En deux décennies, l'Union européenne (UE) a relevé avec succès les défis qu'elle s'était fixés A elle-mASme - le
marché unique et l'euro - et ceux que l'Histoire lui a lancés : l'effondrement du système soviétique et la réunification du continent sous la bannière de la
démocratie et de l'économie sociale de marché. L'entrée de dix nouveaux états membres, le 1er mai 2004, lui ouvre des perspectives bien plus vastes que celles auxquelles pouvait prétendre l'Europe des Six. Nous assistons en effet A l'avènement d'un fait géopolitique majeur auquel seule l'émergence de la Chine peut se er aujourd'hui. Plus que jamais, cependant, le parallélisme jusqu'ici assuré entre élargissement et approfondissement reste l'enjeu de rigueur pour l'Europe.
Du côté de l'élargissement, l'Union européenne compte désormais 25 états membres et 450 millions de citoyens. L'adhésion de la Bulgarie et celle de la Roumanie sont attendues pour 2007. Les négociations en vue de l'adhésion de la Croatie et de la Turquie devraient commencer avant fin 2005. Cette accélération du rythme d'agrandissement de l'Union-qui a vu l'adhésion de 13 nouveaux membres en dix ans - soulève deux questions : tout d'abord quelle sera la contribution de ces états A la vie de l'UE et A quel rythme se fera la convergence de leurs économies vers le niveau communautaire ? Ensuite, où se situent les frontières ultimes de l'Union et, si celles-ci doivent inclure les Balkans, la Turquie, ire l'Ukraine, ne faut-il pas d'ores et déjA envisager une UE différenciée entre noyau et périphérie ?
Du côté de l'approfondissement, au-delA des avatars du traité élissant une Constitution pour l'Europe, qui pèsent sur le rythme et sur le cours de l'action de l'UE, se posent les questions politiques révélées par la camne référendaire : comment l'Union élargie réussira-t-elle A améliorer sa performance de
croissance et A moderniser son modèle social tout en maintenant sa cohésion ? Subira-t-elle la mondialisation ou cherchera-t-elle A la maitriser ?
Adapter les institutions
L'UE A 25 doit A l'élargissement de constituer désormais le premier bloc
économique du monde. Cependant, ce poids économique accru doit encore se traduire dans une capacité politique renforcée. Or le fonctionnement de l'Union A 25 révèle des incertitudes nouvelles : aux économies d'échelles permises par sa nouvelle taille correspond en effet une hétérogénéité accrue des préférences collectives. Ce n'est dès lors qu'au prix d'une convergence progressive de ces préférences sur la base des valeurs communes affirmées par le Traité constitutionnel que l'UE élargie arrivera A exploiter tout le potentiel de ses nouvelles dimensions continentales.
La
crise constitutionnelle vient compliquer les choses : une non-ratification dans un petit état membre aurait différé le moment où l'UE élargie serait montée effectivement en puissance ; un non du Royaume-Uni aurait éloigné ce pays de l'Union ; ceux prononcés par la France le 29 mai 2005 et par les Pays-Bas le 1er juin lui ont porté un coup redoule et proquent le début d'une crise rampante dont le terme reste incertain.
Le fonctionnement A 25
Depuis novembre 2004, c'est le dispositif de décision du traité de Nice qui s'applique. L'UE est donc entrée dans une phase de transition où la complication née du nombre et de l'hétérogénéité n'est pas corrigée par les améliorations institutionnelles qu'apporte le Traité constitutionnel, initialement censé entrer en vigueur le la novembre 2006. En revanche, le dispositif du te A la majorité qualifiée et la composition de la Commission décidés A Nice perdureront en tout état de cause, respectivement jusqu'au 1 novembre 2009 et au |w novembre 2014.
Le passage A 25 n'a pas encore donné un nouvel élan A l'action de l'Union. Les débuts ont été, au contraire, assez difficiles. Tout d'abord l'élection du premier Parlement A 25, du 10 au 13 juin 2004, a confirmé le lent glissement vers l'abstention. En particulier, le faible taux de participation dans les nouveaux états membres a contrasté avec l'engouement pour les référendums d'adhésion qui avaient eu lieu juste avant. L'ignorance des enjeux et la mé
connaissance du rôle du Parlement européen de la part des opinions publiques des nouveaux adhérents peuvent expliquer cette défection.
Plus problématique en revanche est l'absence persistante d'une opinion publique européenne - le démos mASme chez les états membres les plus anciens : tous les corps intermédiaires - partis politiques, organisations professionnelles, partenaires sociaux et société civile - sont, au niveau de l'UE, des fédérations d'organisations nationales. Aucun mouvement paneuropéen structuré n'émerge encore au niveau des citoyens, lesquels n'arrivent pas A se mobiliser sur des thèmes politiques ou sociaux exprimant des enjeux de bien commun pour l'Europe (les mobilisations au moment de la crise irakienne en 2003 font exception). La légitimité du Parlement élu s'en trouve affectée, alors mASme que son rôle, notamment A travers la co-décision législative, est considérable et aurait été encore accru par le Traité constitutionnel.
Aussi le Parlement est-il A la recherche d'un rôle politique plus visible. Depuis la démission de la Commission Santer (1999) sous la pression du Parlement, ce dernier n'a eu de cesse de renforcer ses pouirs de contrôle vis-A -vis de l'Exécutif bruxellois, qui est nommé par les états membres mais confirmé par l'investiture parlementaire. Cette propension s'est exprimée de deux faA§ons lors de l'installation de la Commission Barroso.
D'abord, le Parlement a obtenu le changement de deux des 25 commissaires désignés, l'un au motif de ses opinions en matière de statut de la femme et d'orientations sexuelles, et l'autre, de ses qualifications pour le portefeuille considéré. Ce bras de fer a d'abord davantage reflété des jeux de pouir entre les deux groupes parlementaires les plus importants - le Parti populaire européen (PPE) et le Parti socialiste européen (PSE) - que des débats sur des options politiques de fond. Par la suite, le PPE, au motif qu'il était sorti du scrutin de juin avec 268 sièges contre 200 au groupe socialiste, a revendiqué l'infléchissement du programme de législature de la Commission vers le centre droit.
