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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Deux institutions pour répondre aux crises financières

Que se passe-t-il lorsqu'une entreprise, une banque ou un Etat menacent de suspendre leurs paiements ? Ces trois cas de ure, a priori ables, s'analysent-ils dans les mASmes termes ? Quels instruments permettent-ils d'éter une telle issue, puis éventuellement de gérer la situation de défaut ?
Deux problèmes doivent AStre articulés, qui souvent sont soit confondus, soit traités de manière indépendante. Le premier renvoie au choc de marché créé par une interruption de paiements inopinée, qui peut entrainer des effets de contagion, porteurs de larges externalités négatives. L'expérience paradigmatique est la crise de liquidité sur un marché interbancaire : l'incertitude sur la capacité de chaque contrepartie A  régler en temps voulu ses échéances se traduit par une course A  la liquidité, c'est-A -dire par la recherche par les agents d'une réduction aussi rapide que possible de leurs engagements non liquides et, éventuellement, la vente panique de leurs actifs.
Cette réaction rationnelle au indiduel peut avoir très te des effets collectifs désastreux : la réduction des lignes de crédit interbancaire nourrit d'elle-mASme l'assèchement des transactions, l'accroissement du risque de contrepartie et donc l'incitation accrue pour chaque agent de réduire au plus te ses engagements. La liquidité du marché, et donc la silité du système de paiement interbancaire, sont ainsi un bien collectif : c'est pourquoi, dans les systèmes financiers qui le permettent, leur défense doit AStre assurée par un acteur spécifique - le prASteur en dernier ressort - qui est alors le garant ultime de l'ordre des transactions et de la silité monétaire (Aglietta et Moutot, 1993).
Ce phénomène s'observe aussi au international, comme on l'a vu après le défaut de paiement russe d'août 1998, sui de la quasi-faillite de LTCM en septembre : les tensions très dangereuses ont été constatées alors sur l'ensemble des marchés de capitaux sont apparues comme la meilleure justification du grand programme du FMI de soutien au Brésil en novembre. Plus généralement, la crainte d'un choc systémique au international, qui aurait atteint les places financières centrales, a été depuis 1995 une des principales raisons de la multiplication de très grands programmes financiers. Au moins par leur objectif - siliser les marchés -, ces interventions peuvent ainsi AStre posées comme une forme émergente de prASteur en dernier ressort international, témoignant de la recherche d'une instance de régulation globale, d'ordre monétaire. Cependant, ces expériences ont eu des résultats mitigés, notamment au local, et elles ont créé des tensions fortes dans la structure de gouvernance internationale. Tel a été en particulier le cas lorsque des programmes - adressés - tendanciellement aux marchés ont mis en question les principes traditionnels de régulation multilatérale des crises, centré sur la conditionnante de l'aide et sur la coordination des différentes classes de créditeurs.
D'où le second problème : l'urgence A  défendre A  tout prix la continuité des paiements du Mexique ou de la Thaïlande s'explique-t-elle par les conséquences absolument désastreuses d'une éventuelle cessation de paiement ? La olence du retrait des capitaux était-elle le signe avancé d'effets de dislocation financière qu'il fallait A  tout prix éter ? De fait, dans le cas des banques, les expériences en Asie ont confirmé les coûts énormes d'une crise de paiement au national et la difficulté de restaurer une intermédiation bancaire. Mais le cas d'un pays souverain se pose dans des termes différents. En cas de rupture des paiements, il ne peut pas simplement arrASter toute actité économique, en cas de déficit courant.
D'abord, il doit réaliser un ajustement macroéconomique rapide ', qui sera distribué différemment dans l'économie selon, par exemple, que la dette était concentrée dans le secteur public, dans les banques ou les entreprises. Mais, au-delA , l'avenir du pays reste étroitement lié A  la restauration de ses relations avec ses créanciers, avec lesquels il doit trouver une issue A  la crise de paiement. La prolongation du défaut, parfois pendant de nombreuses années, ne peut que rendre plus difficile la silisation du pays, la reprise de la croissance et une insertion solide dans l'économie mondiale.
Ici apparait la dimension systémique de la renégociation : au-delA  de chaque cas particulier, la récurrence de tels accidents peut porter atteinte A  la silité et au développement des marchés de capitaux. L'incapacité A  les traiter de manière ordonnée ne peut qu'accroitre le risque global du crédit, et donc le développement de l'intermédiation. Et si ce risque s'étend très largement, le marché peut disparaitre : A  nouveau, cela vaut au national et international. Tout marché de la dette souveraine, comme du crédit privé, doit disposer de procédures permettant de gérer de manière ordonnée et présible les situations de défaut.
Cette procédure de gestion de crise, A  laquelle on recourt après la cessation de paiement, qui régule la sortie du marché, l'ajustement des bilans puis éventuellement le retour sur les marchés, définit une procédure de faillite. Au national comme au international, sous des formes très variables, celle-ci a donc une double fonction : elle régule la participation au marché, notamment en excluant les agents défaillants, et elle sanctionne l'échec capitaliste, c'est-A -dire l'incapacité des agents A  assurer le règlement ordonné de leurs engagements.
On analyse maintenant les deux règles - le prASteur en dernier ressort et la faillite. Puis on montre comment elles s'opposent formellement l'une et l'autre, cela permettant de les définir comme deux principes généraux de gestion de crise qui, au-delA  de formes institutionnelles très variables, s'appliquent aussi bien au national qu'international. Formellement, toute stratégie peut se rattacher A  l'une ou l'autre de ces deux approches et elles peuvent aussi se coordonner. Mais elles ne sont pas substituables, notamment parce qu'il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles le prASteur en dernier ressort ne peut pas fonctionner correctement et ne doit donc pas intervenir.
L'efficacité de la règle de faillite est elle aussi conditionnée par son interaction avec d'autres institutions économiques, un enronnement microéconomique, une économie politique : mais elle se présente comme une institution universelle du capitalisme, au sens où son absence ou son mauvais fonctionnement sont une source majeure d'amplification des crises et de pertes en capital2.


Le prASteur en dernier ressort



Illiquidité et insolvabilité : encore

La question centrale que pose la théorie du prASteur en dernier ressort est la possibilité de déduire de sa définition théorique les contraintes institutionnelles qui régissent son bon usage. Alors qu'il est souvent présenté comme un idéal-type très épuré, prenant forme A  grande distance de la pratique réelle et de ses contingences, comment peut-on rendre compte de sa formation ou de ses échecs répétés en Asie par exemple ?
Il est utile, pour éclairer cette question, de revenir A  l'exposé classique de Bagehot (1872) qui définit en quatre points l'intervention efficace des banques centrales face A  une crise systé-mique : elles ne doivent soutenir que des banques solvables mais illiquides, de manière illimitée, A  des taux punitifs et contre le meilleur collatéral. Chacune de ces conditions a fait l'objet de contestations abondantes, dont bon nombre ont réémergé lorsqu'il a été question de projeter cet instrument au international. Fischer (1999) affirme par exemple que la limitation ex ante des fonds disponibles n'est pas décisive et que la fonction de prASteur en dernier ressort n'a pas non plus A  AStre assumée nécessairement par une banque centrale ; du coup, le FMI, dont il était alors le numéro deux, pourrait assumer cette fonction au international bien qu'il ne dispose que des ressources que lui confient ses actionnaires.
