A la consommation domestique ont toujours peur des surplus. Dans la plupart des pays d'Amérique latine au contraire les exploitations agricoles qui seraient affectées par le Marché commun sont généralement vastes ; elles sont orientées vers des exportations considérables et les débouchés en Amérique latine mASme sont potentiellement énormes, étant donnée la sous-alimentation qui prévaut dans un grand nombre de pays. Le Marché commun étendu aux produits alimentaires pourrait tout de suite contourner les obstacles A certaines exportations traditionnelles vers des pays plus industrialisés et ainsi ésectiuner les limites qui bloqueraient le développement des pays exportateurs et apporter une contribution majeure dans d'autres A l'élévation des niveaux de vie et aux conditions d'un accroissement dans la productivité du travail. En outre, la protection par le seul fait de la distance et des coûts de transport est dans la plupart des cas très élevée. S'il est nécessaire de conceir une période transitoire, on peut bien estimer que, en peu d'années, dans les pays qui peuvent désirer protéger leurs productions domestiques, elles ne suivront pas le rythme de l'accroissement de la consommation. Une méthode possible pour assurer cette transition serait la conclusion de contrats A long terme assurant aux pays vendeurs un pourcentage croissant de la différence entre la consommation et la production dans les pays de destination ; ce pourcentage s'accroitrait cependant que les quantités varieraient d'année en année suivant la mesure dans laquelle les récoltes domestiques couvriraient la consommation. Plus tard, le régime applicable A l'agriculture ne différerait du régime industriel que dans la mesure où les pays latino-américains pourraient envisager et poursuivre une politique commune de silisation des prix qu'ils ne peuvent mettre en oeuvre séparément.
Si progressif que soit ce projet et quelle que soit la flexibilité qu'il incorpore et la marge qu'il laisse aux gouvernements individuels pour ajuster les solutions aux circonstances particulières de leur économie ou de leurs diverses industries, on peut soutenir qu'il ne fournit pas une sauvegarde complète contre les réajustements pénibles aux nouvelles conditions de la concurrence dans les industries existantes. Sans faire échapper ces industries au d'action, le mASme objectif peut AStre aisément atteint par une clause de sauvegarde basée sur la distinction entre deux sortes d'ajustements : la fermeture d'une
entreprise et le chômage de ses travailleurs, ou au contraire la reconversion des mASmes entreprises et l'utilisation des mASmes instruments pour de nouvelles directions de la production et pour le réemploi des travailleurs dans des activités plus productives. La deuxième formule est exactement le type de progrès économique sans souffrance que le projet s'efforce de proquer ; il peut AStre d'autant plus facilement obtenu qu'il y aurait continuité dans l'expansion. Au contraire, quelles que soient les aisons en termes monétaires, le coût social d'emploi de ressources, en particulier le travail, qui autrement demeureraient inactives, est en réalité nul ; si des emplois de rechange ne peuvent AStre trouvés pour de tels travailleurs, c'est une perte que les priver de travail quelque soit le prix auquel les mASmes biens peuvent AStre obtenus d'autres sources. Cette distinction et la reconnaissance de ce fait rendent possible la formulation d'une clause échappatoire générale qui donnerait A chaque gouvernement le droit de suspendre la réduction des tarifs et mASme de prendre des mesures directement protectrices au cas d'une menace imminente A une part importante d'une industrie qui aurait A fermer sans débouché immédiat ou prochain pour le réemploi de ses travailleurs.
II. LE SYSTÀME DU CHANGE ET DES PAIEMENTS
Alors que pour la Communauté économique européenne la suppression des restrictions quantitatives était l'un des problèmes les plus délicats, qui était résolu en élargissant graduellement les contingents jusqu'A ce que, devenant ineffectifs, ils pouvaient AStre finalement éliminés, le système du contingentement proprement dit n'a pas grande application dans les politiques commerciales des pays latino-américains vis-A -vis les uns des autres. Ce n'est pas A dire que leur régime commercial soit plus libéral, mais qu'il use d'autres méthodes fondées essentiellement sur le contrôle des changes.