La nouvelle Commission, tentée de réduire la
stratégie de Lisbonne au seul let économique - croissance et emploi - en s'appuyant sur le groupe politique le plus large, a finalement rééquilibré ses propositions par un let social et un let environnemental sous la pression de la gauche. Cette valse-hésitation n'est pas passée inaperA§ue. A€ l'avenir, la Commission pourrait, A tout moment, faire les frais de cet équilibre insle au sein du Parlement européen.
La Commission Barroso fait l'expérience d'un Exécutif A 25 au sein duquel les cinq grands états membres ient leur participa-lion ramenée de deux A un siège. Certes, le - collège - des commissaires est l'organe de l'intérASt commun et ses membres ne reA§oivent pas d'instruction de leurs gouvernements. Néanmoins, le fait que ce collège décide A la majorité simple et que les six commissaires originaires des six plus grands états, qui représentent ensemble 75 % de la population et 77 % du produit intérieur brut (PIB) communautaire, ne disposent que de 24 % des ix en son sein, pose un problème de légitimité.
Parailleurs, la difficulté pour la Commission Barroso d'assurer la cohésion d'un collège vaste et pluriel est réelle : l'UE étant arrivée A un stade très avancé d'intégration avec le passage A l'euro, le Collège n'a plus A proposer A l'opinion de nouvelles frontières qui lui conféreraient une réelle aura politique. Confiné dans la gestion, il devra l'exercer avec prudence aussi longtemps que durera la crise constitutionnelle - en témoigne déjA la tension autour de la directive Bolkestein - et davantage encore si une crise politique devait se nouer autour de la Constitution. De nombreuses responsabilités de gestion lui échappent également et ont été confiées A des agences relevant du Conseil et du Parlement, éloignées de Bruxelles. Enfin dans certains domaines-clés comme la
politique économique au sein de l'Eurogroupe1 ou la politique étrangère et de défense, la Commission a du mal A composer avec la culture intergouvemementale qui prédomine.
Toutefois, la difficulté la plus subtile tient au statut suigeneris de la Commission : organe plurinational A composition pluraliste, elle tire son autorité de son caractère non partisan dans l'exercice de ses pouirs propres, lesquels revAStent parfois un aspect juridictionnel, dans la politique de
concurrence et la gestion des infractions au marché intérieur notamment. En revanche, pour donner un sens politique A son action et mobiliser l'opinion européenne sur un projet de société et donc sur des valeurs, il lui faudrait s'appuyer sur un courant politique majoritaire révélé par le scrutin parlementaire. Cette perspective ne se dessinant pas encore - et probablement pas avant longtemps -, la Commission s'applique A dégager en son sein des synthèses qui se révèlent souvent des compromis peu clairs et peu convaincants pour l'opinion, de sorte que
la communication n'est pas le fort de l'UE. L'importance et la surabondance des matières traitées A Bruxelles nécessiteraient pourtant de tracer des axes clairs d'action politique perceptibles par l'opinion européenne.
Le processus de ratification du Traité constitutionnel a donc fourni A l'opinion, dans les pays qui ont recours au référendum, une occasion de s'exprimer et de peser sur le sens du projet européen aujourd'hui. Le débat qui est ainsi noué, de faA§on dispersée dans certains pays d'Europe, révèle trois lignes de fractures qui, le plus souvent, traversent les frontières des formations politiques nationales.
Tout d'abord, le clivage persiste entre le sou-verainisme et sa traduction intergouvernementale, d'une part, et la conception fédéraliste, d'autre part : le Royaume-Uni, certains pays nordiques et certains des nouveaux états membres ont cherché, non sans succès, A préserver sur des thèmes essentiels l'équilibre existant entre l'unanimité et le te A la majorité qualifiée qui constitue en définitive la principale clé de ce clivage.
Ensuite, la fracture entre la - nouvelle - et la - vieille - Europe révélée par la guerre d'Irak est réelle et, avec le Royaume-Uni, profonde. Le choix entre une dilution dans l'Alliance atlantique ou une certaine indépendance stratégique de l'Europe en est l'enjeu. Si les nouveaux états membres présentent une sensibilité atlantiste qui est liée A leur histoire (traumatismes de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide) et s'ils considèrent l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) comme le garant de leur sécurité, leur atlantisme ne s'oppose pas nécessairement A leur engagement européen. Il n'est toutefois pas évident que, parmi les membres plus anciens de l'UE, les partisans d'une Europe plus autonome soient disposés A payer le prix de l'indépendance par un effort accru en matière de défense, ce qui serait le vérile test de la cohérence de leurs préférences.
Enfin, l'UE n'est toujours pas au clair sur l'avenir de son modèle social bien qu'il soit revendiqué comme sa
marque de fabrique par tous les états membres vis-A -vis du reste du monde et par tous les partis européens. Certes, on sait que l'Europe a construit un régime de régulation de l'économie de marché sur un socle de droits sociaux, sur des mécanismes de solidarité puissants - constitués par la progressivité de l'impôt et par la sécurité sociale - et sur l'égalité des chances par l'école. Par ailleurs, les états membres ont longtemps pratiqué des politiques contra-cycliques très poussées.
Cependant, les excès de ces politiques dans les années 1970, l'endettement public élevé qui en a résulté dans plusieurs pays, les rigidités des
marchés du travail, les comportements d'aubaine et de dépendance induits par des transferts sociaux peu incitatifs, le corporatisme des secteurs protégés, l'évasion fiscale et, dans certains pays, la dégradation de la qualité ou la cherté des
services publics ont conduit A la remise en cause de certains aspects de ce modèle. La pression de la concurrence mondiale a servi de justification A des élutions qui ont eu pour effet de modifier la répartition entre
capital et travail en Europe et suscité dès lors dans plusieurs pays une résistance aux réformes.
