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ECONOMIE

L'économie, ou l'activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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L'affaire des malouines

Les Malouines ont été explorées aux xviie et xvine siècles par des navigateurs de Saint-Malo qui leur ont donné leur nom français (« Malvinas » en esnol et « Falkland » en anglais). Elles constituent un archipel d'environ deux cents iles, dont deux plus grandes que les autres (Grande Malouinc et Saunders), et couvrent au total 11 961 km2. Elles sont situées dans l'Atlantique Sud, à 772 km au nord-est du cap Horn. dans une zone stratégiquement importante, sur les routes du Pacifique (par le passage de Drake) et de l'Océan indien.
Les Malouines sont peuplées d'un peu plus de 1800 habitants, dont 1000 environ dans la capitale, Port Stanley. La grande majorité de cette population de langue anglaise, les « Kelpers », est née dans l'ile et y est installée depuis plusieurs générations. L'élege du mouton constitue l'activité économique traditionnelle de l'archipel, plus de 600000 moutons y étant élevés presque exclusivement pour la laine.
La Falkland Islands Cy, créée en 1851 et appartenant aujourd'hui au groupe Coalitc, est propriétaire de la moitié du cheptel. Elle est le principal producteur de laine, contrôle la plus grande part du commerce local et assure les liaisons maritimes avec le Royaume-Uni en envoyant généralement quatre navires par an pour assurer le ravitaillement du territoire et l'exportation de la laine.
Du point de vue juridique, les Malouines sont en 1982 une colonie de la couronne britannique régie par une Constitution de 1949 modifiée depuis lors à plusieurs reprises. Au moment de la crise, existaient un conseil législatif de neuf membres (dont six élus), un conseil exécutif de six membres (dont deux membres du conseil législatif) et un gouverneur, nommé par la Reine et membre des deux conseils. Outre les Malouines, deux archipels voisins vont jouer un rôle dans la crise de 1982 ; il s'agit de la Georgte du Sud et des iles Sanwich du Sud.


I LE DIFFÉREND DES MALOUINES : SES ASPECTS JURIDIQUES



A. Un litige territorial ancien


a) Un différend né au xvin siècle entre l'Esne et la Grande-Bretagne
Ce différend remonte loin dans l'histoire puisque Argentins et Anglais ne se sont même pas accordés sur a question de savoir qui a découvert les Malouines. Pour les Britan-nique, l'archipel aurait été découvert en 1592: par un navigateur britannique, John Davis, qui selon le récit qu'il fit de son voyage, fut entrainé par une tempête « vers certaines iles jamais decôuvertes auparant situées à 50 lieues ou plus de la côte occidentale et au nord des Détroits », ces derniers termes pount viser le détroit de Magellan. Mais les Argentins soutiennent que ces iles n'étaient pas les Malouines et qu'en réalité l'archipel aurait été découvert soit par les Esnols en 1540, soit plus tard, en 1598, par un Hollandais du nom de Weerdt. Par la suite, l'archipel fut certainement visité par des Anglais (par exemple John Strong en 1690), puis par des chasseurs de phoques français à la fin du xvii siècle et au début du xvin.
Mais ces premières découvertes ou visites ne seront pendant longtemps suivies d'aucune occupation effective et ne feront naitre en conséquence aucun droit à la souveraineté au profit de quiconque.
La première occupation est le fait de la France, et c'est en janvier 1764 que Bougainville, après avoir fondé la Comnie de Saint-Malo, crée sur la Grande Malouine, en un lieu dit « Port-Saint-Louis », un élissement fortifié, abritant une trentaine de personnes. Revenu en France, il offre cette terre au roi de France, qui en prend officiellement possession le 12 septembre 1764.
Presque en même temps, les Anglais envoient, eux aussi, une expédition aux Malouines, et c'est quelques mois plus tard, en janvier 1765, que le contre-amiral anglais Byron débarque non pas sur la Grande Malouine, mais sur l'ile Saunders voisine, à Port Egmont. Un élissement fortifié y est construit par les Britanniques l'année suinte.
La Couronne d'Esne se refuse toutefois à admettre ce nouvel état de fait et de droit et, peu de temps après, le roi d'Esne rappelle qu'en vertu de la bulle du pape inter caetera et du traité de Tordesillas de 1494, confirmés à Munster en 1648, à Madrid en 1667 et à Utrecht en 1714, il a souveraineté sur l'ensemble des terres se trount en Amérique du Sud, à l'exception de celles attribuées au Portugal. Par conséquent, les Malouines, selon la Cour de Madrid, appartenaient à l'Esne ant les expéditions française et anglaise et celles-ci ne pouient opérer un transfert de souveraineté.
Louis XV s'incline dent les revendications des Bourbons d'Esne et, en septembre et octobre 1766, il renonce aux Malouines au profit de Charles III. Bougainville cède en même temps son élissement à l'Esne moyennant le paiement d'une indemnité de 618 108 livres, 13 sols et 11 deniers. Bougainville, en route pour son tour du monde, passe en outre par les Malouines et y guide les navires esnols qui, en janvier 1767, rapatrient les colons français de Port-Saint-Louis à Buenos Aires. Ceux-ci d'ailleurs ne pourront retourner en Europe qu'un an et demi plus tard, les bateaux qui leur étaient destinés ayant entre-temps été réquisitionnés pour le transport des jésuites qui venaient d'être expulsés du Paraguay. Port-Saint-Louis devient à ce moment « Puerto Soledad ».
Londres ayant adopté, face aux prétentions esnoles, une attitude différente de celle de Paris, les Esnols, en juin 1770, expulsent par la force les Anglais de Port Egmont. Puis des négociations s'engagent et un accord intervient, le 22 janvier 1771, entre la Cour de Saint-James et celle de Madrid. Selon cet accord, l'Esne autorise les Britanniques à se rélir à Port Egmont, en précisant que cette décision « ne peut et ne doit nullement affecter la question du droit antérieur de souveraineté sur les iles Malouines autrement dites Falkland ».
Les Britanniques acceptent cette déclaration ambiguë, et les pêcheurs britanniques se rélissent à Port Egmont en septembre 1771, mais quittent finalement les Malouines moins de trois ans plus tard, en mai 1774. Selon les Esnols, ce départ aurait été la conséquence d'un engagement secret pris dès 1771 par les Anglais. Selon ces derniers, il aurait été motivé par le coût et le peu d'intérêt de la colonie. Quoi qu'il en soit, les Britanniques laissent sur place une plaque, précisant que les Falkland sont « le droit exclusif et la propriété de Sa Majesté George III d'Angleterre». Les Esnols enlèvent la plaque en 1775 et détruisent définitivement l'élissement britannique de Port Egmont en 1780.
Si on se place donc à la fin du xvin siècle, on constate que la France a été le premier occupant des Malouines. Elle a cédé ses droits à l'Esne. Dans l'interlle, les Britanniques se sont installés. Ils ont chassé les Esnols, qui, par traité, les ont autorisés à se réinstaller, puis ils sont partis. Un traité ambigu et une plaque contestée seront à l'origine de nouvelles discussions.
b) Un différend réapparu au XIXe siècle entre l'Argentine et la Grande-Bretagne
Le xix siècle verra la naissance du différend anglo-argentin. En 1820, les colonies esnoles d'Amérique devien-neni indépendantes et l'Argentine proclame qu'elle succède à l'Esne en vertu du principe de l'uti possidetis. Selon ce principe reconnu par les pays d'Amérique latine, il n'existait dans l'ancienne Amérique esnole aucun territoire sans maitre. Les territoires qui n'étaient pas occupés en fait doivent donc être considérés comme relent en droit de la République ayant succédé à la province à laquelle les-dites terres auraient été attribuées à l'époque de la colonisation.
En vertu de ce principe, l'Argentine déclare avoir succédé à l'Esne sur les Malouines. En 1823, le gouvernement de Buenos Aires nomme un gouverneur et octroie des terres dans l'archipel. Quelques familles s'installent et un ressortissant argentin, d'origine française, dénommé Vemet, crée un élissement à Puerto Soledad. L'élissement, en 1831, compte une centaine de personnes. Mais, à la suite d'un conflit avec les Etats-Unis d'Amérique sur l'exercice des droits de pêche dans la région, l'élissement est partiellement détruit par la marine américaine et, en 1832, il ne reste qu'environ 25 personnes à Puerto Soledad.
C'est alors que, le 2 janvier 1833, deux navires de guerre britanniques commandés par le capitaine Onslow se présentent dent Puerto Soledad et s'emparent des lieux. L'Argentine proteste en in et les Britanniques s'installent à nouveau aux Malouines. Le différend est réapparu.
Au juridique, deux thèses s'opposent désormais. Le Royaume-Uni rappelle qu'il jouit de titres anciens, remontant à la fondation de Port Egmont et confirmés par l'Esne en 1771. Il ajoute que, même si l'on ne tient pas compte de ces titres, il a occupé l'archipel en 1833, à un moment où il était pratiquement inhabité, et il a pu en prendre légalement possession, s'agissant de terres sans maitre (terra nullius). Enfin, il souligne qu'il a depuis lors exercé pendant cent cinquante ans, de manière effective et continue, la souveraineté sur les Malouines et qu'il peut, de ce fait, invoquer la prescription acquisitive.
Selon l'Argentine, cette thèse est sans leur. L'Angleterre ne saurait en effet tirer aucun droit de l'occupation de Port Egmont de 1765 à 1770, et de 1771 à 1774, car ses droits n'ont été reconnus ni par la France, qui était le premier occupant, ni par l'Esne. Par ailleurs, selon l'interprétation donnée par l'Argentine à l'accord de 1771, la Grande-Bretagne aurait alors renoncé à toute souveraineté sur l'archipel. Enfin, ce dernier n'était pas en 1833 terra nullius, puisqu'un élissement argentin y était installé. Aussi bien l'Argentine a-t-elle protesté à l'époque contre le coup de force britannique et a-t-elle continué à le faire au cours du xixc siècle (aucune prescription ne pount de ce fait lui être opposée).
Au total, il s'agit là d'un différend ancien et complexe, de type classique, mettant en cause la souveraineté sur un territoire disputé. Mais ce litige a pris récemment une forme nouvelle du fait de l'évolution même du droit international et en particulier de l'apparition des Nations unies.

