I. LES FAITS
La France a organisé pendant de nombreuses années des essais nucléaires souterrains en Polynésie franA§aise sur l'atoll de Mururoa. Le mouvement écologiste de la Paix verte (généralement dénommé - Greenpeace -) a mené A plusieurs reprises des camnes A rencontre de ces essais. A cet effet, il a notamment tenté de faire pénétrer des navires dans les eaux interdites A la navigation entourant l'atoll. La marine nationale s'y est opposée, ce qui a conduit A divers incidents. En 1985, le mouvement Greenpeace envisage A nouveau de mener de telles actions en envoyant plusieurs navires, dont le Rainbow Warrior (- Combattant de l'arc-en-ciel -), A proximité du centre franA§ais d'essais nucléaires du Pacifique.
Cette opération ne peut AStre réalisée selon les s initiaux du fait que, le 10 juillet 1985, ce navire est détruit A son mouillage dans le port d'Auckland (Nouvelle-Zélande) par deux engins explosifs. En sombrant, il entraine dans sa perte le décès d'un des militants du mouvement, M. Fernando Pereira.
Le 12 juillet 1985, la police néo-zélandaise interpelle un homme et une femme, titulaires de passeports suisses élis au nom de M. et Mme Turenge, soupA§onnés d'avoir contribué A la réalisation de cet attentat. L'enquASte menée tant en France qu'en Nouvelle-Zélande révèle rapidement que les intéressés, le commandant Alain Mafart et le capitaine Dominique Prieur, sont en réalité des agents franA§ais de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). La question se pose dès lors de savoir dans quelles conditions a été décidée l'opération dirigée contre le Rainbow Warrior. Suite au rapport éli en août 1985 par le conseiller B. Tricot A la demande du Premier ministre, puis A des informations publiées dans le journal Le Monde, il apparait qu'il ne s'agit pas d'initiatives prises A un niveau modeste.
Le 20 septembre 1985, le ministre de la Défense, M. Hernu, donne sa démission. Le 22, le Premier ministre fait connaitre publiquement que -ce sont des agents de la DGSE qui ont coulé le Rainbow Warrior. Ils ont agi sur ordre -. Le directeur du service, l'amiral Lacoste, est en mASme temps relevé de ses fonctions et remplacé par le général Imbot.
L'affaire cesse alors de constituer un enjeu en politique intérieure franA§aise pour se développer essentiellement au international.
D'une part, le procès du commandant Mafart et du capitaine Prieur s'engage devant la justice néo-zélandaise. Ceux-ci sont condamnés le 22 novembre 1985. par la haute cour d'Auckland, A dix ans d'emprisonnement.
D'autre part, le ministre franA§ais des Relations extérieures, le 22 septembre 1985, précise au Premier ministre néo-zélandais que le gouvernement franA§ais est - prASt A assurer la réparation des différents préjudices consécutifs - A l'incident. M. Dumas se déclare en outre disposé A rencontrer M. Palmer, vice-Premier ministre néo-zélandais, A l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies - afin d'examiner d'Etat A Etat les conditions dans lesquelles cette affaire pourrait AStre réglée -.
Cette rencontre a lieu A New York, les 23 et 25 septembre 1985, et est suivie de plusieurs réunions entre deux négociateurs spécialement désignés par chacun des deux gouvernements. Les discussions ne peuvent cependant AStre menées par eux jusqu'A leur terme et les deux parties conviennent, le 19 juin 1986, de soumettre au secrétaire général des Nations unies - tous les problèmes découlant de l'affaire du Rainbow Warrior -, en s'engageant A l'avance A - se conformer au règlement - opéré par M. Perez de Cuellar.
Ce dernier, après avoir recueilli les observations écrites des deux gouvernements et pris contact avec eux par voie diplomatique, rend public son rapport, le 7 juillet 1986. Le 9 juillet, un échange de lettres entre la France et la Nouvelle-Zélande traduit le règlement ainsi réalisé en un accord bilatéral entre les deux gouvernements. Le 25, cet accord est exécuté en toutes ses dispositions, et le commandant Mafart et le capitaine Prieur sont en particulier expulsés de Nouvelle-Zélande pour AStre affectés pendant trois ans sur la base de Hao (en Polynésie).
II. LES PROBLÀMES JURIDIQUES NéS DE L'INCIDENT
Deux séries de problèmes juridiques se posent au cours de la
crise : ils relèvent soit des droits nationaux, soit du droit international.
A. Les problèmes de droits nationaux
Dans la première perspective, deux questions surgissent : l'indemnisation des victimes et le sort des auteurs de l'attentat.
a) L'indemnisation des victimes
Les victimes, A savoir les ayants droit de M. Pereira et le mouvement Greenpeace, pouvaient s'adresser aux tribunaux franA§ais en vue d'obtenir réparation du préjudice subi. S'ils n'obtenaient pas satisfaction, ils pouvaient solliciter la protection diplomatique de certains Etats étrangers qui auraient alors endossé leur demande et l'affaire aurait pu déboucher sur un contentieux intergouvernemental.
