NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » economie générale Le maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possiblesCompare au Moyen-Orient structuré par ses conflits, le Maghreb est tenu en retrait de l'actualité et marginalisé depuis le 11 septembre 2001. Si cette région ne partage pas la violence du Moyen-Orient, elle possède néanmoins des caractéristiques communes ac cette zone : déficit démocratique, population majoritairement jeune, inégalité entre hommes et femmes, émergence et structuration d'un islamisme que les autorités politiques hésitent A juguler ou A associer, usure et vieillissement des systèmes et du personnel politique, difficulté A sortir des logiques nationales, notamment pour mettre en place un espace régional intégré. Progressiment, ces systèmes vont manifester leur inscription dans la continuité des périodes antérieures, mASme si le style peut paraitre différent, un style qu'imposent A la fois les nouaux comportements des citoyens et la modification du contexte international ac l'introduction des états-Unis comme noul acteur régional. Après les attentats perpétrés sur le sol américain en 2001, les dirigeants politiques des pays du Maghreb vont trour une opportunité pour faire passer leur combat contre l'islamisme comme un affrontement précurseur ac le terrorisme. Ils manifestent alors leur disponibilité A participer actiment A la lutte contre Al-Qaida, espérant en retour un soutien politique et une noulle légitimité de leur pouvoir. Cette stratégie connait toutefois des limites certaines puisque les pouvoirs sont ésectiunelés entre une alliance A l'Occident et des opinions de plus en plus hostiles aux états-Unis. Des ourtures nécessaires Au milieu des années 1980, alors que les sociétés du Maghreb s'étaient considérablement modifiées, les formes politiques mises en place depuis les indépendances se sont maintenues. Les pouvoirs continuaient A tirer leur légitimité de la lutte pour la décolonisation. Cependant, de plus en plus jeunes, les populations ne pouvaient plus constituer la - clientèle disponible d'un jeu politique qui ne peut plus AStre celui des partis-états arrivés au pouvoir au lendemain des indépendances, ni celui du pluripartisme géré au niau des élites par la monarchie marocaine suivant des méthodes proches de celles du Makhzen1 -. A la fin des années 1980, l'Algérie et la Tunisie ont pensé la conjoncture de transition du parti unique rs le multipartisme suite A des secousses politiques (grès générales, émeutes populaires). Dans les deux cas, l'ourture était nécessaire pour saur le régime, le parti unique étant de plus en plus absent de la scène politique et en particulier durant les crises que seule l'année réussit A contenir. En Tunisie, durant les 30 années qui ont suivi l'indépendance, fort de sa lutte contre le colonisateur franA§ais, Habib Bourguiba avait le sentiment d'AStre le -dépositaire exclusif du sens de l'Etat2 -. Pendant les dix dernières années de sa vie, il fut surtout insensible A l'émergence et A la structuration du moument islamiste qu'il décida de décapiter en condamnant A mort ses principaux leaders. Le 7 nombre 1987, il est démis de ses fonctions par le Premier ministre qu'il nait de nommer. Sans effusion de sang, il répondait ainsi A l'attente de nombreux Tunisiens, - sauvant le régime au prix de la mort politique de son fondateur' -. Zine el Abidine Ben Ali se donne alors pour mission de réconcilier le pouvoir et les citoyens, notamment en supprimant les tribunaux d'exception et en garantissant la liberté d'expression. Le grand œuvre des premières années de sa présidence reste certainement la signature d'un Pacte national en nombre 1988. La déposition de Bourguiba fut une opportunité de transformer l'espace public en offrant de noulles perspectis pour une vie politique plus démocratique. Le pays vécut alors un grand débat sur les - modalités de transition du système politique du parti unique rs une forme A innter du pluralisme politique4 -. Le Pacte national réunissait l'ensemble des partis démocratiques, les islamistes, le moument syndical et associatif. Il permettait de renouer les liens entre société et état et d'intégrer les islamistes du Moument de la tendance islamique (MTI) dans le jeu politique légal A certaines conditions (conserr le code de statut personnel voté en 1956, respecter la neutralité politique des mosquées). Sur un autre mode, le voisin algérien a également vécu l'expérience de l'ourture politique. En 1989, la - République algérienne démocratique et populaire - affichait sa volonté d'épouser l'ère du pluripartisme et de l'état de droit. Depuis 1965, date du coup d'état opéré par les colonels de l'armée, le régime a toujours rendiqué son option socialiste. Le système se caractérise par une concentration des pouvoirs dont le Front de libération nationale (FI.N). paru unique, constitue le réfèrent de légitimation. L'abandon du modèle socialiste et la chute brutale des prix du pétrole ont conduit au traumatisme de 1988. L'armée tire sur les manifestants faisant de nombreux morts et blessés et, pour la première fois depuis l'indépendance, entamant sérieusement son image. L'épreu a fortement affecté les fondements mASme du régime : l'armée est désormais perA§ue comme une composante d'un pouvoir autoritaire. Désireuse de maintenir un système remis en question, la classe politique opte pour la voie du pluralisme politique ac l'abandon du parti unique. Les bases d'un système démocratique sont mises en place ac un réel desserrement de l'emprise de l'état : libre exercice du droit de grè, liberté de presse, droit d'association, multiplication des mouments politiques et tentati de rendre la justice autonome par rapport A l'exécutif politique. Au Maroc, ce n'est pas le parti unique qui est en cause. Le choix du multipartisme a été dicté par la monarchie pour éviter une mainmise du parti de l'Istiqlal sur la vie politique. Le makhzen, forme de gournement traditionnel, structure les relations politiques et sociales en inféodant A la monarchie les différents groupes. Tout au long de son règne, Hassan II œuvra A consolider le makhzen, gérant les lieux de dissidence (siba) et empASchant toute rendication de se muer en alternati politique. Cette domestication du politique s'est effectuée en deux temps : d'abord par la fermeture de la sphère politique durant les - années de plomb - et ensuite par la réintégration des partis de l'opposition dans le système politique A partir de la fin des années 1990, par le biais de l'alternance octroyée. L'idée prend forme au début des années 1990, lorsque le discours sur le Sahara occidental, qui s'était avéré fédérateur, montre des signes d'essoufflement et que l'image du pays A l'étranger est sérieusement ternie par la gestion hassanienne des droits de l'homme. Cette idée d'alternance aurait également été dictée par un rapport fort accablant de la Banque mondiale, réalisé A la demande d'Hassan II. Dans le contexte régional de l'époque, marqué par la guerre civile en Algérie, et pour mettre l'institution monarchique A l'abri d'une éntuelle crise de succession, le monarque aurait souhaité rassurer ses soutiens financiers internationaux. Il songe alors A l'opportunité de renouler les élites en affichant une disponibilité A ouvrir le champ politique. Dès 1992, des propositions sont faites A l'opposition mASme si le projet tarde A se concrétiser, les socialistes n'accédant au pouvoir qu'en 1998. Les termes du contrat sont alors clairs : pour les socialistes, il s'agit d'AStre associé au pouvoir au moment de la succession d'Hassan II ; pour la monarchie, l'alternance permettait de renouler les élites, tout en légitimant son pouvoir et en lui donnant un aspect plus moderne, pouvant s'apparenter A une monarchie constitutionnelle. L'alternance permettait A Hassan 11 de redéfinir la fonction monarchique et son rôle de pièce maitresse dans le jeu politique dont il continue A définir les règles, en arbitrant les conflits entre acteurs politiques rivaux. On peut alors se demandera qui profite cette ourture, voulue par le roi et non issue des urnes : aux forces de l'opposition, qui sortent de leur marginalité et dirigent le gournement, ou A la monarchie, qui ne compte plus d'opposants puisque l'opposition devient majorité ? En effet, outre les socialistes qui regagnent le giron du pouvoir, dès qu'Hassan II annonce la possibilité de l'ourture politique, les islamistes modérés se lancent immédiatement dans la stratégie de l'entrisme, prASts A participer A l'action politique légale. La légalisation d'un parti islamiste, le Parti de la justice et du déloppement (PJD). constitue en effet une première qui boulerse la vie politique marocaine, mASme si elle s'inscrit dans le cadre du multipartisme existant. Dans ce sens, l'alternance ne se limite pas A réinsérer une opposition, un temps boudée par la monarchie, elle reconure littéralement l'activité politique. En l'espace de huit ans, le PJD s'est progressiment imposé sur la scène politique, représentant aujourd'hui la première force d'opposition reconnue. Il s'est réellement distingué