B. Le droit des Nations unies et l'évolution du différend depuis 1945
a) Le droit des Nations unies
La Charte des Nations unies, en son article 1er, paragraphe 2, fait urer parmi les buts des Nations unies le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ». La Charte, par ailleurs, dans son article 73, rappelle :
Les membres des Nations unies qui ont ou qui assument la responsabilité d'administrer des territoires dont les populations ne s'administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent la primauté des intérêts des habitants de ces territoires.
Ainsi apparaissent deux concepts qui vont avoir une grande importance dans la suite du différend anglo-argentin : d'une part celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, dont se réclameront les Britanniques, et d'autre part la simple prise en considération des intérêts des habitants des territoires non autonomes (et non de leurs voux), sur laquelle s'appuieront les Argentins.
Ces concepts de la Charte ont depuis 1945 été précisés par un certain nombre de textes complémentaires. En premier lieu, le pacte sur les droits civils et politiques des Nations unies du 16 décembre 1966 dispose, en son article 1er, paragraphe 1er:
Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique.
En son paragraphe 3, ce même article ajoute :
Les Etats parties au présent pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte.
Ainsi, dans les territoires non autonomes, il convient, selon le pacte, non seulement de privilégier les intérêts des populations, mais encore de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Par ailleurs, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté un certain nombre de résolutions en ce domaine. Encore que ces résolutions n'aient bien entendu par elles-mêmes aucune leur contraignante, il convient de les rappeler. Selon une première résolution n° 1514 (XV), du 14 décembre 1960, dénommée « Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » :
Des mesures immédiates doivent être prises, dans les territoires non autonomes pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires.
Le même jour, l'Assemblée générale a adopté une seconde résolution 1541 (XV), qui précise la précédente en spécifiant que les territoires non autonomes peuvent évoluer vers l'indépendance (dans l'esprit des Nations unies, c'est le cas le plus général), mais aussi vers l'association ou vers l'intégration à un Etat indépendant déjà existant, conformément au vou des populations locales.
Ces résolutions créent enfin un comité des territoires non autonomes qui reçoit des rapports des puissances administrantes sur l'évolution des territoires en cause. Les Malouines furent inscrites très tôt sur la liste de ces territoires non autonomes avec l'accord du Royaume-Uni.



b) Les thèses en présence

Ces textes de base étant rappelés, quelles ont été les thèses en présence pour leur application aux Malouines ?
Selon les Britanniques, les habitants des Malouines ont à plusieurs reprises, notamment lors des élections, exprimé leur désir de demeurer associés à la métropole. Leur volonté est claire. Par conséquent, conformément à la Charte, au pacte et aux résolutions de l'Assemblée générale proclamant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, les Malouines doivent demeurer britanniques.
D'après l'Argentine, au contraire, les habitants des Malouines constituent en réalité une « colonie de caractère artificiel, sans caractère permanent et sans autonomie économique, dont la présence est simplement due aux intérêts des colonisateurs». Il s'agit là d'une situation de type colonial (ainsi que le démontreraient l'existence et le rôle de la Falkland Island Cy). Les voux de ces immigrés ne peuvent être pris en considération et ne sauraient déterminer le sort de l'archipel.
Par ailleurs, les Argentins invoquent une disposition de la résolution 1514 (XV) qui en limite la portée. Selon le paragraphe 6 de cette résolution, en effet :
Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale ou l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte.
Dès lors, la volonté des habitants des Malouines ne saurait porter atteinte à l'unité argentine et à l'intégrité territoriale de l'Argentine. Aussi bien l'Argentine a-t-elle fait une réserve en ce sens lors de sa ratification du pacte sur les droits civils et politiques.
Bien entendu, les Britanniques répondent, quant à eux, en soulignant l'ancienneté et la permanence de leur élissement aux Malouines. Il y ait déjà 2000 habitants dans l'archipel en 1900 et après tout, en Argentine même, bien des populations se sont installées postérieurement. Londres ajoute que le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) sur l'intégrité territoriale des Etats a pour objet d'éviter que dans l'avenir des atteintes soient portées à cette intégrité et non pas de régler des contestations de souveraineté remontant à un passé lointain. En tout état de cause, les Malouines n 'ont jamais fait partie de la nation argentine et il est abusif de considérer qu'en demeurant britanniques, conformément à la volonté de ses habitants, il est porté atteinte à l'unité et à l'intégrité territoriale argentines.