Aglietta et de Boissieu (1999) maintiennent en revanche la position orthodoxe et concluent logiquement A  l'impossibilité pour le Fonds de se lancer dans une telle aventure : cette fonction doit dériver du prilège spécifique des banques centrales, auxquelles il reendrait de créer collectivement cette fonction régulatrice, au international. Ainsi, par exemple, les dirigeants de la Fcd ont justifié explicitement leurs interventions successives, après la crise LTCM, en faisant état de la situation des marchés internationaux, et non pas seulement américains ; et. de fait, l'impact de ces mesures a largement dépassé les seuls marchés de titres libellés en dollars.
Un point de la théorie de Bagehot doit alors AStre souligné : sur ses quatre clauses, trois portent sur les formes de l'intervention en liquidité, mais une seule a le caractère d'une condition ex anie, ce qui lui donne un caractère singulier. Il s'agit de la règle du soutien A  des banques solvables mais illiquides, par laquelle, formellement, le prASteur en dernier ressort est ancré dans un enronnement institutionnel et microéconomique, par lequel est traité son problème d'information. C'est pourquoi cette clause concentre les enjeux théoriques les plus débattus, sur lesquels la mise en question des principes de Bagehot a les implications les plus importantes. Beaucoup rejettent alors cette règle, en raison de la difficulté A  différencier l'il liquidité de l'insolvabilité dans un contexte de crise bancaire3 : de nombreuses institutions peuvent passer rapidement du premier état au second en raison de la vente A  perte d'actifs, de la baisse du prix des titres financiers ou bien des difficultés des entreprises débitrices.
Ce constat est parfaitement éli : il est mASme un élément constitutif d'une crise de liquidité. Dans les phases de contagion en 1997-l998, l'auto-accélération de la crise a reposé avant tout sur une dynamique de destruction de l'information et de l'aptitude des agents A  différencier ou A  discerner la capacité de paiement de leurs débiteurs : que l'on considère une ruée généralisée des déposants, une panique boursière ou une contagion internationale, le reflux indifférencié des capitaux exprime la chute de la capacité collective A  produire et A  traiter l'information ; elle alimente elle-mASme la rupture des bilans, qui est le noyau dur institutionnel A  partir duquel se structure l'interaction de marché.
Une question centrale reste cependant en suspens. Comment les critiques de Bagehot, qui rejettent la condition de solvabilité, peuvent-ils fournir au prASteur en dernier ressort l'information sans laquelle il risque d'intervenir de manière aveugle et de renflouer inconditionnellement des institutions condamnées ? Comment parennent-ils A  réancrer le prASteur en dernier ressort dans son enronnement institutionnel qui seul permet de contrôler l'aléa moral ? A€ défaut d'apporter une réponse solide, attachée au concept, sa construction risquerait de rester comme en suspension, acquérant une généralité d'autant plus grande qu'il n'est soumis A  aucune détermination extérieure. Il n'est plus défini en relation avec d'autres institutions et d'autres formes d'action collectives, et il se concentre dans une sorte de capacité intrinsèque.
Le risque est de confondre l'abstraction d'un concept avec l'universalité de la fonction qu'il formalise. Au lieu d'un concept construit dans l'analyse empirique, par lequel on qualifie les conditions dans lesquelles le prASteur en dernier ressort peut fonctionner correctement et celles dans lesquelles il risque d'amplifier la crise, il deent un objet inqualifiable. Il est posé a priori dans une définition essentialiste qui rend très lache le rapport A  l'expérience empirique : elle tend A  se réduire A  un registre d'illustrations sans entrer dans une règle poppérienne de falsification.
Deux voies sont en fait ouvertes pour requalifier théoriquement le prASteur en dernier ressort A  travers son enjeu d'information, lui-mASme cristallisé par la norme de solvabilité. Une option est de faire appel A  la dernière clause énoncée dans Lombard Street, selon laquelle les banques soutenues en dernier ressort doivent apporter en contrepartie - le meilleur collatéral -. Cette règle est la plus fragile de la doctrine bagehotienne parce qu'elle doublonne en position de faiblesse avec la clause de solvabilité, tout en ne pouvant se substituer A  elle.
De deux choses l'une, en effet. Ou bien l'insolvabilité peut AStre observée grace A  une bonne supersion et, comme dans le cas d'une banque finanA§ant un bon projet d'investissement, il n'y a pas besoin d'un collatéral. Ou bien l'information est insuffisante, comme c'est la règle : l'apport d'actifs de la meilleure qualité a alors pour objet de protéger la Banque centrale contre d'éventuelles pertes en capital, si la banque se révèle en fait insolvable. Il lui donne une priorité absolue dans la prochaine procédure de faillite, en dépit de son erreur de jugement et aux dépens du collectif des créditeurs, qui n'aura plus A  se partager que les lemons. Comme on l'a vu en Asie du Sud-Est et en Russie, l'échec du prASteur en dernier ressort, dans un cadre où il agit en information imparfaite et par refinancement de collatéraux, peut impliquer un dérae monétaire majeur mais aussi un détournement ex ante de la règle de faillite, ce qui pose bien un problème d'architecture institutionnelle.
La seconde option pour gérer l'indifférenciation de l'illiqui-dité et de l'insolvabilité implique que des institutions suffisamment fortes contrôlent en ex post les risques de renflouement inconditionnel des dettes privées. Un prASteur en dernier ressort, surpris par une défaillance de la supersion, peut alors éter la crise systémique en soutenant la banque en détresse, quitte A  la saisir et A  la restructurer immédiatement après. Le contrôle de l'aléa moral est donc ultérieur A  la silisation du marché et il lui est donc logiquement distinct : le prASteur en dernier ressort ne peut rien contre ce risque, dont il peut AStre la cause. Ce contrôle ex post de l'aléa moral est en fait la clause implicite par laquelle, en règle générale dans les économies développées, on resolidarise cet acteur de ses contraintes institutionnelles ; telle est aussi l'hypothèse implicite A  laquelle recourent de fait les critiques de la clause de solvabilité de Bagehot. Telle est la méthode suie notamment en Suède, lors de la crise bancaire de 1992.
Mais cela a un corollaire majeur, qui atteint le concept lui-mASme : le prASteur en dernier ressort ne peut plus du tout AStre posé comme une institution complète, qui pourrait intervenir par un pur acte d'autorité et restaurer ainsi A  elle seule le bien public monétaire. Sa définition comme les conditions de son usage sont en fait conditionnées par un enronnement institutionnel rigoureux, qui n'est aucunement inclus dans sa constitution. C'est une institution particulière et sans doute, d'un point de vue historique ou dans une aison internationale, une institution rare.
Aujourd'hui, seule une poignée d'économies émergentes présentent des normes ables A  celles des pays développés en matière de supersion et de régulation des risques bancaires. L'expérience des années 1997-l998 en Asie et en Russie a montré que tant la régulation des comportements des banques que la capacité de suspendre leurs actités ont soulevé des enjeux d'économie politique extrASmement durs, sur lesquels les institutions publiques et le prASteur en dernier ressort ont été mis clairement et durablement en échec (voir Balino, 1999 ; Boorman, 2000 ; Enoch, 2000).
