Introduction
La distinction entre biens matériels et services, si elle est fréquemment utilisée, est
loin d'AStre claire et il subsiste des divergences importantes dans les définitions adoptées.
Dans une certaine mesure, on peut mASme dire que dans une optique de marketing, la notion de bien est abandonnée au profit de la notion de service. C'est par exemple l'idée exprimée par Théodore Lewitt lorsqu'il cite Léo McGivena : - On a vendu un million de forets de 6 mm, non parce que les gens aient besoin de forets de 6 mm, mais parce qu'ils aient besoin de trous de 6 mm. - En effet, ce qui compte, dans l'optique de marketing, c'est le service rendu A l'utilisateur quel que soit le support matériel (perceuse, pistolet, tamponnoir) ou immatériel (service A domicile) A travers lequel ce service est rendu. Il est d'ailleurs clair que dans de nombreux cas la fourniture d'un bien est associée A la fourniture d'un service (après vente par exemple) de mASme que de nombreux services reposent sur la fourniture d'un bien (ordinateur pour les services informatiques, nourriture pour un service de restauration).
Au-delA de ces questions de définition, il convient de considérer d'une part, que le secteur des services représente dans les pays occidentaux plus ou moins la moitié du pib et de l'emploi; d'autre part, qu'il présente certaines spécificités qui influencent le comportement du consommateur et qui méritent d'AStre étudiées pour définir les lignes directrices d'un marketing adapté.
A. Principales spécificités du système de production de services
Le secteur des services, comme celui des biens tangibles, regroupe des activités fort diverses. A priori peu de points communs en effet entre l'hôtellerie, le transport aérien ou ferroviaire, les banques, l'assurance, la gran
de distribution, qui nécessitent un capital important; les professions libérales ' médecins, avocats, experts-comples ' caractérisées par la longueur et la difficulté de la formation préalable; le petit commerce ' coiffure, restauration artisanale ' auquel l'accès est relativement facile; les administrations publiques enfin qui ont une activité non marchande. Cette hétérogénéité alliée A la tendance qu'a chaque secteur A considérer qu'il est très spécifique, ne ressemble en rien aux autres, et ne peut AStre compris que par des gens de la profession explique que l'on ait plus souvent proposé une transposition ou une adaptation du marketing A un secteur d'activité donné ' transport aérien, banque, assurance, hôtellerie-restauration'qu'au secteur des services en général. Malgré les grandes différences d'un service A l'autre en termes de leur ajoutée, d'intensité capitalistique, de gain de productivité, il existe des caractéristiques communes A l'ensemble des services, dont trois fondamentales1 :
a / les services sont immatériels;
b / les services nécessitent un contact direct entre le prestataire et le client ;
c / le service implique une participation de l'utilisateur A sa production.
a. Le caractère immatériel du service
Le caractère immatériel du service, principale source d'opposition avec les biens tangibles, a des conséquences importantes sur le système de production de services :
' Le service n'est pas stockable, ce qui signifie que les problèmes d'adéquation de l'offre A la demande sont particulièrement délicats : les prestataires naviguent souvent entre la sur- et la sous-capacité.
En effet, s'ils veulent AStre en mesure de satisfaire la demande de pointe, il leur faut acquérir des équipements et employer du personnel qui ne seront utilisés que sur une courte période, ce qui augmente les frais fixes. Par contre, s'ils renoncent A satisfaire cette demande de pointe, ils risquent de perdre des
clients et de compromettre l'avenir de leur organisation.
' Le service est parfois difficile A décrire A travers une camne de communication. En effet, celle-ci ne peut pas reposer sur une représentation physique du service, comme cela peut se faire pour un bien tangible. II existe bien sûr des éléments de description et d'information, mais l'ensemble de la prestation ne peut pas AStre montrée. »
' Le service a un coût parfois difficile A élir, car la prestation peut rier en fonction des circonstances et il est difficile d'élir une norme. Ainsi, une mASme réparation automobile peut prendre un temps très différent suint la qualité du diagnostic ou l'état du véhicule. De mASme, la conception d'un message publicitaire pourra aussi bien prendre un jour que dix sans que l'on puisse dire que dans ce dernier cas le service rendu est de meilleure qualité.
' La protection d'un nouveau service est faible. Il n'est pas possible comme pour un produit tangible de protéger une formule (fast-food, garage spécialisé dans le changement des pots d'échappement, etc.) par un brevet. La seule protection est le nom de marque ou le nom commercial.
b. Les contraintes dues au contact direct
Le contact direct entre le prestataire de service et le client impose également des contraintes d'exploitation propres aux services :
' Le personnel en contact avec le public se sent responsable A la fois dent l'entreprise et dent les clients. Dans ces conditions, il n'est pas rare qu'un employé enfreigne les procédures ou les règles imposées par sa direction pour satisfaire les demandes de ceux-ci. Par exemple, un guichetier des Postes ne respectera pas la lettre du règlement mais se montrera humain envers l'usager en acceptant de verser sa pension A une personne agée bien que celle-ci ait oublié sa sectiune d'identité.
Dans tous les cas, il y a une personnalisation du service rendu, et le personnel en contact avec la clientèle joue un rôle déterminant dans la constitution de l'image du service.