c) L'évolution du différend de 1965 à 1982

Ces thèses étant rappelées, un certain nombre de discussions et de négociations vont s'engager au sein des Nations unies à partir de 1965.
Le 16 décembre 1965, l'Assemblée générale adopte une résolution, la résolution 2065 (XX), sans opposition, mais avec 14 abstentions (dont celles du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de la France). Cette résolution prend note de l'existence d'un différend entre les deux pays «au sujet de la souveraineté sur ces iles » et elle invite les deux gouvernements
à poursuivre sans retard les négociations en vue de trouver une solution pacifique au problème, en tenant dûment compte des objectifs de la Charte, de la résolution 1514 (XV), ainsi que des intérêts de la population des Malouines.
On notera la complexité de cette rédaction, qui fait à la fois référence à la Charte et à la résolution 1514 (XV) (donc, pour les Britanniques, au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes) et aux intérêts des populations (que les Argentins se sont toujours déclarés disposés à respecter dès lors que les voux de ces populations n'étaient pas déterminants).
Conformément à cette résolution, des négociations s'engagent entre les deux pays et aboutissent à une déclaration conjointe anglo-argentine du 1er juillet 1971 et à un échange de lettres du 5 août 1971 élissant un modus vivendi en permettant de créer des liaisons aériennes et maritimes entre l'Argentine et les Malouines et en organisant l'entrée et le séjour des Argentins aux Malouines et vice versa. Ces textes, est-il précisé, ne portent pas atteinte aux positions des deux gouvernements en matière de souveraineté.
L'Assemblée générale des Nations unies adopte par la suite plusieurs nouvelles résolutions tendant à l'accélération des négociations (résolutions 3160 (XXVIII) du 14 décembre 1973 et 31/49 du 1er décembre 1976) ; mais ces négociations échouent de manière permanente sur la question de la souveraineté, car l'Angleterre se déclare prête à tout négocier, sauf la souveraineté, et l'Argentine à procéder de même dès lors qu'elle recouvre sa souveraineté sur l'archipel.
Quant au différend concernant la Géorgie du Sud et les Sandwich du Sud, il demeure latent pendant cette période, mais n'a qu'un caractère accessoire. Les Britanniques aient, dès 1955, saisi la Cour internationale de justice de cette affaire et, de manière plus générale, du différend territorial qui les oppose au Chili et l'Argentine dans l'Antarctique, mais ni Buenos Aires ni Santiago n'aient accepté la juridiction de la Cour et l'affaire était restée en sommeil.
Ainsi, à la veille de la crise, existe un vieux différend territorial entre le Royaume-Uni et l'Argentine, habillé d'une terminologie juridique nouvelle, celle du droit des Nations unies.



II. LA CRISE DES MALOUINES (19 MARS-20 JUIN 1982)


La crise des Malouines sera brève, environ trois mois, du 19 mars au 20 juin 1982. Elle comportera un triple aspect :

. c'est d'abord un conflit armé entre l'Angleterre et
l'Argentine;
part celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, dont se réclameront les Britanniques, et d'autre part la simple prise en considération des intérêts des habitants des territoires non autonomes (et non de leurs voux), sur laquelle s'appuieront les Argentins.
Ces concepts de la Charte ont depuis 1945 été précisés par un certain nombre de textes complémentaires. En premier lieu, le pacte sur les droits civils et politiques des Nations unies du 16 décembre 1966 dispose, en son article 1er, paragraphe 1er:
Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique.
En son paragraphe 3, ce même article ajoute :
Les Etats parties au présent pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte.
Ainsi, dans les territoires non autonomes, il convient, selon le pacte, non seulement de privilégier les intérêts des populations, mais encore de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Par ailleurs, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté un certain nombre de résolutions en ce domaine. Encore que ces résolutions n'aient bien entendu par elles-mêmes aucune leur contraignante, il convient de les rappeler. Selon une première résolution n° 1514 (XV), du 14 décembre 1960, dénommée « Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » :
Des mesures immédiates doivent être prises, dans les territoires non autonomes pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires.
Le même jour, l'Assemblée générale a adopté une seconde résolution 1541 (XV), qui précise la précédente en spécifiant que les territoires non autonomes peuvent évoluer vers l'indépendance (dans l'esprit des Nations unies, c'est le cas le plus général), mais aussi vers l'association ou vers l'intégration à un Etat indépendant déjà existant, conformément au vou des populations locales.
Ces résolutions créent enfin un comité des territoires non autonomes qui reçoit des rapports des puissances administrantes sur l'évolution des territoires en cause. Les Malouines furent inscrites très tôt sur la liste de ces territoires non autonomes avec l'accord du Royaume-Uni.



b) Les thèses en présence

Ces textes de base étant rappelés, quelles ont été les thèses en présence pour leur application aux Malouines ?
Selon les Britanniques, les habitants des Malouines ont à plusieurs reprises, notamment lors des élections, exprimé leur désir de demeurer associés à la métropole. Leur volonté est claire. Par conséquent, conformément à la Charte, au pacte et aux résolutions de l'Assemblée générale proclamant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, les Malouines doivent demeurer britanniques.
D'après l'Argentine, au contraire, les habitants des Malouines constituent en réalité une « colonie de caractère artificiel, sans caractère permanent et sans autonomie économique, dont la présence est simplement due aux intérêts des colonisateurs». Il s'agit là d'une situation de type colonial (ainsi que le démontreraient l'existence et le rôle de la Falkland Island Cy). Les voux de ces immigrés ne peuvent être pris en considération et ne sauraient déterminer le sort de l'archipel.
Par ailleurs, les Argentins invoquent une disposition de la résolution 1514 (XV) qui en limite la portée. Selon le paragraphe 6 de cette résolution, en effet :
Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale ou l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte.
Dès lors, la volonté des habitants des Malouines ne saurait porter atteinte à l'unité argentine et à l'intégrité territoriale de l'Argentine. Aussi bien l'Argentine a-t-elle fait une réserve en ce sens lors de sa ratification du pacte sur les droits civils et politiques.
Bien entendu, les Britanniques répondent, quant à eux, en soulignant l'ancienneté et la permanence de leur élissement aux Malouines. Il y ait déjà 2000 habitants dans l'archipel en 1900 et après tout, en Argentine même, bien des populations se sont installées postérieurement. Londres ajoute que le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) sur l'intégrité territoriale des Etats a pour objet d'éviter que dans l'avenir des atteintes soient portées à cette intégrité et non pas de régler des contestations de souveraineté remontant à un passé lointain. En tout état de cause, les Malouines n 'ont jamais fait partie de la nation argentine et il est abusif de considérer qu'en demeurant britanniques, conformément à la volonté de ses habitants, il est porté atteinte à l'unité et à l'intégrité territoriale argentines.