1A° Une telle procédure aurait cependant soulevé divers problèmes. En droit interne franA§ais, la question se serait posée de savoir si la décision de couler le Rainbow Warrior et l'exécution de cette décision devaient AStre regardées comme des - voies de fait - et si, par suite, il appartenait aux tribunaux judiciaires (et non au juge administratif) de connaitre des pourvois tendant A la réparation des préjudices en résultant (voir tribunal des conflits, 8 ail 1935, Action franA§aise, Recueil, p. 1226). En d'autres termes, cette décision et cette action, qui portaient inconteslement atteinte A la propriété privée, étaient-elles manifestement - insusceptibles d'AStre rattachées A un pouvoir appartenant A l'administration - ?
Une telle thèse ne manquait pas A première vue de solidité, mais un débat public sur ce sujet aurait nécessairement conduit A s'interroger sur la place des services secrets dans l'Etat et sur les méthodes auxquelles ils peuvent légalement recourir. Un tel débat n'aurait sans doute pas été sans péril et les autorités franA§aises auraient pu par suite songer A l'éviter en soutenant qu'en tout état de cause les activités de ces services doivent AStre regardées comme des - actes de gouvernement - dont le juge n'a pas A connaitre (voir, pour l'arraisonnement en haute mer et le détournement vers le port de Bône d'un cargo italien pendant la guerre d'Algérie, Conseil d'Etat, 30 mars 1966, Société Ignacio Messina, Recueil, p. 258 ; pour la création d'une zone de sécurité dans les eaux internationales pendant des essais nucléaires A Mururoa, Conseil d'Etat, 11 juillet 1975, Paris de la Bollar-dière. Recueil, p. 423). Dans cette perspective, la destruction du Rainbow Warrior n'aurait pas été susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat (voir Conseil d'Etat, 30 mars 1966, Guyot, Recueil, p. 259).
2A° Si le débat contentieux interne avait, pour ce motif ou pour un autre, conduit A un rejet total ou partiel des prétentions de M. Pereira ou de l'organisation Greenpeace, ceux-ci auraient pu, une fois épuisées les voies de recours interne, songer A solliciter la protection diplomatique de certains Etats étrangers.
A cet égard, la situation était cependant complexe. On doit d'abord noter que M. Pereira n'était pas néo-zélandais. Ses proches étaient de nationalité néerlandaise ou portugaise. Dès lors, la Nouvelle-Zélande ne pouvait en l'espèce endosser une quelconque demande le concernant (Cour permanente de justice internationale, 28 féier 1939, affaire des Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, série A/B nA° 76).
La situation était plus compliquée dans le cas de Greenpeace. Ce mouvement est en effet constitué sous la forme d'une fondation de droit néerlandais, le Stichting Greenpeace Council, auquel sont affiliées des associations nationales. Parmi ces dernières urait une association de droit britannique dont certains dirigeants, en qualité de trustées, contrôlaient, semble-t-il, une société installée aux iles Caïman et elle-mASme propriétaire du navire coulé, qui était immatriculé en Grande-Bretagne. Ce montage juridique excluait toute
compétence de la Nouvelle-Zélande et pouvait laisser hésitant sur le rôle respectif de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas (Cour internationale de justice, 5 féier 1950, affaire de la Barcelona Traction Light and Power Company Limited, CIJ Recueil 1970, p. 4).
3A° Mais ni ces questions de droit interne, ni ces problèmes de protection diplomatique ne se posèrent en fait. Le juge franA§ais n'eut A examiner aucun recours, et nulle demande de protection ne fut présentée par la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou le Portugal. Quant A la Nouvelle-Zélande, si elle s'inquiéta auprès des autorités franA§aises de l'indemnisation des victimes, elle ne prétendit pas (et n'aurait d'ailleurs pas pu prétendre) exercer la protection diplomatique des intéressés.
Les autorités franA§aises estimèrent en effet en tout état de cause souhaile d'assurer en l'espèce spontanément la réparation des préjudices subis.
A cet égard, un accord intervient rapidement avec la comne de M. Pereira, qui reA§oit 650000 francs pour elle-mASme et I 500 000 francs pour ses deux enfants mineurs (s'ajoutant A une somme de 30000 florins remise par les comnies d'assurance et également remboursée A ces dernières par la France). De mASme, deux indemnités de 75 000 francs sont versées au père et A la mère de M. Pereira.