Droits de propriété, droit des faillites et des saisies, enquASte in situ des agents de supersion, publicité des prASts non performants, affichage de la dette en deses : l'élissement de ces institutions du capitalisme, sur lequel a échoué la libéralisation des systèmes financiers, détermine aussi la possibilité de passer outre la règle bagehotienne de solvabilité, par un contrôle ex post de l'aléa moral. En Asie, les causes micro-institutionnelles de la crise expliquent aussi l'échec des interventions en dernier ressort.

De la crise monétaire A  la crise de la propriété
En opérant de manière inconditionnelle et unilatérale, la Banque centrale qui tente de contrôler une crise de liquidité tente de dénouer une épreuve de force muette, médiatisée en temps normal par les institutions du capitalisme, mais qui est en somme déchainée par la crise : elle cherche A  bloquer l'opportunisme olent des agents afin de préserver la discipline des paiements et la règle de résorption privée des pertes en capital. Dans ce contexte, ce n'est pas toutefois l'ordre monétaire comme tel que les agents contestent pratiquement, mASme si leur action conduit A  le détruire : pour eux, il est une donnée dont le caractère institué leur échappe et dont la rupture aurait des conséquences massives qu'ils ne perA§oivent aucunement. C'est en fait la discipline des contrats et des obligations réciproques qu'ils veulent détruire au microéconomique, recherchant ainsi une issue indiduelle A  la panique.
Toute crise financière, parce qu'elle trouve son origine dans des déséquilibres insoutenables dans les bilans des agents, est porteuse par définition d'une forme ou d'une autre de socialisation des pertes et des dettes. Ainsi, la liquidation d'une entreprise insolvable transfère leur partie résiduelle sur les créanciers, de mASme qu'une recapitalisation bancaire fait supporter une part des pertes par des agents tiers - agence de garantie des dépôts ou budget public. Dans ce cas, l'expérience apprend que le risque d'aléa moral est très difficile A  contenir : c'est-A -dire l'anticipation par les banques ou les entreprises que de nouvelles pertes A  l'avenir seront A  nouveau couvertes par l'état. MASme dans un cadre a priori solide, l'injection de fonds publics peut précipiter un relachement large de la discipline financière, cela parce qu'elle interent directement sur le bilan de chaque agent et donc sur la contrainte perA§ue de solvabilité : elle ne saurait affecter de manière plus directe les déterminants du calcul d'optimisation, puisqu'elle touche la principale contrainte formelle A  laquelle il est soumis. La socialisation pose un problème d'équité en ex post, mais elle affecte aussi les anticipations et les comportements futurs.
Sa forme la plus radicale s'observe lors des crises de paiement ouvertes, associées A  une panique des déposants et créanciers : l'effet redistributif est alors massif et incontrôlé. Dans ce cadre, l'analyse économique insiste généralement sur la seule dynamique monétaire de la crise et sur ses effets immédiats : blocage des paiements, asphyxie de l'économie réelle, chute de l'actité, rupture de l'intermédiation, crise sociale. De fait, la décoordination des marchés précipite des réactions de très court terme, dont les effets agrégés sont difficiles A  prévoir et qui peuvent déboucher sur de larges irréversibilités. C'est aussi le moment où la crise démultiplie les pertes en capital et les coûts sociaux, bien au-delA  des déséquilibres de bilan qui ont été A  son origine, ce qui peut précipiter une redistribution massive de la richesse et des patrimoines.
Mais les enjeux les plus durs, au-delA  du choc initial, restent sur le de la structure formelles des échanges - les contrats. Une dette n'est jamais que la cession prosoire, contre rémunération, d'un droit d'usage attaché A  un capital dont la propriété reste celle du créancier. Porter atteinte au contrat, c'est nécessairement mettre en question sa valeur actualisée et donc la propriété de l'investisseur. Or la crise de paiement met en suspens ces contrats : ils ne tiennent plus, au moins prosoirement, et peuvent mASme AStre détruits, ce qui est A  l'origine des irréversibilités les plus graves. Contrôler l'extension de ces dynamiques de rupture puis intervenir pour les résorber au plus te est alors un enjeu institutionnel capital, qui met directement en question l'Etat. Des dysfonctionnements du régulateur micro-institutionnel que demande l'économie libéralisée, on passe A  une mise en question beaucoup plus globale et destructive du bien public.
C'est ici que les pays d'Asie du Sud-Est se sont révélés exceptionnellement vulnérables. Alors que nombre d'analystes louaient la qualité des relations entre secteurs privé et public, en 1997 la crise des marchés a très te emporté les institutions publiques, incapables de contenir la proation de l'aléa moral et la rupture des engagements financiers privés. A€ la contagion entre marchés et entre économies s'est en somme ajoutée une contagion vers les institutions publiques nationales, qui a paralysé toute capacité de réaction : perte des canaux d'information, inefficacité des instruments classiques de régulation monétaire, incapacité A  gérer un de silisation, etc.
Le meilleur exemple est A  nouveau l'intervention en dernier ressort : lorsque les institutions de la propriété ont commencé A  céder, laissant la voie ouverte A  une socialisation incontrôlée des pertes et des dettes, cet instrument a été lui-mASme condamné. Son intervention n'a de sens que si la discipline des contrats tient toujours : c'est-A -dire si l'injection monétaire aide les agents A  répondre A  leurs engagements de paiement, A  l'intérieur de leurs contraintes de bilan. Si ces dernières sont rompues, on alimentera le sauve-qui-peut et la chute du change sans aucunement freiner la crise, cela pour une raison qui in fine renvoie bien A  la définition de Bagehot : parce que la rupture des engagements contractuels implique que la solvabilité et la richesse ne sont plus perceptibles ni mesurables.
Tel est le risque majeur auquel peut AStre exposée une économie de marché, fondée sur l'accumulation privée du capital et sur une norme de solvabilité indiduelle. Par définition, ces règles premières demandent que les titres formels de la propriété et des dettes résistent A  la défaillance de l'entreprise comme aux crises de l'économie. S'ils sont déchirés dans le sauve-qui-peut, on est confronté A  une crise porteuse d'irréversibilités qui ne pourront AStre résorbées par la seule action décentralisée des agents : elle atteint les conditions d'une reprise de l'accumulation du capital et de l'intermédiation, mais aussi un ordre social organisé autour d'une notion de bien public et d'une relative légitimité de la distribution de la richesse.
Alors que la théorie économique est très centrée sur la dimension proprement monétaire des crises systémiques, leurs conséquences les plus coûteuses ne sont pas monétaires. La destruction des bilans et de l'infrastructure contractuelle des marchés implique une forme de désinstitution radicale de la règle capitaliste, qui va au-delA  de la paralysie prosoire des fonctions monétaires, et dont la réinstitution par un état très affaibli restera longtemps problématique. A€ la limite, comme en Russie, la propriété perd toute détermination sociale et se réduit A  une simple notion de contrôle direct sur les actifs : j'ai du cash et il reste A  moi, quelles que soient mes dettes, puisque celles-ci n'ont plus de valeur. La propriété, le crédit, le contrat, le fonctionnement des marchés sont alors directement atteints.