Quatre sous-ensembles se dessinent au sein de l'UE A 25 quant A la modernisation du modèle social. Des réformes thatchériennes des années 1980, le Royaume-Uni a hérité un système moins réglementé et plus concurrentiel, y compris pour le marché du travail. Par ailleurs, l'opting ont de la zone euro laisse A ce pays la faculté de mener une politique macroéconomique plus flexible et bien adaptée A ses besoins spécifiques. Il obtient ainsi des résultats flatteurs en termes de croissance et d'emplois, mais aussi des inégalités bien plus sévères que sur le continent.
Les nouveaux membres émancipés du communisme se méfient de l'état et s'en remettent désormais au marché, quitte A rompre avec la culture égalitaire longtemps de mise, mais dorénavant rejetée par les acteurs les plus dynamiques. Pour le moment, la priorité va, dans ces pays, A la convergence vers le revenu européen moyen en jouant sur le bas niveau des
salaires et des impôts, fût-ce au prix d'inégalités croissantes.
Les pays nordiques entendent pour leur part protéger leur modèle, qu'ils ont réforme chacun A sa manière en conférant A leurs politiques sociales une grande efficacité. Quant aux grands pays fondateurs, ils sont confrontés A la dégradation de leurs
finances publiques, A la réforme des marchés du travail recherchée pour assurer la flexibilité et la mobilité de la main-d'œuvre, ainsi qu'A la modernisation de l'état providence - notamment des systèmes de santé et de retraite - et de leurs services publics.
Quel doit AStre le rôle de l'UE dans ces réformes qui touchent au cœur des équilibres patiemment construits dans chaque pays, au fil de décennies de croissance économique et d'un progrès social qui plonge ses racines dans les luttes ouvrières d'un siècle d'industrialisation ? En particulier, que signifie l'- Europe sociale - ? L'équité et la solidarité qu'elle implique relèvent en fait principalement de la responsabilité des états tandis que l'Union, quant A elle, fournit le cadre de l'efficience avec le marché unique et celui de la silité avec l'euro. Il n'empASche que c'est aussi sur le let social que l'Europe est désormais sollicitée par le citoyen, comme l'a éli le référendum sur le Traité constitutionnel : convenir que la politique sociale et la fiscalité sont des compétences nationales mais, faute d'harmonisation communautaire, les soumettre A la concurrence des normes entre états membres apparait comme une forme de subsidiarité A rebours.
Le débat constitutionnel
S'il avait été soumis A des procédures parlementaires, le Traité constitutionnel aurait sans doute franchi sans difficulté - et probablement dans l'indifférence - le cap de la ratification dans les 25 états membres. C'est la procédure référendaire, en particulier dans deux pays, la France et le Royaume-Uni, qui a révélé les dissensions latentes sur la direction du projet européen et peut-AStre davantage entre ces deux états membres qu'en leur sein. Le non franA§ais du 29 mai a déclenché un effet de domino qui conduit au blocage - temporaire ou non - des processus de ratification.
Le Traité constitutionnel vise essentiellement trois objectifs : consacrer, au lendemain d'un élargissement historique, les principes du uloir-vivre ensemble partagés par les 25 états membres ; faciliter la prise de décision A 25 ; conférer une visibilité propre A l'UE dans ses
relations extérieures. L'innovation principale apportée par le traité consistait dans son mode d'élaboration : une convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing a élaboré un texte aussi ambitieux que possible étant donné les rapports de force existants. La Conférence intergouvernementale (CIG) classique l'a ensuite finalisé en le rabotant - le Royaume-Uni en particulier a introduit 39 des 80 amendements acceptés par celle-ci - pour aboutir A la signature du traité A Rome le 29 octobre 2004.
Ce dernier, peut-AStre ué A rester un projet, introduisait des innovations intéressantes par rapport aux traités actuels. Il consistait cependant, pour l'essentiel, en leur simplification et en leur compilation ordonnée en trois parties : une partie proprement constitutionnelle qui définissait les objectifs et les institutions de l'UE ; ensuite une partie sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union qui, intégrée dans le traité, reprenait des principes et des droits existants dans d'autres instruments et yait sa portée
juridique renforcée ; une troisième partie enfin, plus problématique, qui délimitait avec rigueur, ire rigidité, le cadre et le contenu des politiques européennes et qui, dès lors, s'apparentait A un contrat de gouvernance entre états membres, marqués par des conceptions très différentes.
Le traité s'inscrit dans la continuité des traités antérieurs, sur le plan tant de l'équilibre institutionnel - le triangle Commission, Parlement, Conseil est en effet confirmé -que de l'orientation du
modèle européen. L'économie sociale de marché est affirmée mais, autour de ce dernier axe, le texte abonde en références tantôt libérales, tantôt sociales et se prASte dès lors A des lectures divergentes.
A dire vrai, le texte importe moins que les mécanismes de décision : le te A la majorité qualifiée aurait été étendu A 95 % des compétences communautaires au lieu de 75 % aujourd'hui ; par ailleurs la majorité qualifiée aurait été plus légitime et sensiblement plus facile A rassembler (55 % des états et 65 % de la population) que dans le traité de Nice qui accordait un nombre de ix disproportionné A l'Esne et A la Pologne par rapport aux quatre Etats les plus peuplés. Toutefois, il faut observer que l'unanimité restait la règle pour la fiscalité et pour la politique sociale, alimentant les réserves des opposants A l'Europe libérale qui ont beau jeu de noter que les politiques de la libéralisation quant A elles semblaient relever de la majorité qualifiée.
Le débat sur le Traité constitutionnel a pris le dessus sur le texte lui-mASme et mérite dès lors une analyse car les enjeux qu'il a mis au jour sont destinés A persister et A gagner en importance. Ce débat a été mené dans des conditions politiques très différentes selon que les états avaient choisi la procédure de ratification parlementaire ou référendaire.