Dans le cas de Greenpeace, un compromis intervient le 19 décembre 1985 entre l'Etat franA§ais et la fondation néerlandaise agissant tant en son nom propre qu'au nom des autres organisations intéressées. L'Etat franA§ais accepte dans le compromis de ne pas discuter de la responsabilité du sinistre et les deux parties s'engagent A mener de bonne foi des négociations destinées A fixer d'un commun accord le montant des dommages-intérASts que la France consent A verser. Il est en outre convenu qu'A défaut d'accord sur ce montant l'affaire sera soumise A un tribunal arbitral qui aura pour seule mission de fixer la somme due. La
négociation n'ayant pu aboutir, le tribunal fut constitué d'un arbitre franA§ais, M. FranA§ois Terré, d'un arbitre néo-zélandais. Sir Owen Woodhouse, et d'un président suisse, M. Claude Reymond. Ce tribunal rend sa sentence le 30 septembre 1987. Du fait que le litige opposait sur le terrain quasi délictuel un Etat et un particulier, le tribunal se devait en premier lieu de déterminer selon quel droit national l'indemnité devait AStre calculée. Ayant A choisir entre la loi franA§aise (nationalité du défendeur), la loi néo-zélandaise (lieu du dommage) et la loi britannique (nationalité du navire détruit par l'opération), il opte pour cette dernière. Puis il condamne l'Etat franA§ais A verser A Greenpeace une somme en principal de 6591 000 dollars US. Celle-ci est immédiatement réglée et le contentieux de l'indemnisation des particuliers touche ainsi A son terme.
h) Les poursuites pénales
L'aspect pénal de l'affaire est tout différent. Le commandant Mafart et le capitaine Prieur ayant été arrAStés en Nouvelle-Zélande, le déroulement de la procédure dépend en effet pour l'essentiel des autorités de ce pays.
Les intéressés, après avoir été entendus par la police d'Auckland, sont poursuivis sous trois chefs d'inculpation : meurtre, incendie volontaire et détention de faux documents administratifs. La première de ces infractions est passible de la réclusion criminelle A perpétuité (sans possibilité pour le juge de faire jouer les circonstances atténuantes).
En pareilles circonstances, les deux officiers peuvent plaider - coupables - ou - non coupables -. Dans le premier cas, le tribunal a pour seule tache de déterminer la peine A retenir. Dans le second, il appartient A la justice néo-zélandaise de décider tout d'abord de la culpabilité des accusés, puis de fixer éventuellement la sanction encourue.
A cet égard, le droit néo-zélandais ne connait pas l'institution américaine du plea bargaining, dans laquelle une
négociation s'engage entre la justice et le délinquant. Mais la pratique néo-zélandaise admet que l'accusation puisse modifier l'inculpation dans l'hypothèse où les accusés acceptent de plaider coupables sur certains chefs et où il apparait difficile d'élir leur culpabilité sur d'autres.
Telle est la procédure suivie en l'espèce. L'accusation reconnait qu'elle pourrait difficilement prouver que le décès de M. Pereira est la conséquence directe d'une action intentionnelle du commandant Mafart et du capitaine Prieur et elle abandonne par suite l'inculpation de meurtre (comme d'ailleurs celle d'incendie volontaire). Leur sont substituées celles de manslaughter (c'est-A -dire d'homicide non intentionnel) et de - dommages volontaires causés A un navire par explosifs -. Le commandant Mafart et le capitaine Prieur se déclarent par ailleurs prASts A plaider coupables sur ces nouveaux chefs d'inculpation. Dans ces conditions, l'affaire n'a pas A AStre débattue au fond devant un jury et il appartient A un juge unique de fixer la peine. Celle-ci peut aller jusqu'A l'emprisonnement A vie, mais le juge n'est pas tenu de prononcer un tel emprisonnement. Il peut faire jouer comme il l'entend les circonstances atténuantes.
C'est dans ce cadre que le Chief Justice de Nouvelle-Zélande constituant la Haute Cour rend son jugement, le 22 novembre 1985. Ce jugement s'interroge en premier lieu sur le rôle joué par les deux accusés. 11 conclut qu'en l'état du dossier les intéressés peuvent se voir reprocher d'avoir apporté un soutien logistique A l'attentat sans qu'il soit éli qu'ils aient participé directement A la mise en place des explosifs. Puis il souligne la gravité de l'infraction qui, selon le juge, peut AStre assimilée A une action - terroriste -. Enfin, il ésectiune les excuses absolutoires invoquées (ordre de l'autorité supérieure ; opération conA§ue de manière A éviter normalement tout décès du fait de la mise en place de deux engins explosifs) et ne retient les circonstances atténuantes que dans une mesure limitée. Il condamne en définitive le commandant Mafart et le capitaine Prieur A dix ans de prison pour manslaughter.
Viennent s'ajouter deux autres condamnations, une. de sept ans de prison, pour dommages volontaires causés A un navire et une, plus légère, pour usage de faux documents administratifs. Mais le droit néo-zélandais (comme le droit franA§ais) admettant la confusion des peines (contrairement par exemple aux droits américain ou italien), la peine A exécuter est fixée en définitive A dix années d'emprisonnement.
Le juge pouvait enfin, en vertu de la section 22 de l'- Immigration Act - néo-zélandais de 1964, recommander au ministre compétent l'expulsion des deux officiers, en tant qu'étrangers, hors du territoire national. Il s'y refusa tout en soulignant que le gouvernement avait les pouvoirs requis A cet effet et que, - dans les circonstances de l'espèce, toute question relative A l'expulsion des défendeurs deait AStre examinée par le ministre, conformément aux dispositions de la loi -.