par le biais des élections législatis et la présence de ses députés a contribué A sortir le Parlement de sa longue léthargie. Pour Hassan II, la domestication d'une partie des islamistes lui permet de n'avoir presque plus d'opposants sur la scène politique. Dans les trois pays, l'ourture de l'espace politique a révélé la réalité des forces politiques qui s'exprimaient A trars les consultations électorales. La lutte contre les islamistes Ces différentes ourtures furent de courte durée, surtout en Tunisie et en Algérie. En Tunisie, pour consolider la victoire du Pacte national, Ben Ali organise des élections présidentielle et législatis en 1989. Seul candidat A la présidence, il est élu ac 99 % des suffrages exprimés. Tandis que les résultats des élections législatis d'avril 1989 permettent au pouvoir de prendre conscience de la réalité des forces politiques du pays, les islamistes s'imposent comme la deuxième d'entre elles et les formations de l'opposition légale recueillent un peu plus de 3 % des suffrages. Ces résultats ouvrent une ère de tensions entre l'exécutif et les islamistes qui se voient définitiment refuser la reconnaissance de leur parti Al Nahdha. La crainte du pouvoir tunisien s'est amplifiée par la victoire enregistrée par le Front islamique du salut (FIS) en Algérie aux élections municipales de juin 1990. A€ partir de ce moment, le pouvoir va instaurer une vérile - stratégie de la tension -, destinée A instrumental iser cette situation en essayant de réaliser un consensus autour de la nécessité de nir A bout de la menace islamiste, considérée comme ennemi intérieur, susceptible d'AStre aidé par ses pairs d'Algérie. Au nom de la lutte contre ce moument, un vérile appareil policier répressif se met progressiment en place et les islamistes n'en instituent pas la cible unique : la presse est muselée et l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui avait réussi A mobiliser les niasses dans les années 1970, est domestiquée et vidée de sa fonction première. Finalement, malgré les aménagements mis en place dès 1987 et la mise A l'écart du père fondateur de la République, la donne politique n'a pas connu de modification en profondeur : le parti reste dominant, le pouvoir, personnalisé, la centrale syndicale, affaiblie, et l'opposition islamiste -que le nouau pouvoir n'a pas réussi A coopter -, probablement forte mASme si elle est invisible, ses principaux chefs vivant en exil. En janvier 1992, le refus de F état-major de reconnaitre la victoire des islamistes par les urnes a conduit A l'annulation des élections législatis. L'interruption du processus électoral, considéré comme un acte de violence politique, a plongé le pays dans une guerre civile qui se prolongera jusqu'en 1998 et fera plus de 150 000 morts. Parallèlement, l'armée continue de refuser de voir s'organiser un pouvoir, qu'il soit autonome ou représentatif, œuvrant soigneusement A rrouiller la sphère politique pour se maintenir en place. Tout au long des années 1990, elle adopte une stratégie sécuritaire, s'attachanl prioritairement A la destruction des maquis du Groupe islamique armé (GIA) et de l'Armée islamique du salut (AIS), la branche armée du FIS, avant de marginaliser ce parti par la signature d'une trAS unilatérale entrée en vigueur A partir d'octobre 1997. Dans le mASme temps, les dirigeants politiques ont cherché A consolider leur légitimité par une série de scrutins organisés entre 1995 et 1997, au moment où le régime se trouvait confronté A dirs obstacles : adrsaire islamiste armé et structuré d'abord, crise financière provoquée par l'effondrement du prix du pétrole ensuite, isolement du régime face A une opposition politique regroupée A l'initiati de la communauté Sant'Egidio5 A Rome enfin. A€ ces menaces internes s'ajoutait un isolement sur le international, suite A des accusations émanant d'organisations non gournementales et selon lesquelles les forces de sécurité auraient massiment bafoué les droits de l'homme. Elles sont notamment accusées d'avoir - fermé les yeux - ou tout au moins failli A leur mission de - protéger des populations en danger -, dans les massacres de villageois commis A Bentalha et Béni Messous. Aux s économique et social, le prix de ces tactiques politiciennes, de la guerre déclarée aux islamistes et de l'ambition de l'armée de se maintenir enrs et contre tout aux commandes, a été lourd. Le pays a évité la banqueroute et réussi A rééchelonner une dette extérieure de 30 milliards de dollars. Le chômage a atteint officiellement 30 % de la population