Dans certains cas le contrôle prend la forme d'un embargo total sur l'importation. VoilA qui est incompatible avec la
philosophie d'un Marché commun et il est difficile d'assurer la libération progressive des échanges sur cette base puisque des accroissements en pourcentage appliqués A des importations équivalentes A zéro donnent seulement un résultat qui lui-mASme demeurerait au niveau zéro. Une méthode pourrait AStre d'élir un contingent minimum qui serait graduellement accru, mais la difficulté serait d'en déterminer la mesure. Une solution plus simple pourrait AStre de donner au pays qui recourt A des embargos sur l'importation la chance de les remplacer initialement par des droits de douane prohibitifs vis-A -vis des pays membres. Comme la pondération A appliquer dans le calcul des réductions moyennes de droit ne serait pas fondée sur la valeur des importations mais sur la valeur de la consommation, y compris la production domestique elle-mASme, ces droits auraient, en moyenne, une pondération effective qui, dans certains cas mASme, peut AStre tout A fait substantielle et ne peut pas AStre exclue de la réduction progressive, qui dans tous les cas devrait aboutir sans exception A l'élimination totale après un intervalle de temps défini.
Le désavantage le plus évident de décisions unilatérales, qui n'auraient pas, comme dans le cas des contingents, A AStre négociées, réside dans leur flexibilité mASme. Elles peuvent AStre introduites ou modifiées A tout moment, ce qui empASche l'élissement d'une fondation saine pour les échanges et pour le développement de la production, et qui ouvre aussi la porte A l'arbitraire dans la protection accordée A un secteur donné. La structure de production qui en résulterait peut AStre complètement distordue : tandis que de telles mesures peuvent se prASter A des accroissements dans certains types de production et mASme A des gains personnels, elles sont en fin de compte complètement opposées A tout accroissement des salaires réels ; de lA le danger politique qu'elles comportent, dans un avenir plus ou moins proche, et l'élément d'insilité qu'elles impliquent invariablement, et qu'on ne peut sous-estimer.
Le problème des systèmes de change et de paiement comporte deux aspects essentiels : la manipulation du change comme un moyen de contrôler les importations et les exportations, essentiellement sous la forme de taux multiples, et le bilatéralisme dans les paiements extérieurs.
A. Les taux de change multiples
On doit noter d'abord un fort mouvement vers l'élimination des systèmes de taux de change multiples, qui ont disparu dans plusieurs pays cependant que d'autres prennent des mesures pour s'en défaire. De telles réformes du change seraient la ie la plus facile vers un fonctionnement sans accroc des échanges. Si cependant il se révélait que tous les pays ne peuvent pas immédiatement sacrifier des systèmes de monnaies multiples A l'idée d'un Marché commun, il serait nécessaire de trouver un moyen de réconcilier l'un avec l'autre. Les mécanismes A cet effet seraient appliqués dans la mesure nécessaire durant la période qui s'écoulerait jusqu'A ce que les pays en cause soient capables d'élir les systèmes d'imposition directe, ou de taxes indirectes différenciées, effectivement assises et recouvrées, ou les politiques rationnelles
de distribution de crédit qui pourraient se substituer A leurs contrôles de change actuels.
A cette fin, il est souhaile d'abord d'analyser l'effet actuel des taux de change multiples sur les échanges. Les exportations pour lesquelles le vendeur reA§oit, contre les devises étrangères qu'il a acquises, plus d'unités de la monnaie locale que la moyenne, bénéficie en fait d'une subvention ; il en est de mASme des importations pour lesquelles l'acheteur doit remettre moins d'unités de la monnaie nationale que la moyenne, pour obtenir les devises étrangères nécessaires. Inversement, des exportations qui gagnent pour le vendeur moins d'unités de la monnaie nationale, ou des importations qui exigent des montants relativement plus élevés de monnaie nationale sont soumis A l'équivalent d'une taxe spéciale. Le problème peut par conséquent AStre résolu en traitant les systèmes de taux de change multiples de la mASme manière qu'un système de manipulation des impôts et des subventions, et en cherchant A compenser les effets sur les conditions de concurrence avec d'autres membres du Marché commun par analogie avec le traitement approprié qui concerne les impôts et les subventions.
Une subvention aux importations n'est pas en principe défarable aux autres membres, tout au moins si elle porte sur les biens de consommation dans le dessein d'éviter des accroissements du coût de la vie. Si elle porte sur les biens manufacturés, l'équipement, des matières premières ou des produits intermédiaires, les exportations de produits manufacturés sur la base de telles importations seraient indirectement subventionnées.
Une taxe spéciale sur les exportations porte préjudice seulement aux producteurs domestiques A moins que le pays se trouve dans une situation de monopole et use de cette taxe comme d'un moyen de relever
les prix et d'exploiter ses partenaires. Les subventions directes A l'exportation sont la manifestation la plus caractéristique de la compétition déloyale.
