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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Situation de la physiocratie

Avec les physiocrates commence, pour Gide et Rist, l'histoire des doctrines économiques. Ne crions pas trop te au préjugé laïc et républicain ! D'autres historiens sont moins exclusifs, pour qui 1758 ' date de la publication par le chef des physiocrates, FranA§ois Quesnay, de son Tableau de la circulation des richesses ' n'en coupe pas moins en deux la ligne d'évolution de la pensée économique. Nul ne conteste guère que ce soit cette poignée de penseurs franA§ais, précurseurs immédiats et contemporains de notre Grande Révolution, qui ait fondé la science économique, il n'y a pas deux cents ans. Avant eux, l'Antiquité a laissé des utopies, des traités d'agronomie, des analyses juridiques ; le Moyen Age des disputations de casuistique ; le mercantilisme des recettes de gouvernement. Après eux, et directement issue de leur influence, ce sera l'œuvre d'Adam Smith, et la grandiose construction de l'école classique anglaise : le premier système que l'homme ait imaginé pour concevoir dans son ensemble le mécanisme de la e économique, ancAStre direct de toute la théorie économique moderne.
Les physiocrates forment une école et un parti. L'école a son credo, ses dogmes, son catéchisme, son vocabulaire hermétique. A sa tASte, son fondateur et chef incontesté : FranA§ois Quesnay, médecin de la Pompadour et de Louis XV. Autour de lui, des nobles de cour, comme le marquis de Mirabeau (le père. l'- Ami des Hommes -) (1) ; des gens de robe comme Le Mercier de La Rière, Le Trosne et Dupont de Nemours ; des ecclésiastiques comme l'abbé Baudeau. Leurs œuvres importantes s'échelonnent toutes sur ngt années, entre 1756 (date de la publication par Quesnay de l'article - Fermiers - dans L'Encyclopédie de Diderot) et 1777, où parait De l'IntérASt social de Le Trosne. Le Tableau économique de Quesnay (1758) est comme le manifeste de l'école physiocratique ou ' c'est ainsi qu'on la nommait alors ' de la - secte des économistes -. Tous les mardis, chez Mirabeau, A  partir de 1767, elle tenait des - assemblées -. Elle rayonnait en plusieurs pronces, dans les grands centres des régions rurales (2). Et bientôt les salons parisiens se mettent de la partie. Les dames n'ont d'oreilles que pour les - économistes - ' ou pour ceux qui les raillent et les réfutent : Mably, l'abbé Galiani, Necker.
Comme le mercantilisme Colbert, la physiocratie a son grand ministre : Turgot. A vrai dire, Turgot n'est pas lui-mASme des - économistes -. Il raille parfois le vocabulaire et le dogmatisme de la - secte -. Plus que d'elle sans doute ses idées procèdent de Vincent de Gournay. personnage un peu obscur, intendant du commerce, mort en juin 1759 au lendemain du Tableau économique et avant l'institution des - mardis -. Mais c'est sur le mouvement issu de Quesnay que s'appuie le grand ministre de Louis XVI. Comme Quesnay est le chef de l'école, Turgot est le champion du parti physiocratique.
La doctrine physiocratique a fait d'illustres disciples A  l'étranger. Joseph II en Autriche, la Grande Catherine en Russie, le roi Stanislas en Pologne. Gustave III en Suède se sont mis A  l'école des physiocrates et inspirés de leurs principes de gouvernement. Mais la pensée et la littérature physiocratiques sont purement franA§aises. Or, tant par son recrutement et son inspiration l'école physiocratique est nationale, tant sa doctrine est universaliste. Et cette secte éphémère, qui ne comptera plus un adepte quarante ans après le Tableau économique, a une pensée perpétualiste. Nous sortons des perspectives bornées des mercantilistes. préoccupés de résoudre immédiatement des problèmes concrets, sans cesse en quASte d'expédients empiriques. Les physiocrates s'imaginent découvrir les lois naturelles de la société, valables pour tous les temps et pour tous les pays. A nous, qui disposons du recul de l'histoire, apparait une frappante disproportion entre les dimensions temporelles et spatiales de l'école physiocratique, et celles de ses prétentions scientifiques. Mais en cela mASme qu'ils ambitionnent de transcender l'espace et le temps, les physiocrates sont de leur pays et de leur époque. Universalisme et perpétualisme, n'est-ce point la pente naturelle de l'ame franA§aise, et tout particulièrement en notre xiic siècle révolutionnaire ?