La crise ne se présente plus alors comme une forme particulière d'ajustement A  un déséquilibre, qui serait seulement bruyante et peu économique. Elle manifeste toujours des déséquilibres microéconomiques graves, mais elle ne les corrige pas, contrairement par exemple A  une attaque spéculative sur un ancrage de change ou bien A  l'éclatement d'une bulle d'actifs. Alors que ceux-ci ramènent en principe A  un équilibre de marché, la crise de paiement radicale sanctionne l'incapacité A  mener A  bien le rééquilibrage des bilans dans le cadre d'ajustements de marché continus et d'une règle formelle de résorption des pertes, adéquate A  la structure contractuelle des échanges et de la dette. Il y a toujours des agents optimisateurs, des anticipations, des transactions et de la monnaie, mais ils ne s'inscrivent plus dans une règle de coordination décentralisée des échanges.
Il est certes loisible de considérer l'insolvabilité généralisée du secteur privé indonésien, en mars 1998, comme un - équilibre - formé A  l'issue de la crise puisque, effectivement, cet état s'est révélé très sle. Mais ce concept perd, dans ce cas, tout son sens théorique et deent nettement tautologique puisqu'il ne renvoie plus A  un ajustement de marché continu, soutenu par un cadre institutionnel et contractuel préservé. C'est cher payer le refus de considérer le marché et le système de paiement comme des objets institués, susceptibles par conséquent de se détruire

La règle de faillite

Une règle de faillite peut-elle intervenir face aux crises de paiement les plus graves ? Présente-t-elle une robustesse particulière, qui ferait d'elle le vérile instrument de dernier ressort, aux mains du gestionnaire de crise ? A€ l'édence, si son caractère institué et son intervention hors marché la mettent A  l'abri de la contagion, la réponse ne saurait AStre toujours positive. Une fois entré dans une phase de dissolution des droits de propriété, la faillite est elle aussi paralysée, puisque ces droits sont l'objet mASme de son intervention : l'incapacité A  la faire opérer en Russie dans les années quatre-ngt-dix était l'expression la plus manifeste de l'échec A  élir des droits de propriété et une norme forte de solvabilité. Du reste, mASme dans les pays les mieux équipés, la faillite est construite pour traiter un flux normal de défaillances, si bien que face A  une crise A  grande échelle elle sera incapable de traiter un volume disproportionné d'accidents.
C'est dans la phase antérieure que ce principe d'intervention peut continuer d'opérer alors que le prASteur en dernier ressort est paralysé ou qu'il hésite A  avancer sur un terrain mouvant, exposé A  des risques de capture. La faillite procède alors en suspendant les obligations de paiement des agents en détresse, afin d'éter d'abord qu'ils ne désilisent un peu plus les marchés par des comportements A  risque et par l'accroissement de l'incertitude globale sur la sécurité des paiements ; la faillite est ainsi un instrument de contrôle de la crise de marché. Ensuite, elle définit une procédure ordonnée de distribution et d'absorption des pertes en capital, par la liquidation des firmes insolvables et éventuellement la restructuration du bilan, lorsqu'elles sont encore ables. Au moins dans le principe, elle apporte bien une réponse aux deux enjeux principaux de la crise de paiement : la dynamique systémique sur les marchés et l'absorption des pertes en capital, en un mot l'ordre monétaire et la propriété.
La faillite peut alors AStre opposée au prASteur en dernier ressort, auquel elle est liée par une relation ambiguA«, asymétrique mais toujours problématique. Bien qu'elle seule soit une institution universelle du capitalisme, l'un et l'autre définissent deux principes alternatifs de gestion des crises de paiement A  valeur générale.

Le prASteur en dernier ressort et la règle de faillite : trois clivages principaux
Ces deux fonctions se définissent d'abord par le problème de coordination qu'elles doivent résoudre. Une banque centrale interent face A  l'extension d'un risque perA§u de contrepartie, qui se manifeste lui-mASme par l'assèchement de la liquidité. Ce faisant, elle ne suspend pas les transactions décentralisées, pas plus qu'elle n'interfère directement dans les arbitrages et dans les contrats privés : les comportements sont modifiés de facto par une recoordination des anticipations sur un équilibre de marché - normal -. En revanche, la procédure de faillite assure la sortie et la rentrée dans les échanges (au moins pour les actifs), selon une procédure négociée en hors-marché qui, dans sa forme paradigmatique. présente un caractère judiciaire. Pour cela, elle recoordonne les acteurs éparpillés par la défaillance de leur débiteur commun, sans aucun mécanisme commun d'information et d'initiative.
Contrairement au prASteur en dernier ressort, qui opère par une intervention unilatérale et inconditonnelle, sans suspendre les transactions ou exclure les agents (Aglietta et de Boissieu, 1998), la faillite a pour objet explicite de résoudre un problème d'action collective par une procédure préélie. Remarquablement, l'échec ou l'absence de ces deux institutions conduisent A  un mASme phénomène de décoordination qui amplifie la crise du marché et les risques collectifs : on observera une panique des déposants et des créditeurs, qui vont se ruer alternativement sur les ressources liquides de la banque ou les actifs de l'entreprise, selon le principe séquentiel du premier arrivé, premier ser. Ces deux instruments s'opposent avant tout A  la recherche de solutions indiduelles A  la crise.
Ils reposent ensuite sur un traitement différent de l'information. La faillite réunit toute l'information privée, dispersée entre les divers agents : la réunion des parties de la faillite commence par élir l'inventaire complet des dettes et des actifs. Telle a été la contribution décisive de la Réserve fédérale de New York A  la résolution de la crise LTCM, lorsqu'elle a obtenu la divulgation et donc la centralisation d'une information jusque-lA  fractionnée. Celle-ci est devenue un bien public, grace auquel les acteurs sont sortis de la structure de jeu non coopératif dans laquelle ils s'étaient enfermés.
Ainsi, la logique de la faillite met un terme absolument A  l'asymétrie d'information parce qu'elle commence par ouvrir les (vrais) livres de comptes : la faillite, c'est la fin du problème de l'agence entre les créditeurs, les managers et les actionnaires. Inversement, parce qu'il n'interrompt pas les transactions, le prASteur en dernier ressort s'appuie exclusivement sur une information antérieure A  son intervention, qui lui est fournie par le marché et par la supersion. Il reste donc soumis A  l'asymétrie d'information portée par les banques et les marchés, et dont est issu le risque systémique qu'il tente de contrôler. S'il ne parent pas A  réduire cette fragilité avant la crise, il sera forcément exposé A  des risques sérieux ensuite.
Troisième élément, ces deux fonctions définissent des modalités opposées d'intervention dans les bilans privés. La faillite interent en excluant des échanges l'agent défaillant et en le liquidant. Elle est l'institution par laquelle l'échec de l'entreprise est sanctionné et consommé. L'éction est alors prolongée par un processus de distribution des pertes en capital, qui atteint d'abord les actionnaires puis les différentes classes de créanciers, en fonction de l'ordre de priorité des créances. Les pertes sont ainsi imputées formellement dans les bilans des agents, au moyen d'une intervention directe dans les droits de propriété. Elle résout par une règle instituée le conflit d'intérASts dangereux qu'ouvre toute défaillance capitaliste. Pour cela, elle bloque les stratégies opportunistes et les diverses tentations du sauve-qui-peut qui sont libérées par la rupture de l'ordre des contrats et par la décoordination des opérateurs de marché.