Le risque inhérent A ce décalage réside dans la fragmentation de l'opinion européenne face A un enjeu majeur de la construction démocratique de l'UE. La tentation est forte, pour le citoyen non consulté, de se désintéresser du Traité constitutionnel et, pour le citoyen consulté, de ir- midi A sa porte - en convertissant un débat européen en querelle politique nationale. Pour l'observateur aussi, faire la part de ce qui relève des idiosyncrasies nationales et de ce qui annonce un mouvement d'opinion paneuropéen s'avère très difficile. De telles occasions sont cependant trop rares pour ne pas chercher A comprendre ce que nous dit le non d'une partie et, a fortiori, d'une majorité de l'opinion dans un pays comme la France. Derrière ce que d'aucuns appellent ironiquement F- exception franA§aise -, s'esquisse en réalité une - exemplarité franA§aise - pour l'Europe, en l'occurrence un débat démocratique sur l'avenir de l'Europe.
Sur le bruit de fond de la camne référendaire se dessine une tension entre deux conceptions de l'Europe que le compromis issu de la convention et de la CIG tentait précisément de contenir. Des deux bords extrASmes de cette faille politique, l'un traverse la gauche franA§aise et l'autre est constitué par la droite britannique. Toutefois, comme le non franA§ais a ouvert le ban, les Britanniques n'auront peut-AStre pas A étaler leurs divisions puisque le gouvernement Blaira esquivé l'obstacle.
Les termes du débat qui se déroule en France n'ont pas pour dénominateurs uniques le sou-verainisme, la nostalgie d'une influence perdue ou le refus des réformes et de la modernisation. Se dessine aussi en creux, dans le questionnement des partisans du non, une
demande politique nouvelle qui s'adresse bien A EUE, perA§ue comme la dimension pertinente de la réponse aux défis de la globalisation en Europe.
Cette demande fait sens ; elle consiste A attendre de l'Europe qu'elle conA§oive A son niveau et qu'elle négocie avec le reste du monde un modèle social répondant aux exigences nouvelles de notre temps : le vieillissement, la question de l'immigration, le changement technologique, la montée en puissance de nouveaux acteurs globaux en Asie, le rattrae technologique vis-A -vis des états-Unis.
Bien entendu, le paradoxe est ici évident : une LT dotée d'une Constitution, qui. sur une dizaine de points significatifs au moins, améliore l'état actuel des choses, aurait été mieux armée pour relever ce défi qu'une Union inhibée, pour de longues années, par un non franA§ais. Le précédent de la chaise vide de la fin des années i960 vient A l'esprit : l'intransigeance franA§aise en 1965 sur le maintien du droit de veto pour un état membre a en définitive surtout servi le Royaume-Uni, utilisateur le plus régulier de ce - non-droit -, bien réel cependant, après son entrée en 1973. Le non franA§ais A la Constitution peut air le mASme effet, A l'opposé de ce qui est recherché : rendre la main aux états membres et retarder l'avènement de formations citoyennes A l'échelle de l'UE autour d'un projet politique fondé sur le bien commun européen.
Pourtant, s'agissant cette fois d'un mouvement qui prend racine dans le clivage gauche-droite, bien différent en cela du non souverainiste, il se pourrait qu'A la faveur du non, la revendication d'une contribution européenne claire et assumée A un modèle de convergence sociale vers le haut dans une Europe ouverte persiste et gagne toute l'Union. Ce ne sera sans doute pas un feu de prairie, plutôt un processus lent de concrétion. La demande d'une Europe plus sociale mérite néanmoins d'AStre examinée de plus près. Il y a en effet ici un défi que TUE, ratification du traité ou non, ne pourra pas indéfiniment esquiver.
Revenons aux origines de l'Union qui sont effectivement libérales. L'Europe a choisi le libéralisme économique pour doctrine et le marché pour ie de l'intégration pour trois motifs : le rejet du modèle soviétique d'économie collectiviste ; le souci de se dégager de l'interventionnisme et du protectionnisme imposés par la guerre et par la reconstruction ainsi que le désir d'air accès aux économies d'échelle et A la concurrence que seul un grand marché européen rendait possibles ; l'intérASt actif montré pour l'intégration européenne par la frange la plus dynamique du patronat, A un moment où les opinions publiques toujours sous le choc du conflit ne pouvaient pas encore s'engager dans cette ie.
A la différence du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA, 1951 ) marqué par l'expérience du franA§ais, le traité de Rome sera donc résolument libéral. Ce libéralisme est d'ailleurs accepté : il est associé A la croissance et au plein-emploi. L'Europe des années 1960 participe alors au monopole industriel des pays avancés et ne redoute pas la concurrence du Tiers-Monde ; les rapports de force sociaux sont avantageux pour le travail organisé, de sorte que les gains de
productivité sont répartis équilement ; les états usent - et abusent - du déficit spending keynésien. L'Europe économique libérale est peuplée d'états providence.
Le basculement dans l'économie-monde unifiée intervenu brutalement dans les années 1980 avec la doctrine Thatcher-Reagan, l'ouverture commerciale et surtout la libéralisation des flux financiers ont changé la donne. Le discours libéral s'est durci en pensée unique néolibérale et les rapports de force sociaux se sont modifiés. L'Europe, vieillissante face A la concurrence technologique des états-Unis et du Japon et A l'émergence d'un nouveau pôle manufacturier global en Asie sinisée, est mise sous pression pour relever ce double défi.
Par quelles ies l'UE va-t-elle assurer sa compétitivité, gage du progrès social dans une économie ouverte ? Mais d'abord qu'est-ce que la compétitivité d'une nation sinon sa capacité A équilibrer sa balance commerciale sur le moyen terme, ce qui est le cas de l'Europe ? Pour un tel ensemble régional, c'est de capacité de croissance et de création d'emplois dans le respect de l'environnement qu'il faut parler.
En réalité, s'est amorcé enfin autour de la Constitution le débat esquivé A deux reprises par Bruxelles : d'une part, celui qui aurait pu air lieu sur le thème du dernier élargissement, lequel s'est accompli dans un silence assourdissant alors mASme qu'il a un impact significatif A la marge sur la situation sociale dans plusieurs anciens états membres ; d'autre part, celui qui aurait dû précéder l'approbation de la stratégie de Lisbonne par le Conseil européen unanime - gouvernements sociaux-démocrates et libéraux confondus - en mars 2000.11 est tout de mASme surprenant que cette stratégie de Lisbonne confirmée, après une rapide mise A jour, par le Conseil européen de mars 2005 n'ait jamais été davantage discutée alors qu'elle porte sur le cœur mASme du modèle européen.