Les physiocrates sont des adeptes de ce qu'on a appelé la - philosophie des lumières -. Quesnay a collaboré A  L'Encyclopédie de ~ Diderot. Mais la philosophie franA§aise du xii siècle a plusieurs sages, et les physiocrates en présentent une face particulière, que l'on pourrait qualifier de réactionnaire. Mieux que quiconque sans doute parmi leurs contemporains, ils nous font saisir au xii siècle franA§ais, par-dessus l'humanisme de la Renaissance, une sorte de retour A  des formes de pensée au parfum médiéval.
Les physiocrates réagissent contre l'immoralisme mercantiliste, et professent une philanthropie humanitaire. La fin de la e sociale pour eux, c'est le bonheur des hommes, non la puissance ' ou le gain monétaire. Ils vantent la robuste simplicité des mœurs patriarcales et, comme le Moyen Age, louent l'agriculture et la e des champs. En la Chine, que les récits de voyages du Père Amyot ont mise A  la mode et que les physiocrates ne se lassent de proposer en modèle A  l'Occident, n'est-ce point une structure économique précapitaliste, une société médiévale contemporaine, qu'ils admirent ? Et quand ils professent que le commerce est stérile, leur erreur ne fait-elle pas écho A  celle qui fondait, chez les cano-nistes antérieurs A  saint Thomas d'Aquin, la condamnation du profit commercial ?
En réaction contre le pragmatisme mercantiliste. les physiocrates affirment de grands principes. La Nature, le Droit, l'Ordre (3), voilA  des notions qui reprennent avec eux une valeur abso-lue et transcendante. Or cette foi du xii aux - Immortels Principes -, n'est-ce point un implicite retour A  la conception médiévale de la réalité des essences ?
Les physiocrates sont déistes. Et sans doute la - Prodence - raisonnable et philanthrope qu'ils invoquent n'a-l-elle qu'une parenté fort lointaine avec le Dieu personnel que urent sous des traits humains les tympans de nos cathédrales. Pourtant Malc-branche est l'un des maitres des physiocrates. La secte compte plusieurs ecclésiastiques. C'est en théologien que Quesnay pose et résout le problème du mal, plus encombrant encore pour qui professe l'existence d'un Ordre naturel harmonieux et bienfaisant que pour qui croit au bon Dieu créateur.
Humanistes, les physiocrates le sont si l'on veut, mais pas A  la manière de Bodin ni de Montchrétien. Ils croient en la raison plus qu'en la puissance de l'homme. Ils exaltent en lui le pouvoir de connaitre, plutôt que celui d'agir. Découvrir la loi naturelle pour la respecter et s'y soumettre, tel est leur idéal : non point exalter le pouvoir des hommes sur et contre la nature. Pour les physiocrates comme pour les stoïciens de l'Antiquité ' mais aussi comme pour tous les esprits religieux ' la noblesse de l'homme est de pouvoir pénétrer des desseins qui le dépassent, et de concourir A  leur réalisation par un comportement obéissant.
Sur le scientifique, un maitre des physiocrates c'est Montesquieu, qui a conA§u une discipline a priori de la politique et du droit ; A  son exemple ils construiront une économie déductive et normative. Ils ne doivent pas moins A  Dessectiunes, duquel ils empruntent l'édence comme critère de la vérité. Tel Dessectiunes vers les mathématiques, eux se tourneront vers les sciences exactes. C'est par analogie avec la circulation du sang, contre laquelle la Faculté de Paris ent seulement de désarmer, que le médecin Quesnay imagine un circuit des richesses dont son Tableau économique développe le schéma.
