S'il est vrai que la théorie contemporaine de l'équilibre général connait un certain désarroi, il est largement dû aux travaux des théoriciens et non A une attaque victorieuse de l'extérieur.
F. Hahn.
Il existe, dans la théorie des jeux et dans la théorie économique, un vaste zoo peuplé d'espèces différentes d'équilibres, mais il est possible, comme pour les modèles de comportement, de les classer en fonction de leurs degrés de spécification. Les équilibres économiques résultent de la coordination des actions des agents, par l'intermédiaire de - signaux - émis par des institutions, et sont généralement caractérisés par leurs propriétés d'existence, d'unicité et de silité. L'équilibre
concurrentiel joue un rôle prééminent du fait de sa simplicité et de sa robustesse, mais le mécanisme central du commissaire-priseur fait l'objet de vis critiques quant A sa cohérence interne et surtout quant A son réalisme. La notion générale d'équilibre est cependant incontournable, et tout modélisateur postule que la réalité se présente sous la forme de quelque équilibre, le problème étant d'identifier le type d'équilibre plus précis auquel il a affaire.
Notion d'équilibre.
D'un point de vue formel, on appelle - équilibre ponctuel - un état stationnaire d'un sytème, c'est-A -dire un état qui, éli initialement, est tel que les variables endogènes restent invariantes, en l'absence de modification des variables exogènes. Par extension, on appelle -
croissance équilibrée - une évolution homothétique des états pour laquelle les variables endogènes croissent A taux constant, sous l'influence de variables exogènes elles-mASmes régulièrement croissantes. Par une extension encore plus considérable, on appelle - équilibre cyclique - une séquence d'états par lesquels le système repasse périodiquement, pour des raisons tant endogènes (non-linéarité des relations) qu'exogènes (variables exogènes cycliques, chocs stochastiques). Outre les équilibres ponctuels ou cycliques, on peut envisager des équilibres chaotiques (suite d'états d'apparence aléatoire) et, A la limite, toute trajectoire d'un système est parfois considérée (abusiment) comme - équilibre dynamique -.
Pour un système décrit par un modèle dynamique, la notion d'équilibre est relati A une périodicité
donnée et A un ensemble a priori de variables (voir II, 3), la définition précédente concernant implicitement l'équilibre A long terme. Il s'obtient en annulant tous les décalages, c'est-A -dire en associant au modèle dynamique un modèle statique - écrasant - le temps ; mais, inrsement, on peut associer A un modèle statique dirs modèles dynamiques - déployant - le temps selon dirses structures de retard. Propriété caractéristique des équilibres (Hahn, 1982), toute séquence d'états du système, si elle conrge, ne peut conrger que rs un état d'équilibre (la notion de conrgence étant définie pour un équilibre cyclique aussi bien que ponctuel). S'il existe plusieurs équilibres ponctuels, la trajectoire du système peut ainsi, selon les conditions initiales, conrger rs l'un d'eux, osciller entre certains d'entre eux ou dirger.
D'un point de vue sémantique, un équilibre
économique s'appuie sur une vision du système économique (voir I, 6) où interagissent trois entités, des acteurs, un environnement exogène et une institution, qui définissent chacune des variables qui influencent les autres (sauf l'environnement exogène, non influencé). Si les agents ne sont pas optimisateurs ou optimisent en considérant les variables institutionnelles et les variables d'action d'autrui comme exogènes, leur comportement est réductible A des fonctions de réaction ; on se ramène alors A un système d'équations dont l'équilibre est tout simplement la - solution -. En revanche, si les agents sont optimisateurs et anticipent leur influence sur leur environnement actif, on se trou dans le cadre plus général de la théorie des jeux ; une notion d'équilibre doit alors AStre définie directement A partir de leurs déterminants, ac une forte imbrication entre contraintes et préférences d'une part, représentations d'autre part.