Le débat constitutionnel en cours révèle en définitive que des enjeux fondamentaux comme le modèle social, l'indépendance de l'Europe, la capacité de faire avancer la paix, le
développement durable et la civilisation dans le monde ne seront pas résolus par l'adoption d'une loi fondamentale, mais par la construction de rapports de force politiques et sociaux qui sont l'essence du processus démocratique. Organiser ces rapports A l'échelle du continent et surmonter l'obstacle de la diversité des états membres pour mobiliser des majorités démocratiques au Parlement européen restent la seule faA§on pour l'Europe de progresser. Le débat constitutionnel apparaitra peut-AStre demain comme le point de départ de l'appropriation démocratique au Parlement européen de l'UE, comme l'irruption des peuples dans la cour des Etats.
L'Europe A 30 et plus : une nouvelle échéance constitutionnelle A préparer
La Constitution arrAStée par la CIG aurait-elle marqué un aboutissement ou une transition ? Comportait-elle la flexibilité nécessaire pour assurer le fonctionnement d'une UE élargie A 30 membres (ou davantage) ou pour infléchir le projet européen dans une direction plus sociale ou, encore, pour permettre A l'Europe d'agir dans le monde notamment en mobilisant des forces armées sur un théatre extérieur ? Si le projet initial de la Convention rendait ces possibilités plausibles pour une Europe A 30 et plus, il n'est mASme pas sûr que cela ait été encore le cas pour le projet de traité en cours de ratification.
En réalité, dans l'hypothèse d'une nouvelle vague d'élargissement, on est amené A questionner la viabilité du schéma institutionnel communautaire imaginé par Jean Monnet. Ce schéma a fait merveille pour promouir I ' intégration dans un contexte dominé par les états. Cependant, la part qui incombe désormais A l'UE dans les compétences économiques et sociales n'appelle-t-elle pas la mise en place d'un Exécutif porté au pouir sur la base d'un programme de gouvernement soumis A la sanction populaire ? Or comment conceir l'existence de partis paneuropéens dans une Union qui irait de l'Ukraine au Portugal et de la Turquie A l'Irlande ? Qu'adviendra-t-il de la concurrence fiscale sur les facteurs mobiles (entreprises et épargne financière), déjA dommageable aujourd'hui surtout pour les plus grands états, lorsqu'elle s'étendra A des pays encore moins avancés, aux budgets publics modestes et donc A faible pression fiscale ? Comment concilier le préalable du consensus intergouvememental avec la crédibilité de la politique étrangère dans une Communauté A 30 et plus ? Comment arrASter les perspectives financières pluriannuelles et doter l'- UE-30-et-plus - de ressources suffisantes si ces décisions sont toujours arrAStées A l'unanimité ?
Soulever de telles questions conduit A mieux perceirque s'inscrit dans une continuité qui n'a pas atteint son terme la Constitution soumise aujourd'hui A ratification. Autrement dit. la Constitution permettait A PUE A 25 de progresser, mais clic aurait appelle inévilement des corrections majeures, quand celle-ci se serait élargie de nouveau lorsque les nécessités - internes et externes auraient poussé un groupe d'états A se constituer en ensemble politique plus intégré. Valéry Giscard d'Estaing a ainsi équé l'hypothèse d'une Fédération européenne au sein d'une Union européenne. Cette perspective, pour éloignée qu'elle soit des textes en débat aujourd'hui, n'est pas moins plausible que le scénario opposé d'une dilution de PUE dans une zone de libre-échange paneuropéenne sous le parapluie stratégique des états-Unis. Ce choix, non ouvert encore, pourrait surgira n'importe quel moment.
La gouvernance économique
L'UE A 25 connait depuis 15 ans une croissance économique insuffisante pour faire reculer significativement le
chômage structurel élevé qui la caractérise, A la différence des états-Unis en croissance soutenue et mASme du Japon, malgré la croissance faible de ce dernier.
Les performances varient cependant entre la zone euro (12 Etats membres) qui croit le moins vite et les autres pays, en particulier le Royaume-Uni et la plupart des dix nouveaux membres qui enregistrent des croissances plus fortes et réalisent ainsi une convergence prometteuse. Ce déficit de croissance préoccupe les gouvernements et frustre les opinions publiques, en particulier au sein des plus grands états de la zone euro qui, après l'avènement du Marché unique ( 1992) et le passage A l'euro (1999), s'attendaient A recueillir le fruit, en termes de créations d'emplois, de ces deux vastes programmes d'intégration.
Un concours de causes rend compte de cet échec de l'UE. Du côté de la demande globale, quatre facteurs exercent une pression déflationniste et freinent la croissance A court terme : la résorption des déficits et de l'endettement publics, la modération salariale, la propension des ménages européens A relever leur épargne de précaution face au risque de chômage et A l'incertitude sur les retraites et, depuis 2004, l'appréciation brutale de l'euro qui handicape les exportations. Du côté de l'offre, trois facteurs expliquent chaque fois pour un tiers l'écart de 30 % de PIB par tASte (en parité de pouir d'achat) entre les états-Unis et l'Europe : le retard technologique sur l'Amérique - en particulier dans la production et la diffusion des technologies de l'information - qui se traduit par une moindre productivité globale ; le taux européen de participation A l'emploi plus faible qu'outre-Atlantique ; enfin la durée du travail bien plus courte qui reflète pour partie une préférence plus élevée pour les loisirs.
Toutefois, l'intégration insuffisante des marchés de produits et de services encore parfois cloisonnés, le déficit de concurrence dans certains secteurs, les rigidités des marchés du travail, les modalités du prélèvement fiscal, le poids de diverses contraintes administratives illustré par le coût des procédures de brevet constituent également des handicaps structurels A la croissance de l'offre potentielle. Pour ces raisons, le thème de la gouvernance économique de l'UE gagne le devant de la scène politique en Europe. Trois thèmes majeurs se dessinent : la stratégie de Lisbonne axée sur la croissance et le développement durable qui vise A prendre le relais des grands thèmes de mobilisation communautaire des décennies précédentes (marché unique, euro) ; la réforme déjA engagée du pacte de silité et de croissance jugé trop rigide, ire déflationniste en période de stagnation ; enfin la négociation des perspectives financières 2007-2013.