Le procès se termine ainsi par une condamnation sévère qui ne peut que soulever des problèmes dans les relations entre la France et la Nouvelle-Zélande. L'affaire passe de la sphère des droits nationaux A celle du droit international.
B. Les problèmes de droit international
Dans cette perspective, les négociations entamées dès l'automne 1985 entre les deux gouvernements portent A titre principal sur deux questions :
» le sort du commandant Mafart et du capitaine Prieur;
» la réparation du préjudice subi par la Nouvelle-Zélande. Par la suite s'y mASlent des problèmes nouveaux liés aux
exportations agricoles néo-zélandaises vers la Communauté économique européenne.
a) Le sort des deux officiers
Les autorités franA§aises souhaitent dès l'origine la libération des deux officiers. Elles prétendent que leur emprisonnement en Nouvelle-Zélande est injustifié, compte tenu en particulier du fait qu'ils ont agi sur ordre de l'autorité militaire et que la France est prASte A reconnaitre ses torts A l'égard de la Nouvelle-Zélande. Elles invoquent en ce sens l'affaire du Caroline, navire américain coulé dans les eaux des Etats-Unis au cours de l'insurrection du Québec de 1837 par un commando anglais dont le chef sera acquitté par les tribunaux américains.
Les autorités néo-zélandaises se refusent A toute négociation A cet égard tant que les tribunaux locaux ne se sont pas prononcés. Une fois la condamnation acquise, elles acceptent que la discussion s'oue. Elles reconnaissent que l'expulsion du commandant Mafart et du capitaine Prieur demeure juridiquement possible, ainsi que l'a souligné le jugement de la Haute Cour. Mais elles ajoutent qu'elles ne sauraient accepter la libération immédiate des prisonniers consécutive A une expulsion rapide.
Dans ces conditions, on peut songer A ce que les deux officiers ne soient expulsés qu'après avoir purgé une partie de leur peine en Nouvelle-Zélande et fait l'objet d'une mesure de libération conditionnelle. Mais cette dernière n'est possible qu'après cinq ans d'emprisonnement.
On peut également envisager un transfert du commandant Mafart et du capitaine Prieur dans un pays tiers ou en France pour qu'ils y demeurent en prison pendant un certain temps. Mais la première formule est d'intérASt réduit et délicate A mettre en oue. Quant A la seconde, elle soulève de grandes difficultés.
En effet, le commandant Mafart et le capitaine Prieur ne peuvent AStre emprisonnés en France qu'en vertu d'une décision du juge franA§ais ou par application d'une convention internationale permettant l'exécution sur le territoire national du jugement prononcé en Nouvelle-Zélande (voir les articles 713-l et suivants du Code de procédure pénale).
Engager des poursuites en France contre les deux officiers est difficilement concevable, les intéressés pouvant d'ailleurs se prévaloir de l'article 327 du Code pénal relatif aux ordres reA§us, pour dégager leur responsabilité.
Quant A l'exécution en France du jugement rendu en Nouvelle-Zélande, il impliquerait l'existence entre les deux pays d'un accord bilatéral de transfèrement de détenus ou l'adhésion de la Nouvelle-Zélande A la
convention européenne du 21 mars 1983 sur le transfèrement. En outre, il serait difficile pour la France de reconnaitre le bien-fondé du jugement rendu A Auckland et d'en assurer l'exécution. Mais il serait également difficile pour la Nouvelle-Zélande d'assurer un transfert sans avoir la garantie que les autorités franA§aises ne libéreront pas rapidement les deux officiers, en usant des procédures de libération conditionnelle ou de grace.
Dès lors, on voit mal comment satisfaire A la fois les exigences des deux parties. Si l'expulsion du commandant Mafart et du capitaine Prieur ne soulève pas de problème de droit, leur libération corrélative apparait inacceple pour Wellington, tandis que leur mise sous écrou en France ne peut AStre envisagée par Paris.
b) La responsabilité de la France envers la Nouvelle-Zélande
Le point de vue des parties demeure également opposé en ce qui concerne les problèmes de responsabilité, mais lA l'opposition est moindre.
La France ne nie pas que l'attentat opéré contre le Rain-bow Warrior l'a été en méconnaissance de la souveraineté territoriale de la Nouvelle-Zélande et, par suite, en violation du droit international. Elle se déclare prASte A assurer la réparation du préjudice subi par l'Etat néo-zélandais dans le cadre d'un règlement d'ensemble de l'affaire.
Selon les autorités franA§aises, cette réparation doit prendre des formes différentes selon que l'on considère le préjudice moral ou le préjudice matériel. Le premier peut AStre réparé par l'envoi d'une lettre d'excuses du Premier ministre franA§ais au Premier ministre néo-zélandais. Il ne peut en revanche faire l'objet d'une indemnisation pécuniaire (en ce sens, la sentence de
la Cour permanente d'arbitrage du 6 mai 1913 entre la France et l'Italie dans les affaires du Carthage et du Manouba, Recueil des sentences arbitrales des Nations unies, vol. XI, p.450 et 464, et l'arrASt rendu par la Cour internationale de justice, le 9 ail 1949, dans l'affaire du détroit de Corfou, CIJ Recueil 1949, p. 25 et 26).