acti (plus de 50 % chez les jeunes et les femmes). La guerre et l'isolement du pays pendant plusieurs années ont fortement contribué A son entrée accélérée dans l'économie de marché, balayant les ambitions industrielles et les projets économiques de l'Algérie socialiste des années 1970. C'est dans ce contexte de guerre civile que l'économie pétrolière rejoint le marché mondial, en signant des accords de partenariat ac des comnies américaines et en fermant les yeux sur l'imtation d'une économie parallèle qui permet de proposer A la population tout ce que l'économie nationale ne fournit plus. En fait, la guerre civile a laissé une population traumatisée et mal encadrée par un état en qui elle n'a plus confiance et où près de 40 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. A€ cela s'ajoute le fait qu'il faut financer la reconrsion de l'économie et faire face aux noulles échéances de la dette, rééquiper et moderniser l'armée et enfin contrôler sans asphyxier l'économie de bazar qui apporte une bouffée d'oxygène aux classes moyennes. La hiérarchie militaire pensait alors que Bouteflika était mieux armé que ses rivaux pour reler tous ces défis. Le colonel Kadhafi a également dû lutter aprement contre les islamistes libyens, malgré l'identité islamique affichée de la Jamahiriya. Il savait que son pays n'était pas épargné et pensait anticiper le risque d'une structuration de la contestation politique et sociale au nom de l'islam en proclamant l'application de la charia en 1994''. En fait, dès les années 1980, son interprétation du Coran et sa manière de s'approprier le religieux ont provoqué l'irritation des Frères musulmans et d'autres mouvances se réclamant de l'islam. Le rôle de - pionnier de la résurgence de l'islam -, qu'il s'est attribué très tôt, n'a pas mis son régime et sa personne A l'abri de la contestation islamiste qu'il réprime sans merci, n'hésitant pas A user des moyens les plus extrASmes, comme le bombardement du djebel Al Akhdar entre 1995 et 1998, mais aussi les pendaisons et les milliers de prisonniers politiques. En l'occurrence, mASme si les moyens utilisés dans la lutte contre les islamistes sont différents, dans tous les cas, on peut considérer que, dans les années 1980, les dirigeants politiques du Maghreb ont mal évalué le phénomène islamiste qu'ils ont déchiffré A trars une grille de lecture nationaliste qui les a conduits A négliger l'influence idéologique extérieure et l'affirmation des identités. Or l'islamisme relè bien d'un phénomène international qui s'appuie sur des rendications de type identitaire tout en étant porteur d'un nouau nationalisme. L'effet du 11 septembre 2001 Les attentats perpétrés sur le sol américain ont contribué A modifier la politique interne des pays de la région, qui ont ainsi pu légitimer leur lutte contre les islamistes en l'inscrivant dans une lutte conduite au international. Ils donnèrent également A ces pays l'occasion de se positionner différemment sur la scène mondiale et furent enfin le moyen d'élir un partenariat entre Washington et chacun des quatre états. En Algérie, les événements du 11 septembre constituèrent une occasion pour la classe politique de donner une autre interprétation de la violence des années de guerre civile. En effet, Bouteflika et l'armée algérienne trouvèrent lA une opportunité inespérée de replacer la guerre civile dans un contexte régional et international dont le pays aurait été une des premières victimes. C'est donc en tant que victime échau-dée et expérimentée qu'Alger propose de prendre part A la lutte internationale contre le terrorisme. Selon cette - réécriture de l'histoire -, les origines de la guerre civile ne résideraient plus dans l'interruption du processus électoral, mais dans le terrorisme international, dont les agents se trount autant en Afghanistan qu'au Maroc ou ailleurs. Ce mal qui menace tous les pays viendrait donc de l'extérieur et le pouvoir algérien a fait preu d'avant-gardisme et de courage en le combattant7. Cette explication, denue plausible dans le contexte marqué par la nécessité de combattre l'islamisme où qu'il soit et quel qu'il soit, valut A l'Algérie une aide militaire américaine. La lutte contre le terrorisme, dans laquelle sont engagés nombre de pays, a donné le sentiment aux Américains qu'Alger, ayant combattu l'islamisme armé sur son sol pendant près d'une décennie, ne pouvait AStre qu'un précieux allié. Les autorités algériennes leur ont en effet remis une liste de noms de suspects, militants islamistes algériens ayant fui en Europe et aux