La relance de la stratégie de Lisbonne
La stratégie arrAStée par le Conseil européen en mars 2000 A Lisbonne ne visait rien moins que de faire de l'UE la société de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde en dix ans, par un agenda de réformes structurelles combinant l'intégration des marchés, leur meilleur fonctionnement ainsi que des politiques nationales et communautaires d'appui A la recherche et A l'innovation. L'initiative de Lisbonne s'inscrit dans la doctrine blairiste de la troisième ie, aussi qualifiée de - sociale-libérale - : elle relève bien de la logique de l'offre.
Cinq ans après son lancement, le rapport d'évaluation éli par l'ancien Premier ministre travailliste néerlandais Wim Kok2 conclut A l'échec de la tentative. Ce n'est pas l'orientation de la stratégie qui est remise en question, mais le nombre d'objectifs, l'absence de priorités claires et le défaut d'articulation entre objectifs et moyens. En réalité la stratégie de Lisbonne souffre de quatre faiblesses congénitales.
Tout d'abord initiée par le Conseil européen, sans input significatif de la Commission Prodi - alors tout A son agenda de réformes administratives internes, A la préparation de l'élargissement et au passage A - l'euro dans la poche - -, la stratégie de Lisbonne parait, avec le recul, improvisée et emphatique. Le diagnostic n'a pas été approfondi ni surtout soumis au débat de rigueur pour des agendas politiques de cette ampleur : ni livre vert, ni livre blanc, ni proposition d'ensemble de la Commission, organe du bien commun. C'est pourquoi cette stratégie vient - d'en haut - !
Deuxièmement, sa mise en œuvre relève pour l'essentiel de la
compétence et donc de la responsabilité politique des états pris individuellement. La méthode ouverte de coordination qui s'éloigne de la méthode communautaire révèle ici ses limites : on pousse difficilement avec une ficelle.
Ensuite, l'agenda de Lisbonne est frappé d'un biais institutionnel dans la mesure où une partie est décidée A la majorité et une autre, bloquée par l'unanimité. Les progrès de l'intégration et de la libéralisation ainsi que la dérégulation nationale qui ouvre la porte aux privatisations - lesquelles ne sont pourtant jamais imposées, ni recommandées par l'UE puisque le traité est neutre quant au régime de propriété des entreprises - relèvent-ils ainsi de la co-décision et du te A la majorité qualifiée, ire des pouirs propres de la Commission en matière de concurrence et de marché intérieur, laquelle décide A la majorité simple des commissaires. En revanche, l'harmonisation sociale et fiscale qui reste soumise A l'unanimité, marque le pas. Le modèle social européen ne sort donc pas indemne de cette distorsion institutionnelle de sorte que les résistances aux réformes sont alimentées par un déficit de confiance que les conditions du dernier élargissement aggravent chez les anciens Etats membres.
Enfin, le rapport Sapir3 relève que les
moyens budgétaires communautaires ne sont pas A la hauteur de l'ambition de croissance : le niveau du budget est trop faible et la structure de la dépense fait la part trop belle A l'agriculture et A l'aide aux régions des pays les plus avancés de LUE. Des réformes sont nécessaires sur ces deux points.
La Commission Barroso en quASte d'un projet de mobilisation pour l'Europe a repris A son compte la stratégie de Lisbonne comme axe de son programme de législature. Le Conseil européen de printemps (mars 2005) a entériné une version plus ramassée de la stratégie autour de la croissance et de l'emploi, après que le Parlement eut obtenu que les dimensions sociale et environnementale restent présentes, du moins au niveau des ambitions affichées. La méthode ouverte de coordination a été renforcée par la recommandation de programmes nationaux : les états membres sont dès lors renyés A leur capacité de faire accepter les réformes décidées A Bruxelles par leurs opinions publiques respectives. La synergie attendue de la coïncidence des réformes chez les 25 reste donc hypothétique. En revanche, le mASme Conseil européen a été sensible A l'idée que des réformes structurelles porteuses de croissance A moyen terme, mais entrainant des coûts d'ajustement A court terme, passeraient plus facilement dans un cadre macroéconomique plus expansionniste. Il a donc introduit de nouvelles marges de flexibilité dans l'interprétation du pacte de silité et de croissance.
La réforme du pacte de silité et de croissance
Dans toute économie, kpolicy mix macroéconomique - c'est-A -dire la combinaison des politiques monétaire et budgétaire - affecte la croissance A travers la régulation de la demande globale A court terme. Dans la zone euro, il offre la particularité de combiner une
politique monétaire centralisée au niveau communautaire et des politiques budgétaires décentralisées A celui des états.
Les taux d'intérASt nominaux A court terme sont ainsi les mASmes dans tous les états de la zone euro. Toutefois, comme les taux d'inflation diffèrent en raison de décalages dans le cycle ou de chocs asymétriques notamment pétroliers -, il en résulte que les taux réels (taux nominaux moins l'inflation) qui déterminent le niveau d'investissement des entreprises varient d'un pays A l'autre : ils encouragent l'investissement dans les états membres où l'inflation est forte et le freinent dans les autres. 11 revient alors aux politiques budgétaires nationales, pourvu qu'elles soient suffisamment contra-cycliqucs, de répondre aux exigences de silité interne (équilibre entre chômage et inflation) propres A chaque pays.
La priorité assignée par les traités A la silité monétaire (pouir d'achat de l'euro) requiert que les politiques budgétaires nationales ne farisent pas l'inflation par des déficits excessifs. La capacité de contrôler ces déficits dépend en partie du niveau d'endettement relatif du pays (ratio de la dette publique au PIB) qui le rend plus ou moins vulnérable A une hausse des taux d'intérASts A travers le service de la dette publique.