c) L'évolution du différend de 1965 à 1982

Ces thèses étant rappelées, un certain nombre de discussions et de négociations vont s'engager au sein des Nations unies à partir de 1965.
Le 16 décembre 1965, l'Assemblée générale adopte une résolution, la résolution 2065 (XX), sans opposition, mais avec 14 abstentions (dont celles du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de la France). Cette résolution prend note de l'existence d'un différend entre les deux pays «au sujet de la souveraineté sur ces iles » et elle invite les deux gouvernements
à poursuivre sans retard les négociations en vue de trouver une solution pacifique au problème, en tenant dûment compte des objectifs de la Charte, de la résolution 1514 (XV), ainsi que des intérêts de la population des Malouines.
On notera la complexité de cette rédaction, qui fait à la fois référence à la Charte et à la résolution 1514 (XV) (donc, pour les Britanniques, au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes) et aux intérêts des populations (que les Argentins se sont toujours déclarés disposés à respecter dès lors que les voux de ces populations n'étaient pas déterminants).
Conformément à cette résolution, des négociations s'engagent entre les deux pays et aboutissent à une déclaration conjointe anglo-argentine du 1er juillet 1971 et à un échange de lettres du 5 août 1971 élissant un modus vivendi en permettant de créer des liaisons aériennes et maritimes entre l'Argentine et les Malouines et en organisant l'entrée et le séjour des Argentins aux Malouines et vice versa. Ces textes, est-il précisé, ne portent pas atteinte aux positions des deux gouvernements en matière de souveraineté.
L'Assemblée générale des Nations unies adopte par la suite plusieurs nouvelles résolutions tendant à l'accélération des négociations (résolutions 3160 (XXVIII) du 14 décembre 1973 et 31/49 du 1er décembre 1976) ; mais ces négociations échouent de manière permanente sur la question de la souveraineté, car l'Angleterre se déclare prête à tout négocier, sauf la souveraineté, et l'Argentine à procéder de même dès lors qu'elle recouvre sa souveraineté sur l'archipel.
Quant au différend concernant la Géorgie du Sud et les Sandwich du Sud, il demeure latent pendant cette période, mais n'a qu'un caractère accessoire. Les Britanniques aient, dès 1955, saisi la Cour internationale de justice de cette affaire et, de manière plus générale, du différend territorial qui les oppose au Chili et l'Argentine dans l'Antarctique, mais ni Buenos Aires ni Santiago n'aient accepté la juridiction de la Cour et l'affaire était restée en sommeil.
Ainsi, à la veille de la crise, existe un vieux différend territorial entre le Royaume-Uni et l'Argentine, habillé d'une terminologie juridique nouvelle, celle du droit des Nations unies.



II. LA CRISE DES MALOUINES (19 MARS-20 JUIN 1982)


La crise des Malouines sera brève, environ trois mois, du 19 mars au 20 juin 1982. Elle comportera un triple aspect :

. c'est d'abord un conflit armé entre l'Angleterre et
l'Argentine;
. c'est ensuite une « rupture de la paix » examinée au sein des Nations unies ;
. c'est enfin un différend qui a conduit certains pays tiers à intervenir hors du cadre des Nations unies.

A. Le conflit armé anglo-argentin


a) Les étapes du conflit

Le conflit se dérouler en deux étapes : la conquête de l'archipel par l'Argentine, du 19 mars au 25 avril 1982; la reconquête britannique du 25 avril au 20 juin 1982.
1° Dès le 19 mars 1982, un groupe d'Argentins débarque en Géorgie du Sud, à Leith Harbour, en vue de démonter une ancienne station baleinière, sans se conformer, semble-t-il, aux formalités habituelles d'immigration. Une douzaine d'hommes restent à terre et, le 25 mars, un navire argentin débarque à leur intention du matériel supplémentaire. Le 4 avril, l'ile est occupée militairement.
Dans l'interlle, le 2 avril, l'Argentine enhit les Malouines. La petite garnison britannique se rend immédiatement et, dans les semaines qui suivent, les forces argentines dans l'ile sont renforcées jusqu'à atteindre près de 15 000 hommes.
Quant aux Sandwich du Sud, elles n'ont jamais abrité qu'un élissement de recherche scientifique argentin. Ainsi, le 4 avril, l'Argentine est maitresse de la situation dans les trois archipels.
La réaction britannique est immédiate. Le 3 avril, Mme Thatcher indique aux Communes qu'une force d'intervention nale sera envoyée dans la région. Le secrétaire au Foreign Office, Lord Carringlon, donne sa démission le 5 avril. Une force aéronale et de débarquement est progressivement mise sur pied. Elle sera acheminée vers le théatre d'opérations, via l'ile d'Ascension, et sera finalement très importante puisqu'elle comprendra :
. une quarantaine de navires (dont deux porte-avions, des sous-marins nucléaires d'attaque et des paquebots dont le Queen Elizaheth, transformé en transport de troupes) ;
. des aéronefs embarqués (Sea-Harriers et hélicoptères) ou opérant à partir d'Ascension (notamment des avions Vulcan, appareils d'attaque nucléaire reconvertis en bombardiers conventionnels, et des avions Nemrod, détecteurs de navires de surface) ;
. enfin, des troupes de débarquement (y compris des commandos spécialisés).
2° La reconquête s'amorce à partir du 25 avril par la reprise de la Géorgie du Sud, qui fournit à la fois un havre pour les navires et une base terrestre (mais non aérienne).
Puis, après cette reconquête, se développe la guerre aéronale. Le 1er mai, une première attaque aérienne est lancée par les Anglais contre Port Stanley. Le 2 mai, le croiseur argentin General Delgrado est coulé par un sous-marin britannique; l'incident fait 300 morts. Le 4 mai, le destroyer britannique Sheffield est incendié par un missile Exocet argentin causant 25 morts.
Enfin, dans une troisième phase, les Britanniques débarquent aux Malouines. Le 21 mai, une tête de pont est installée au nord-ouest de la Grande Malouine, dans la baie de San Carlos. La guerre aéronale se poursuit. Deux frégates britanniques (Ardent et Antelope) sont coulées les 21 et 24 mai ; le destroyer Coventry et un transport de troupes, l'Atlantic Conveyor, le sont à leur tour le 25 mai. Mais les Anglais progressent sur terre et, le 20 juin, obtiennent la reddition de Port Stanley. Peu de temps après, ils invitent ia mission scientifique argentine de Thulé à quitter les Sandwich du Sud.