La faillite exprime ainsi ce principe a priori paradoxal : la propriété n'est aucunement un attribut intrinsèque ou naturel de l'indidu que, tout au plus, un Etat de droit absolument abstrait se devrait de défendre, tout comme il défend la sécurité physique des agents. En économie capitaliste, la propriété suppose l'expropriation, sous la forme d'une saisie des biens par la force publique, en cas d'incapacité A  payer ses dettes ; mais elle implique aussi qu'un créancier peut voir ses droits contractuels redéfinis par une procédure collective A  l'issue de laquelle ses droits de propriété et son patrimoine seront modifiés.
En revanche, en bonne règle, la Banque centrale qui interent en dernier ressort ne doit avoir aucun impact patrimonial. Elle contribue A  résorber le désajustement entre les structures par maturité de l'actif et du passif des institutions financières, mais elle ne doit avoir ni de conséquences sur leur valeur nette actualisée ni, plus généralement, d'effet redistri-butif entre classes d'agents - sauf soutien A  une banque insolvable. C'est pourquoi le prASteur en dernier ressort, s'il fonctionne correctement, n'a pas d'impact sur les équilibres monétaires : il répond A  une demande ponctuelle de liquidité, mais il n'a pas pour objet de modifier durablement l'équilibre du marché, reflété dans le taux d'intérASt. LA  où la faillite atteint directement les titres de richesse et sanctionne l'échec de l'entreprise capitaliste, le prASteur en dernier ressort s'adresse de manière anonyme et presque imperceptible au seul marché et assure la participation aux échanges de tous les opérateurs en actité.
Dans un cadre institutionnel mou. ou bien désilisé par une économie politique colérique, la séduction fatale du prASteur en dernier ressort tient A  ce qu'il ne touche ni aux droits de propriété ni aux contrats privés. Il agit ainsi discrètement par rapport aux intérASts élis et A  la distribution des richesses. Mais parce qu'il crée et distribue lui-mASme de la richesse (le seigneu-riage), il peut aussi devenir un enjeu pour les intérASts sociaux les plus puissants, logés souvent très près des sources du pouvoir politique - cela est une des grandes leA§ons des crises en Asie. Alors que, par excellence, il doit fournir un bien public non excluable (la silité du système bancaire), son intervention est directement exposée A  des stratégies opportunistes de captation privée de ce flux de rente. Il n'échappe donc pas A  l'économie politique, mais n'a pas de prise sur elle : il ne peut que se fier aux institutions régulatrices de la propriété et des marchés, ou bien simplement s'abstenir, ce qui sera toujours préférable A  une intervention ratée.

La faillite : la forme d'une institution
Comment se constitue, formellement, une règle de faillite ? A priori, ses principes élémentaires sont d'une grande simplicité. Elle est mise en œuvre dès lors que la valeur nette actualisée d'une entreprise est négative et qu'elle est endettée envers plus d'un créancier : chaque contrat de dette peut certes prévoir de manière contingente une solution A  un défaut de paiement, mais il restera impossible, sur une telle base, de déduire une procédure collective de résolution. Au jour du défaut, les créanciers sont donc isolés, avec des moyens fragiles de faire valoir leurs droits. C'est ici, historiquement, que se sont constituées les premières procédures de faillite, au Moyen A‚ge, notamment dans les cités du nord de l'Italie : elles devaient protéger les droits des créanciers contre les tactiques dilatoires de l'entrepreneur, mais éter aussi la recherche panique de solutions indiduelles au défaut - ruée sur les actifs, multiplication des recours juridiques, etc. Leur objet premier, historiquement et théoriquement, était donc de coordonner les créditeurs en identifiant leur intérASt privé A  une solution collective4.
Progressivement, ce principe a pris la forme juridique de la propriété collective des actifs de l'entreprise, transférée A  l'assemblée de ses créanciers. En France et en Angleterre, les premières lois de faillite adoptées par l'Etat, au xr siècle, ont posé le principe de la socialisation légale des actifs du commerA§ant en faillite - la - masse - dans l'ancien vocabulaire juridique franA§ais (Hilairc. 1986 ; Lester, 1995). Ces lois disent ainsi que la défaillance de l'entreprise privée met en question le principe de la propriété privée, cela en posant un problème de communs, c'est-A -dire de propriété indise rappelant les régimes de propriété communautaires dans les sociétés précapitalistes. Mais plutôt que cette indision n'émerge de manière incontrôlée, dans la ruée, et qu'elle conduise A  une socialisation sauvage des dettes et de la richesse, la faillite doit préserver le principe de propriété et de contractualisation des échanges, par-delA  la rupture des contrats et l'échec capitaliste.
La défense de la propriété et de la régulation contractuelle des échanges demande que le jour où la firme cesse ses paiements, les multiples droits et contrats qui la constituent soient dénoués formellement. C'est pourquoi la faillite prend la forme d'un acte judiciaire qui seul opère la socialisation de la propriété puis sa réinstitution : seul un tribunal, et donc l'autorité de la loi portent un principe normatif supérieur A  celui du contrat qui permet cette réécriture. C'est alors qu'apparait la ure du juge et, presque immédiatement, celle d'un état qui n'a pas seulement A  défendre l'intégrité des contrats mais aussi celle d'un bien public plus large. En d'autres termes, l'échec de la firme ne se résout pas spontanément, de manière endogène au marché, comme si cet agent était l'équivalent social d'un corps biodégradable. C'est pourquoi, du reste, la faillite n'a jamais pris forme de manière décentralisée et qu'on n'a jamais proposé non plus de la privatiser.
Second temps, une fois la socialisation réalisée, on peut élir l'inventaire complet des avoirs et des dettes, liquider les actifs et répartir leur contrepartie. La faillite transforme en des paiements monétaires les droits des créditeurs, mesurés en fonction de leur valeur relative avant l'ouverture de la procédure (Jackson, 1986). Ce faisant, on répartit entre eux les pertes en capital résiduelles, qui sont absorbées dans les bilans et donc répercutées dans ia distribution de la richesse nette des agents5. La distribution des avoirs résiduels et des pertes marque alors le moment où, sous l'autorité de l'état, l'on réinstitue la propriété privée et la règle d'interaction contractuelle entre agents, c'est-A -dire le principe de l'accumulation privée du capital et la possibilité d'échanges de marché décentralisés.
L'objectif dans cette phase est d'obtenir une distribution des pertes aussi proche que possible de celle qui peut AStre dérivée des droits initiaux, compte tenu de leur hiérarchie (créances protégées, présence de collatéral, etc.). En d'autres termes, la procédure doit ser A  réduire au minimum la discontinuité introduite par la défaillance et en particulier les risques d'une redistribution indue des droits, c'est-A -dire leur socialisation incontrôlée ou subreptice, sous l'effet de la confusion formelle créée par la défaillance. - Les situations de faillite et de non-faillite ne sont pas fondamentalement différentes : les obligations contractuelles dans lesquelles on est entré avant la faillite doivent AStre respectées le plus complètement possible dans la faillite - (Hart. 1999). Un double critère d'équité formelle et d'efficacité demande que l'on s'ésectiune le moins possible de la distribution initiale qui peut AStre inférée des contrats, bien que ceux-ci soient de fait suspendus, liquidés et parfois renégociés, c'est-A -dire conclus A  nouveau.
