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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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économie, sciences sociales et sciences naturelles

Les prétentions des économistes ont impressionné les représentants d'autres branches des sciences sociales, qui singent les économistes singeant les physiciens.


J. Robinson.


Comme d'autres sciences sociales, l'économie a toujours été fascinée par les modèles des sciences naturelles et a emprunté A  la physique plus qu'A  la biologie aussi bien des méthodes formelles que des schémas théoriques. Au-delA  d'un postulat de similitude ou d'irréductibilité entre sciences de la nature et de la société, une comparaison précise de leurs champs d'études, de leurs méthodes d'instigation, de leurs principes explicatifs ou de leurs traductions opératoires fait apparaitre leur différence de degré plus que de nature. Au sein des sciences sociales, l'économie s'est également singularisée A  la fois par un champ d'analyse et un mode d'approche, les différences de nature méthodologique étant plus minimes. Cependant, se sentant la plus assurée scientifiquement, elle déloppe un complexe de supériorité par rapport A  ses consœurs et, tout en limitant sa dépendance A  leur égard, elle n'hésite pas A  exporter ses raisonnements sur leur propre terrain.


Transferts entre sciences naturelles et sociales.


Un débat s'est engagé très tôt entre - dualistes -, qui proclament l'existence d'une coupure radicale entre sciences naturelles et sociales, et - monistes -, qui proclament l'unité de ces sciences quant A  leur objet (Kant) ou leur méthode (Popper). Si Hayek (1952) traite de scientistes ceux qui s'efforcent d'appliquer les méthodes des sciences physiques aux sciences sociales, Popper (1957) qualifie d'antinatu-ralistes et de pronaturalistes (parmi lesquels il se range) ceux qui rejettent ou acceptent ce type d'application. Les premiers se composent essentiellement des aprioristes et des culturalistes, qui affirment la possibilité d'une compréhension directe des phénomènes sociaux, mais aussi des interntionnistes qui mettent l'accent sur l'utilisation décisionnelle particulière des modèles socio-économiques. Les seconds sont plutôt les empiristes de toute nature, qui considèrent que les mASmes critères de validation s'appliquent A  tous les champs, A  savoir la confrontation A  l'expérience de leurs conséquences directes ou indirectes.
En tout état de cause, des sciences dites exactes, l'économie importe des outils mathématiques, aussi bien de formalisation (le calcul différentiel ou plus récemment la théorie des bifurcations) que de traitement des données (les techniques statistiques d'estimation, voire d'optimisation). Elle prend également appui sur des analogies entre énoncés formels des relations, le comportement individuel optimisa-teur étant comparé A  la loi de Le Chatelier (Samuelson, 1947), le trafic interurbain au modèle newtonien d'attraction étaire, les échanges économiques globaux aux lois des réseaux électriques (Franksen, 1974). A trars un support sount plus imagé, l'économie transpose également nombre de schémas explicatifs, qu'il s'agisse d'un concept rigoureux comme celui d'équilibre, en grande partie emprunté A  la mécanique (Amoroso, 1950; Granger, 1955), ou d'une analogie plus fragile comme la notion d'organisation, tirée de la biologie (analogie allant jusqu'A  comparer la circulation du sang dans l'organisme A  celle de l'argent dans le corps social). Enfin, A  la suite de Pareto, elle accueille des transfuges de la physique comme Tinbergcn et Koop-mans, répondant ainsi A  l'affirmation de S. Mill selon laquelle - un individu ne sera vraisemblablement pas un bon économiste, s'il n'est pas autre chose -.
Une mention A  part doit AStre faite A  l'idée de compétition économique, d'abord déloppée par Malthus (1820), puis empruntée et adaptée au monde biologique par Darwin (1838). sous la forme d'une lutte pour l'existence ac survie des plus aptes. La notion de sélection naturelle est ensuite renue en économie pour expliquer ou justifier une régulation de type concurrentiel (Alchian, 1950 : Friedman, 1953 ; Hayek, 1973), non sans problèmes de transposition (analogue de l'hérédité, de la mutation, de l'espèce). Sous la forme plus précise des économistes (survie des agents maximisant leur profit), elle est finalement reprise et exploitée par les généticiens (Smith. 1982) et surtout par la sociobiologie (adaptation des animaux par maximisation de leur potentiel reproductif). Ces transferts, A  trars des - concepts caméléons - (Gutsatz, 1985), ont toujours lieu de faA§on biaisée et forcée, ce que dénonce sarcastiquement Samuelson (1975) : - pour survivre dans la jungle des intellectuels, les sociobiologistes feraient bien d'y aller doucement sur les questions de race et de sexe -.
Des correspondances plus globales entre champs théoriques des sciences naturelles et sociales sont parfois élies, par exemple (Pas-set, 1985) entre Newton et Walras (équilibration d'un système), Carnot et Malthus ou Marx (déloppement A  long terme), Prigogine et l'économie contemporaine (auto-organisation d'un système). Elles demeurent néanmoins assez superficielles, plus encore quand elles se ulent précises et comparent structures dissipatis et modèles d'autogestion, indéterminisme quantique et anticipations rationnelles (sectiuner-Mad-dock, 1984). Une préoccupation plus légitime porte sur la conceptua-lisation des liens entre la sphère biophysique et la sphère sociale (Georgescu-Roegen, 1972), la première imposant des contraintes matérielles A  la seconde (énergie disponible), mais subissant des effets en retour de ses activités (pollution). Elle conduit, par exemple, A  compléter ou A  remplacer, pour juger des actions économiques, les - valorimètres - monétaires, qui négligent certaines interdépendances (reproduction naturelle), par des -valorimètres- physiques exprimant des contenus en énergie ou en matière de certains biens et des bilans-énergie ou -matières de certaines transformations (Passet. 1979).