états-Unis. Cette noulle coopération, au militaire et commercial, révèle une perception américaine différente de l'Algérie : l'antagonisme idéologique qui a conduit Washington A privilégier l'allié marocain dans la région est dépassé et Alger est aujourd'hui considéré comme un acteur régional incontournable. Par ailleurs, la visite du président Bouteflika au quartier général de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en Belgique en décembre 2001 a donné lieu A la mise en place d'un programme de coopération, ainsi qu'A des manœuvres conjointes en Méditerranée entre les forces algériennes et celles de l'OTAN. La guerre conduite par les Américains contre la terreur a également contribué au déloppement d'une politique de coopération ac l'ancien allié marocain, qui a aussi vu augmenter son aide en pronance de Washington (de 20 millions de dollars en 2004 A 57 millions en 2005). Grace A la coopération des services de renseignement des deux pays, en 2002 une conspiration terroriste navale est déjouée dans le détroit de Gibraltar. En 2004, Washington a attribué au Maroc le statut d'allié préférentiel non membre de l'Alliance atlantique, ce qui lui permet notamment de participer A des programmes de recherche et de déloppement dans le domaine de la défense. Par ailleurs, un accord de libre-échange a été passé en juin 2005, le second signé ac un pays arabe après la Jordanie. Il prévoit d'éliminer 95 % des taxes douanières sur les produits industriels et de consommation. Il a pour objectif d'élir une union douanière dans un délai de neuf ans, de manière A accroitre les échanges, aujourd'hui très réduits entre les deux pays. Le Maroc est aussi considéré par les états-Unis comme pouvant servir de modèle A nombre de pays de la région du fait des réformes politiques engagées dans les années 1990. Depuis le 11 septembre, les Américains ont en effet éli un lien entre l'instauration de la démocratie dans le monde, et en particulier dans le monde arabe, et leur propre sécurité intérieure. Le 11 décembre 2004, Rabat accueillait le premier Forum pour l'anir, coprésidé par les états-Unis et le Maroc. Cette manifestation a été considérée comme la première étape dans l'initiati américaine pour la construction d'un Grand Moyen-Orient destiné A promouvoir des réformes économiques, sociales et politiques dans une région allant de l'Afghanistan A la Mauritanie11. Parallèlement aux deux grands pays de la région, la Tunisie a conservé son importance stratégique pour les Américains. A€ l'instar du voisin algérien, Tunis a également instrumen-talisé son rôle de rempart contre l'islamisme auprès de Washington et participé A la lutte mondiale contre le terrorisme. En dépit de sa mauvaise gestion des droits de l'homme, ce pays conser l'image d'un pays ami pour les états-Unis. Les réformes engagées depuis l'indépendance en 1956, en matière de droits de la femme, de scolarisation massi, d'ourture économique ou de - sécularisation -, ont été saluées plus d'une fois par Washington. Les événements de 2001 donnèrent A la Libye l'occasion de réapparaitre sur la scène internationale. Le colonel Kadhafi a en effet pris dirses mesures destinées A rapprocher son pays, frappé par un embargo, des Etats-Unis. Il s'agissait de mettre un terme A la politique révolutionnaire, de signer un accord sur l'attentat de l'avion de la Pan Am (décembre 1988) et de déclarer l'abandon des programmes d'armes de destruction massi. Pour Washington, le nouau positionnement de la Jamahiriya, longtemps considérée comme l'enfant terrible de la région, a réellement valeur d'exemple. Il permet de montrer que les états - voyous - peunt aussi rentrer dans les rangs, en acceptant d'adopter un comportement conforme aux normes internationales. Bien sûr, par delA l'exemple, la levée de l'embargo'' et la normalisation des relations en cours ouvrent la voie A des accords de type économique et des accords commerciaux, d'autant que Tripoli a mis en place un important projet de réformes économiques qui nécessite de gros instissements, dans le secteur des ressources naturelles (pour rénor les gisements pétroliers et gaziers) ou dans d'autres secteurs (transports par exemple1"). En réalité, le nouau positionnement de la Libye ne s'est pas uniquement manifesté en termes de rapprochement ac Washington. Après le gel des sanctions onusiennes, Kadhafi fut invité par le président de la Commission européenne, Romano Prodi, A Bruxelles, pour discuter des modalités de l'adhésion de son pays au Partenariat euro-méditerranéen. Les Algériens ont usé de la