On dit que l'on a un équilibre bilatéral (ou multilatéral) si les agents n'ont que des relations directes (processus de négociation), et un équilibre institutionnel si les relations sont médiatisées par des institutions (marchés, procédures d'enchères). Bien entendu, si l'institution traduit mécaniquement les variables d'action en variables institutionnelles et si les agents ont une représentation parfaite de ce fonctionnement, on est ramené A un schéma bilatéral, car chaque agent, derrière l'écran de l'institution, n'a qu'A anticiper les actions de l'autre. Pour un équilibre institutionnel, il existe une boucle d'influence mutuelle entre variables d'action et variables institutionnelles, si bien que l'équilibre apparait comme point fixe de ce processus rétroactif. Pour un équilibre bilatéral, il existe cette fois une boucle d'influence mutuelle entre les variables d'action des deux agents, et l'équilibre apparait, lA encore, comme point fixe de ce processus.
Conditions d'équilibre.
A un niau de spécification très général, un équilibre économique peut donc AStre défini plus précisément par la réalisation des trois conditions indépendantes suivantes :
' chaque agent fixe son comportement, compte tenu d'observations et d'anticipations sur les variables exogènes, institutionnelles et d'action des autres agents ;
' l'institution rend compatibles les variables d'action des agents en définissant, compte tenu des variables exogènes, les variables institutionnelles ou - signaux - diffusés aux agents ;
' les anticipations des agents, fondées sur des représentations qu'ils se font du système, sont réalisées, du moins sur la période de définition de l'équilibre.
La première condition traduit le comportement des agents face A leur environnement, le plus sount selon une rationalité optimisa-trice, mASme si une rationalité plus faible peut déjA fournir des équilibres intéressants ; Hahn (1981) affirme que -l'élément fondamental de la théorie néoclassique, A savoir que les agents vont, si cela leur est possible, retenir les actions qu'ils considèrent comme les plus avantageuses, ne peut AStre ignoré d'aucune théorie du pouvoir ou du conflit -. La deuxième condition est pratiquement une définition très générale de l'institution comme une - boite noire - qui canalise les relations entre agents ; elle conduit A distinguer dirs types d'équilibre selon l'institution qui est mise en jeu. La troisième condition est la plus caractéristique de la définition de l'équilibre et exige que les représentations des agents soient, sinon valides en tout état du système, du moins confirmées A l'équilibre ; elle aussi permet de distinguer dirs types d'équilibres selon les représentations adoptées.
Les trois conditions énoncées sont individuellement nécessaires pour réaliser l'équilibre, car leur absence empASche l'état obtenu d'AStre stationnaire. Si l'agent n'a pas optimisé son comportement, il met en œuvre un processus d'adaptation A son environnement perA§u ; si l'institution voit certaines contraintes non satisfaites, elle met en jeu un processus de tatonnement pour les rélir ; si certaines variables anticipées ne sont pas réalisées, l'agent va réviser ses représentations et adapter son action. Ces ajustements caractérisent une phase de - déséquilibre - ex ante qui peut ou non conrger rs un équilibre ex ante ; ils sont d'ailleurs décrits ou non par le modèle selon que l'équilibre est A long ou court terme (voir II, 3). Ainsi, un - équilibre temporel - décrit une suite d'- équilibres temporaires - où les anticipations des agents sont erronées, mais révisées de période en période.
Les trois conditions sont aussi globalement suffisantes pour assurer l'équilibre, lorsque les variables exogènes sont fixées, car aucun élément du système ne tend A remettre en cause un tel état, une fois qu'il est atteint. La troisième condition indique en particulier que l'équilibre, imaginable ex ante, est également réalisable expost (les contraintes étant satisfaites) et met en correspondance la - sphère informa-ti- et la -sphère réelle-, au sens de Kornaï (1971). En effet, la plupart des modèles d'équilibre supposent que la compatibilité entre les comportements des agents est d'abord réalisée par un pur échange d'information entre eux et l'institution, et que les actions réelles matérialisent les actions virtuelles lorsqu'un équilibre a été trouvé. Cependant, les deux processus peunt s'imbriquer, les actions réelles s'ajus-tant au fur et A mesure des échanges d'information, et conrgent alors rs d'autres états d'équilibre.