b) L'application du droit de la guerre lors du conflit

1° Le droit traditionnel de la guerre, tel qu'on le conceit au xixc siècle et au début du xxe, impliquait des actes clairs d'ouverture et de fin des hostilités. L'article 1er de la troisième convention de La Haye du 18 octobre 1907 dispose en effet :
Les hostilités ne doivent pas commencer sans un avertissement préalable et non équivoque, qui aura soit la forme d'une déclaration de guerre motivée, soit celle d'un ultimatum avec déclaration de guerre conditionnelle.
De même, pour la fin des hostilités, le droit classique prévoit la conclusion d'une convention d'armistice, puis d'un traité de paix.
Ceci étant, ce droit traditionnel a évolué au cours des quarante dernières années, notamment du fait de l'interdiction du recours à la force par la Charte des Nations unies. Par voie de conséquence, depuis 1945, la plupart des conflits armés internationaux, sinon tous, n'ont fait l'objet d'aucune déclaration de guerre en bonne et due forme.
Telle a été la situation dans le cas des Malouines. L'insion argentine est opérée en mars 1982 sans déclaration de guerre et sans ultimatum. Pendant le conflit, le Royaume-Uni déclare qu'il n'est pas en étal de « guerre » avec l'Argentine et Buenos Aires précise être « techniquement » mais non « juridiquement » en guerre. Seul le Conseil de Sécurité constate par sa résolution 502 qu'il existe une « rupture de la paix » dans la région des Malouines. Ce conflit armé qui éclate sans déclaration de guerre, ni ultimatum, se termine en outre sans convention d'armistice, ni traité de paix, mais par un acte de reddition signé du général en chef argentin commandant à Port Stanley.
2° Les hostilités ont par ailleurs été conduites dans une zone géographique bien délimitée proche de l'archipel. Dès le 3 avril, le Royaume-Uni inslitue à partir du 12 avril, à 4 heures TU (temps universel), une « zone maritime interdite» de 200 milles marins autour des Malouines, à l'intérieur de laquelle tout batiment de guerre ou navire auxiliaire argentin sera considéré comme « hostile » et, de ce fait, pourra être attaqué par les forces britanniques. L'Argentine proteste contre ce « blocus » et, de son côté, déclare « théatre d'opérations de l'Atlantique Sud » une zone de 200 milles à partir des côtes argentines (continent et archipel).
Puis le 23 avril 1982, le gouvernement britannique, « dans l'exercice de son droit légitine de défense », fait connaitre au gouvernement argentin que « tout mouvement de batiments de guerre argentins, y compris les sous-marins et auxiliaires nals, ou d'avions militaires, qui pourrait être considéré comme menaçant d'entraver la mission des forces britanniques dans l'Atlantique suscitera une réponse appropriée. Tous avions argentins, y compris les avions civils chargés de la surveillance desdites forces britanniques, seront considérés comme des éléments hostiles et seront traités en conséquence ».
Enfin, le 28 avril, le Royaume-Uni transforme cette zone de 200 milles en « zone maritime totalement interdite » à compter du 30 avril (11 heures TU). Sous certaines conditions, il retendra finalement le 7 mai jusqu'à 12 milles des côtes argentines.
Les deux parties notifient par ailleurs à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), par application de l'article 89 de la convention de Chicago, que l'état d'urgence a été déclaré aux Malouines.
Ainsi les Britanniques ont fixé à l'ance le théatre des opérations (à savoir l'archipel des Malouines et une certaine zone maritime alentour). Les Argentins ont fait de même, encore que ces deux zones ne coïncident pas exactement. Mais le théatre de guerre n'en a pas moins été défini et limité.
3° Les hostilités seront par ailleurs menées pour l'essentiel conformément aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949 sur le droit humanitaire qui s'appliquent, même en l'absence de guerre déclarée, dès lors qu'il y a hostilité de fait.
Les deux premières conventions sur les blessés et malades n'ont pas posé de problème particulier. Elles ont été convenablement appliquées de part et d'autre. La seule difficulté qui soit apparue concerne les navires-hôpitaux. Ceux-ci ne peuvent, selon l'article 22 de la deuxième convention, être ni attaqués, ni capturés. Mais, d'après l'article 30 du même texte, ils ne doivent « gêner en aucune manière les mouvements des combattants ». Pour plus de sûreté, une zone réservée à la Croix-Rouge d'une vingtaine de milles marins de diamètre fut créée en haute mer à 20 milles au nord de l'archipel. Les moyens de transmission et d'identification furent améliorés dans cette zone et il y fut procédé à des échanges de blessés sous l'égide du Comité international de la Croix-Rouge (C1CR). Ces mesures furent extrêmement utiles, mais Buenos Aires n'en accusera pas moins Londres de ne pas respecter les conventions applicables à l'occasion des incidents de l'Uganda, le 29 mai, et du Bahia Paraiso. le 11 juin 1982.
La troisième convention sur les prisonniers de guerre a, quant à elle, été appliquée de manière satisfaisante par les deux parties, qui ont même été au-delà. Cette convention dispose en effet en son article 118 que les prisonniers « seront libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités actives ». Mais, en fait, les prisonniers britanniques de la garnison des Malouines ont été immédiatement libérés et rapatriés par les Argentins. Il en a été de même des prisonniers argentins de Géorgie du Sud, les rapatriements ayant été opérés via 1* Uruguay, là encore sous le contrôle du CICR. Enfin, l'acte de reddition de Port Stanley comporte une disposition selon laquelle « les prisonniers seront traités dans l'honneur conformément aux conditions fixées par la convention de Genève de 1949». Les Argentins auraient voulu que les intéressés transitent là encore par Montevideo, alors que les Anglais entendaient les rapatrier directement sur l'Argentine. Cette dernière solution fut finalement retenue, malgré les inconvénients politiques qu'elle présentait pour Buenos Aires.
Parmi les prisonniers faits par le Royaume-Uni en Géorgie du Sud, se trouit un militaire argentin du nom d'Astiz, soupçonné d'avoir torturé deux religieuses françaises disparues en Argentine. La France en demanda l'extradition. Les Anglais rappelèrent que, selon l'article 17 de la troisième convention de Genève, les prisonniers n'ont l'obligation de répondre qu'à un certain nombre de questions et que, selon l'article 85 de la même convention, le fait d'être prisonnier n'empêche pas des poursuites par la puissance détentrice (en l'espèce le Royaume-Uni) pour des actes commis et des procédures engagées ant que les intéressés soient prisonniers. Mais ils soulignèrent que ce texte ne contient aucune disposition able en ce qui concerne les poursuites engagées par des Etats tiers et refusèrent en conséquence d'extrader l'intéressé. Ce dernier fut donc restitué à l'Argentine avec les autres prisonniers.
Quant à la quatrième convention de Genève sur les personnes civiles, elle eut l'occasion de s'appliquer peu de temps ant la reddition de Port Stanley. Le 14 juin 1982, les autorités argentines, sur la suggestion du CICR, élissent en effet, dans le centre de Port Stanley, une zone dans laquelle il est entendu qu'il n'y aura pas de combats, et où les blessés, les malades et les personnes civiles visées au texte peuvent être mis à l'abri.
Ainsi, du point de vue du droit humanitaire, le conflit s'est déroulé dans des conditions conformes, dans leur ensemble, aux conventions de Genève.
Reste une difficulté de ce point de vue, celle des mines. Les Argentins aient posé de nombreuses mines autour de Port Stanley pour en défendre l'accès. Les Anglais ont demandé, après la reddition, à recevoir les s des champs de mines pour pouvoir déminer les lieux. Il existe en effet une convention du 10 octobre 1980, signée du Royaume-Uni et de l'Argentine, mais non ratifiée par ces pays, qui comporte un protocole n° 2 sur les armes inhumaines, énonçant diverses obligations destinées à permettre le retrait des mines après la fin des hostilités (en particulier grace à la communication de renseignements concernant l'emplacement des champs de mines). Cette convention n'était cependant pas applicable à l'époque et, si elle est entrée en vigueur depuis lors, elle n'a pas encore été ratifiée par les deux pays.
Il n'en reste pas moins que, dans l'affaire du détroit de Corfou, la Cour internationale de justice a jugé, le 9 avril 1949, à propos des mines demeurées dans ce détroit, que les Etats ont en ce domaine un devoir de coopération en vertu de « certains principes généraux et bien reconnus, tels que des considérations élémentaires d'humanité ». Aussi l'Argentine était-elle dans l'obligation, dès la fin du conflit, de faire parvenir aux Britanniques les renseignements en sa possession permettant le déminage (ce qui, d'après les Britanniques, n'aurait pas été le cas).
En définitive, le conflit anglo-argentin a été un conflit géographiquement limité qui s'est déroulé sans déclaration de guerre ni cessation officielle des hostilités, mais dans lequel chacun des belligérants a entendu respecter les règles du droit humanitaire gouvernant les conflits armés.