Cette personnalisation est parfois tellement poussée que l'on considère le représentant comme propriétaire de sa clientèle et dans certaines professions (agence de publicité, cabinets-conseil) il n'est pas rare que le responsable de clientèle parte de l'entreprise en emmenant certains de ses clients.
' Les locaux et les conditions d'accueil font également partie du service. Quelle que soit la nature du service vendu, restauration, soins médicaux, transport, l'agrément du décor, le confort des locaux constituent un élément important. C'est ainsi que l'on voit des personnes se détourner du service hospitalier public non en raison de la qualité des soins, mais en raison des médiocres conditions d'accueil (attente, inconfort, qualité des repas).
' La production du service est localisée sur le lieu où le service est rendu. Il ne peut pas y avoir comme pour les biens tangibles une centralisation de la production, la distribution étant ensuite assurée par d'autres entreprises (Postes, messageries, commerce). Il s'ensuit une certaine difficulté A bénéficier d'économies d'échelle sauf lorsqu'on peut obtenir du consommateur qu'il se déplace (hôpital, services très spécialisés) ou lorsqu'on peut centraliser une partie des opérations (cuisine centrale, centre d'informatique) tout en gardant une distribution éclatée du service.
c. La participation du client au processus de production
La participation du client au processus de production est également une caractéristique fondamentale de la fourniture du service. Le diagnostic d'un médecin ou d'un conseil dépend des informations fournies par le~client. La rapidité avec laquelle le courrier arrive dépend d'une indication correcte du code postal par l'expéditeur, l'agrément d'un voyage aérien ou du métro dépend du nombre de voyageurs et de leur discrétion. Cette participation pose un certain nombre de problèmes de
connaissance (code postal) et d'éducation (bousculade A l'embarquement dans un avion, non-respect des résertions dans un train).
' L'entreprise de service a un contrôle imparfait sur sa production, elle peut agir pour que le client s'acquitte correctement de sa tache (information sur le code postal, simplicité et clarté du menu dans un restaurant pour faciliter le choix des clients, information sur les heures de surcharge dans un élissement, etc.), mais elle ne peut pas avoir un contrôle parfait. Par exemple, dans un restaurant, certains clients s'attardent A le après avoir fini leur repas alors que d'autres clients attendent, et le restaurateur n'a pas la possibilité de libérer la le.
' L'innotion passe souvent par une coopération plus importante des utilisateurs (self-service dans le commerce, les stations-service, les restaurants). Elle ne peut donc se développer qu'avec l'accord des clients au lieu d'AStre décidée par l'entreprise comme dans le cas d'une production de biens tangibles.
B. Le comportement du consommateur de services
Les caractéristiques qui précèdent ont également des conséquences sur le comportement du consommateur de services.
L'éluation de la qualité d'une prestation ant l'achat est particulièrement difficile en raison de son caractère intangible.
Le choix d'un prestataire comprend une large part d'affectivité en raison de l'importance du contact et de la relation humaine dans la fourniture du service.
L'éluation a posteriori de la
qualité du service rendu dépend pour une large part de l'état d'esprit du client et de sa participation.
a. Les indicateurs secondaires
En l'absence d'éléments d'information objectifs sur la qualité d'une prestation, le consommateur se référer A des indicateurs secondaires, le prix élevé des interventions ou les diplômes des ingénieurs pour le recours A une société de conseil ou d'étude, le nom des plats ou l'affluence pour le choix d'un restaurant, la propreté ou la rigueur de la faA§ade pour une banque, etc.
Il en résulte que des éléments secondaires et éventuellement extérieurs A la qualité du service lui-mASme peuvent avoir une importance considérable dans l'idée que se font les clients potentiels de sa qualité.
b. Nécessité de la fidélité aux fournisseurs
La difficulté qu'il y a A er a priori la qualité de différents prestataires et le risque que l'on court en en changeant pousse les clients A AStre fidèles. Cette fidélité est renforcée par le contact personnel qui s'élit avec le prestataire; la qualité du ce contact ne provient d'ailleurs pas nécessairement d'une relation de servitude consistant A faire tout ce que veut le client, mais résulte également d'une relation de conseil (sommelier dans un restaurant) ou mASme de domination (on raconte que le célèbre restaurateur Ferdinand Point interdisait A ses clients de fumer dans son restaurant devienne). La fidélisation de la clientèle est donc un objectif particulièrement important pour un prestataire de services car il ne peut pas en général compter sur un rythme important de renouvellement de cette clientèle.
L'état d'esprit du client, la faA§on dont il accepte de participer influent largement sur la qualité du service rendu.
Dans un contrat de conseil ou d'étude, on sait bien qu'il faut associer le client aux différentes phases du processus pour qu'il accepte les conclusions. L'animation d'un club de cances dépend beaucoup plus des canciers que des organisateurs, aussi gentils soient-ils.
Pour obtenir une éluation positive, le prestataire doit donc s'attacher A présenter la participation du client de faA§on lorisante et non comme une contrainte d'exploitation. Le self-service classique avec plateau et chaine de distribution est délorisé, car le client a le sentiment de- faire le trail-; par contre, ce mASme client trouvera amusant de se servir lui-mASme A un buffet ou de cuire sa viande sur un barbecue coréen.