événement a priori banal, bruit blanc d'une économie darwinienne, A  la fois extérieure au marché et nécessaire A  son bon fonctionnement, la faillite utilise aussi le marché comme son instrument : il n'y a pas de valorisation pécuniaire des créances sans la réinsertion des actifs dans les échanges, qui permet de les monnayer. Par ce moyen, la faillite assure la distribution de l'actif financier résiduel, sous une forme monétaire, mais elle est aussi l'instrument de la réallocation des actifs physiques vers des entreprises plus efficaces. Elle contribue de ce fait A  une meilleure valorisation des facteurs de production dans l'économie. Comme instrument de la sanction du marché et de la gestion des défaillances privées, elle s'agrège directement au bien collectif : elle maximise les fonds reversés aux créanciers pour autant que les actifs sont revendus A  l'entrepreneur qui saura le mieux les valoriser.
C'est pourquoi une économie entièrement socialisée ne saurait avoir de procédure de faillite. Non seulement elle ne définit pas de contrainte de solvabilité indiduelle, mais elle ne permet pas non plus de résoudre la cessation de paiement par une liquidation des actifs sur un marché des biens de capital6. De mASme, dans un pays où ce marché fonctionne mal, par exemple du fait de sa faible liquidité, la faillite sera elle aussi peu efficace : les pertes subies par les créanciers et donc le risque de crédit seront accrus, la protection offerte par les collatéraux sera plus faible et, toutes choses égales par ailleurs, l'intermédiation sera moins importante.


L'échec capitaliste et l'ordre social

Proche A  la fois de l'état et de la règle contractuelle, de la police publique et de l'autorégulation des commerA§ants, la règle de faillite présente une histoire exceptionnellement complexe, qui éclaire fortement ses enjeux contemporains. Depuis le xii siècle et au moins jusqu'A  la fin du xix siècle, en France, en Grande-Bretagne comme aux états-Unis, elle n'a pas cessé de faire l'objet de débats incessants sur la place publique, qui ont mobilisé des intérASts sociaux puissants.
Pour une part, l'ambiguïté institutionnelle de la faillite, entre le privé et le public, se reflète dans une structure institutionnelle qui, jusqu'A  aujourd'hui, la place généralement en marge des autres institutions judiciaires. Dans la tradition romaine et révolutionnaire franA§aise, les tribunaux de commerce, toujours contestés, sont ainsi des institutions héritées très directement de l'Ancien Régime, attachées A  une organisation de type consulaire où dominent les intérASts privés. Dans les pays de tradition juridique anglo-saxonne, la procédure judiciaire, contrôlée par l'état, est largement complétée par diverses méthodes de résolution privées et informelles qui se développent - A  l'ombre de la loi -, cette dernière servant de référence ou de garantie en cas d'échec ; tel est aussi le cas des diverses formes de règlement A  l'amiable en droit franA§ais ou bien de la London approach en droit britannique (Brierley et Vlieghe, 1999).
Mais l'enjeu central du débat sur la faillite, pendant toute la période d'émergence du capitalisme moderne, a porté sur une question de fond relativement limpide : A  quelles conditions l'entrepreneur en détresse peut-il AStre - libéré - de ses dettes ? Ou, en d'autres termes, existe-t-il des circonstances dans lesquelles les créanciers doivent admettre qu'ils ont perdu une part de leur mise, aux côtés de l'entrepreneur ou des actionnaires ? Tant que cette question n'a pas été résolue, on en est resté aux premières règles élies au xr siècle, dont l'objet était uniquement de coordonner les créanciers face au failli : celui-ci restait exposé A  l'incarcération préventive, A  la saisie totale de ses biens, voire au bannissement ou A  la peine de mort, tant qu'il n'avait pas remboursé toutes les dettes contractées.
Si cette règle parait aujourd'hui barbare, son abandon ne relevait pas de la charité ou du bon sens : elle mettait en question la définition de la - discipline des marchés - et revAStait de ce fait un caractère constitutionnel. Elle affectait directement une règle du jeu social parce qu'elle supposait de séparer une logique pénale, attachée A  la personne de l'entrepreneur et A  la notion de faute, de la recherche d'un arbitrage dans un conflit cil résultant d'un échec commercial. Tant que la défaillance sur un contrat financier restait un crime, il était impossible de définir la faillite comme une procédure normale de résolution de l'insolvabilité appliquée non aux personnes physiques, mais A  cet agent particulier - la firme7.
Tout au long du xix siècle, les opposants A  la règle de faillite ont inlassablement mis en avant les principes fondateurs d'une société libérale, ou du moins leur interprétation de ces principes : intangibilité des contrats, liberté indiduelle et responsabilité de l'entrepreneur. Accorder une irresponsabilité relative aux débiteurs encouragerait la paresse et l'aventurisme, ce qui exposerait les banquiers A  des risques accrus, entrainant une moindre distribution du crédit. Plus radicalement, le principe d'une renégociation collective des contrats, dont les résultats s'imposeraient aux créanciers minoritaires, ne pouvait que mettre en question la liberté et la responsabilité de l'entrepreneur : c'étaient donc les bases morales de l'ordre libéral qui était touchées, cela a fortiori si l'Etat lui-mASme intervenait dans ce processus ou le sanctionnait". Tout comme les opposants actuels A  la réduction des dettes des pays en développement, ou bien au - partage du fardeau - face aux crises financières, ces défenseurs de la - discipline de marché - mettaient donc en avant un principe d'efficacité économique, mais aussi une constitution morale et politique9.
Derrière la faillite se profilait déjA  cet ennemi intime de la vertu capitaliste : l'aléa moral. C'est pourquoi on peut voir dans ce terme le trait distinctif d'une société déjA  libérale au économique, mais encore prémoderne au politique et institutionnel - c'est-A -dire, significativement, une société censitaire où l'accès A  l'espace public était conditionné par la richesse privée. Peut-AStre cela éclaire-t-il les dilemmes actuels d'une globalisation des marchés dans laquelle les états n'auraient qu'A  assurer la liberté des transactions, et surtout pas A  construire une - architecture - : soit un terme qui implique expressément la présence d'un bien public et l'appel A  une raison collective qui ne se résumerait pas A  l'intérASt commun des marchands. Comme il y a deux siècles, statuer sur la faillite et sur la renégociation des dettes, c'est définir le risque capitaliste, mais aussi instituer les règles collectives d'une économie fondée sur le contrat et la propriété (voir encadré).
Formellement, la différenciation entre les aléas de l'entreprise et la faute de l'entrepreneur a abouti A  la fin du xkc siècle grace notamment A  l'émergence progressive d'un nouveau sujet économique : la société anonyme A  responsabilité limitée, dont le nom mASme précise d'emblée la définition du risque capitaliste sur laquelle elle repose. En ex ante, ce risque n'est plus concentré sur la seule personne du capitaliste, mais il est reporté en partie sur les créanciers et singulièrement sur les banquiers : cela redéfinit entièrement les schémas d'incitation respectifs et donc la régulation du marché du crédit. Ensuite la résolution en ex post du défaut éventuel suit une règle normalisée et présible, ce qui préserve la continuité du marché. Jusque-lA , le capitaliste croupissait en prison, il disparaissait aux Amériques ou on oubliait plus ou moins la dette, qui flottait au-dessus du marché. Sous couvert d'intégrité de la règle contractuelle, les pertes n'étaient pas imputées dans les bilans, chacun cherchait avant tout A  s'en défausser et, au-delA , le marché lui-mASme présentait des risques de transaction élevés en raison de l'incertitude latente sur la fiabilité des opérateurs.