Complexité et insilité du champ socio-économique.
Les systèmes socio-économiques apparaissent A  de nombreux auteurs comme plus complexes que les systèmes naturels, et ne se laissent pas réduire, comme eux, A  quelques lois simples qu'il suffirait de combiner pour rendre compte des phénomènes globaux. Si les seconds sont décomposables en sous-systèmes isolables que l'on peut traduire par un petit nombre de variables quantitatis, les premiers forment un bloc compact où interagissent de faA§on enchevAStrée de nombreuses variables, a priori plus qualitatis. Plus précisément, les facteurs physiques exercent sount des actions hiérarchisées, permettant de distinguer un phénomène principal et des perturbations, alors que les facteurs socio-économiques, aussi bien permanents qu'accidentels, exercent des influences d'importance plus comparable. MASme si l'on a également tenté, en économie, de définir des processus élémentaires (comportement rationnel), ils sont couplés de faA§on plus dense au système global qu'en physique (chute des corps), la biologie occupant, comme sount, une position intermédiaire (fonctionnement d'un organe), fort instructi pour les économistes.
Les systèmes socio-économiques apparaissent aussi comme moins sles que les systèmes physiques et mASme biologiques, l'évolution sociale ne permettant pas de dégager des lois unirselles, mais seulement des lois géographiquement localisées et historiquement datées (Hicks, 1979). Popper (1957) souligne l'existence de périodes sles (ac leurs lois de fonctionnement) séparées par des ruptures (ac leurs lois de transition), chacune marquée par des phénomènes complexes de mémoire (hystérésis) et d'anticipation. Leontief (1971) insiste sur le -contraste ac la physique, la biologie ou mASme la psychologie, où la valeur de la plupart des paramètres est pratiquement constante, et où les expériences et les mesures cruciales n'ont pas A  AStre refaites tous les ans -. Bien entendu, l'économie a tenté d'exprimer l'évolution des paramètres en fonction de lois plus profondes aux paramètres fixes (et de définir des variables d'état résumant l'ensemble du passé), mais ac un succès bien moindre qu'en physique.
A cet égard, le prototype de relation élémentaire auquel aspirent les économistes est la loi de Mariotte des gaz parfaits qui lie trois variables mesurables, la pression P, le volume V et la température absolue T, selon une loi particulièrement simple (PV = A: 7). Cette loi - macroscopique -, qui peut AStre dérivée des principes microscopiques de la théorie cinétique des gaz, est vérifiée expérimentalement, aux erreurs de mesure près, et introduit un coefficient k sle, comme bien d'autres en physique (constante de Planck, vitesse de la lumière). La théorie quantitati de la monnaie propose une loi analogue pour rendre compte du partage de la masse monétaire M entre un effet sur le niau des prix p et sur la production Y (pY = kM), le coefficient k étant la vitesse de circulation de la monnaie. Mais ici, les variables sont obtenues par agrégation A  partir de grandeurs observables, la relation n'est vérifiée que de faA§on grossière dans sa spécification précise, et le coefficient k est insle, comme tous les paramètres économiques (partage salaires-profits, propension A  consommer, coefficient de capital).
En revanche, lorsque l'on ut superposer des lois élémentaires pour représenter un système global, les modèles physiques eux-mASmes deviennent complexes et insles, voire rapidement non résolubles (problème des trois corps en physique). Aussi, les sciences naturelles, pour rendre compte de phénomènes mal connus (physique des solides) ou généraux (hydrologie), construisent-elles des relations empiriques dont la fiabilité est semblable A  celle des relations socio-économiques. Par exemple, un modèle météorologique et un modèle macro-économique décrint, l'un une atmosphère ficti, l'autre une économie ficti où l'état initial est approché, les variables prises en compte réduites et les relations nolement simplifiées. Ils obéissent, d'ailleurs, A  des principes de construction assez semblables et distinguent, par exemple, trois horizons distincts, le court, moyen et long terme, mASme si les échelles de temps associées sont différentes (de un jour A  une semaine, de un an A  dix ans).