Typologie des équilibres.
Les équilibres peunt AStre classés par niaux de spécification en partant de l'idée générale d'autorégulation d'un système formé d'acteurs autonomes jusqu'A la notion précise d'équilibre concurrentiel.
Les équilibres économiques sont empruntés A la théorie des jeux et décrint des processus de coordination entre deux ou plusieurs agents optimisants, dans un cadre statique ou dynamique, ac possibilité ou non d'alliances. Le plus important est l'équilibre de Nash (chaque action d'un joueur est la meilleure réponse A celle des autres) qui connait A la fois des extensions (équilibre sophistiqué), des particula-risations (équilibre parfait) et des concurrents (équilibre de Stackel-berg). Encore proches, les modèles d'évolution formalisent des processus de reproduction et de sélection des acteurs en fonction de l'utilité que leur procurent leurs fonctions de réaction quand ils sont confrontés entre eux (Axelrod, 1984). Plus lointains, les modèles de diffusion se contentent d'expliciter comment une - innovation - se proe progressiment dans un ensemble social (virus dans une population, peur dans une foule, mode dans une société).
Les équilibres de
marché décrint des agents sount spécifiés (producteurs, consommateurs), qui procèdent A des échanges de biens (physiques ou symboliques) par le biais de prix monétaires, le volume des transactions, tout comme le système de prix, étant ajusté par dirs mécanismes institutionnels. Les procédures de ification ont un objet plus large : décentraliser un état social jugé collectiment satisfaisant par échanges d'information entre un centre et des acteurs périphériques ; mais elles concernent fréquemment les allocations de biens réalisables entre agents économiques et simulent alors un - marché virtuel -. Les structures hiérarchiques définissent également des mécanismes d'ajustement des actions des acteurs au sein d'une organisation par le biais de contraintes matérielles, de normes morales ou d'incitations économiques ; lA encore, elles peunt concerner une
entreprise qui alloue aux individus postes de travail et rémunérations par un - marché interne -.
L'équilibre concurrentiel s'élit sur un ensemble de
marchés de biens, où les agents définissent des offres et des demandes en fonction
des prix supposés exogènes, et où les prix eux-mASmes sont fixés en retour par un - commissaire-priseur - de faA§on A ajuster les offres et les demandes. L'équilibre A prix fixes suppose, quant A lui, que les prix sont déterminés de faA§on exogène et induisent des offres et des demandes non compatibles, dont l'ajustement est réalisé par des - schémas de rationnement -, qui imposent des contraintes sur les transactions réelles des agents. Les équilibres de
concurrence imparfaite considèrent, du côté de l'offre par exemple, des producteurs en nombre limité, qui fixent simultanément les prix et les quantités produites en fonction de leur observation de la demande et de l'anticipation du comportement de leurs concurrents.
Propriétés des équilibres.
Pour un type d'équilibre donné, A un niau de spécification quelconque, on recherche d'abord des conditions nécessaires et/ou suffisantes d'existence, portant sur la structure du système et son environnement. En effet, un concept d'équilibre ne saurait AStre pertinent pour rendre compte d'une situation réelle que s'il admet formellement des solutions sous des conditions qui ne soient pas trop restrictis. Les conditions d'existence d'un équilibre ponctuel se ramènent fréquemment aux conditions d'existence d'un point fixe dans une transformation d'un ensemble d'états en lui-mASme, A savoir la continuité de cette transformation. Si un type d'équilibre voit son existence rarement assurée, on peut tenter de définir un concept englobant moins exigeant ; ainsi, l'équilibre de Nash en
stratégies pures peut AStre étendu sous deux formes différentes : l'équilibre de Nash en stratégies mixtes (en introduisant une incertitude intrinsèque sur les actions) ou l'équilibre rationalisable (en introduisant des niaux croisés d'anticipation), tous deux ayant une existence quasi garantie.