Quant au préjudice matériel, il ne peut correspondre qu'aux seules dépenses supportées par l'Etat néo-zélandais du fait mASme de l'attentat, par exemple pour le renflouement de l'épave, le dégagement du port d'Auckland ou la réparation du quai.
La Nouvelle-Zélande, de son côté, estime que l'attentat constitue une violation grave non seulement de sa souveraineté, mais encore d'autres normes fondamentales du droit international, et en particulier de la Charte des Nations unies. Wellington entend en obtenir réparation par des excuses formelles et inconditionnelles et par le versement d'une indemnité compensant le préjudice matériel et moral subi. On voit que l'opposition entre les deux thèses ne porte pas sur les principes mASmes : violation du droit international et droit A réparation. Elle concerne pour l'essentiel les modalités de cette réparation, la Nouvelle-Zélande estimant avoir droit en définitive A une indemnité de 9 millions de dollars US et la France en offrant 4 millions dans le cadre d'un règlement global.
c) Le contentieux commercial
Le dossier se complique par ailleurs du fait qu'au début de l'année 1986 des difficultés apparaissent dans le commerce entre la France et la Nouvelle-Zélande. A la suite de contrôles vétérinaires et phytosanitaires, divers produits néo-zélandais tels que cervelles d'agneau, viandes ou laine rencontrent des difficultés pour pénétrer sur le territoire franA§ais. La Nouvelle-Zélande dépose deux plaintes auprès de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) et du GATT, puis, le 7 mars 1986, demande l'ouverture de consultations formelles au titre de l'article XXII-I du GATT.
Ces difficultés sont cependant surmontées en ail 1986 et les procédures engagées sont abandonnées. Reste que le Conseil des Communautés europénnes doit fixer avant le 1er août 1986 les contingents de beurre néo-zélandais admis dans la Communauté en 1987 et 1988 et que la Nouvelle-Zélande peut craindre que la France ne se montre A cet égard particulièrement restrictive, A moins que les relations entre les deux pays ne connaissent dans l'intervalle une certaine amélioration.
Au printemps 1986, les négociations entre Wellington et Paris ont permis un rapprochement des points de vue. La Nouvelle-Zélande a reA§u des assurances en ce qui concerne l'indemnisation des victimes ; la France semble prASte A reconnaitre ses torts et A réparer le préjudice subi par la Nouvelle-Zélande dans le cadre d'un règlement d'ensemble de l'affaire; les problèmes commerciaux ne paraissent pas sans solution. Reste cependant A fixer le montant de l'indemnité due et surtout A trouver une solution en ce qui concerne la situation du commandant Mafart et du capitaine Prieur.
III. LE RÀGLEMENT DE L'AFFAIRE
A l'occasion d'un voyage du Premier ministre néo-zélandais en Europe, le Premier ministre des Pays-Bas, le 31 mai 1986, lance un appel aux deux pays pour qu'ils soumettent tous les problèmes nés entre eux de l'incident du Rainhow Warrior A une tierce partie.
Les deux gouvernements répondent favorablement A cet appel et, le 19 juin, publient simultanément deux déclarations précisant qu'ils soumettent ces problèmes au secrétaire général des Nations unies et acceptent A l'avance de se conformer au règlement retenu par ce dernier. M. Perez de Cuellar déclare le mASme jour accepter cette mission.
Le 7 juillet, il rend publique sa décision. Le 9 juillet, un échange de lettres intervient entre Paris et Wellington transformant cette décision en accord intergouvernemental. Dans les jours qui suivent, les différentes dispositions de cet accord sont appliquées. L'affaire est réglée.
Ce règlement appelle trois séries d'observations relatives A la procédure suivie, aux dispositions agréées et A leur exécution.
A. La procédure suivie : médiation ou arbitrage ?
La doctrine s'est interrogée sur la nature de la procédure retenue en l'espèce et a relevé A juste titre qu'elle entrait difficilement dans les catégories classiques de modes de règlement des différends.
A cet égard, on sait que l'article 33 de la Charte des Nations unies concernant le règlement pacifique des différends vise - la négociation, l'enquASte, la médiation, la conciliation, l'arbitrage, le règlement judiciaire, le recours aux organismes ou accords régionaux -, et tout - autre moyen pacifique - choisi par les parties.
S'agissait-il en l'espèce d'une médiation ou d'un arbitrage ? Les deux Etats, comme le secrétaire général, se sont bien gardés de prendre position A ce sujet et la doctrine s'est partagée.