Des disciplines strictes sur le plafond des déficits (3 % du PIB) et en vue du désendettement relatif (60 % du PIB) ont donc été imposées par le traité de Maastricht aux états membres désireux d'entrer dans l'Union économique et monétaire (UEM) (1999) de manière A réaliser une convergence de toutes les économies concernées vers un niveau d'inflation faible (convergence nominale). Le pacte de silité et de croissance ( 1997) vise A pérenniser ces disciplines pour les états membres de la zone euro, après leur entrée dans l'UEM.
Dès le début de 2002, deux pays - l'Irlande et le Portugal - ont été soumis A la procédure d'avertissement pour les déficits excessifs, soit le dépassement du plafond de 3 % acceple en période de récession. En revanche, lorsqu'en 2003, la Commission Prodi a prétendu initier la mASme procédure contre l'Allemagne et la France, le Conseil des ministres de l'économie et des Finances de l'Union européenne (Conseil Ecofin) n'a pas entériné ses recommandations ;
la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) saisie par la Commission a rendu un avis mitigé. Cet incident, bien que relativement ignoré par les marchés financiers, a révélé plusieurs faiblesses du pacte.
Tout d'abord les règles censées construire la coordination budgétaire ont été bafouées. Ensuite, leur application stricte aux deux grandes économies de la zone euro aurait exercé un effet déflationniste A l'échelle de l'Europe, ce qui a amené A s'interroger sur leur pertinence. Par ailleurs, le pacte interdit les déficits excessifs A court terme, mais néglige l'endettement qui pèse lourd dans la rigidité de la dépense publique. Enfin, il n'est pas tenu compte de la qualité de la dépense publique qui conduit au déficit et en particulier de son impact sur la croissance A long terme : investissement public ou recherche et développement ; d'autres facteurs étaient aussi ignorés : coût énorme de la réunification en Allemagne, aide particulièrement généreuse aux pays en développement et importance de la contribution nette au budget communautaire.
Cette crise du pacte a mis en évidence deux faiblesses de la gouvernance de la zone euro :
tout d'abord, la difficulté d'assurer l'objectif de silité monétaire pour la zone et de rencontrer en mASme temps les situations propres des états reste considérable en l'absence d'un budget fédéral suffisant pour faire jouer la solidarité entre pays en expansion et pays en récession ; ensuite, l'Eurogroupe, désormais doté d'une présidence sle, fonctionne sur un mode très intergouvememental alors mASme qu'il s'agit de la branche la plus avancée de l'intégration communautaire.
Le Conseil européen de mars 2005 a arrASté un compromis qui préserve l'essentiel du pacte et notamment ses paramètres quantitatifs (déficit maximum de 3 % et dette publique ramenée A 70 %). Des marges d'interprétation et de flexibilité ouvrent néanmoins la porte A des jugements d'opportunité sur les conditions économiques du déficit et sur la qualité des dépenses. On glisse ainsi d'une gouvernance stricte par les règles A des choix de caractère plus discrétionnaire, mais arrAStes selon le mode intergouvememental au sein de l'Eurogroupe. Par ailleurs, un nouvel accent est mis sur le désendettement et sur la nécessite de disciplines strictes dans les phases de haute conjoncture ; celles-ci doivent AStre mises A profit non pour réduire les taxes, mais pour rembourser la dette excessive de manière A prévenir les déraes budgétaires en cas de récession. De la sorte, le pacte de silité et de croissance devrait, mieux que par le passé, A la fois contribuer A la silité de l'euro, soutenir la croissance et rendre A terme aux budgets nationaux leur aptitude A compenser les chocs asymétriques.
La politique budgétaire de l'Union
La politique budgétaire offre trois caractéristiques qui ne témoignent pas d'un niveau élevé de solidarité : tout d'abord les états membres sont tenus de contenir leurs déficits dans des limites strictes ; mais leur tache est compliquée par la concurrence fiscale qui sévit entre eux pour ce qui est de l'impôt des sociétés et de l'impôt sur les revenus de l'épargne ; enfin le budget de l'UE est marginal en termes relatifs ( 1 % du PIB) quoique non négligeable en chiffres absolus (110 milliards d'euros).
Les perspectives financières pluriannuelles (PFP) sont nées en 1988 du souci de prévenir des tensions, ire des crises récurrentes entre les deux branches de l'activité budgétaire, Parlement et Conseil, et entre les états membres, sur le montant des ressources et sur leur allocation. ArrAStées A l'unanimité et élies initialement pour cinq ans et, depuis 1993, pour sept ans, les PFP ont jusqu'ici, chaque fois qu'elles ont été décidées, fourni un cadre financier A des décisions politiques majeures : adhésion de l'Esne et du Portugal et marché unique ; passage A l'UEM ; élargissement aux dix nouveaux membres et révision de la
politique agricole commune (PAC) (agenda 2000). Les PFP sont contraignantes : le budget est plafonné et les structures des rubriques sont ées avec des marges très étroites.
Leur problématique couvre trois aspects. Tout d'abord, le niveau de la dépense communautaire : celle-ci est limitée par le traité au niveau des ressources financières éli A 1,27 % du PIB. Son montant effectif varie, selon les années, entre un maximum de 1,27 % (2002) et 1,08 % (2004). La Commission Prodi avait proposé 1,14 % pour la période 2007-2013, proposition reprise par la Commission Barroso. Mais six états (France, Allemagne. Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas, Autriche) qui représentent les trois quarts des contributions nettes ont proposé de plafonner le budget communautaire A 1 % du PIB au moment où LUE accueille dix nouveaux états membres dont le PIB par tASte est de l'ordre de la moitié de celui de l'UE.
Ensuite, la structure de la dépense : celle-ci éluerait comme suit selon les propositions de la Commission.