L'invention de la société anonyme n'a pas suffi toutefois A  résoudre tous les enjeux privés et publics concentrés autour de la loi de faillite. Elle est restée longtemps un point de fixation du conflit entre la norme indidualiste de solvabilité et l'appel A  la socialisation des aléas économiques, cela pour une raison simple : elle a toujours un enjeu redistributif. Lors des grandes récessions du XK' siècle et jusqu'aux années trente, les microconflits ouverts par chaque défaillance indiduelle ont mobilisé régulièrement de larges coalitions sociales qui ont pesé directement sur le processus politique et sur les réformes successives de la faillite. La faillite peut devenir un enjeu de lutte de classes.
Aux états-Unis, une corrélation étroite lie les principales crises financières et les cycles hauts de contestation politique sur la question de la faillite ". Elle a été en particulier au centre du conflit séculaire entre d'une part les fermiers endettés du Sud et du Middle West, relevant souvent d'une économie précapitaliste, et de l'autre la - grande banque - des métropoles de l'Est accusée, lors des récessions, de mettre A  la rue des centaines de milliers de familles vertueuses et laborieuses. La faillite et ses enjeux collatéraux ont joué en particulier un rôle de premier dans la formation du courant populiste, opposé au big business, qui traverse toute l'histoire politique américaine jusqu'A  nos jours. Procédures de réduction de créances, limitation des saisies judiciaires, moratoires collectifs, défense des banques locales, assurance des dépôts, régulation de l'actité bancaire : jusque dans les années trente, ces enjeux concentrent le principe de discipline contractuelle, mais aussi la demande diffuse d'une socialisation ou d'une redistribution des risques économiques face aux chocs agrégés. étudiant l'évolution du système financier, Calomiris (1989, 1994) souligne les liens étroits entre cet enjeu ancien et le vaste mouvement de réglementation bancaire décidé au début du New Deal et dont de nombreux éléments restent encore présents.
Par hypothèse, on pourrait alors expliquer la relative dépolitisation de la faillite, au xxc siècle, par le développement d'instruments nouveaux de régulation, qui ont permis d'atténuer et souvent de socialiser l'impact indiduel des crises économiques : politique contracyclique, assurance chômage, interventions de marché, supersion bancaire, etc. La faillite aurait alors été recentrée sur ses enjeux microéconomjques, c'est-A -dire sur la définition et la défense des droits de la propriété et des contrats - lesquelles ont connu de larges fluctuations au cours du siècle '2. Elle a pu traiter l'échec capitaliste en tant que tel dans une société qui avait appris par ailleurs A  se saisir de ses enjeux sociaux, tant par la protection collective contre les crises que par la punition de l'entrepreneur frauduleux. La propriété et le contrat sont le domaine de la faillite, mais non l'équité et la justice sociales.
Les enjeux de la faillite rappellent ainsi l'opposition entre les sociétés traditionnelles et modernes que Louis Dumont (1977) fait reposer sur le rapport de deux principes : les relations des hommes aux choses (les actifs économiques et l'échec commercial) et les relations entre hommes (ici, les créanciers et l'entrepreneur, et au-delA  l'ordre social et la notion de faute). Si le capitalisme et l'indidualisme moderne, en particulier dans sa forme juridique, impliquent la domination du premier principe, sous la forme notamment des règles de propriété et de solvabilité, l'anthropologue soulignait que la rupture avec les formes d'organisation traditionnelles est longue, complexe et jamais entièrement accomplie : le principe égalitaire et indidualiste n'est pas une constitution naturelle des sociétés et il ne saurait mASme s'élir comme un principe unique d'organisation sociale.
Ici, la règle de faillite apparait moins comme une institution supérieure, qui condenserait toutes les déterminations du capitalisme, que comme un extraordinaire marqueur de leur extension, au économique, institutionnel mais aussi culturel. En séparant les aléas de l'entreprise capitaliste de la faute commise envers l'ordre social, elle formalise un principe A  caractère anthropologique : elle dit publiquement, par la loi votée, l'autonomisation entre d'une part le champ de la propriété, de la concurrence et de l'intérASt privé, norme par la règle de solvabilité, et d'autre part, face A  lui, le champ de la loi et de l'intérASt public, centré sur l'état de droit. Cela reste, avec le salariat, le principe sur lequel repose toute économie capitaliste au centre, et plus difficilement A  la périphérie de l'économie mondiale.
Parce que l'économie capitaliste demande une formalisation poussée des transactions indiduelles, A  caractère juridique, ce processus complexe d'autonomisation est ici rendu explicite : on définit expressément l'entreprise indiduelle, une règle d'interaction entre acteurs (le contrat et le marché), et enfin le rapport de l'état A  cette règle. C'est pourquoi, dans l'Europe du XVIIIe et du xixc siècle, comme dans nombre d'économies émergentes jusqu'A  ce jour, la faillite est un révélateur des enjeux les plus problématiques qui entourent l'émergence du capitalisme mais aussi de l'état de droit moderne. Ce rapport critique entre la règle contractuelle et le bien public, qui tire les ultimes conséquences de la définition napoléonienne du contrat, sera résumée par Kcynes bien plus tard : - Rien ne peut préserver l'intégrité du contrat entre indidus sinon une autorité discrétionnaire accordée A  l'état de réser ce qui est devenu intolérable. -
Les différentes règles de faillite nationales apparaissent aujourd'hui comme une butte témoin des conflits anciens par lesquels se sont formées dans chaque pays les institutions libérales. De manière sans doute moins politisée, elles continuent de refléter les résistances collectives toujours opposées A  l'indidualisation économique, A  la juridicisation des échanges et A  l'autonomisation de l'état. Le capitalisme n'est jamais achevé.
Surtout, la faillite reste un enjeu central de régulation lA  où ce processus d'institutionnalisation est plus partiel : dans les économies en développement et, de manière plus spectaculaire, dans l'Europe postsoétique des années quatre-ngt-dix. En Russie, résister au renforcement de la concurrence et A  l'élissement d'institutions économiques solides c'est, presque dans le mASme mouvement, s'opposer A  la construction de l'état de droit et A  l'universalité de la loi. En Asie, la paralysie des institutions publiques face A  l'effondrement des marchés renvoie aussi A  des économies dans lesquelles les institutions du capitalisme, et donc le capitalisme lui-mASme, étaient encore faiblement élis : l'espace public norme par la loi n'était que partiellement institué face A  l'espace privé, où se déploient la concurrence et l'initiative capitaliste.
Cette immaturité institutionnelle n'a certes pas interdit une dynamique longue de croissance et d'accumulation du capital, bien qu'elle ait pu contribuer A  une allocation sous-optimale des facteurs et, de manière plus générale, A  un enronnement où les contraintes relativement laches sur les agents peuvent expliquer la croissance faible de la productité totale des facteurs, sur longue période. La faiblesse de la règle de faillite s'inscrit ainsi dans l'hypothèse de la garantie publique d'une large partie de l'investissement privé, généralement identifiée comme une des principales défaillances institutionnelles des capitalismes asiatiques.