Si l'existence d'un équilibre d'un certain type est assurée, on est amené, tout naturellement, A en rechercher des conditions d'unicité. En effet, si l'équilibre est multiple, le modèle peut AStre considéré comme incomplet, car il ne permet pas de dire pourquoi une situation réelle, qui satisferait aux hypothèses générales de l'équilibre, a été privilégiée. Les conditions d'unicité sont délicates A mettre au jour et spécifiques A chaque type d'équilibre, d'autant que la multiplicité peut renvoyer aussi bien A un nombre fini d'équilibres isolables qu'A un continuum d'équilibres. Pour restreindre leur nombre, on leur impose fréquemment des conditions supplémentaires plus ou moins compatibles ac la logique interne du modèle, conditions imposées par le modélisateur ou engendrées par les acteurs eux-mASmes ; ainsi, pour sélectionner l'un des nombreux équilibres des modèles A générations d'agents, on peut imposer des conditions techniques de silité relatiment arbitraires ou, mieux, retenir celui qui est compatible ac des représentations a priori des agents (voir II, 6).
Une troisième propriété A laquelle on s'intéresse est celle de silité de l'équilibre, c'est-A -dire de retour du système A l'équilibre de départ si l'on modifie ses conditions initiales (silité asymptotique), voire ses lois de fonctionnement (silité structurelle). En effet, on considère qu'une situation réelle ne peut correspondre A un équilibre insle, car les perturbations exogènes qu'elle subit incessamment l'en éloigneraient rapidement. La silité asymptotique n'est, en fait, définie que si l'on se donne un mécanisme de tatonnement menant A l'équilibre ; les conditions de silité ne sont autres alors que des conditions de conrgence rs un équilibre et peunt faire appel A un - potentiel - dont déri la dynamique d'ajustement. Si un équilibre s'avère insle, il n'est pas rare que l'on introduise dans un modèle, du moins empirique, des forces de rappel silisatrices, mais celles-ci ont une contrepartie réelle qui est pour le moins douteuse (voir III, 5).
L'existence d'un équilibre (et mASme son éntuelle unicité) ne signifie pas que l'ensemble des équilibres soit concrètement calculable, soit que les méthodes de résolution ne soient pas disponibles, soit que leur mise en œuvre soit trop coûteuse. Pour un modèle numérique suffisamment simple, par exemple un modèle macro-économétrique composé de quelques équations, l'équilibre peut AStre calculé directement ou par approximations successis, ac une conrgence toutefois plus ou moins rapide. Pour un modèle numérique plus complexe, par exemple un modèle micro-économique A grand nombre de biens et d'agents, on dispose A présent d'algorithmes suffisamment puissants (algorithme de Scarf), si l'équilibre se ramène A la recherche d'un point fixe. Pour nombre de modèles abstraits cependant, équilibres sophistiqués de la théorie des jeux (équilibre séquentiel) ou mASme plus classiques (équilibres de concurrence imparfaite), les solutions restent hors d'atteinte d'un calcul formel ou mASme numérique local.
Prignance de l'équilibre concurrentiel.
L'équilibre concurrentiel, qui joue un rôle central dans la théorie économique, correspond A une spécification particulière de la notion d'équilibre économique sur chacune des conditions précédemment énoncées :
' chaque consommateur maximise une fonction d'utilité (dépendant de ses seuls biens) sous sa contrainte budgétaire, et chaque producteur maximise son profit sous sa contrainte de fonction de production, en s'appuyant sur les seuls prix, anticipés ou observés ;
' un - commissaire-priseur - définit le système de prix en égalisant les offres et les demandes découlant des comportements des agents, et fournit ce système de prix comme signal unique et commun A tous les agents ;
' les agents considèrent que les prix sont exogènes et que toute transaction A ces prix leur est possible, l'anticipation du niau des prix, comme de l'absence de contrainte quantitati, étant confirmée.
