NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » LOI GéNéRALE » L origine de la loi La loi dans les sciencesL'ontologie a un grand rôle dans la pensée de la loi scientifique. La notion de loi a fait l'objet d'un déloppement toujours plus autonome dans le domaine scientifique : ancrée dans la métaphore d'un Dieu donnant des lois A la nature, la loi scientifique a de plus en plus perdu la référence au commandement, mais n'a pas attendu de se détacher de l'auteur divin pour AStre opératoire. Certes, le concept de loi n'a si longtemps été utilisé que parce qu'on lui a attribué des qualités de neutralité métaphysique toujours plus grandes, en le séparant de son support métaphysique initial, l'ordre de la nature réglé par des décrets divins. La - purification - du concept de loi retombe cependant dans une métaphysique inavouée ou inconsciente. 11 est difficile de faire de la science sans définir en mASme temps le réel. La loi scientifique ne peut donc denir une pure forme entièrement neutre, et éviter de s'engager sur la nature de la réalité dont elle décrit les régularités. L'objectivité de la loi scientifique dépend de sa définition : soit une loi exhibe des rapports qui existent entre les choses (réalisme), soit elle résulte de notre faA§on d'objectir le réel (idéalisme). Le débat des réalistes et des idéalistes ponant sur l'identification de l'objet de la loi ne cesse de renaitre : Dessectiunes (cf. texte nA° 28) considère les lois comme existant réellement, lA où Leibniz (cf. texte nA° 6) ne voit que des symboles des phénomènes ; Meyerson (cf. texte nA° 30) reproche A Comte la naïté de .croire que l'on peut consigner les phénomènes dans des lois sans avoir A définir ces mASmes phénomènes. Kant pense opérer une synthèse entre l'idéalité et l'objectivité de nos outils de connaissance. 11 se contente d'un réalisme empirique, mais reconnait l'idéalité de nos concepts d'appréhension du réel (idéalisme transcendantal). Pourtant, en allant plus loin que Kant, on peut considérer, A l'instar de Duhem (cf. La Théorie physique, son objet, sa structure), que les lois scientifiques sont des relations mathématiques entre de simples symboles (la position réelle d'une ète est symbolisée par une coordonnée) et ne sont pas des connaissances A proprement parler. Liant les événements observés d'une faA§on artificielle et provisoire, les lois scientifiques peunt AStre remplacées A tout moment, si de noulles symbolisations du réel offrent une meilleure approximation - plus précise et plus concise ' de nos observations. La loi scientifique est donc un langage qui représente de faA§on plus ou moins heureuse notre expérience. L'expérience est susceptible de différentes présentations, toujours plus approchées, mais jamais objectis. Au nom de cette conception instrumentale des lois scientifiques, Duhem refuse de les dire vraies ou fausses : elles sont seulement les symbolisations les plus efficaces du moment. Elles gagnent en utilité et en économie théoriques ce qu'elles abandonnent en vérité. La loi scientifique a signifié des choses différentes au cours de l'histoire des sciences. La loi de la nature désigne d'abord des régularités sans les spécifier : Heraclite, la Bible disent déjA que la nature obéit A des lois, mais on n'aura une formulation mathématique exacte de ces lois qu'A partir des XVT et xvnc siècles, moment où nait la science moderne. La mathématisation des phénomènes en constitue la première étape. Kepler (1571-l630) s'y exerce dans deux domaines, l'optique et l'astronomie. L'une des trois lois du moument des astres qui portent son nom élit que les aires balayées par le rayon qui rejoint un astre au centre de sa Trajectoire sont égales pour des temps égaux. Kepler a ainsi isolé l'invariant pertinent. Ce n'est ni la vitesse, ni la distance parcourue, mais l'aire des quasi-triangles définis plus haut. Galilée étend la mathématisation des mouments aux corps - sublunaires - (voués jusque-lA A l'irré-gulariré par les aristotéliciens). La loi de la chute des gras exprime la proportion constante qui existe entre l'accélération et le temps écoulé multiplié par lui-mASme (Discours concernant deux sciences noulles, trad. M. Clalin, PUF, 1995). La géométrie est donc pertinente pour décrire les phénomènes. On peut non seulement connaitre, mais mesurer ac précision les objets naturels. Ceux-ci ont subi pour cela une redéfinition radicale explicitée par Descanes : la nature est désormais matière homogène, moument et ure. Le monde clos aristotélicien, peuplé de substances finalisées, cosmos qualifié par des lieux naturels, disparait. Que devient l'explication scientifique ? Soit on abandonne le concept de cause, soit on le redéfinit par la légalité. Dans ce dernier cas, la cause ne désigne plus un agent individuel mystérieux, une entité qualitati convoquée exprès pour un semblant d'explication (le