crainte américaine pour lutter contre le Groupe salafistede prédication et de combat (GSPC), essayant de faire le lien entre ce groupe islamiste radical issu du Gl A et Al-Qaida. Tandis qu" Alger met en avant l'implication du GSPC dans des opérations de banditisme et de terrorisme, le Maroc, lui, semblait associer des éléments du Front Polisario, basés A Tindouf, A ces groupes incontrôlés. Selon la thèse marocaine, - sans base arrière territoriale, les réseaux terroristes transnationaux n'ont aucun anir. 11 leur faut des zones où les états sont faibles, voire inexistants ; des zones tribales en Afghanistan et au Pakistan, les zones désertiques du Sin-King aux confins de la Chine continentale ou le désert du Sahara. Toutes ces zones où l'autorité de l'état est absente et l'économie criminelle triomphe sont les meilleures alliées des terroristes. - Les états-Unis ne sont pas insensibles A ce genre de menace, mASme si, pour l'heure, ils disposent de peu d'éléments crédibles faisant le lien entre l'existence de ces groupes et Al-Qaida. Dans le cadre d'un programme baptisé Initiati pour le Sahel (Pan Sahel Initiati, PSI), ils ont accru leur coopération militaire et policière ac les pays de la région. La consolidation des autoritarismes Si les attentats de 2001 ont permis au président Bouteflika de doter l'exécutif d'une noulle légitimité, il est A craindre que les Algériens fortement paupérisés ne soient plus réceptifs aux discours de légitimation. Ils constatent ac désenchantement que, si les caisses de l'état n'ont jamais été aussi pleines depuis l'indépendance, cette prospérité et cette confiance de l'Algérie retrouvée au international n'ont pas eu d'effet sur leur quotidien. Les réformes économiques non achevées et le désengagement de l'état dans de nombreux secteurs ont durement frappé les 30% de chômeurs. Le pays vit en effet une dégradation sociale importante, le déloppement de l'analphabétisme ( plus de 30 %) et le retour des maladies que l'on croyait éradiquées (tuberculose ou typhoïde). Cette paupérisation des classes moyennes n'a pas privé Bouteflika d'un bon résultat A l'élection présidentielle d'avril 2004 (84,99 % des suffrages exprimés, mais ac un taux d'abstention de 42 %). Ce scrutin a été présenté A Alger comme le plus - libre et le plus transparent que le pays ait connu - : six candidats étaient en concurrence et l'armée a annoncé son - entière neutralité -. En réalité, si les Algériens avaient de bonnes raisons de voter pour le renoullement du mandat de l'homme qui a associé son image A la paix et A la réhabilitation de leur pays dans le concert des nations, certains observateurs pensent que le président sortant s'est donné les moyens d'une victoire pratiquement inélucle. Dans une société fatiguée et paupérisée, aspirant humblement au mieux-AStre et A la paix, il a en effet pratiquement monopolisé la télévision, distribué massiment argent et logements dans les wilayas, tout en abusant d'une administration mise A son seul service. D'autres facteurs ont également contribué A son succès : les militaires, qui continuent A redouter des procès pour les exactions commises durant la - sale guerre -, ont notamment vu leur marge de manœuvre réduite face A un chef de l'exécutif peu prévisible. Ces différents atouts donnent au président les moyens d'un autoritarisme que l'on pensait révolu. Son parti fait pratiquement fonction de parti unique, ou de parti dominant, les candidats rivaux existent mais sont écartés et le système repose sur le clientélisme et la corruption. Enfin, la presse, réputée pour sa liberté de ton depuis 1989. est plus contrôlée et ses journalistes emprisonnés. Finalement, au moment où la démocratie parait nécessaire, voire inélucle, nous assistons bien A la consolidation de l'autoritarisme, que vient appuyer de l'extérieur la lutte contre le terrorisme islamiste. L'exemple algérien n'est pas unique et, dans les autres pays considérés, l'autoritarisme se consolide : Kadhafi cherche en effet A donner une noulle image de son pays A l'étranger et A l'insérer dans les relations internationales mais, au interne, il n'a pas pour autant ourt son système et la répression contre toute forme d'opposition reste dure. Au Maroc, si les autorités politiques ne remettent pas en question la participation des islamistes reconnus (PJD) A la vie politique, des amalgames sont néanmoins régulièrement faits entre cette formation légale et les terroristes opérant sur la scène internationale et nationale et qui se rendiquent de l'islam (23 Marocains ayant combattu en