B. L'action des Nations unies

a) La résolution du Conseil de Sécurité du 3 avril 1982
Dès le 1er avril 1982 (donc la veille de l'insion des Malouines), le président du Conseil de Sécurité est saisi par le Royaume-Uni. II exprime alors au nom du Conseil sa préoccupation « dent la tension qui règne dans la région des iles Malouines » et demande aux gouvernements de l'Argentine et du Royaume-Uni de s'abstenir de recourir à la menace ou à l'emploi de la force dans la région et de continuer à rechercher une solution diplomatique. Cet appel bien entendu vise, à l'époque, l'Argentine.
Le 2 avril, celle-ci enhit cependant l'archipel. Le lendemain, 3 avril, le Conseil de Sécurité, par dix voix contre une (celle de Panama), avec quatre abstentions, vote une résolution d'origine britannique, la résolution 502, dans laquelle le Conseil se déclare « profondément troublé par les nouvelles de l'insion, le 2 avril 1982, par les forces armées de l'Argentine » et constate qu'« il existe une rupture de la paix dans la région». Le Conseil «exige une cessation immédiate des hostilités » (paragraphe 1 ) et « le retrait immédiat de toutes les forces argentines des Malouines » (paragraphe 2). Il demande enfin aux deux gouvernements de rechercher une solution diplomatique à leur différend (paragraphe 3).
Cette résolution soulève trois questions de droit d'un vif intérêt. Quel en est le fondement ? Quelle en est la nature ? Quelle en est la portée ?
1° En vue de déterminer le fondement de la résolution, il convient de rappeler que la Charte des Nations unies comporte deux chapitres distincts :
. le chapitre VI sur le règlement pacifique des différends, qui a pour objet de définir les procédures dent permettre aux Etats parties à un différend de le régler pacifiquement (notamment grace à l'intervention du Conseil de Sécurité) ;
. le chapitre VII sur l'action du Conseil de Sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression.
Se trouit-on, au cas particulier, dans les prévisions du chapitre VI ou dans celles du chapitre VII ? La question était d'importance.
En effet, la question se posait de savoir si en l'espèce le Royaume-Uni pouit ou non voter et si, par suite, une résolution aurait pu être adoptée contre sa volonté. Pour trancher cette question, il faut revenir à l'article 27, paragraphe 3, de la Charte, selon lequel les décisions du Conseil de Sécurité sur toute question autre que de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, étant entendu que, dans les décisions prises aux termes du chapitre VI, une partie à un différend s'abstient de voter. Dès lors, si le Conseil de Sécurité agissait au cas particulier pour régler un différend anglo-argentin, le Royaume-Uni n'ait pas de droit de vote. En renche, s'il constatait une menace contre la paix, une rupture de la paix, ou un acte d'agression et se prononçait dans le cadre du chapitre VII, le Royaume-Uni ait le droit de vote.
Il peut paraitre paradoxal au lecteur non averti de la Charte que celle-ci donne à un membre permanent du Conseil de Sécurité « le droit de veto » dans les cas les plus graves, ceux du chapitre VII, alors qu'il ne dispose pas d'un tel droit dans les hypothèses moins graves du chapitre VI. Mais ceci correspond à la volonté des rédacteurs de la Charte, pour lesquels les membres permanents deient demeurer maitres du mécanisme de sanction collective prévu au chapitre VII.
En l'espèce, la question a été posée au Conseil de Sécurité par le représentant du Panama, ant le vote, de savoir quel était l'objet de la résolution en discussion. Le représentant du Royaume-Uni a répondu en précisant que le projet ait pour objet « de demander à l'Argentine de se conformer à des mesures provisoires recommandées » en vertu de l'article 40 de la Charte. Or l'article 40 ure dans le chapitre VII. Donc, il était clair que le Royaume-Uni se plaçait sur le terrain du chapitre VII et qu'il était de ce fait en droit de voter. Il fut procédé de la sorte (et cette prise de position se révéla par la suite importante, puisque, en d'autres circonstances, une nouvelle résolution sur les Malouines ne put être adoptée du fait de l'opposition du Royaume-Uni).
2° Cette résolution pose une deuxième question. S'agit-il d'une simple recommandation ou d'une décision obligatoire ?
Le Conseil de Sécurité peut en effet faire des recommandations, que l'on soit dans le domaine du chapitre VI ou dans celui du chapitre VU, mais il peut aussi, dans l'un et l'autre cas, prendre des décisions obligatoires par application de l'article 25 de la Charte. Bien que le représentant du Royaume-Uni ait mentionné l'article 25 après le vote, il ne semble pas que la résolution 502 puisse être regardée comme une décision. En effet, ant ce même vote, le Royaume-Uni ait fait référence à l'article 40, qui vise des mesures provisoires auxquelles le Conseil de Sécurité peut «inviter» les parties à se conformer. En outre, les termes mêmes de la résolution confirment cette interprétation, le Conseil exprimant une ferme invitation (en anglais demand) et non un ordre.
3° Enfin, on a pu s'inquiéter en un dernier débat de la portée de la résolution. Quel était son sens ? Quelles étaient les obligations des parties ?
Selon les Argentins, le paragraphe 1er de la résolution 502 exige la cessation immédiate des hostilités. Le paragraphe 3 invite les parties à négocier dans le respect de la Charte, donc dans le respect des résolutions de l'Assemblée générale (plus favorables à l'Argentine qu'à l'Angleterre). Le Royaume-Uni, en tentant de reconquérir les Malouines par la force et en refusant une négociation sur la base de ces résolutions, viole par là même la résolution 502. Par voie de conséquence, l'Argentine n'est plus tenue par les dispositions du paragraphe 2 lui demandant d'écuer ses troupes. La thèse anglaise est inverse. Le Royaume-Uni proclame, certes, comme l'Argentine, que les trois paragraphes de la résolution 502 sont indissociables. Mais il souligne que l'Argentine ne respecte pas ses obligations en vertu du paragraphe 2 et en déduit que le Royaume-Uni peut légitimement poursuivre les hostilités, malgré les dispositions du paragraphe 1er. Ce faisant, le Royaume-Uni se bornerait d'ailleurs à faire face à une « insion », donc à une agression (selon les propres termes de l'article 3 (a) de la résolution définissant l'agression approuvée par l'Assemblée générale le 14 décembre 1974). Il exercerait ainsi son droit de légitime défense conformément à l'article 51 de la Charte! A cela l'Argentine réplique que le droit de légitime défense n'est reconnu qu'en cas d'«agression armée».