feu brûle par sa rtu igniti). La cause demeure ce qui explique un phénomène, mais elle désigne désormais l'événement (ou l'ensemble de circonstances) qui, selon certaines lois, est nécessairement suivi de celui qu'on ut expliquer : l'explication causale devient nomologique (référée A des lois). La nature est désormais décrite et résumée par ces lois. La nature n'est plus, ac Malebranche (cf. texte nA° 5), qu'un ensemble de lois. Mais comment ces lois, qui sont capables de livrer la nature entièrement, ont-elles été décourtes ? Les lois sont cherchées a priori par Galilée, mais l'expérience doit les confirmer. Il suppose que la nature agit ac constance. Pour que les lois, supposées régir les phénomènes, soient vraies, elles doint s'appliquer A des cas non encore observés : leurs prédictions doint d'abord AStte confirmées. C'est le rôle de l'expérimentation. Se substituant au hasard de l'observation, l'homme de science provoque et isole des événements dont il contrôle en partie le cours. La supposition que la nature agit partout de mASme montre ici son importance. Le savant teste son hypothèse et il élimine le plus qu'il est possible les conditions qui rendent sa formule contre-intuiti (les frottement ralentissent la chute et faussent la formule de la gravitation). C'est ainsi que l'expérience intervient dans la science moderne : en invalidant ou en confirmant une théorie construite loin de l'immédiateté sensible. La loi scientifique mobilise, pour AStre affirmée, la logique spécifique de l'induction (cf. Vade-mecum, - Confirmation -) : il faut faire d'une proposition justifiée par une observation finie un énoncé ayant une portée générale. Ainsi, bien qu'elles soient expérimentales, les lois ne sont pas simplement induites de dirses expériences. Une médiation rationnelle est nécessaire. Les événements ne livrent pas leur explication seuls. Les lois de la nature ne se contentent pas de décrire des régularités directement observées, car une idéalisation de l'expérience est requise. Les lois ne s'obsernt pas A l'oil nu et sont cachées. C'est la construction théorique qui lait de certains événements apparemment distincts les exemples d'une mASme loi. Ainsi les ètes ne cessent-elles de - tombet - sur le soleil en rtu de la loi de gravitation, mais cette vérité n'est pas observée, puisque l'impulsion inertielle tangente des astres se combine ac la force d'attraction et produit un moument circulaire. L'inductivisme strict (trour les régularités en sériant l'observation brute) est donc impossible. Une mise en ouvre préalable d'hypothèses permet seule de lire et d'interpréter les phénomènes observés, qui ne sont pas A première vue réguliers. On formule les lois au prix d'une modélisation de la réalité. Cette ambiguïté entre l'objet théorique des lois et l'objet des observations a poussé les positivistes logiques (Hempel, Carnap) A distinguer deux niaux dans le langage scientifique : celui des données - immédiatement - observables (niau de mercure du thermomètre) qui fournit des lois empiriques (le niau monte si on chauffe) ; celui de la théorie, où des modèles que nous n'observons pas (agitation moléculaite) expliquent les données d'observation. Les lois de correspondance assurent le lien entre la théorie et les régularités empiriques (l'augmentation de l'agitation moléculaire est traduite par l'augmentation de chaleur). Cette dichotomie est cependant remise en question par Van Fraassen : on ne peut cantonner l'interprétation (en l'occurrence le passage des modèles théoriques aux données sensibles) A une seule partie de l'activité scientifique. L'activité interprétati est présente A tous les niaux de la science : isoler des données observables est déjA une interprétation, et l'appel A l'expérience dans les sciences n'est rien moins qu'un appel A l'immédiateté des données sensibles. Les autres remises en question de l'utilité de la loi tiennent aux domaines de l'instigation : le vivant ne se prASte pas A l'expérimentation ni A la généralisation. Dans les sciences humaines portant sur le sens et le qualitatif, l'importation de la notion de loi est a fortiori plus délicate que dans la biologie. La notion de loi a donc un domaine de validité scientifique limité : la mécanique newtonienne portant surtout sur les phénomènes A notre échelle. Les restrictions de son usage ont été apportées par la perte partielle des fondements métaphysiques de la loi, mais aussi par la redécourte d'un réel singulier qui ne peut se plier totalement A la description nomologique. Comme dans le champ pratique, la loi, qui se présentait comme une solution pour la science, se transforme en source de nouaux questionnements. On ne peut s'en remettre aux lois pour faire l'économie d'une réflexion sur le réel. LA encore, le recours A la loi doit engager une ontologie. |
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