Traditionnellement, un médiateur - cherche par voie de persuasion A rapprocher des Etats entre lesquels existe un différend, A les amener A entreprendre ou A reprendre des négociations, puis suit ces négociations en suggérant une base d'entente ou des solutions propres A concilier les intérASts opposés, sans chercher A imposer telle ou telle solution - (Dictionnaire de la terminologie du droit international). En d'autres termes, un médiateur cherche un règlement diplomatique plus que juridique A un conflit; aucune procédure particulière ne lui est généralement imposée ; les parties demeurent libres d'accepter ou de rejeter ses propositions.
En revanche, les arbitres, qui statuent le plus souvent en droit, adoptent A la suite d'une procédure contradictoire formalisée une sentence qui présente normalement un caractère obligatoire.
Au cas particulier, les parties souhaitent très vivement arriver A un accord. Mais elles n'y étaient pas parvenues A travers la négociation et étaient convenues de s'en remettre A une autorité extérieure, politiquement et moralement incontesle, dont l'intervention pouvait sans difficulté présenter pour toutes deux un caractère contraignant. A cet égard, on est donc loin de la médiation au sens classique, A moins de considérer que puissent exister des - médiations obligatoires - (en ce sens, l'étude du professeur Charpentier A l' Annuaire franA§ais de droit international, 1986, p. 873).
Par ailleurs, il était demandé au secrétaire général de rendre la décision dans un délai très bref, A l'issue d'une procédure où il devait demeurer - en contact étroit - avec les parties, en vue de rechercher une solution - équile et conforme aux principes pertinents applicables -. Intervenant A l'issue de négociations non parvenues A leur terme, le secrétaire général devait partir de ces négociations en vue de dégager une solution qui, comme il le souligna, devait - réconcilier les positions divergentes - des deux pays. A cet égard, on est donc loin d'un arbitrage, A moins de le qualifier de - politique - (en ce sens, l'étude du professeur Apollis A la Revue générale de droit international public, 1987,nA°l,p.9).
- Médiation obligatoire - ou - arbitrage politique -, la procédure utilisée est A l'évidence d'une grande originalité.
B. La solution retenue
Au fond, la décision du secrétaire général forme un ensemble reprenant les points sur lesquels un accord partiel était déjA intervenu et avanA§ant une solution nouvelle sur les autres points.
Il décide tout d'abord que - le Premier ministre franA§ais deait présenter au Premier ministre néo-zélandais des excuses formelles et sans réserve pour l'attentat commis en méconnaissance du droit international, le 10 juillet 1985, contre le Rainbow Warrior par des agents des services franA§ais -. Il décide par ailleurs que - le gouvernement franA§ais deait verser au gouvernement néo-zélandais une somme de 7 millions de dollars des Etats-Unis en réparation de l'ensemble des préjudices subis par la Nouvelle-Zélande - (sans préciser quels chefs de préjudice sont ainsi couverts).
Concernant le sort des deux officiers franA§ais, le secrétaire général constate l'opposition de points de vue entre les deux gouvernements et décide que - le gouvernement néo-zélandais deait transférer le commandant Mafart et le capitaine Prieur aux autorités militaires franA§aises. Immédiatement après, les intéressés deaient AStre transférés pour une période de trois ans - sur une installation militaire franA§aise isolée, A savoir celle de Hao en Polynésie. Pendant cette période, - il deait leur AStre interdit de quitter l'ile, pour quelque motif que ce soit, sauf accord entre les deux gouvernements Leurs contacts pendant leur affectation dans l'ile deaient se limiter au personnel militaire ou assimilé et A leurs proches (famille et amis) -, tout contact avec la presse, la radio ou la télévision étant interdit.
Ainsi était mise au point une solution politiquement acceple pour les deux pays. Les deux officiers quittent les prisons néo-zélandaises. Du point de vue franA§ais, ils reA§oivent une nouvelle affectation militaire comportant sans doute certaines contraintes particulières, mais qui ne peut nullement AStre assimilée A une détention. Pour la Nouvelle-Zélande, il s'agit lA d'une assignation A résidence n'entrainant pas une vérile libération.
Le surplus du contentieux doit enfin AStre réglé. La Nouvelle-Zélande doit obtenir un engagement de la France de ne pas s'opposer aux propositions de la Commission des Communautés européennes concernant ses exportations de beurre vers la CEE pour 1987 et 1988. La France doit en outre s'engager A ne pas prendre des mesures portant atteinte aux accords en vigueur sur les exportations de viande de mouton néo-zélandais.
Enfin, A la demande de Wellington, le secrétaire général préconise la conclusion entre les deux pays d'un accord permettant dans l'avenir de soumettre A arbitrage tout différend qui pourrait naitre de l'exécution des engagements pris.
C. L'exécution de la décision
a) Les mesures prises en 1986
La décision ainsi prise par le secrétaire général est transcrite mot A mot dans trois échanges de lettres entre le ministre franA§ais des Affaires étrangères et l'ambassadeur de Nouvelle-Zélande en France, en date du 9 juillet 1986 (Journal officiel, 13 juillet 1986, p. 8750).