La première condition reprend l'idée que tout échange réalisable, perA§u et mutuellement favorable A deux agents, est effectiment réalisé : - tout comme la nature est censée avoir horreur du vide, un marché est censé avoir horreur d'une opportunité de profit inexploitée - (Kamien-Schwartz, 1980). La deuxième condition introduit, sous la forme symbolique du - commissaire-priseur -, un mécanisme institutionnel d'ajustement des transactions par les prix (parfaitement flexibles) sur un ensemble complet de marchés, mais sans préciser les conditions d'émergence des marchés ou les modalités concrètes de détermination des prix. La troisième condition exprime les hypothèses de concurrence parfaite sur les marchés (biens homogènes, prix exogènes, transactions non contraintes, information parfaite), qui sont elles-mASmes sount justifiées de faA§on fort succincte par des conditions plus profondes ; ainsi, s'il existe une multitude d'agents atomisés, chacun exerce une influence négligeable sur les prix, qui apparaissent alors comme exogènes.
L'équilibre concurrentiel a l'avantage de posséder de bonnes propriétés d'existence, d'unicité, de silité ainsi que d'optimalité (voir II, 7), du moins en l'absence de phénomènes - parasites - comme les effets externes ou les non-conxités. MASme dans ce cas, il peut parfois AStre prolongé par l'introduction de nouaux marchés (marchés contesles en présence de rendements croissants, marché d'un bien collectif définissant un équilibre de Lindahl) ; mais ces marchés ont des champs relatiment étroits qui peunt faire douter de leur aspect concurrentiel. Il peut aussi AStre étendu A une définition plus large des biens en introduisant, dans un contexte aléatoire, des marchés contingents, où les biens sont négociés conditionnellement A l'apparition d'un état de la nature, ou, dans un cadre intertemporel, des marchés A terme, où se négocient aujourd'hui les transactions de demain ; mais ces marchés n'existent guère spontanément, et leur fonctionnement est délicat.
L'équilibre concurrentiel apparait naturellement comme cas particulier d'équilibres suffisamment généraux de la théorie des jeux (dans laquelle l'économie est complètement immergée) ; il fait ainsi partie du - noyau - d'un jeu d'ensemble entre producteurs et consommateurs. Mais il apparait surtout comme cas limite de nombreux équilibres économiques plus spécifiques lorsque leurs hypothèses propres se rapprochent de ses conditions restrictis. L'équilibre de concurrence imparfaite, qui remet en cause la troisième condition d'exogénéité des prix, conrge, sous la forme de l'équilibre de Cournot, rs l'équilibre concurrentiel lorsque le nombre d'agents tend rs l'infini (Novshek-Sonnenschein, 1978). L'équilibre A prix fixes, qui remet en cause la deuxième condition de parfaite flexibilité des prix, non seulement admet comme cas particulier l'équilibre concurrentiel pour des prix walrasiens, mais conrge rs lui lorsque les prix s'adaptent A long terme aux excès de demande.
Critiques de l'équilibre concurrentiel.
L'équilibre concurrentiel est d'abord problématique quant au statut du commissaire-priseur walrasien, deus ex machina sount é au démon de Maxwell de la théorie statistique des gaz ; il fonctionne, en effet, comme une institution qui n'a pas de contrepartie concrète, si ce n'est la criée (marché du poisson) ou la Bourse (marché des titres). En théorie, il fixe centralement un système de prix unique en confrontant instantanément offre et demande sur tous les marchés, ou, au mieux, détermine les prix par un processus informationnel de tatonnement, avant toute transaction effecti. En pratique (Allais, 1971), les transactions ont lieu A tout moment, entre des biens et de la monnaie, A des prix locaux et fluctuants, sur des marchés partiels où n'interviennent que certains partenaires. Tout semble se passer comme si le commissaire-priseur était en fait dilué dans l'ensemble de l'économie, ce qui n'interdit pas a priori qu'un équilibre concret ait les propriétés indiquées par la théorie.