En 1763 se termine, par la défaite de la France et par la perte de ses colonies, une période de guerres longues et onéreuses. Le gouvernement se trouve en butte A  de graves difficultés financières. La crise sociale et politique commence A  sourdre, d'où sortira la Révolution. Le retour A  la terre, que prASchent les physiocrates, est un réflexe classique des périodes de ce genre. Après tant d'efforts réduits A  néant pour étendre au-dehors la puissance nationale, il ne reste plus qu'A  se remettre A  cultiver son champ. Réaction de repli après la défaite, réaction de sérénité après une déception. L'homme sur son déclin reent volontiers se reposer et mourir A  la camne qui l'a vu naitre ; telle est aussi la pente des peuples qui se sentent ou se croient décadents. Les prédications physiocratiques pour le retour A  la terre traduisent l'angoisse de l'Ancien Régime chancelant sous les fastes frelatés de la cour de Louis XV. La grande épopée révolutionnaire allait bientôt montrer que seuls certains cadres avaient perdu e.
La question qui domine sur le politique, A  cette époque, est celle des finances publiques. Le Trésor est lourdement endetté. Le remède mercantiliste a échoué, avec le système de Law. On ne peut plus croire aux expédients. Seul un effort fiscal considérable peut clarifier la situation. Mais il se heurte A  un gros obstacle : les prilèges fiscaux de la noblesse et du clergé. Les nobles et l'Eglise sont les grands propriétaires terriens. Si l'impôt ne les atteint, il ne saurait rendre. Le Roi, appuyé par les nobles de cour et les militaires, tente de faire céder les prilèges fiscaux, de - faire payer les riches -. Ceux-ci et principalement les nouveaux annoblis (- bourgeois gentilshommes -, parlementaires) défendent apre-ment ces - libertés féodales - dont souvent ils ont de fraiche date acquis le bénéfice. Que le Roi restreigne d'abord le train de sa cour ' disent-ils, ' et la crise financière sera bientôt résolue. Nous avons lA  presque toute l'histoire du ministère Turgot, et de son échec. Les physiocrates sont contre les prilèges, pour l'impôt foncier généralisé sur toutes les terres, nobles et ecclésiastiques aussi bien que roturières.
D'un point de vue plus proprement économique, les physiocrates poursuivent la réaction que Boisguilbert et Cantillon ont amorcée contre le mercantilisme. La politique de Colbert et de ses successeurs avait été industrialiste, et interventionniste. L'industrialisme mercantiliste avait engendré un déclin de l'agriculture franA§aise, dont une série de mauvaises récoltes était venue aggraver les facheux effets, tandis que la population s'accroissait. Les physiocrates exalteront l'agriculture A  rencontre de l'industrie, en appuyant leur agrarianisme sur la célèbre théorie du produit net. C'est ce que nous exposerons d'abord. ' D'autre part, l'interventionnisme colbertiste avait abouti A  un excès de réglementation qui étouffait les initiatives et paralysait la production comme le commerce. Ici encore les physiocrates vont prendre le contre-pied du mercantilisme. Ils seront libéraux, ils seront les premiers libéraux de l'histoire des doctrines économiques. Et ils appuieront leur libéralisme moins sur une analyse des mécanismes du marché de concurrence que sur une philosophie naturaliste et proden-tialiste, sur une doctrine de l'Ordre naturel. Nous en traiterons pour terminer.

La théorie du produit net et l'agrarianisme des physiocrates
Et donc, il s'agit de trouver de l'argent pour les finances publiques obérées. Où ? et comment ? En développant les manufactures, le commerce extérieur, et le gain mercantile comme le voulait la doctrine d'hier ? En créant de la monnaie fiduciaire, comme l'avait tenté Law ? Pour les physiocrates, la poule aux œufs d'or est ailleurs. Seule l'agriculture est productive, car seule elle crée plus de richesse qu'elle n'en consomme. L'industrie, le commerce sont stériles ; leur revenu brut n'excède pas leurs dépenses, ils ne fournissent pas de - produit net -. Telle est la thèse essentielle des physiocrates : subtile, sophistique, et qu'il n'est point facile de saisir. Les physiocrates réagissent contre le chryshédo-nisme. La richesse pour eux, ce n'est pas la monnaie, ce sont les biens matériels. La richesse, c'est de la matière. Or le commerce ne crée pas de matière. Et non plus l'industrie. Soit un menuisier qui s'empare d'un morceau de bois, dont il se propose de faire une le. La le achevée ne contiendra pas plus de bois que le menuisier n'en avait au point de départ ; au contraire, car il s'est ser de la lime et du rabot, et voici son atelier jonché de déchets inutilisables. Mais l'agriculteur sème un grain de blé, et il en récolte dix. Pourquoi ? Parce qu'au travail de l'agriculteur (qui est un homme et par conséquent ne peut rien créer), s'est ajoutée la fécondité de la terre, c'est-A -dire de la nature, c'est-A -dire, pour les physiocrates. de Dieu. - Dieu seul est producteur -, s'écrie Dupont de Nemours dans une suggestive lettre A  Jean-Baptiste Say. Parce que Dieu seul est créateur, et que, pour les physiocrates, produire, c'est créer. Non pas créer des utilités, comme nous disons aujourd'hui, mais créer de la matière, de la matière organique.