Méthodes d'instigation en sciences naturelles et sociales.

Une thèse courante avance que les sciences sociales, au contraire des sciences naturelles, ne peunt recourir A  une vérile expérimentation contrôlée, c'est-A -dire isoler des situations expérimentales autonomes et en manipuler séparément les facteurs. Soumises A  des contraintes tant matérielles qu'éthiques (impossibilité ou interdiction de - manipulations -), elles doint se contenter de pseudo-expérimentations, A  savoir l'observation d'un grand nombre de variables dans des situations concrètes - en grandeur réelle et temps réel -. La notion de causalité, parfois associée en physique A  l'apparition d'effets directement engendrés par la variation contrôlée des facteurs (toutes choses égales par ailleurs), se trou alors ramenée A  celle de corrélation, associée aux variations concomitantes et incontrôlées de certaines variables. Comme le fait remarquer Popper (1957), cette situation ne met pas, pour autant, l'observateur A  l'abri de tout danger, et - la possibilité que l'expérimentateur social se trou mangé avant d'avoir réussi A  s'adapter aux coutumes cannibales ne peut AStre exclue-.
En fait, l'expérimentation en sciences physiques se révèle tout aussi impossible si le système étudié est trop éloigné (système cosmologique), situé dans le passé (évolution géologique et biologique) ou trop massif pour AStre manipulable (météorologie, volcanologie). Certains facteurs physiques s'avèrent difficiles A  modifier, mASme dans des conditions de laboratoire (gravité) et des expérimentations sont par ailleurs interdites ou contrôlées pour des raisons éthiques (explosions nucléaires, manipulations génétiques). En sens inrse, les sciences sociales connaissent, en dehors des expériences historiques (crise de 1929, année 1968), des expérimentations en vraie grandeur (expériences pilotes en gestion ou en éducation) ou en laboratoire (jeux d'entreprises ou jeux de rôles). Aussi les mASmes méthodes statistiques sont-elles sount utilisées dans les deux champs et l'on se trou simplement en présence de corrélations entre variables qui peunt recevoir un statut causal plus ou moins fort (voir III, 3).
Une autre thèse soutient que, si les sciences sociales ont du mal A  expérimenter, elles peunt, en contrepartie, avoir une compréhension directe (Versteheri) des comportements humains, compréhension de l'intérieur (intuition, introspection) et non de l'extérieur (observation). Pour Robbins (1935), -en économie, les éléments ultimes de nos généralisations nous sont connus de faA§on immédiate, en sciences naturelles, ils ne sont connus que par inférence ; il y a beaucoup moins de raisons de douter de la contrepartie réelle de l'hypothèse des préférences individuelles que de celle de l'électron -. De faA§on plus nuancée, on a affirmé que les actions humaines sont directement interpréles par l'acteur ou l'observateur A  trars leurs finalités, bien que différents individus puissent leur donner des - sens - sensiblement différents. Pour Machlup (1955), -la différence essentielle entre les sciences naturelles et sociales tient A  ce que, pour ces dernières, les données d'observation sont elles-mASmes le résultat d'interprétations des actions humaines par des acteurs humains -.
La vérile originalité de la situation tient en ce que l'acteur, non seulement a des états psychologiques internes qui lui permettent de justifier ses actes, mais est capable de communiquer ces états internes A  un observateur, contrairement aux atomes ou aux cellules. L'observateur peut, bien sûr, considérer l'action et le discours comme deux manifestations distinctes du comportement de l'acteur et chercher A  les relier causalement entre eux et aux facteurs observables qui les influencent, en restant au niau d'une analyse purement externe, comme l'a préconisé Durkheim ou a tenté de le faire le béhaviorisme. Mais il est difficile de maintenir ce programme jusqu'au bout et l'observateur va, lui-mASme, reconstruire une théorie du comportement de nature téléologique, incluant des variables non directement mesurables, mASme si son expérience propre est plus utilisée dans le contexte de la décourte que de la preu. On peut d'ailleurs aboutir alors A  une éntuelle contradiction entre les interprétations de l'acteur et de l'observateur, l'homme d'affaires se montrant sount en désaccord ac la manière dont le théoricien retraduit son comportement (voir II, 2).