Puis, en application de ces échanges de lettres, le 22 juillet 1986, le commandant Mafart et le capitaine Prieur quittent la Nouvelle-Zélande A bord d'un aéronef militaire néo-zélandais pour Wallis. De lA , un aéronef militaire franA§ais les transporte immédiatement A Hao, où ils sont désormais affectés.
A l'heure mASme où l'appareil décolle de Nouvelle-Zélande, le ministre des Affaires étrangères franA§ais remet A l'ambassadeur une lettre d'excuses du Premier ministre. La somme de 7 millions de dollars US est payée. Enfin, la France donne son accord aux propositions de la Commission des Communautés concernant les importations de beurre néo-zélandais, ce qui, une fois levée une réserve irlandaise, permet au Conseil des Communautés de prendre une décision appropriée A cet égard. De la sorte et quinze jours après la décision de M. Perez de Cuellar, la crise est surmontée.
Conformément aux échanges de lettres du 9 juillet 1986, des rapports trimestriels sont par la suite transmis par la France A la Nouvelle-Zélande, en vue de permettre aux autorités de Wellington de s'assurer que la situation du commandant Mafart et celle du capitaine Prieur demeurent conformes aux engagements pris.
b) Le rapatriement des deux officiers en Europe
Un nouveau problème apparait cependant en décembre 1987, du fait que l'état de
santé du commandant Mafart nécessite alors son retour A Paris pour des examens au Val-de-Grace. Les autorités franA§aises avaient, avant ce rapatriement sanitaire, consulté les autorités néo-zélandaises. Mais, compte tenu de l'urgence, le transfert est opéré sans l'accord de Wellington. Toutefois, un médecin néo-zélandais peut rejoindre ses collègues franA§ais dès l'arrivée du commandant Mafart A Paris. Puis, après des examens approfondis, les médecins franA§ais concluent, en janvier 1988, que l'intéressé est inapte au service outre-mer et les autorités franA§aises décident, par voie de conséquence, que le commandant Mafart (devenu entre-temps lieutenant-colonel) ne peut retourner A Hao. Le capitaine Prieur demeure plus longtemps dans le Pacifique, ainsi qu'un observateur néerlandais désigné d'un commun accord entre les deux gouvernements peut le constater en mars 1988. Mais, en mai 1988, Mme Prieur se trouve enceinte et son père gravement malade. Des contacts sont pris avec les autorités néo-zélandaises, puis Mme Prieur est A son tour rapatriée en France, sans que, lA encore, l'accord de Wellington ait été obtenu. Mme Prieur peut se rendre au chevet de son père, qui meurt quelques jours plus tard, puis elle accouche et reste en métropole.
c) L'arbitrage de 1990
Les négociations entre les deux gouvernements en vue de régler A l'amiable les difficultés nées de cette situation ayant échoué, la procédure d'arbitrage prévue par le troisième échange de lettres du 9 juillet 1986 est lancée.
Trois arbitres sont désignés, en novembre 1988, A savoir Sir Kenneth Keith pour la Nouvelle-Zélande, M. Jean-Denis Bredin pour la France et M. Jimenez de Arechaga (Uruguay)/ en tant que président du tribunal. Un accord complémentaire est signé, le 14 féier 1989, entre les deux pays en vue de préciser les détails de la procédure. Celle-ci comporte des échanges de mémoires écrits, suivis de plaidoiries. La sentence arbitrale est rendue A New York le 30 ail 1990.
Deux questions se posent au tribunal arbitral : 1 A° en rapatriant le commandant Mafart et le capitaine Prieur, puis en ne provoquant pas leur retour A Hao, la France a-t-elle manqué A ses obligations envers la Nouvelle-Zélande? 2A° Dans l'affirmative, quelle est la réparation due ?
1 A° Sur le premier point, la Nouvelle-Zélande rappelle que, selon l'accord franco-néo-zélandais du 9 juillet 1986, le commandant Mafart et le capitaine Prieur ont été transférés A Hao - pour une période minimale de trois ans -. L'accord ajoute : -Il leur sera interdit de quitter l'ile pour quelque motif que ce soit, sauf accord entre les deux gouvernements. - La France a, selon la Nouvelle-Zélande, manqué A ces obligations en ne cherchant pas A obtenir de bonne foi le consentement de Wellington A l'évacuation des deux officiers, en procédant A cette évacuation sans l'accord des autorités néo-zélandaises et en ne les renvoyant pas par la suite A Hao.
La France reconnait que l'accord franco-néo-zélandais du 9 juillet 1986 ne lui permettait pas normalement de rapatrier les deux officiers et de les réaffecter en métropole. Mais elle souligne qu'elle a dû faire face A des situations humanitaires d'extrASme urgence et que de ce fait les mesures adoptées ne constituaient pas des actes internationalement illicites engageant sa responsabilité.