On relèvera que la dépense agricole a été sanctuarisée jusqu'en 2013 par un accord franco-allemand entériné par le Conseil européen mais contesté par le Parlement. Il faut néanmoins souligner que l'augmentation sur la période est acquise en termes nominaux et pourrait se révéler insuffisante pour assurer le maintien de l'enveloppe agricole en lume ; par ailleurs, cette enveloppe inchangée vaut désormais pour une Europe A 25 d'abord et A 27 ensuite, et non plus A 15. De la sorte, l'idée d'un
financement national partiel de la dépense agricole refait surface. Par ailleurs, l'accent est mis sur les dépenses de recherche et développement et d'appui A l'innovation dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Une facilité d'ajustement aux chocs de libéralisation commerciale externe ure également dans les propositions de la Commission. Enfin celle-ci propose de réduire les
aides régionales dans les pays avancés pour les concentrer sur ceux qui le sont moins, principalement les nouveaux candidats.
Le budget communautaire est financé par les droits de douane, par une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), mais A concurrence de plus de deux tiers par des contributions des états membres fondées sur leur capacité financière ; en outre il est tenu compte des dépenses communautaires faites dans les pays. Cette combinaison a inspiré la doctrine du -juste retour -, contrastant avec le te de l'impôt par le Parlement qui, dans un état, est le fondement de la démocratie parlementaire. Les contributeurs nets sont donc les pays les plus riches qui, en outre, émargent le moins aux politiques communes A forte composante financière, en l'occurrence les fonds régionaux et de cohésion et la PAC. Le Royaume-Uni constituait, après son adhésion, un cas hors normes en raison des faibles bénéfices qu'il retirait de la dépense agricole et du niveau de son PIB par tASte, bien inférieur A la moyenne communautaire. De ce fait, il a obtenu au Sommet européen de Fontainebleau (1984) un rabais considérable (le - chèque britannique -) de l'ordre de 4,5 milliards d'euros, qui se justifiait A cette époque. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, son PIB par tASte étant supérieur A celui de LUE. Du coup, la Commission a proposé de corriger cette anomalie en instituant un régime de rabais qui pourrait AStre étendu A d'autres contributeurs nets. Cette solution rencontre de fortes objections chez plusieurs états membres tandis que le Royaume-Uni éque le droit de veto.
Le débat sur les PFP (2007-2013) reflète la résistance croissante des états membres, en particulier les contributeurs nets, A renforcer les moyens communautaires en proportion des besoins des nouveaux membres ; on objecte que leur capacité d'absorption des aides communautaires est faible pour justifier que les fonds qui leur sont destinés restent bien en deA§A des efforts consentis pour l'Irlande, la Grèce, l'Esne et le Portugal lors de leur entrée.
L'argument du juste retour agit comme un frein puissant A l'expansion du budget communautaire ainsi qu'en témoigne le blocage sur le chèque britannique. Aussi les réflexions se multiplient autour du thème de la levée d'un impôt européen dont la totalité, ou, selon son rendement, une fraction, financerait le budget européen : l'impôt sur l'énergie, une TVA communautaire ou l'impôt sur le profit des sociétés sont parmi les hypothèses A l'étude. Aucune décision sur ce thème hautement politique n'est cependant attendue avant l'échéance des PFP.
Conclusion
L'UE est tiraillée entre deux agendas qui renient en définitive A deux visions de l'Europe et qu'il faudra bien réconcilier: l'élargissement et l'intégration politique.
D'un côté, la silisation politique et l'intégration économique du continent, après l'effondrement du régime soviétique et dans la perspective d'un désengagement militaire américain de l'Europe, incombent désormais A l'UE. Mais où s'arrAStent ses frontières et dans quel ordre va-t-on procéder aux futurs élargissements ? L'entrée de la Turquie ne devrait pas intervenir avant 2014 si les négociations qui s'engagent en octobre 2005 aboutissent. Les pays de l'ex-Yougoslavie nt-ils adhérer A l'Union avant la Turquie ? La question de l'Ukraine est également posée, après la - rélution orange - de fin 2004 et le souhait exprimé en janvier 2005 devant le Parlement européen par le président ukrainien Viktor louchtchcnko de ir son pays rejoindre l'UE. Seules les adhésions de la Roumanie et de la Bulgarie sont aujourd'hui prévues, A l'horizon 2007, malgré les difficultés que ces pays rencontrent pour adopter l'intégralité de l'acquis communautaire en raison de problèmes de corruption, de réforme des institutions judiciaires et de respect des minorités roms notamment.
D'un autre côté, d'élargissement en élargissement, ce que l'UE gagne en dimension, elle le perd en cohésion. C'est moins une problématique institutionnelle qu'une Constitution aurait pu régler qui est en cause ici que des questions complexes de
citoyenneté et, au-delA des valeurs communes partagées, de convergence des aspirations et des préférences ; les écarts de développement et les différences culturelles expliquent l'extraordinaire difficulté de leur agencement dans un projet commun. Peut-on parler d'- un seul lit pour deux rASves4 - ? Tandis que certains membres - parmi lesquels les états fondateurs - sont en quASte d'un modèle social viable et juste face A la pression de la mondialisation montante, quelques nouveaux Etats membres, quant A eux, entendent jouer la compétitivité superficielle que leur assurent leur bas niveau de salaires et d'impôts vis-A -vis de la vieille Europe.
Réconcilier les élargissements A venir et un projet européen ambitieux imposera de remettre l'appareil institutionnel en chantier de manière A distinguer ce qui constitue le socle de l'unité du continent et ce qui permettrait A des états, désireux de le faire, de se constituer en une fédération capable d'agir dans le monde et de peser sur la mondialisation. Renoncer A cette distinction reviendrait A uer l'Europe au statut d'un système régional de sécurité doublé d'un grand marché A géométrie variable. Une telle conception aboutirait A la dérive vers le modèle américain et ferait de l'UE le prolongement en Eurasie de la puissance stratégique des états-Unis. Or, face A l'élution encore incertaine de la Russie, aux promesses et aux
risques de l'émergence de la Chine, de l'Inde et du Marché commun du Sud (Mercosur), ainsi qu'au redoule défi du relèvement de l'Afrique, I ' Europe devrait pouir constituer un pilier propre du système multipolaire et se situer dans un rapport salubre d'égalité dans le partenariat atlantique. C'est l'enjeu de la quASte par l'Union du bon usage de sa grande dimension.