Sur la base de leur théorie du produit net, les physiocrates distinguent trois classes d'agents économiques. La classe des agri culleurs exploitants ou classe productive : la classe urbaine qu'ils appellent classe stérile ; enfin la classe des propriétaires fonciers.
Le Tableau économique de Quesnay, dont Louis XV a tiré de sa main les épreuves et qui connut un succès immense, décrivait la circulation de la richesse entre les trois classes. C'est de l'actité de la classe productive que vent les deux autres. Non seulement cette classe pourvoit A  son propre entretien, mais elle fait encore des - avances - A  la terre, et verse au propriétaire du sol un fermage qui représente le produit net. Les physiocrates insistent beaucoup sur les avances que les agriculteurs font A  la terre : - avances primitives - (dépenses d'entretien, achat du bétail et du matériel d'exploitation) et - avances annuelles - (semences, engrais). Les physiocrates, dont leur anti-industrialisme fait des économistes rétrogrades, n'en sont pas moins, en tant qu'agronomes, gens de progrès : partisans décidés de la grande culture, de l'utilisation des chevaux pour les travaux des champs, de la diffusion des engrais animaux et minéraux, de la modernisation de l'outillage agricole, si l'on veut de ce que nous appelons aujour-d'hui l'industrialisation de l'agriculture. ' La classe que les physiocrates appellent stérile comprend les artisans, les commerA§ants, les fonctionnaires, les gens des professions libérales. Ils ne sont pas inutiles, mais il ne produisent pas plus de valeur qu'ils n'en dépensent. Leur e est assurée, leur nombre limité par le surplus de denrées alimentaires que les agriculteurs créent au-delA  de leur propre consommation. ' Reste enfin la classe des propriétaires fonciers, que les physiocrates mettent sur le piédestal. Plus encore que le grand fermier industrieux, ils exaltent le type du gentilhomme philosophe, résidant sur ses terres au moins une bonn partie de l'année, surveillant ses exploitations, dépensant largement pour les féconder. C'est le propriétaire, A  l'origine, qui a consenti A  la terre les - avances foncières -, et pris l'initiative et supporté la charge du défrichement du sol et de son aménagement pour la culture. Comme le propriétaire a fait la terre, il continue de l'incarner, il participe de la dignité que les physiocrates prAStent A  la terre. La terre, c'est la nature, et la nature, c'est Dieu. Et le propriétaire est le symbole môme de l'harmonie prodentielle des intérASts. Tandis qu'il poursuit le sien propre ' qui est d'accroitre le produit net ' il assure du mASme coup la prospérité de toutes les classes de la société.
Et non moins celle du souverain. Car les physiocrates ne portent le propriétaire au pinacle que pour le mieux plumer ensuite. Le rôle essentiel du produit net, c'est d'alimenter le trésor public. Les physiocrates ont attaché leur nom A  la doctrine de l'impôt unique, assis sur le produit net de la terre, acquitté par les seuls propriétaires fonciers.