C. Stratégie de marketing des services
a. L'innotion
Les gains de
productivité en matière de services proviennent principalement d'une
rationalisation des taches et des procédures, d'une normalisation des prestations, du développement de systèmes automatisés ou en libre-service.
Ces évolutions ne sont cependant possibles que si elles sont acceptées par la clientèle : il faut donc accomner le changement de procédure d'éducation et de conviction (par exemple pour l'automatisation des opérations de guichet).
L'innotion doit rester en phase avec l'évolution des mentalités ; si elle est trop d'ant-garde elle risque de se heurter A l'incompréhension.
Certains clients acceptent tout juste de se servir eux-mASmes de vin au restaurant en se plaignant de ne pas AStre servis - comme ant - ; il est bien évident qu'ils ne sont pas mûrs pour accepter le système de prise de commande électronique mis en place par certains restaurateurs.
MASme si l'innotion comporte en réalité une certaine forme de réduction du service, elle doit AStre lorisée, que ce soit A travers les services supplémentaires qu'elle apporte (disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour les guichets de banque automatiques, riété de choix pour un buffet de restaurant, rapidité pour les services de télé-diagnostic informatique), soit pour l'image qu'elle propose A l'utilisateur : - Vous utilisez un micro-ordinateur pour prendre votre commande = vous AStes moderne -.
L'innotion peut également porter sur la conception de nouveaux services plus complets (par exemple le sernam, Service de Messageries de la sncf, propose également un service de stockage, d'emballage, d'assurance) ou correspondant A une demande nouvelle (location de ches A voile).
b. Le prix
Le coût d'un service est particulièrement difficile A élir car une prestation identique demande un temps riable suint les circonstances et les clients (problème clairement posé ou non, hésitations dent un menu, etc.). Ces aléas sont le plus souvent difficiles A expliquer au client et il est souvent préférable d'adopter des normes de facturation, comme par exemple les barèmes forfaitaires de réparation automobile.
Une autre difficulté dans la définition d'une politique de prix est liée A l'impossibilité de stockage du service. En effet, le coût marginal de satisfaction d'un client en période de faible activité est généralement très faible alors qu'il est élevé en période de pointe. Cela peut conduire A adopter une politique de différenciation tarifaire (menu moins cher A midi pour un restaurant, tarif hors saison pour un centre de tourisme ou un transporteur, etc.).
Enfin, le prix est pour beaucoup symbole de qualité et on court le risque de déloriser son image en pratiquant des prix trop bas ou des rabais.
c. La distribution
Le contact entre le prestataire de services et le client est localisé dans l'espace : le développement de l'entreprise de service passe donc par la constitution d'un réseau dense. Si on y ajoute que le service ne peut AStre stocké, cela signifie que les services vont en général AStre constitués de petites structures de production localisées (sauf dans le cas où le client est prASt A se déplacer, par exemple pour prendre un avion).
Il est cependant possible parfois de centraliser une partie de l'activité de production (centrale de résertion pour un réseau d'agences de voyage, laboratoire de patisserie centralisé pour une chaine de magasins de patisserie) en utilisant des
moyens de transports appropriés. A cet égard, la télématique peut jouer un rôle important dans la rationalisation et la diffusion de certaines activités de service, en permettant un accès rapide A des
banques de données par un terminal d'ordinateur et la transmission rapide des documents par télécopieur.
d. La communication
Un service n'a pas d'apparence physique. Et si on peut parfois reproduire certains des éléments qui participent A la prestation (reproduction des plats en matière plastique ou en photographie dans les restaurants japonais, visualisation d'un ordinateur pour une société de services informatiques, représentation d'un carnet de chèques pour une banque), ces images identifient l'activité mais elles ne permettent pas de décrire le service proposé et de le différencier de la concurrence. Il en résulte que la
publicité est nécessairement plus symbolique que descriptive : les camnes du Crédit Agricole, du Club Méditerranée, d'Hippopotamus jouent sur un registre émotionnel et sont une invitation au rASve et non la description d'un service.
Un élément qu'il importe également de considérer dans une politique de
communication est l'importance du bouche A oreille. En effet, en raison de l'absence d'éléments objectifs d'éluation, de l'importance du risque couru en choisissant un prestataire inconnu et des relations de confiance qui doivent exister entre les prestataires et la clientèle, celle-ci chercher une information auprès des sources qu'elle juge les plus crédibles. Il en résulte que les prescripteurs sociaux (critiques de cinéma ou gastronomiques) doivent constituer la cible prioritaire d'une politique de communication. Il peut AStre également utile déjouer sur la caution des clients en vue, dans le cas par exemple d'une société de conseil ou d'ingénierie.
Les services représentent certainement un des secteurs d'activité qui offrent les meilleures occasions de développement de marketing. D'abord parce qu'il s'agit d'un secteur dont l'importance croit, mais également parce que c'est un domaine dans lequel les possibilités de différenciation et d'innotion sont très stes en raison du caractère immatériel des prestations.