Niaux explicatifs en sciences naturelles et sociales.


Les matériaux de base des sciences sociales se composent de descriptions -journalistiques- des faits historiques, exceptionnels ou quotidiens, tout comme de statistiques recueillies systématiquement ou occasionnellement en économie, ou de mesures de laboratoire en psychologie. Les sciences naturelles s'appuient d'abord sur des données quantitatis obtenues en situation expérimentale, mais aussi sur des mesures directes de terrain en géologie, ou des observations qualitatis liées A  des phénomènes normaux ou pathologiques en biologie. A partir de ces matériaux et de considérations théoriques, toutes les disciplines construisent des modèles empiriques sous forme de simples récits permettant une lecture cohérente d'un phénomène observé ou d'une évolution passée, ou de systèmes d'équations permettant de simuler un processus concret. Pour Malinvaud ( 1986), - les économistes travaillent aujourd'hui comme des médecins sur le cancer ; on ne peut espérer transformer la compréhension des faits du jour au lendemain : seule l'accumulation de modestes résultats peut faire progresser la compréhension des phénomènes -.
La différence de complexité et de silité des systèmes sociaux par rapport aux systèmes naturels conduit A  les représenter de faA§on plus intensi par des modèles empiriques aléatoires, compte tenu de la triple signification attribuée aux aléas (voir III, 3). L'aléa peut renvoyer A  un indéterminisme intrinsèque du système et se rencontrer alors, mais ac des significations fort différentes, tant en physique au niau microscopique (mécanique quantique) qu'en économie au niau individuel (comportement de l'agent). L'aléa peut aussi se rapporter aux erreurs de mesure sur les observations, sans doute plus importantes en sciences sociales, surtout quand elles concernent des grandeurs macroscopiques, mesurées directement en physique et agrégées en économie. L'aléa peut enfin résumer une spécification erronée d'une relation, due A  l'absence de certaines variables explicatis, A  une mauvaise forme analytique ou A  une insilité non prise en compte, et apparait, lA  encore, plus sount en sciences sociales.
A l'autre bout de la chaine, les deux types de discipline construisent des modèles théoriques qui décrint l'activité de certaines entités, définies a priori sous une forme - réaliste - (particules, atomes, cellules, organismes, individus, organisations). Ces modèles font internir des variables non observables, - variables cachées - en physique quantique ou - variables internes - en économie (anticipations, utilités), postulées par inférence A  partir des variables observables (et suggérées par introspection pour les secondes). Ils décrint des situations idéales, en physique comme en économie, - corps pur - ou - comportement rationnel - au niau microscopique, - gaz parfait - ou - concurrence parfaite - au niau macroscopique. Mais, alors que les modèles physiques précisent soigneusement leurs conditions de validité par le fait que les facteurs perturbateurs, sount mesurables, deviennent négligeables, les modèles économiques représentent des approximations mal cernées et définies sous forme qualitati.
MASme si, en physique des particules comme en économie, il existe de nombreuses théories pour peu de faits, la coupure entre modèles théoriques et empiriques est moins tranchée pour les sciences naturelles que pour les sciences sociales et, surtout, elle ne se situe pas au mASme niau explicatif dans les deux cas. En effet, les théories économiques qui décrint les comportements et les mécanismes de base des systèmes économiques restent peu spécifiées, inspirent les modèles économétriques de faA§on lache, et font donc l'objet, sur leurs hypothèses clés, de discussions non directement connectées aux faits. En revanche, le modèle très général de l'attraction newtonienne, plus directement tesle, reste largement empirique ; les conflits n'interviennent alors qu'A  l'occasion de théories explicatis plus profondes ou d'interprétations de ces lois empiriques (mécanique quantique). Cependant, cela n'est vrai que pour les lois fondamentales de la nature, et des théories plus - macroscopiques -, comme le modèle - big-bang - de naissance de l'Unirs ou le modèle darwinien de l'évolution des espèces, connaissent aussi une relation souple ac l'empi-rie.