Dans sa sentence, le tribunal arbitral souligne tout d'abord que le droit international public ne fait pas la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité pour acte illicite autre que la méconnaissance d'un contrat. Il admet par suite que, mASme si la France avait agi contrairement A l'accord du 9 juillet 1986, ces actions ne pourraient ouir droit A réparation au profit de la Nouvelle-Zélande dans les hypothèses (force majeure, détresse ou état de nécessite) où, selon le
droit commun de la responsabilité internationale, une telle réparation serait exclue.
Le tribunal estime en outre qu'il lui appartient de déterminer - si les circonstances de détresse présentes dans un cas d'extrASme urgence impliquant des considérations élémentaires d'humanité pouvaient AStre considérées comme excluant l'illicéité en l'espèce-. Il répond A cette question par l'affirmative en ce qui concerne le rapatriement d'urgence du commandant Mafart en vue d'examens estimés indispensables par les médecins. En revanche, il parvient A une conclusion différente pour le capitaine Prieur, dont, selon lui, le rapatriement aurait pu AStre différé de trente-six heures afin de permettre au médecin néo-zélandais dépASché A Hao d'y arriver en temps utile. Enfin, dans les deux cas, le tribunal juge que les intéressés auraient dû retourner A Hao : dans le cas du commandant Mafart, une fois terminés les examens requis, soit au plus tard le 16 féier 1988, et, dans le cas du capitaine Prieur, après le décès de son père, soit le 16 mai 1988.
Le tribunal déclare par suite que, sauf pour ce qui est du rapatriement du commandant Mafart le 13 décembre 1987, la France s'est rendue coupable d'une - violation substantielle et continue de ses obligations -.
2A° Quelles conséquences faut-il en tirer au niveau de la réparation ?
Dans cette perspective, la Nouvelle-Zélande sollicite qu'injonction soit
donnée A la France de renvoyer sans délai les deux officiers A Hao pour qu'ils y terminent le séjour de trois ans prévu par l'accord originel. La France s'y oppose en soulignant que les intéressés ont été transférés A Hao le 22 juillet 1986 et que par suite leur période d'affectation sur cette ile a en tout état de cause expiré trois années plus tard, soit le 22 juillet 1989. L'obligation souscrite initialement serait alors parvenue A son terme et le tribunal ne pourrait la faire revie en ordonnant en 1990 le transfert du commandant Mafart et du capitaine Prieur A Hao. La Nouvelle-Zélande s'oppose A ces prétentions en soutenant que, selon l'accord, les intéressés doivent rester A Hao durant trois années pleines et qu'elle est en droit de demander une restitu-tio in integrum, c'est-A -dire le retour A la situation antérieure.
Le tribunal a donné sur cette question raison A la France et estimé que le régime particulier - stipulé dans l'accord de 1986 devait venir A expiration le 22 juillet 1989 -. Dès lors, les deux officiers n'avaient, A compter de cette date, aucune obligation de demeurer A Hao. Cette obligation étant éteinte, aucune injonction tendant A ce qu'elle soit respectée ne peut AStre prise.
Reste que la Nouvelle-Zélande a subi, du fait du comportement de la France, un - dommage de nature morale, politique et juridique -. Souhaitant probablement donner quelque satisfaction A la Nouvelle-Zélande, mais ne pouvant statuer ultra petita, le tribunal arbitral retient sur ce dernier point une solution s'inspirant de considérations plus politiques que juridiques.
Il aborde en premier lieu la question controversée de savoir si - le dommage immatériel - peut ou non donner lieu en droit international public A - compensation monétaire - et la tranche pour sa part dans un sens affirmatif. Puis, constatant que la Nouvelle-Zélande ne sollicite pas une telle compensation, le tribunal déclare que, dans les circonstances de l'affaire, - la condamnation de la République franA§aise A raison de la violation de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande, rendue publique par la décision du tribunal, constituait une satisfaction appropriée pour les dommages légaux et moraux causés A la Nouvelle-Zélande -. Il recommande cependant que - les deux gouvernements constituent un fonds destiné A promouvoir d'étroites et amicales relations entre les citoyens des deux pays et que le gouvernement de la République franA§aise remette A ce fonds une contribution initiale équivalente A 2 millions de dollars américains -.
Les deux gouvernements se sont inclinés devant cette sentence et le fonds en cause a été constitué.
CONCLUSION
En définitive, l'opération menée contre le Rainbow Warrior par les services secrets franA§ais était, A l'évidence, contraire au droit international. L'indemnisation volontaire des victimes, les négociations bilatérales menées entre les deux pays et l'intervention finale du secrétaire général des Nations unies ont permis de régler les problèmes nés de cette action illégale. Ces procédures montrent comment une diplomatie discrète et imaginative peut parvenir A trouver une solution A des problèmes politiquement délicats, dès lors qu'il existe, de part et d'autre, une volonté sérieuse d'aboutir.
L'exécution de l'accord n'a, par ailleurs, pas été sans difficulté. Mais le fait qu'une clause d'arbitrage avait été insérée dans les échanges de lettres a permis d'éviter que ces difficultés ne dégénèrent en crise entre les deux pays. La sentence arbitrale du 30 ail 1990 a mis, au juridique, un point final A l'affaire.