Telles sont, schématiquement présentées, les principales pièces de la construction physiocratique. Soixante ans plus tard, il n'en restera pas une seule debout. Il aura suffi de quelques décennies pour que s'évanouissent toutes les - édences - physiocratiques. N'en allez point conclure que l'œuvre des - économistes - ait été stérile. On a utilisé les cadres par eux imaginés. Leurs thèses ont été déformées et mASme parfois littéralement retournées ; mais on les dene A  l'origine de presque toutes les théories classiques et modernes. Chez Ricardo, A  travers Smith, l'économie politique, de physiocratique et agrarienne, deendra ponocratique et industrialiste. La théorie classique de la valeur-travail (4), ce sera un peu ' encore que le problème posé ne soit pas le mASme ' la thèse de la productité exclusive de l'agriculture inversée. Mais ce sont les physiocrates qui ont ouvert la voie d'une économie théorique fondée sur l'hypothèse d'un seul facteur productif. ' La rente de Ricardo, ce ne sera plus du tout le produit net des physiocrates. Celui-ci manifestait la générosité, celle-lA  reflétera l'avarice de la nature. Le produit net, c'était le baromètre de la prospérité nationale : le taux de la rente mesurera l'appauvrissement de la société. Avec les classiques, l'intérASt des propriétaires fonciers deendra contraire A  celui de la collectité : tout l'opposé de la doctrine des physiocrates. Et pourtant ce sont eux qui les premiers ont regardé le revenu de la terre comme quelque chose de particulier, de prilégié, A  part des autres revenus capitalistes ; et cette opposition, longtemps encore, encombrera la pensée économique. ' Les - classes - que distingue Ricardo ne seront plus celles des physiocrates. Mais ce sont eux qui les premiers ont eu l'idée de décrire le partage et la circulation de la richesse entre les différentes catégories d'agents économiques.
Et surtout, les premiers, ils ont présenté un leau d'ensemble de la circulation des richesses, en supposant celles-ci constantes au cours d'une certaine période théorique (l'année), au bout de laquelle tout se retrouve dans la situation originelle. Par lA  les physiocrates sont les inventeurs de l'économie statique, et mASme les précurseurs de la notion de circuit qui de plus en plus, dans la statique économique moderne (5), tend A  remplacer celle d'équilibre instantané.
Les physiocrates ont fondé une méthode, une discipline. Ils ont construit des cadres dont le contenu variera par la suite, mais qui demeureront ceux de la science économique classique, et mASme moderne (6).

La doctrine de l'ordre naturel et le libéralisme des physiocrates
Donc le produit net de l'agriculture est la seule source des avances foncières et des revenus du souverain. Il faut accroitre le produit net. Comment cela ? Par la méthode de Sully, en décalquant un mercantilisme agraire sur le modèle du colbertisme ? Ce n'est pas ainsi que l'entendent les physiocrates. Leur solution, c'est la liberté du commerce des grains A  l'intérieur et A  l'extérieur. Ils en attendent d'abord l'unification et la silisation du prix du blé. Mais aussi son élévation. La liberté du commerce permettra l'avènement de ce qu'ils appellent - le bon prix - : le prix rémunérateur, qui permet au propriétaire de demander des fermages élevés. Ceci ne saurait AStre saisi que dans les perspectives de l'époque. Le mercantilisme industrialiste avait poursui une politique de bon marché des produits agricoles, afin de permettre de bas salaires et des coûts de production qui missent les fabricats franA§ais en bonne posture pour soutenir la concurrence étrangère. L'interdiction d'exporter du blé était l'une des principales mesures qu'eût inspirées un tel souci. Le résultat, c'est qu'A  l'époque des physiocrates, le prix du blé en France était inférieur aux prix pratiqués dans presque tout le reste de l'Europe. Rendre la liberté au commerce des grains, cela signifie donc essentiellement, en ce temps-lA , rélir l'exportation des céréales, et par conséquent permettre aux prix franA§ais du blé de rejoindre les prix européens. Aisance pour le paysan, de par l'élévation des prix du blé ; sécurité pour le paysan, de par leur unification et silisation, tels étaient les buts de l'école. Et telle semble bien avoir été l'ame de l'- édit libérateur - de Turgot, en 1774. Malheureusement pour la fortune de l'expérience, une mauvaise récolte surnt, dont les conséquences s'ajoutèrent A  l'effet du rélissement de l'exportation. Les prix du blé s'élevèrent plus que ne l'avait voulu Turgot ; d'où la - guerre des farines -, et la cabale où succomba le ministre physiocrate.