Problèmes d'utilisation des modèles naturels et sociaux.

Les modèles des sciences sociales se caractérisent essentiellement par leur pouvoir d'agir directement sur les représentations des acteurs, d'infléchir leurs comportements en conséquence et de modifier finalement le système global qu'ils décrint. Cette influence va bien au-delA  de la perturbation que peut exercer, en sciences naturelles, l'observateur sur le système (profonde en microphysique ou en biologie, plus limitée en macrophysique) et que l'on retrou en sciences sociales (perturbation due A  la présence du psychologue ou de l'anthropologue). Ici, l'influence s'exerce A  trars le contenu sémantique des modèles, - un peu comme si les molécules lisaient Maxwell ou Boltz-mann, y trouvant des idées fort pratiques pour régler leur conduite - (Guilbaud, 1954). Elle est symbolisée par la notion d'anticipation autoréalisatrice, anticipation qui peut provoquer indirectement l'apparition du phénomène annoncé, et, plus encore, par celle de théorie autoréalisatrice, théorie qui va se trour (localement) validée si elle est postulée (Walliser, 1985).
La complexité des systèmes sociaux et le phénomène d'autoréalisa-tion justifient généralement l'affirmation que les prévisions sont plus difficiles en sciences sociales, où elles restent sount conditionnées par l'apparition d'événements exogènes mal connus. Pour von Mises (1949), la prévision socio-économique, par exemple des institutions futures, est - au-delA  du pouvoir de tout mortel - ; pour Popper ( 1957), une prévision parfaite est tout simplement inconcevable, car l'homme ne peut connaitre le résultat futur de ses propres inntions et théori-sations. Toutefois, si l'on excepte quelques situations favorables (moument des ètes), les prévisions des sciences naturelles s'avèrent pour le moins aussi délicates face A  des systèmes complexes et aléatoires, qu'il s'agisse d'astronomie (taches solaires), de géologie (tremblements de terre) ou de biologie (évolution des espèces). Mais Machlup (1978) fait justement remarquer que les sciences naturelles n'essayent pas de prévoir ce qui est hors de leur portée, alors que les sciences sociales mettent un point d'honneur A  prévoir, mASme dans des conditions héroïques.
Pour un système naturel aussi bien que social, on peut construire un modèle normatif, en spécifiant les variables d'entrée prises comme moyens d'action et en définissant sur les variables de sortie une fonction-objectif. Dans l'un et l'autre cas. les actions possibles engendrent des transformations plus ou moins profondes du système, de la modification A  la marge de certains sous-systèmes A  la conception d'une structure noulle, bien qu'il faille toujours partir d'éléments déjA  existants. Mais dirs auteurs (Popper, 1957) considèrent que. compte tenu de la complexité, de l'insilité et de l'action plus immédiate des systèmes sociaux, les -ingénieurs sociaux- (Bourdieu, 1972) ne sauraient qu'AStre plus prudents que leurs homologues techniques. Pour Burke ( 1960), - un homme ignorant, qui n 'est pas assez fou pour bricoler sa montre va, toutefois, AStre suffisamment sûr de lui pour penser qu'il peut impunément démonter et reconstruire, A  sa guise, un système social -.
Du côté des valeurs, dans les modèles sociaux uniquement, les agents qui y sont représentés ont déjA  des finalités propres, si bien que les objectifs retenus par le modélisateur peunt AStre définis par rapport A  ceux-ci ou posés de faA§on autonome. Les valeurs interviennent parfois dès l'amont, dans le contenu descriptif des modèles, phénomène relatiment permanent dans les sciences sociales (idéologie libérale ou marxiste) et plus transitoire dans les sciences naturelles (affaire Galilée ou Lyssenko). Elles interviennent aussi en aval, dans chacune des disciplines, pour juger des applications des modèles (bombes ou contraception, distribution de renus) ou orienter les thèmes de recherche et les systèmes d'information (maladie noulle, sous-emploi). Enfin, spécifiquement dans le domaine social, un acteur social suffisamment puissant et crédible peut, par un pur effet d'annonce, orienter un système social rs une trajectoire autoréalisatrice privilégiée dans un ensemble de possibles, voire faA§onner le système en imposant une représentation autoréalisatrice.