Afghanistan sont emprisonnés A Guantanamo et, en 2002, trois Saoudiens ont été arrAStés alors qu'ils préparaient des attaques contre des navires de l'OTAN). En réalité, c'est autant la progression du PJD et ses succès électoraux que la scène internationale qui nourrissent ces amalgames et suspicions A l'égard des islamistes de ce parti. Aux élections législatis de 2002, le PJD est arrivé troisième, ac 42 élus. Ces résultats officiels n'expliquent qu'en partie l'assurance alors affichée par ses membres ; après le scrutin, des rumeurs avaient déjA fait état de tractations entre le pouvoir et les dirigeants du parti, afin de revoir les résultats A la baisse pour éviter un raz-de-marée islamiste. A€ mesure qu'il réussissait A s'imposer et A supter les autres partis, ne serait-ce que partiellement, le PJD semblait s'affranchir de la mission implicitement octroyée par le pouvoir : encadrer les islamistes et constituer un lien entre ces derniers et le Palais. Le PJD accentue son emprise morale sur la société, dénonA§ant pASle-mASle festivals, écoles et centres culturels occidentaux, et met en garde contre les - déris laïcisantes -. C'est dans ce contexte qu'interviennent les attentats du 16 mai 2003. Cinq attentats suicide simultanés ont fait 43 morts en différents lieux symboliques de Casablanca. La responsabilité de réseaux étrangers est rapidement évoquée, mais l'enquASte se concentre sur Al-Sirat Al Moustaquim (le Droit chemin), un petit groupe islamiste radical d'obédience wahhabite. La plupart des kamikazes sont originaires du mASme bidonville de Casablanca, Sidi Moumen. Alors que la piste d'un réseau international est avancée par le pouvoir, l'ensemble de la classe dirigeante met A l'index les islamistes marocains et en particulier le PJD, des membres du gournement demandant mASme sa dissolution. La réponse des autorités est forte : tandis que le roi annonce - la fin du laxisme -, une loi antiterroriste est votée, élargissant considérablement la marge de manœuvre des forces de sécurité. Près de 1 000 condamnations, dont 16 A la peine de mort, prAScheurs interpellés et arrAStés, lieux de prière clandestins fermés, les organisations des droits de l'homme dénoncent la torture pratiquée notamment dans le centre de Témara. En réalité, dans chacun des pays, que ce soit avant ou après le 11 septembre, la mise en avant de l'islamisme par les acteurs politiques et son instrumentalisation avaient pour effet d'occulter leur déficit en terme de légitimité populaire. En s'insérant dans une lutte qui se ut aujourd'hui mondiale contre le terrorisme islamiste, les gournants ont presque légitimement recours A la répression, consolidant ainsi l'autoritarisme et mettant un terme au paradigme de la transition. Bien sûr, les événements de 2001 n'expliquent qu'en partie ce type de comportement politique, car la faible structuration A la fois des oppositions et des sociétés civiles laisse aux régimes, aussi usés soient-ils, les moyens d'anéantir toute dynamique de changement politique. Dans le cas du Maroc, la présence de lignes rouges qu'il est formellement interdit de franchir (monarchie, intégrité territoriale, islam) conforte bien l'idée que tout changement ne peut s'opérer qu'A l'intérieur mASme du système et ac l'aval de la monarchie. Cela explique l'approbation implicite donnée par les citoyens aux négociations pré et post-électorales entre le PJD et le Palais. Cela explique aussi les - autolimitations - que s'imposent les dirigeants du parti. Il s'agit donc bien d'une ourture réelle si on se place dans la longue durée et en aison aux - années de plomb -, mais celle-ci est décidée, dosée et contrôlée par la monarchie. Nous sommes donc dans le cadre d'une rénovation de l'autoritarisme rs des formes plus institutionnelles ac des élections tenues A dates régulières, une multiplicité des candidats (Algérie et Tunisie) et des partis politiques. De mASme qu'il est question d'association d'une partie de l'opposition au système politique, notamment au sein du Parlement marocain (PJD), ces députés ont sount intériorisé la contrainte ou feignent de le faire pour se maintenir sur la scène politique. Si ces mutations de l'autoritarisme sont bien perA§ues en dehors de ces pays, donnant le sentiment d'un changement et d'une vérile amorce de démocratie, elles ne permettent nullement de rélir la confiance et le lien entre gournants et gournés. Pour cela, les autorités doint trour d'autres moyens, comme la réconciliation ou un nouau rapport A l'histoire.
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