Seuls certains des actes émanant des autorités administratives sont des actes réglementaires. Ils ont une portée générale et ils sont soumis A un
régime juridique qui est substantiellement différent de celui des actes non réglementaires du point de vue de leur publicité, de leur contrôle ou de leur retrait21. Si cette division binaire (actes réglementaires, actes non réglementaires) est A peu près suffisante pour énoncer, en première approximation, les solutions du
droit positif, une analyse plus fine conduit A distinguer trois cas.
1. L'acte réglementaire
Il correspond A la définition célèbre que Jean-Jacques Rousseau a donnée de ce qu'il appelle la loi dans Le Contrat social : -quand je dis que l'objet des lois est toujours général, j'entends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu ni une action particulière.- En d'autres termes, le règlement est défini A la fois par ses sujets et par son objet. Du premier point de vue, il s'applique A toute une catégorie de destinataires déterminée par un ou plusieurs critères : les automobilistes, s'il s'agit de limiter la vitesse de leur véhicule ; les parents d'élèves, lorsque les autorités administratives préient les modalités de leur participation au fonctionnement des élissements scolaires; les commerA§ants, pour la fixation des heures de fermeture de leur entreprise, etc. Du second point de vue, il autorise ou prescrit, un type d'action ou d'abstention et, éventuellement, ses modalités : la chasse, la pASche, la protection des monuments historiques, etc.
2. L'acte individuel
Il se différencie du précédent en ce sens qu'il concerne un seul sujet ' acte individuel proprement dit ' ou plusieurs sujets nommément désignés ' actes pluri-individuels ou collectifs. Les mathématiciens diraient que l'ensemble des sujets est ou un single-ton ou une pluralité de personnes (physiques ou morales) définis par extension, c'est-A -dire par une énumération (et non par compréhension ou par critère comme dans l'hypothèse d'un acte réglementaire). En tout cas, ce qui compte pour le juriste, ce n'est pas le nombre des sujets mais leur mode de détermination. Les nominations d'un ou de plusieurs fonctionnaires (formant parfois une très longue liste) sont des actes individuels (mASme si l'habitude est de les qualifier de collectifs, dans le second cas).
3. L'acte particulier
Pour employer une expression proche de celle que retient Jean-Jacques Rousseau, l'acte particulier s'oppose A l'acte réglementaire par son objet et non plus par ses sujets : il vise une action donnée; il s'agit d'une décision concrète qui pourrait AStre appelée aussi -décision d'espèce-. Ainsi, lorsqu'un maire interdit la projection d'un film, il n'ediete sûrement pas une mesure de portée générale et, s'il ulait, par exemple, censurer tous les spectacles pornographiques sans plus de précision, son arrASté qui serait alors général ' ou réglementaire ' serait aussi irrégulier en raison mASme de son caractère général et absolu, selon l'expression utilisée par le juge. Dans la pratique, la catégorie des actes particuliers est illustrée, notamment, par l'attribution (ou le refus) d'un visa de commercialisation A une spécialité pharmaceutique24, l'approbation par l'autorité compétente des statuts d'un élissement public ou d'un organisme de sécurité sociale, plus généralement tous les actes de tutelle, ainsi que ceux qui permettent le contrôle administratif des administrations décentralisées25, la déclaration d'utilité publique intervenant notamment dans le cadre d'une procédure d'expropriation26, etc.
Cette classification est très difficile A mettre en ouvre. La consultation des arrASts et jugements ou des conclusions des commissaires du gouvernement montre bien les hésitations du juge pour affirmer ou nier le caractère réglementaire de certains actes. D'ailleurs les solutions retenues sont loin d'AStre A l'abri des critiques. Elles s'inspirent de
données très pragmatiques et donc fluctuantes et, notamment, de la lonté d'étendre et de faciliter le contrôle juridictionnel27.