Caractérisation de l'économie.


L'économie s'est progressiment - autonomisée - par rapport aux autres sciences sociales, se détachant tout d'abord de la philosophie (Hume), se singularisant ensuite par rapport A  la psychologie ou A  la sociologie (Walras), se démarquant par ailleurs de l'histoire. Si Aris-tote ou Platon mASlaient des considérations économiqes et extra-économiques, Smith ou Ricardo ont écrit en parallèle des ouvrages économiques et sociologiques, ce dernier ayant d'ailleurs été plus prolixe dans le second domaine que dans le premier. Ce cumul est plus rare aujourd'hui, mASme si H. Simon a mené de front des travaux d'économie, de psychologie et d'intelligence artificielle, ou si, ac le temps, l'économie a reconnu les travaux de psychologues (Kahneman-Trsky). de philosophes (Lewis) ou de juristes (Rawls). non sans les soumettre parfois A  des réductions drastiques. S'il est alors, lA  encore, tentant de définir l'- économie -, appellation non contrôlée, par ce que font les économistes (Viner) ou par ce que l'on trou dans les manuels d'économie, elle peut recevoir une caractérisation plus précise concernant son domaine de recherche et sa méthode d'approche.
L'économie est d'abord définie comme un champ spécifique de phénomènes, définition A  laquelle invite l'utilisation d'un vocable commun pour l'objet et la discipline, ce qui ne va d'ailleurs pas sans ambiguïté, comme pour l'- histoire - et mASme le (la) - physique -. Ce champ est généralement circonscrit par un type de phénomène : la production, l'échange et la consommation de biens et services, ce qui justifie que l'on parle d'une économie des transports ou de l'éducation, d'une économie monétaire ou d'une économie du travail. Il peut aussi AStre analysé comme un niau de phénomènes (Touraine), si l'on distingue les relations des hommes aux biens (niau économique), des hommes entre eux (niau politique) et des hommes A  la société (niau de l'historicité). Une telle définition - substantielle -, prônée par les institutionnalistes, est essentielle pour les travaux empiriques (statistiques, compilités, fiscalité), où le champ économique est décrit sous forme extensi par une liste d'agents, d'activités et d'opérations économiques.
Mais l'économie est surtout définie, aujourd'hui, par l'explication du social en termes de rationalité instrumentale (adéquation des moyens disponibles aux objectifs poursuivis), rappelant que, étymolo-giquement, elle est la gestion de la Cité (de oikos, maison, et nomos, loi). A la suite de Robbins (1935), l'économie est vue comme la -science qui étudie le comportement humain comme une relation entre des fins et des moyens rares qui ont des usages alternatifs -, ce qui ne préjuge pas des fins, pourvu qu'elles soient cohérentes. Cependant, l'idée de rationalité est surtout exploitée au niau du comportement individuel (voir II, 2) et complétée au niau du fonctionnement global par celle de régulation institutionnalisée (voir II, 4) et d'optimum collectif (voir II, 7). Aussi bien descripti que normati, cette définition - méthodologique - de l'économie est fondamentale sur le théorique, mASme si elle caractérise, en fait, son schéma central d'explication plus que ses dirses hétérodoxies (voir I, 1).
L'économie apparait ainsi, d'un point de vue théorique, comme l'étude des processus de décision individuelle et d'organisation collecti, et d'un point de vue appliqué, comme l'étude des processus de transformation et d'échange de biens physiques. Aussi les définitions contemporaines mélangent-elles, en fait, ces deux optiques : - l'économie est la science qui étudie comment des ressources rares sont employées pour la satisfaction des besoins des hommes vivant en société ; elle s'intéresse, d'une part, aux opérations essentielles que sont la production, la distribution et la consommation des biens, d'autre part, aux institutions et aux activités ayant pour objet de faciliter ces opérations- (Malinvaud, 1975). A la limite, elle apparait comme une application de la théorie des choix et de la théorie des jeux A  la sphère matérielle des activités humaines, sphère qui lui vaut son surnom de - science lugubre - (Carlyle).

aison méthodologique entre économie et autres sciences sociales.

