NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » economie générale Les idées économiques au moyen ageLa tradition indidualiste du droit romain, la tradition - socialiste - des socratiques, les analyses d'Aristote sur la monnaie, l'échange, la chrématistique et le prASt A intérASt, voilA ce que l'Antiquité laisse en fait d'idées économiques. Avec la Bible hébraïque et alexandrine, prolongée du Nouveau Testament et des commentaires patristiques, ce seront les sources des idées économiques médiévales. Fervents de la méthode d'autorité (modus authenticus), les penseurs du Moyen Age invoqueront sans cesse leurs sources. Ils chercheront A faire la synthèse de tous ces legs hétérogènes qu'ils ont pASle-mASle recueillis. Ils y auront souvent du mal. Parfois le heurt des traditions opposées fera jaillir la lumière ; non moins souvent il engendrera d'inextricables confusions, qui rendront difficilement intelligibles les idées économiques de cette époque. C'est au xii siècle principalement que nous tenterons de saisir au vol quelques-unes des disputes de morale économique qui se sont poursuies tout au long du Moyen Age. Et, parmi les théologiens, nous nous adresserons surtout ' au mépris de tout souci d'originalité ' A saint Thomas d' Aquin. Eclectique il inclut d'une certaine faA§on tous les autres. Sa Somme est un peu celle des connaissances et des opinions de son temps. Il ne manque nullement de hardiesse, mais ce n'est pas un auteur d'avant-garde. Comme le catholicisme môme, il accueille et harmonise en la Vérité tout ce que la Révélation, la raison naturelle, les diverses traditions antiques et l'observation des faits lui peuvent offrir de lumières. Quoi qu'il en soit ' l'argument décisif est ici, chez saint Thomas, le précepte évangélique de ne pas faire aux autres ce que l'on ne voudrait point qu'ils vous fissent ' c'est un péché de vendre les choses au-dessus de leur valeur. Mais alors tout profit commercial est condamné ? Si les choses ont une valeur objective, peut-on faire un profit sans acheter les choses au-dessous de leur valeur, ou les revendre au-dessus de leur valeur, ou les deux A la fois ? Ainsi raisonnent beaucoup d'auteurs médiévaux. Par exemple, un manuel franA§ais du confesseur, du xinc siècle, déclare que - la huitième branche de l'avarice est le trafiquage - par lequel on peut pécher de sept faA§ons : la première, - c'est de vendre les choses aussi cher que l'on peut, et de les acheter aussi bon mar ché que possible -. Le Moyen Age, qui a réhabilité le travail méprisé dans l'Antiquité, n'est pas plus qu'elle favorable au commerce. On rappelle sans cesse que Jésus a chassé les vendeurs du Temple. On oppose, pour les lipender, aux artes productivae les artes pecuniativae : (la ebrématistique d'Aristote). Saint Thomas lui-mASme professe que le commerce a en soi quelque chose de honteux (quandam lurpitudinem habet). Mais saint Thomas est napolitain, et Naples A cette époque a son Colbert : Frédéric II. Il n'est point dans la manière du docteur angélique de condamner ce qui est utile, nécessaire, naturel : la morale authentique doit pouvoir AStre vécue et, vécue, permettre de réaliser l'épanouissement des personnes et des sociétés. A la question : A-t-on le droit, dans le commerce, d'acheter bon marché et de vendre cher ? saint Thomas répond bien - non - en principe (il y a des textes de saint Jean Chrysostome et de saint Jérôme !). Mais tout de suite il remarque que le bénéfice peut rémunérer légitimement un travail de transformation opéré par l'intermédiaire, et le transport de la marchandise. Et le commerA§ant peut encore légitimement réaliser un gain, A condition que ce soit pour assurer sa e et celle de sa famille, ou mASme pour faire de bonnes ouvres. En fin de compte il semble que seul