En principe, la solution est de permettre, aux partenaires des pays qui usent de subventions directes ou indirectes d'élir des droits compensateurs pour annuler l'incidence de telles pratiques.
Il va sans dire que dans le calcul du prix payé pour une monnaie il importe peu de sair si la différenciation prend la forme de taux multiples ou si des déductions ou des charges supplémentaires s'y ajoutent dans le cas de certains produits.
Il est nécessaire aussi de déterminer où commence la subvention ou le droit spécial dû A la manipulation du change. La formule la plus simple serait d'accorder A chaque pays le droit d'annoncer le taux de change de base qui servirait comme critère. Ayant A l'esprit sa structure de commerce chaque pays doit considérer le risque que des droits compensateurs soient appliqués A ses exportations A la lumière d'un montant de monnaie nationale supplémentaire alloué pour la vente de certains produits ou A la lumière de l'insuffisance des montants de monnaie nationale réclamés pour les importations des biens manufacturés entrant dans ces exportations. Chaque pays dégagerait lui-mASme la solution la plus appropriée et ne se verrait pas interdire de l'atteindre par des essais et des approximations successives. Le taux finalement adopté ne serait pas nécessairement le taux officiel déclaré auprès du Fonds Monétaire International.
On ne peut se cacher que ces mécanismes compensatoires peuvent apparaitre quelque peu complexes. Ils ne le sont pas davantage que les pratiques qu'ils sont destinés A neutraliser ou en vérité que la plupart des régimes de
politique commerciale tels qu'ils sont administrés aujourd'hui. Au surplus, ils contribueraient A une simplification graduelle et finalement une élimination de la manipulation des taux de change.
Un tel système permet aux méthodes courantes d'AStre temporairement maintenues pour autant qu'elles constituent l'équivalent d'une politique d'impôt ou de crédit qui doit rester, en respectant l'effort de coordination, dans les mains de chaque pays membre. D'un autre côté il élimine les avantages commerciaux artificiels de telles méthodes au-delA de l'application classique de mesures fiscales. Il est en vérité important de se souvenir que les importations sont soumises A un droit compensateur A l'entrée égal au taux d'imposition interne ; ainsi les marchandises sont soumises A la mASme charge fiscale au lieu de consommation, qu'elles soient importées ou d'origine domestique. Et de la mASme manière la raison qui justifie la prohibition des subventions A l'exportation est qu'elles constituent l'équivalent d'un impôt indirect négatif, de sorte qu'elles aboutiraient en fin de compte A violer la règle d'importance vitale du point de vue de la concurrence, que pour l'acheteur la taxation indirecte de la marchandise doit AStre la mASme quelle que soit son origine.
Tandis que l'application de différents taux de change A différentes marchandises peut AStre rendue compatible avec le fonctionnement d'un Marché commun, un différentiel de change pour les mASmes marchandises suivant les zones de vente, en particulier A travers l'absence de parité entre des unités de compte et des devises étrangères effectivement transférables, conduirait A de sérieuses distorsions dans le fonctionnement du Marché, en particulier si ce Marché inclut des pays latino-américains dont le commerce est fondé sur des accords de paiements qui ne comportent aucune clause de règlement en or ou en monnaies convertibles, et d'autres qui adoptent le système de règlement des soldes au moyen de devises étrangères transférables, dans leur commerce aussi bien intra-régional que mondial.
B. Modifications ou déséquilibres dans les taux
Deux autres problèmes se posent. Que se passe-t-il si, pour prendre l'exemple simplifié d'un double taux de change avec un marché officiel et un marché libre, un gouvernement transfère soudain une marchandise d'une catégorie A l'autre ? Si c'est une marchandise importée qui bénéficiait d'un taux officiel plus avantageux et qui doit supporter la charge du taux libre beaucoup plus élevé, cette marchandise, A l'évidence, reA§oit dans cette mesure une protection supplémentaire. Un tel changement peut AStre décrit comme l'équivalent d'un droit de douane. Si les moyennes de protection que le pays en question s'est engagé A respecter ne doivent pas AStre dépassées, il doit abaisser ses droits de douane ou modifier le régime de change applicable A d'autres importations dans une direction opposée. La valeur pondérée de l'un ou l'autre changement devrait compenser la protection additionnelle qui a été introduite pour la marchandise en cause. C'est la conséquence du principe que les mesures protectrices doivent AStre considérées dans leur ensemble, qu'elles prennent la forme de droits de douane, de taux spéciaux ou de différentiels de change.