Pour les méthodes d'instigation, l'économie se singularise par le recueil systématique de données quantitatis, alors que les psychologues procèdent A  des tests en laboratoire, les sociologues A  des enquAStes en situation, les anthropologues A  des observations sur le terrain. - Pour un économiste, une étude empirique signifie se reporter aux statistiques du recensement ou du commerce du pays ; un psychologue social génère de noulles données en expérimentant ac de petits groupes de collègues d'unirsité dans un laboratoire - (Simon, 1982). L'économiste procède cependant aussi A  des expériences de laboratoire sur l'individu (Allais, Kahneman-Trsky) ou de petits groupes (Plott, Smith, Axelrod, Roth), pour simuler des choix en incertitude ou des décisions d'entreprise, des négociations bilatérales ou des coalitions dans des organisations, des procédures de vote ou des équilibres de marché, des réactions A  des contingentements ou A  des taxes. Il procède mASme A  des expériences de terrain en vraie grandeur, au niau de l'entreprise (lancement limité d'un produit nouau) comme de l'état (expérience d'impôt négatif sur le renu dans le New Jersey en 1969-l972).
La construction de modèles empiriques passe de plus en plus, pour les économistes, par des techniques statistiques d'estimation, alors que les autres disciplines recourent plus volontiers A  des méthodes d'analyse de données, des analyses de contenu ou des traitements plus qualitatifs des informations. - Si un chercheur calcule un coefficient de régression, c'est presque sûrement un économiste ; une analyse facto-rielle l'identifie par contre A  un psychologue- (Simon, 1982). Quant aux modèles théoriques, ils sont essentiellement formalisés en économie A  l'aide d'outils mathématiques plus ou moins sophistiqués, les autres sciences sociales retenant des modèles plus littéraires, si l'on excepte l'usage de formalismes de type logique (linguistique, anthropologie). Toute les sciences sociales connaissent cependant les mASmes problèmes quant A  la multiplicité d'interprétations de leurs schémas conceptuels et A  la difficulté de leur confrontation aux faits.
Du point de vue de l'usage prévisionnel des modèles, la représentation formalisée de l'économie la rend plus apte A  élaborer des prévisions quantifiées et datées, les autres disciplines se contentant de prévisions plus qualitatis et A  horizon indéfini. En fait, des considérations extra-économiques interviennent dans les modèles économétriques, mais elles sont intégrées A  leur marge ou en aval, A  trars des dires d'experts, pour nuancer les explications du passé ou infléchir les projections du futur (voir III, 6). Du point de vue de l'usage décisionnel des modèles, la représentation de l'économie en termes d'optimisation la rend aussi plus adaptée A  la dérivation de règles prescriptis, mASme si d'autres disciplines en viennent également A  préconiser certains types d'interntion, dans des contextes dûment précisés. En pratique, différentes approches (économique, financière, juridique, psychologique) sont lA  encore mobilisées simultanément et intégrées qualitatiment dans des études de marketing ou de choix d'instissements (voir III, 8).
Si l'économiste ne se tourne rs le sociologue que confronté A  de sérieux problèmes, la question de la pluridisciplinarité au sein des sciences sociales n'est pas résolue pour autant par un appel A  délopper des disciplines transrsales comme la psychologie ou la sociologie économiques (Katona, Albou, Palmade). Au niau des techniques, tout incite A  exploiter la gamme des outils disponibles pour affronter un problème, nonobstant leur discipline d'origine, pourvu qu'ils soient adaptés A  l'usage auquel on les destine. Au niau des travaux appliqués, il est déjA  plus délicat de rendre compte d'un phénomène empirique en combinant des facteurs économiques et psychosociologiques (absentéisme au travail), ou de répondre A  une préoccupation concrète en associant des moyens économiques et extra-économiques (voir II, 5). Au niau de la théorie enfin, une réelle difficulté surgit dans l'articulation de plusieurs disciplines qui analysent un mASme objet sous des angles distincts et donc partiels (espaces rts), et utilisent des langages différents et sount hermétiques.


Transferts entre économie et sciences sociales.