reste condamné le désir du gain illimité pour des fins avaricicuses ou égoïstes. Nous avons l'impression d'une dérobade. C'est nous peut-AStre qui avons tort. Comme les auteurs du Moyen Age cherchent A résoudre des cas de conscience et non pas des problèmes économiques, n'est-il pas naturel qu'ils mASlent A l'examen de la licéité objective des actes celui de la pureté des intentions de l'agent ? Mais d'abord les Pères de l'Eglise vont en tirer un enseignement moral. Chez les Pères, la doctrine de l'intérASt est intégrée A celle de la charité. Demander un intérASt A l'emprunteur ' lequel n 'emprunte que parce qu'il est dans le besoin (les Pères n'ont en vue que le prASt A la consommation) ' c'est - spéculer sur l'indigence du prochain - (saint Basile) ou encore - demander au pauvre des accroissements de richesses, comme si on voulait qu'un sein stérile fût fécond - (saint Grégoire de Nysse). Le mieux serait de ne réclamer pas mASme la restitution du capital ! Emprunter, n'est-ce pas une manière discrète de demander l'aumône ? L'intérASt est cruel A l'emprunteur ; pour le prASteur, il est méritoire d'y renoncer. Les Pères prASchent : plus tard seulement l'Eglise légiférera. Elle commencera dès le IVe siècle par interdire le prASt A intérASt aux clercs. Ce n'est lA du reste qu'un aspect de l'interdiction qui leur est faite en général d'exercer le commerce. Il ne s'ensuit pas nécessairement que le prASt A intérASt soit considéré dès cette époque comme un péché. Les clercs, après tout, ne peuvent pas non plus se marier. Exigence d'une plus grande perfection, non point prescription de la stricte morale. C'est A l'époque carolingienne que l'interdiction de l'usure s'étend aux laïcs, comme en d'autres domaines aussi se compénètrent alors leur statut et celui des clercs ; comme alors aussi les deux pouvoirs, le spirituel et le temporel, se confondent au maximum. Les invasions sarrasines et normandes ont arrASté le commerce maritime au Nord et au Sud. les derniers vestiges du capitalisme antique s'évanouissent, la monnaie disparait presque ; la e sociale se replie sur la terre, dans la lla. En une telle société le prASt A intérASt ne saurait représenter autre chose qu'un moyen d'exploiter les pauvres. La loi ent l'interdire tandis que, des mours ordinaires, il disparait naturellement. Cependant aux xi et xii siècles, quand les Normands sont fixés, les échanges reprennent ; un essor économique se dessine. La construction des églises et les croisades font renaitre les besoins de capitaux monétaires ' tandis que la rareté du numéraire rend prédominante la situation des prASteurs. L'Eglise alors réagit contre eux. Au milieu du xii siècle. Gratien compile tous les textes relatifs A l'usure, et fixe la solution classique du droit canon : nec laicis nec clericis liceal usuram exigere. Et tandis que l'extension des échanges tend A répandre la pratique du prASt, la législation contre les usuriers s'aggrave sans cesse, jusqu'au concile ocuménique de Vienne, qui en 1311-l312 taxe d'hérétiques les adversaires de la prohibition. La législation cile suit la législation canonique, continuant toutefois de tolérer l'intérASt dans certaines lles, A l'occasion de certaines foires, et de la part des Lombards, des Cahorsins, et surtout des Juifs. Telle est l'ambiance législative et pratique dans laquelle les théologiens, d'Albert le Grand A saint Thomas d'Aquin, ont essayé de construire une doctrine rationnelle du prASt A intérASt. Comme les Pères, ils s'appuient sur le Pentateuque et sur saint Luc, ils invoquent la charité chrétienne. Mais ils ne s'en tiennent pas lA . A l'autorité de la Révélation, ils mASlent celle des Anciens ; aux arguments scripturaires, des arguments philosophiques et juridiques. Et ce mélange ne sera point fait