Alors que le traitement informel de l'insolvabilité, dans de nombreuses économies en développement, pourrait suggérer que la loi de faillite n'est pas un enjeu décisif, l'expérience asiatique confirme A  la fois son caractère stratégique et aussi les enjeux d'économie politique particulièrement denses que révèle déjA  son histoire en Europe et aux états-Unis. En contribuant A  une institutionnalisation faible de la norme de solvabilité, elle a amplifié les défaillances de marché dues A  de fortes asymétries d'information, dans un contexte de liquidité très abondante après l'ouverture du compte de capital. Puis, devant la crise, les mASmes facteurs institutionnels expliquent l'effondrement des régulateurs publics, et notamment leur très grande difficulté A  sanctionner la défaillance de très nombreuses entreprises et banques. Le désastre final n'en a été que plus grand et les perspectives de reprise de l'accumulation plus incertaines. Disserter A  perte de vue sur le crony capitalism et la - crédibilité - de telle ou telle institution n'est alors que l'aveu renouvelé d'une incapacité A  concevoir la constitution du capitalisme dans d'autres termes que ceux de la morale et de la faute, ou bien de la confiance et d'une discipline des marchés immanente.

Et les crises de paiement internationales ?

Il est raisonnable de s'attendre A  ce que, dans une économie de marches globalisés, les défaillances auxquelles tentent de répondre le prASteur en dernier ressort et la loi de faillite au national réapparaissent au international. Face A  une cessation de paiement anticipée ou effective, la décoordination et la recherche panique de solutions indiduelles (ou nationales) A  la crise peuvent s'observer dans des termes proches. La défaillance d'une entreprise multinationale pourra ainsi entrainer une multiplication de procédures de faillite concurrentes d'un pays A  l'autre, les unes et les autres autorisant la saisie des actifs présents sur chaque territoire. Rien n'assure que cela serait la meilleure méthode de résolution tant, A  l'édence, cette firme n'a aucune raison a priori de localiser aux mASmes endroits ses actifs et ses dettes. Toutes choses égales par ailleurs, on retrouve alors les mASmes problèmes que ceux auxquels ont tenté de répondre les premières lois anglaises ou franA§aises, au xr siècle.
Historiquement, les conflits et les risques d'insilité financière les plus récurrents découlent toutefois de l'entrée des états eux-mASmes sur les marchés de capitaux, où ils vont chercher A  accroitre leurs ressources financières. Mis A  part certaines périodes relativement brèves, les flux de dettes souveraines ont représenté de loin la plus grande part des mouvements de capitaux vers les économies périphériques : c'est-A -dire la dette publique au sens strict, ajoutée généralement A  celles de collectités locales ou de serces publics bénéficiant d'une garantie publique plus ou moins formelle - chemins de fer au xix1 siècle, comnies téléphonique ou pétrolière au xx siècle.
Or depuis au moins deux siècles, avec une très grande régularité, nombre d'états qui font appel aux marchés de capitaux internationaux tombent ensuite en défaut de paiement. Il se trouve toujours des observateurs pour avancer alors l'hypothèse d'un sauve-qui-peut indiduel devant la crise, typique d'un marché dépourvu de loi de faillite : accords séparés avec certains créditeurs, répudiation unilatérale, ultimatum militaire ou saisie des actifs du pays A  l'étranger (aons, recettes d'exportation, comptes bancaires, etc.). Il est alors rappelé que l'expropriation des états, ou la saisie de leurs biens, est soit difficile, soit exclue par les accords internationaux. Comment élir alors une règle d'action collective face au libre arbitre des états ? Comment, ensuite, s'assurer du respect de l'accord conclu entre le souverain et ses créditeurs, si le premier reste libre de se défausser A  nouveau ?
Les dirigeants et actionnaires d'une entreprise défaillante négocient avec leurs créanciers parce qu'ils sont honnAStes, ou parce qu'ils veulent sauver leur réputation, mais aussi parce que leurs créanciers peuvent faire appel aux institutions garantes de l'état de droit. Tel n'est pas le cas d'un état souverain, qui est guidé avant tout par l'appréciation de ses intérASts propres, lesquels peuvent dépendre d'une conjoncture politique très variable. Il en va de mASme in fine de sa décision de poursuivre ses paiements ou d'accepter le cas échéant de renégocier sa dette. Faut-il alors conclure que la résolution d'un défaut de paiement souverain relèverait uniquement de cette volonté de payer, et que la capacité de payer, c'est-A -dire sa solvabilité, serait insaisissable économiquement et non pertinente politiquement ? Ainsi, A  la fin des années quatre-ngt, on s'est accordé sur un constat d'insolvabilité, plutôt que d'illiquidité ; cette conclusion découlait moins d'un constat financier précis que d'un jugement très global dont les considérations politiques n'étaient pas absentes : insilité macroéconomique (croissance insle, haute inflation, etc.), menaces de certains pays de répudier leur dette, déclin du prix de la dette sur les marchés secondaires, etc.
Si la sure de ce marché ne relève que du bon vouloir du souverain ou d'un consensus international aléatoire, il faut expliquer alors pourquoi ces flux de capitaux ont pu se développer, souvent A  grande échelle, A  des époques et dans les contextes économiques les plus dissemblables ? Faut-il mettre en question la clairvoyance des investisseurs et la fameuse - mémoire des marchés -. Les cycles de la dette souveraine seraient alors déterminés par des booms désastreux, suis de crises puis de périodes de déclin, interrompues seulement par l'apparition d'une nouvelle génération de banquiers : ingénus et assoiffés de profits, ils se laisseraient tenter A  nouveau par cette aventure idiote.
Le cas de ure a été observé A  au moins deux reprises. Dans les années 1820, les nouvelles républiques latino-américaines ont fait largement appel aux capitaux britanniques, puis elles se sont mises en défaut et les flux financiers vers cette région se sont largement taris jusque dans les années 1860 (Aggarwal, 1996 ; Lipson, 1985). De manière able, les défauts en chaine des années trente ont été excessivement longs A  résoudre : de nombreux pays n'ont retrouvé accès aux marchés qu'au cours des années soixante-dix, quitte A  cesser A  nouveau leurs paiements quelques années plus tard 14.
Mais il y a aussi des contre-exemples. Depuis les années 1860 jusqu'en 1914, A  certains égards dans les années ngt puis A  nouveau après 1975, le marché de la dette souveraine a résisté aux crises et aux défauts au lieu de s'effondrer au premier accès de contagion. La majorité des états endettés ont fait des efforts importants pour serr leurs dettes et ont cherché A  renégocier leurs engagements plutôt que de les répudier. L'explication habituelle, sur laquelle repose la plus grande partie de la théorie de la dette souveraine '5, renvoie alors A  l'intérASt pour les Etats de préserver, A  long terme et A  des coûts raisonnables, leur accès aux capitaux internationaux. Pour cela, ils doivent AStre raisonnables, c'est-A -dire penser très fort A  leur bonne réputation et s'en tenir A  la lettre de leurs contrats, plutôt que d'opter pour des solutions de court terme.
Dès lors l'enjeu majeur de régulation publique est de ne pas affaiblir cette bonne disposition : tout ce qui pourrait atténuer la sanction A  laquelle s'expose le déant mettrait en question la - discipline du marché - et serait préjudiciable au plus grand nombre. On peut alors renouer a



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