Le libre-échange pour le bon prix, cette formule nous apparait paradoxale aujourd'hui que l'argument classique des libéraux, c'est que la concurrence engendre l'abaissement des prix au bénéfice du consommateur. Ici encore, les physiocrates ne seront suis que moyennant un renversement complet de leurs perspectives. Mais A  vrai dire leur libéralisme dépasse de beaucoup un empirique souci de retour sur les méfaits du colbertisme. Telle est peut-AStre l'occasion qui les a rendus libéraux. Mais les physiocrates ne sont pas libéraux d'occasion : ils sont libéraux de principe. A leurs yeux, il existe un - ordre naturel et essentiel des sociétés -, voulu par Dieu, par la Prodence, par la Nature (trois termes que séparent, en leur vocabulaire, des nuances A  peine perceptibles). L'ordre économique naturel est en accord avec les droits naturels de l'homme, dont il implique le respect. Son fondement est l'harmonie des intérASts. Propriété indiduelle, liberté des échanges, poursuite par chacun de son intérASt personnel, abstention de l'Etat en matière économique, tels en sont les éléments essentiels. Libre de produire comme il l'entend, de vendre A  qui il veut au prix le plus élevé qu'il peut obtenir, l'agriculteur se décidera A  faire A  la terre les avances généreuses dont elle a besoin. Le produit net sera accru, et c'est sur le produit net de la terre que t la classe stérile et que reposent les finances publiques. La liberté économique signifie donc le bonheur pour tous, et la prospérité du souverain.
Car les physiocrates, s'ils réduisent A  néant le rôle de l'Etat en matière économique, exaltent son personnage (7). Ils sont du parti du Roi contre les nobles. Pour eux, le rôle de l'Etat n'est point tant de poursuivre une politique, d'administrer, de gouverner, que de reconnaitre et promulguer les lois naturelles. Il doit en outre enseigner l'ordre naturel, afin que les hommes sachent les desseins de Dieu, les conditions essentielles de leur bonheur, et qu'ils agissent en conséquence. Les physiocrates insistent beaucoup sur cette mission d'enseignement qui reent A  l'Etat. Ils font de l'Etat une sorte d'intermédiaire entre Dieu cl l'homme. L'Etat physio-cratique exerce le sacerdoce de la Raison. Les - économistes - voient dans l'Etat une autorité, alors que pour les mercantilistes interventionnistes, il n'était qu'un banquier, un commerA§ant. Le type du monarque prôné des physiocrates, c'est le despote éclairé : c'est Joseph II, c'est Catherine de Russie, qui sont leurs disciples.
Nos premiers libéraux n'ont donc rien de commun avec ceux du siècle suivant, qui appelleront l'Etat un - mal nécessaire - et parleront de - l'Etat-chancre -.
Et cependant le - laissez-faire, Iaissez-passer - des physiocrates est A  l'origine de la loi Le Chapelier, de l'abolition des corpora-tions, de la suppression de la prohibition du prASt A  intérASt ' bref du régime économique libéral. Or, s'il n'est pas vrai de dire qu'il n'y ait de science économique que du régime libéral, il n'en demeure pas moins très probable que sans l'avènement historique du régime libéral ' qui a séparé dans les faits l'économique du politique, et qui a différencié concrètement les unes des autres les diverses fonctions économiques ' il n'y aurait jamais eu de science économique.
La doctrine physiocratique de l'ordre naturel a marqué le libéralisme franA§ais du signe de l'optimisme ; et d'une certaine teinte de moralisme, de juridisme ; et d'une certaine forme d'humanisme rationaliste que nous retrouverons mASme en dehors de l'école libérale chez presque tous les auteurs de chez nous. Et cependant de l'autre côté de la Manche ' qu'il nous faut maintenant traverser ' on s'emparait de la théorie du produit net, et on la retournait en quelque sorte, pour en tirer le premier système d'ensemble d'explication de la e économique : celui de l'école classique anglaise.



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