pour rendre plus claire leur doctrine ! Mais de quel magnifique sens de l'unité de la vérité, de quelle sereine confiance en la nécessaire convergence de toutes ses sources authentiques ils nous donnent lA le témoignage ! D'autres arguments consciencieusement numérotés ennent encore A la rescousse. Invoque-t-on le risque pour justifier l'intérASt ? Saint Thomas répond que le mutuum transfère le risque A l'emprunteur. Si je donne A bail ma maison et que ma maison brûle, je supporterai la perte : res périt domino. Mais si je prASte de l'argent et que cet argent ent A AStre volé, l'emprunteur n'en devra pas moins me rembourser. Au fond c'est encore lA , sous une autre forme, l'argument précédent. Mais voici plus intéressant : un certain nombre de scolastiques, et saint Thomas en particulier ' si c'est bien A lui qu'il faut attribuer l'opuscule De Usuris, qu'A vrai dire certains interprètes regardent comme apocryphe ' semblent marcher A la rencontre des théories les plus modernes de l'intérASt (6). C'est ainsi qu'ils analysent l'usure comme le - prix du temps -. Mais le temps, ajoutent-ils, appartient A Dieu : il n'est pas licite aux hommes de se le faire payer. Et si le prASt est productif, interrogent-ils. sollicités A travers les siècles par l'ombre de von Wieser ? (7) Il ne peut l'AStre, répond saint Thomas, que par le travail de l'emprunteur : le prASteur, qui ne participe ni au travail ni au risque, ne doit rien toucher. Que l'on ne s'y trompe pas toutefois : ce n'est pas le revenu du capital que condamnent les scolastiques, mais seulement l'intérASt de l'argent prASté. Ils n'ont point frayé les chemins tant battus au xix' siècle par les socialistes contempteurs des - revenus non gagnés -, de l'- aubaine - de Proudhon. Le loyer de la terre est d'eux incontesté. Et précisément ce qu'ils cherchent, c'est, pour les proclamer injustes, A n'en distinguer radicalement les arrérages des prASts d'argent (8). S'ils se montrent inflexibles sur la condamnation de l'usure en principe, les scolastiques n'en sont pas moins ouverts aux nécessités que révèle la pratique. Au fur et A mesure qu'elle se fait plus pressante, ils s'ingénieront consciencieusement A inventer d'honnAStes subterfuges pour réintroduire la chose sans sacrifier la thèse. D'abord si le prASt A intérASt est interdit, le contrat de société ne l'est pas : l'obligation est condamnée, non la commandite ni l'action. Puis voici la théorie des - titres extrinsèques - : le damnum emergens (si le prASt entraine une perte pour le prASteur, il s'en peut faire indemniser) ; puis le lucrum cessons, longtemps discuté (cas où le prASteur subit, du fait du prASt, un manque A gagner) ; le périr culum sortis, moins facilement admis encore (le prASteur pourrait toucher une prime de risque) ; enfin le titulum legis : ce dernier rejeté par la majorité des auteurs. Les - titres extrinsèques - légitiment la perception par le prASteur d'une indemnité A laquelle on donne le nom d'intéressé, pour l'opposer A Vusura. En étirant un peu ces - titres extrinsèques -, on pourrait y découvrir tous les éléments de la théorie moderne de l'intérASt. Tandis que la doctrine progresse de la sorte, la pratique invente sans cesse de nouveaux artifices pour tourner la prohibition. Le plus célèbre est le contractus trinus (contrat d'association assorti d'un double contrat d'assurance). Les doctrines médiévales sont ouvertes, attentives aux faits nouveaux, bienveillantes aux besoins des hommes autant que scrupuleuses et respectueuses des traditions. MASme sans la Réforme, Aristote, A travers l'Eglise chrétienne, n'eût point brisé cette grande vague d'essor qui déjA soulève la e et bientôt la pensée économiques, au crépuscule du Moyen Age. |
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