Un autre problème se pose encore quand un pays abandonne le système des taux de change multiples, par exemple pour amener tous les taux au niveau de celui du marché libre. Il doit alors AStre question de déterminer si cette dévaluation rélit l'équilibre ou, au contraire, est une action compétitive pour s'assurer un avantage artificiel sur le marché. Le critère A considérer A cet égard est la situation globale de la balance des paiements avant la dévaluation. Si la dévaluation apparait injustifiée, les autres pays membres, pour la combattre, éliront des droits compensateurs A un taux uniforme. Si au contraire elle a des chances d'éliminer un déséquilibre dans la balance globale des paiements du pays en cause, la dévaluation corrige la distorsion générale. Néanmoins, une possibilité qui ne peut AStre négligée est qu'un déficit global avec l'ensemble du monde se combine avec une situation concurrentielle normale ou mASme farable A l'égard des autres pays membres. La mesure monétaire, bien qu'elle ne crée pas mais corrige une distorsion, risque de proquer des perturbations, et son effet pourrait AStre atténué par des droits compensateurs dont le taux devrait aussi AStre uniforme mais rapidement dégressif.
D'un point de vue plus large, il est impossible de ne pas regarder le risque de mouvements inflationnistes, différents en rythme et en intensité, dans les différents pays membres. Ici de nouveau il n'y a pas d'incompatibilité absolue avec le fonctionnement d'un marché, A la condition qu'il n'y ait pas d'élargissement perceptible de l'écart entre l'élution de la valeur interne et de la valeur extérieure des monnaies. Une hausse de prix sans ajustement du change risque de conduire, A moins que la balance extérieure soit farable, A une surévaluation de la monnaie, préjudiciable aux exportateurs du pays en cause et farable aux importations ; des subventions A l'exportation et une taxation sur les importations ne devraient pas AStre interdites.
Inversement, une baisse du taux de change plus forte que l'accroissement des prix constitue, sauf s'il y avait un déficit de balance de paiements, une sous-évaluation de la monnaie, qui conférerait aux autres pays le droit d'élir des droits compensatoires sur les importations en provenance, et mASme des subventions sur les exportations A destination du pays dont la monnaie apparait sous-évaluée. Encore une fois il est nécessaire de combiner le critère des mouvements de prix exprimés dans la devise nationale et les devises étrangères, et le critère de la situation de la balance des paiements générale.
C. La multilatéralisation des paiements
Un autre obstacle au Marché commun est le système de règlements bilatéraux qui existe entre la plupart des pays latinoaméricains. En vertu de ce système, si deux pays essaient d'équilibrer leurs échanges, tout en s'accordant l'un A l'autre des marges de crédit pour tenir compte des déséquilibres possibles, les excédents acquis par un pays dans une telle relation bilatérale ne peuvent AStre utilisés pour couvrir ses déficits dans ses arrangements bilatéraux avec un autre pays. Un tel système a été justifié historiquement et a permis A un certain degré de
commerce international d'AStre maintenu, tout d'abord pendant la grande dépression, puis durant et après la guerre, quand les systèmes conventionnels s'effondraient par manque de liquidité internationale. Mais, prolongé au-delA des circonstances qui lui avait donné naissance, le mASme système se bloque au contraire en réduisant les échanges potentiels, puisqu'il tend, dans chaque relation bilatérale, A les ramener au niveau des importations du partenaire qui importe le moins. Ces importations sont limitées A la fois par ce que le partenaire est préparé A accepter et par ce que l'autre est préparé A fournir. Le lume total des échanges est égal au total de l'arrangement bilatéral qui est ainsi automatiquement réduit.
Les désavantages de ce système, qui sont mis en pleine lumière par la prédominance des déséquilibres dans les accords de paiements bilatéraux, sont tels que des efforts ont déjA été tentés pour mettre sur pied un système de compensation multilatéral qui va au-delA de l'idée du Marché commun, de la mASme manière que l'élissement de l'Union européenne de paiements est apparu nécessaire avant mASme que le projet d'intégration économique ait pris forme.
Le problème, cependant, semble relativement aisé A résoudre, si la situation présente est prise comme point de départ. Une étude a montré que les soldes qui ne peuvent AStre compensés multilaté-ralement sont très considérablement inférieurs A la somme des marges de crédit prévues dans les accords de paiement pris ensemble. Dans ces circonstances, il est aisé de ir que la mise en commun de toutes les marges de crédit accordées par chaque pays A ses partenaires d'un côté, et de l'autre côté une rest