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ

La Charte des Nations unies confie au Conseil de Sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Dans l'accomplissement des devoirs que lui impose cette responsabilité, le Conseil agit conformément aux buts et principes des Nations unies. Ses pouvoirs sont déterminés par la Charte.
Le Conseil de Sécurité, initialement composé de onze membres, en comprend maintenant quinze. La République populaire de Chine, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, les Etats-Unis d'Amérique et la Fédération de Russie sont membres permanents. Les dix autres membres du Conseil sont élus pour deux ans par l'Assemblée générale et renouvelés par moitié tous les ans. En procédant à cette élection, l'Assemblée veille à assurer une représentation géographique équile des différents continents.
Le Conseil de Sécurité prend ses décisions par un vote affirmatif de neuf membres. Toutefois, si la décision envisagée porte sur une question de fond et non de procédure, elle doit non seulement recueillir cette majorité, mais encore ne pas se heurter à un vote négatif d'un membre permanent.
Le Conseil tient du chapitre VI de la Charte compétence pour régler les différends interétatiques susceptibles de menacer la paix et la sécurité internationales. Il peut, dans le cadre du chapitre VII, constater l'existence d'une telle menace, d'une rupture de la paix et d'un acte d'agression, et prendre diverses mesures destinées à maintenir ou rélir la paix et la sécurité. Ces mesures peuvent aller jusqu'à l'emploi de la force armée.
Or c'est le Royaume-Uni qui, en reprenant les hostilités contrairement à la résolution 502, est l'agresseur. En outre, ce droit ne peut s'exercer que «jusqu'à ce que le Conseil de Sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ». Il ne peut donc jouer après l'adoption de la résolution 502. Les hostilités doivent cesser.
Mais, selon les Britanniques, le droit de légitime défense joue, d'après l'article 51 .jusqu'à ce que les « mesures nécessaires » aient été prises par le Conseil de Sécurité. La logique veut que l'on entende par « mesures nécessaires » « les mesures réellement de nature à réaliser l'objectif fixé ». « Il est clair que les exigences du Conseil de Sécurité dans sa résolution 502 se sont avérées insuffisantes et qu'en conséquence, il n'a pas été porté atteinte au droit de légitime défense du Royaume-Uni. »
Ainsi se développe entre les deux pays une discussion sur les pouvoirs du Conseil de Sécurité et l'étendue du droit de légitime défense, à laquelle s'ajoutent des interprétations divergentes de la résolution 502 qui conduisent chacun à soutenir qu'il est dans son bon droit.


b) La situation aux Nations unies d'avril à juin 1982

Après le vote de cette résolution par le Conseil de Sécurité, règne une intense activité diplomatique. Le secrétaire d'Etat américain, M. Haig, s'offre, du 10 au 30 avril, comme médiateur entre Buenos Aires et Londres. Cette tentative échoue une nouvelle fois sur le problème de la souveraineté, celle-ci n'étant négociable ni pour le Royaume-Uni, ni pour l'Argentine, ainsi que le montrent les communiqués des deux parties du Ier mai 1982.
A la médiation américaine succède, à partir du 2 mai, une tentative analogue du secrétaire général des Nations unies avec l'appui du Conseil de Sécurité. Cette tentative ne donne pas dantage de résultat et, le 26 mai, le Conseil de Sécurité vote une nouvelle résolution 505 qui remercie le secrétaire général, M. Perez de Cuellar, de ses efforts et le prie d'entreprendre une mission renouvelée de bons offices « en tenant compte de la résolution 502 » et « de prendre immédiatement contact avec les parties en vue de négocier les conditions mutuellement acceples pour un cessez-le-feu ».
Cette résolution est nettement plus favorable aux Argentins que ne l'était la première résolution du Conseil. En effet, elle ne rappelle plus l'obligation de retrait des forces argentines posée par la résolution 502 et, si elle mentionne cette dernière, elle demande seulement qu'il en soit «tenu compte ». Quant au cessez-le-feu envisagé, il deit normalement conduire à stopper l'offensive terrestre britannique qui s'amorce et, par suite, à permettre à l'Argentine de se maintenir à Port Stanley.
Aussi les Britanniques déclarent-ils que, s'ils sont prêts à observer un cessez-le-feu, celui-ci doit être combiné avec l'écuation des forces argentines prévue par la résolution 502. Les Argentins s'y refusent et le secrétaire général échoue dans sa tentative.
Finalement, le 2 juin, c'est-à-dire peu de temps ant la reddition de Port Stanley, le Royaume-Uni met son veto à une proposition de résolution de Panama et de l'Esne qui « demande aux parties d'instituer un cessez-le-feu immédiat ».
Ainsi, la situation diplomatique au Conseil de Sécurité a nettement évolué d'avril à juin. Initialement, la Grande-Bretagne a réussi à obtenir le vote d'une résolution qui lui est très favorable, puisqu'elle exige l'écuation des troupes argentines. Puis sa position s'affaiblit progressivement jusqu'au point où Londres, à la veille de la reddition des forces argentines, doit s'opposer, dans le cadre du chapitre Vil, à une résolution tendant à un simple cessez-le-feu.
Au total, l'action des Nations unies dans cette crise ne parait pas couronnée de succès.