Le commissaire-priseur a une genèse qui n'est pas précisée, privilège qu'il partage ac d'autres institutions, comme les -schémas de rationnement - dans les modèles d'équilibres A prix fixes. S'il est posé comme donné, il n'obéit pas strictement aux préceptes de l'individualisme méthodologique (voir I, 6) ; aussi a-t-on cherché A exhiber des mécanismes purement individuels qui conduisent au mASme résultat. Malinvaud-Younès (1978) montrent, sur un modèle statique, que l'équilibre concurrentiel peut AStre obtenu par une superposition de transactions bilatérales mutuellement avantageuses. Lesourne (1985) élit, A partir d'un modèle de prospection dynamique (voir II, 3), que des demandeurs d'emploi, qui examinent aléatoirement et successiment les offres d'emploi, aboutissent en probabilité A l'équilibre concurrentiel, en l'absence de - frottements -. Enfin, dans les équilibres concurrentiels ac anticipations rationnelles (voir II, 6), chaque agent est capable de prévoir parfaitement les prix d'équilibre présents et futurs, en simulant en fait le mécanisme du commissaire-priseur.
L'équilibre concurrentiel est tout aussi problématique quant A l'hypothèse de prix exogènes pour les agents, qui sont ainsi considérés comme myopes quant A leur propre influence sur les prix et engendrent des effets - non voulus - au sens des sociologues (Dupuy, 1981). On retrou lA l'idée chère A A. Smith (1776). selon laquelle -un individu qui ne connait que son propre avantage est conduit par une main invisible A promouvoir une fin qui n'était en rien dans ses intentions-. MASme ac -la main invisible conrtie en commissaire-priseur invisible- (Katouzian, 1980), rien n'indique précisément pourquoi les agents font cette hypothèse qu'ils ne peunt vérilement confirmer ou infirmer. Cependant, si les agents prennent conscience de la situation, rien d'indiqué non plus qu'ils uillent ou surtout qu'ils puissent (s'ils sont nombreux) infléchir leur comportement, pour tenir compte de leur influence A la faA§on d'un oligopole, ou pour desserrer l'étau de la concurrence.
De plus, l'exogénéité des prix soulè le paradoxe que. en statique, un agent ne peut obserr les prix en mASme temps qu'il les détermine, paradoxe déjA présent dans de nombreux concepts de la théorie des jeux. Ainsi, l'équilibre de Nash (contrairement A celui de Stackelberg) suppose que chaque joueur réagit A l'action de l'autre, considérée comme exogène, dans le mASme temps qu'il contribue A la déterminer (la coordination étant réalisée par un commissaire-priseur nashien). Dans une première interprétation, les deux joueurs s'accordent au préalable sur un équilibre qu'ils ont ensuite intérASt A mettre en œuvre ; en fait, un joueur peut avoir intérASt A violer l'accord en cas d'équilibres multiples antagonistes, et la phase de
négociation doit ainsi AStre intégrée dans un jeu plus complet. Dans une seconde interprétation, les deux joueurs aboutissent A un équilibre aux termes d'un processus dynamique ; lA encore, il faut considérer le jeu dynamique comme un jeu nouau ayant ses concepts propres (équilibre de Nash dynamique), dont l'interprétation est encore plus problématique.
Validation empirique d'un équilibre.