L'économie théorique entretient, en principe, une relation simple et claire ac les autres sciences naturelles et sociales, A  savoir qu'elle considère comme exogènes certains facteurs de l'environnement économique, qui sont définis en leur sein. En ce qui concerne le soubassement matériel et technique, sont traitées comme exogènes les caractéristiques physiques des biens, les techniques de production et, s'il y a lieu, les caractéristiques démographiques des agents et géo-climatiques de leur milieu. En ce qui concerne le contexte psycho-socioculturel, sont traitées comme exogènes les préférences et les représentations des agents, la présence de certaines institutions, voire l'existence mASme de certains agents (le - psychologisme - n'acceptant que l'exogénéité des préférences). Bien entendu, la modélisation de cet environnement économique est hautement simplifiée, bien que sount suffisante : - les fonctions d'utilité ne sont pas plus de la mauvaise psychologie que les fonctions de production de la mauvaise physique- (Schumpeter. 1954).
Si, parfois, -les ordres de préférences individuels sont la haute muraille derrière laquelle les économistes protègent leur paresse A  apprendre de la psychologie et de la sociologie - (Kolm, 1986), il n'en est pas moins vrai qu'ils vont y grappiller maintes idées et les intégrer dans leur corpus pour l'élargir et l'enrichir. Pour reculer les frontières de leur discipline, ils vont endogénéiser les préférences et représentations individuelles en les faisant dépendre de dirses influences (voir II, 1) ou expliquer la genèse des institutions A  trars des comportements individuels conscients ou inconscients dans un cadre dynamique (voir II, 5). Pour assouplir le noyau central de leur théorie, ils n'hésitent pas A  substituer au modèle optimisateur de comportement individuel des modèles plus -psychologiques- (modèle satisficing d'H. Simon) ou A  compléter le schéma d'équilibre concurrentiel par des formes plus - sociales - de régulation (- organisation -), en particulier dans des domaines privilégiés comme l'économie de la famille ou du travail. Plus concrètement, ils vont expliquer par des facteurs psychosociaux des phénomènes mal appréhendés par les problématiques économiques classiques, comme le sous-emploi (- normes - de salaire, rôle des syndicats) ou l'inflation (coûts sociaux).
En sens inrse, le modèle d'explication standard de l'économie, militariste et concurrentiel, a tôt diffusé et continue de diffuser, sous une forme analogique ou plus précise, dans les autres sciences sociales qui reconnaissent leur dette. A la suite de Freud qui déclare : - tout ce que j'ai fait, c'est d'introduire l'économie dans la psychologie -, la psychanalyse a été formalisée dans un cadre économique, quant aux - moi multiples - (A§a, moi, surmoi), aux objectifs recherchés (principe de plaisir), et aux contraintes rencontrées (énergie vitale) (Kolm, 1980). Dans le sillage de Saussure qui dit avoir trouvé son idée d'analyse synchronique dans le modèle d'équilibre général de Walras, la linguistique s'est inspirée de l'économie pour analyser l'évolution du langage ou l'efficacité communicationnelle, - une information étant d'autant plus pertinente qu'elle entraine plus d'effets cognitifs pour moins d'effort- (Sperber-Wilson, 1986). Après Clausewitz pour qui - la guerre est la politique poursuivie par d'autres moyens -, la science politique a construit une théorie économique particulièrement intéressée par les institutions formelles (Buchanan, Downs, Oison).
L'économie affiche une volonté plus franchement impérialiste lorsqu'elle cherche A  s'appliquer, non sans toujours éviter la caricature, hors de son champ traditionnel, A  dirs types de décisions et de décideurs, dont les déterminants doint alors AStre bien spécifiés. Elle est mobilisée dans le domaine biologique pour rendre compte des performances animales en fonction de leurs ressources disponibles (Navon-Gopher, 1979) ou encore de la lutte entre espèces (Maynard-Smith, 1975). Elle est exploitée par l'école de Chicago et les -nouaux économistes - pour traduire, en termes d'arbitrage entre coûts et avantages explicités, le comportement de l'individu en matière de crime ou de suicide, de mariage ou de culte (Becker, 1976). De faA§on plus souple, elle imprègne plus ou moins analogiquement toutes les sciences sociales, A  trars les idées d'anticipation et de stratégie, d'instissement pour des profits futurs, de confrontation entre offres et demandes, de recherches de situation de monopole, d'économies d'échelle et de spécialisation, par exemple pour l'analyse du champ scientifique (Bourdieu, 1980).



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