D'un jugement direct et rapide, on conclut sount que les marchés des biens (biens manufacturés, ressources naturelles) sont eux-mASmes plus concurrentiels que les marchés du travail. Hahn (1976) en appelle toutefois A la prudence : - la théorie de l'équilibre général est une réponse abstraite A une question abstraite : peut-on réguler connablement une économie décentralisée qui s'appuie exclusiment sur les signaux que constituent les prix de marché ? La réponse de la théorie de l'équilibre général est claire et définiti : on peut décrire une économie dérivant de ces propriétés. Mais ceci, naturellement, ne signifie pas que l'on ait décrit une vérile économie. Il a été apporté une réponse théorique importante et intéressante A ce premier stade, mais il est clair que, pour la praxis, il est nécessaire de se référer A bien d'autres arguments-. Cependant, Blaug (1980) affirme ac force qu'- il n'est pas possible de continuer A utiliser les concepts d'équilibre tout en affirmant que leurs conséquences ne sont jamais observées dans le monde réel -.
D'emblée, on peut remarquer que toute situation concrète peut toujours AStre considérée comme un équilibre, car un -déséquilibre- s'interprète comme un équilibre A court terme, ce qui fait dire A Rizzo (1978) que - nous sommes, de fait, tous des équilibristes -. Mais pour savoir A quel type d'équilibre on a affaire, il faut d'abord se fixer un champ en termes de biens et d'agents, c'est-A -dire chercher A se caler sur un équilibre global ou partiel, agrégé ou désagrégé ; en effet, si le marché de l'électricité est perA§u comme monopoliste, il est plongé dans un marché de l'énergie beaucoup plus concurrentiel. Il faut ensuite tenir compte du fait que la situation observée est un équilibre ex post, où n'interviennent que des variables réalisées, alors que les conditions d'équilibre décrint des mécanismes virtuels qui concernent des variables anticipées ou désirées ; il en résulte que les trois conditions d'équilibre ne sont que rarement validables de faA§on indépendante et que l'on peut, au mieux, tester les conséquences de deux d'entre elles ou mASme de leur ensemble (problème de Duhem).
La première condition n'est tesle que si l'agent n'agit qu'A partir de variables observées ou si les variables anticipées (qu'il n'influence pas) sont observables, ce qui renvoie A la validation du modèle opti-misateur spécifié (voir II, 2). La deuxième condition est toujours satisfaite ex post pour ce qui est de la compatibilité entre offres et demandes, mais le mécanisme institutionnel qui fixe les - signaux - destinés aux agents n'est pas observable. La troisième condition est la plus difficile A valider, mASme si les anticipations et leurs facteurs explicatifs sont observables ; en particulier, pour l'équilibre concurrentiel, l'exo-généité des prix n'est pas tesle, contrairement A des hypothèses dont elle peut dérir (grand nombre d'agents atomisés). Des conséquences tesles de statique pure peunt, en revanche, AStre déduites des deux conditions extrASmes, par exemple la proportionnalité pour le producteur entre
productivité marginale et prix dans l'équilibre concurrentiel (si sa fonction de production est connue) ; des conséquences tesles de statique ati peunt aussi AStre dégagées de l'ensemble des trois conditions, ainsi de l'augmentation du prix d'un bien, en cas de demande exogène supplémentaire, toujours pour un équilibre concurrentiel.
Compte tenu du nombre réduit de variables observables, il existe sount un grand nombre d'équilibres compatibles ac la situation rencontrée, différant autant quant A leur type qu'A leur périodicité (voir II, 6). Mais la confrontation A l'empirie se présente le plus sount moins comme le test d'un concept d'équilibre donné que comme l'estimation des paramètres associés A un type d'équilibre supposé réalisé a priori ; encore limite-t-on cet exercice soit A des équilibres micro-économiques partiels, soit A un équilibre macro-économique agrégé. Il reste cependant que l'on peut parfois, en se donnant un type d'équilibre suffisamment général, discriminer des spécifications ou des modalités plus précises de cet équilibre. Ainsi, en s'appuyant sur un modèle d'équilibre A prix fixes très agrégé (Artus-Laroque-Michel, 1984), on peut déterminer les probabilités de se trour A chaque période en l'un des trois régimes possibles (en pratique, keynésien ou classique).