C. L'action des Etats tiers

Des Etats tiers ont, en dehors du cadre des Nations unies, été amenés à intervenir dans le conflit anglo-argentin, ce qui n'a pas manqué de poser divers problèmes de droit, qu'il s'agisse des alliés du Royaume-Uni ou de ceux de l'Argentine.


a) Les alliés du Royaume-Uni

Les Malouines se trouvent dans une zone géographique qui n'entre ni dans les prévisions du traité de l'Atlantique Nord, ni dans celles du traité de Bruxelles. Dès lors, les alliés du Royaume-Uni n'aient pas en l'espèce d'obligation d'assistance envers Londres.
1° Ils n'en ont pas moins appliqué un certain nombre de mesures de nature économique contre l'Argentine. Bien entendu, les premières de ces mesures ont été le fait des Britanniques. Dès le 3 avril, le Royaume-Uni bloque les avoirs argentins se trount sur son territoire et suspend la garantie de l'Export Crédit Guarantee Department (ECGD) pour toute nouvelle exportation vers l'Argentine. Puis, le 7 avril, le Royaume-Uni met l'embargo sur toutes les importations en provenance d'Argentine, sauf pour les expéditions antérieures à cette date et réalisées ant le 28 mai. Enfin, le 20 avril, le Royaume-Uni interdit le transit au Royaume-Uni des marchandises argentines, sauf vers les autres pays membres de la Communauté économique européenne. Ainsi, les relations économiques entre l'Argentine et le Royaume-Uni sont pour l'essentiel suspendues.
Les autres membres de la Communauté économique européenne prennent rapidement des mesures analogues. Dès le 2 avril, la France suspend toute livraison d'armes à l'Argentine. Puis, à la demande du Royaume-Uni, une concertation communautaire s'engage. Elle conduit le 16 avril à l'adoption d'un règlement de la Communauté économique européenne n°877-82 et d'une décision de la Communauté du charbon et de l'acier n° 82-221. Ce règlement et cette décision suspendent pour un mois l'importation des produits argentins dans la Communauté. Cette mesure comporte cependant trois exceptions pour les titres d'importation délivrés, les contrats conclus et les expéditions effectuées ant le 16 avril. En même temps, la Communauté autorise le Royaume-Uni à maintenir des règles plus strictes.
Ces mesures communautaires seront prorogées le 18 mai pour une semaine, puis, le 24 mai, sans limitation de durée. Mais à cette dernière date les gouvernements italien et irlandais feront une déclaration selon laquelle
sur la base de l'article 213 du traité, ils n'appliqueront pas, en ce qui les concerne, les mesures de suspension des importations des produits originaires d'Argentine et examineront avec la Commission, conformément à l'article 225, les mesures nécessaires pour éviter le détournement du trafic.
Ces mesures communautaires, ainsi confirmées et limitées, seront levées le 21 juin, au lendemain de la reddition de Port Stanley, et les livraisons d'armes pourront reprendre à l'automne 1982.
Un certain nombre d'autres pays, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, la Norvège, les Etats-Unis, prendront des mesures analogues à l'égard de l'Argentine, mais généralement ces mesures seront plus tardives et moins contraignantes. C'est ainsi qu'après l'échec de la mission Haig les Etats-Unis suspendront les exportations d'armes et les garanties financières concernant les exportations vers l'Argentine. Mais les Etats-Unis ne suspendront pas leurs importations en provenance de ce pays.
Les mesures ainsi adoptées posaient deux séries de problèmes juridiques :
. en premier lieu, au sein de la Communauté économique européenne ;
. en second lieu, dans les relations des pays intéressés avec l'Argentine.
2° Au sein de la Communauté économique européenne, s'est engagée une querelle juridique complexe concernant les conditions dans lesquelles les décisions en cause pouient être prises.
Le problème tenait à l'interprétation de deux articles du traité de Rome, l'article 113 et l'article 224. L'article 113 donne compétence à la Commission pour proposer au Conseil des mesures destinées à mettre en ouvre la politique commerciale commune. Le Conseil adopte ces mesures. Il s'agit là d'une matière de compétence communautaire. En renche, l'article 224 reconnait autorité aux Etats membres, et non pas aux institutions communautaires, pour prendre des mesures « en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre ».
Les mesures que l'on envisageait à l'égard de l'Argentine étaient-elles de compétence communautaire (article 113) ou de compétence nationale (article 224) ?
Les partisans de la première thèse soutiennent que la politique commerciale commune se définit par son objet : elle couvre toutes les mesures prises en matière de commerce extérieur. Or la suspension des importations envisagée vise inconteslement le commerce extérieur de la Communauté. Donc, elle entre dans les prévisions de l'article 113 et ne peut être décidée que par le Conseil sur proposition de la Commission. Aussi bien cette solution a-t-elle l'antage de permettre l'adoption des mesures en cause par règlement communautaire. Un tel règlement, en vertu de l'article 189 du traité de Rome, est directement applicable dans les Etats membres, dès sa publication au Journal officiel des Communautés. II évite de ce fait, dans certains Etats membres, le recours aux procédures parlementaires et les retards correspondants.
Selon les tenants de la seconde thèse, la politique commerciale commune ne se définit pas par son objet, mais par son but. L'article 113 donne dès lors compétence à la Communauté pour adopter les seules mesures tendant dans un but commercial à réglementer les importations et les exportations. Mais il ne s'applique pas lorsque cette réglementation est édictée dans un but politique. Dans cette hypothèse, la compétence est nationale. Les contre-mesures envisagées relèvent donc des pays membres et elles doivent seulement être coordonnées, conformément à l'article 224. Telle ait d'ailleurs été la solution retenue en 1980 lorsqu'à la suite de prises d'otages à l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran les pays membres de la Communauté aient suspendu certaines relations commerciales avec l'Iran (par exemple, pour la France, le décret du 21 mai 1980 abrogé le 21 janvier 1981).
Une discussion s'engagea à ce sujet à Bruxelles et aboutit à une solution ad hoc. Les Etats membres convinrent que la situation dans laquelle ils se trouient correspondait aux prévisions de l'article 224 et qu'il y ait par suite lieu à consultation entre eux, mais ils estimèrent qu'une fois cette consultation opérée ils pouient adopter une décision communautaire au titre de l'article 113.
Toutefois, trois pays, le Danemark, puis l'Italie et l'Irlande, réserveront leur position sur cette décision communautaire, soit sur la procédure, soit au fond. Après l'adoption du règlement, le gouvernement de Copenhague saisira en effet le parlement danois comme s'il s'était agi d'une mesure nationale. Par la suite, l'Italie et l'Irlande se dissocieront au fond de la décision communautaire tout en s'engageant à se consulter avec la Commission pour éviter des détournements de trafic.
Il apparait ainsi clairement que la solution retenue ait eu pour objet essentiel d'aboutir à l'unanimité tout en résernt le point de vue de chacun sans souci excessif de cohérence juridique.
3° Les mesures prises par les alliés du Royaume-Uni en vue de soutenir ce dernier souleient par ailleurs certains problèmes dans les relations de ces pays avec l'Argentine. En effet, le gouvernement argentin, par une déclaration du 10 avril 1982, condamna les mesures alors envisagées par la Communauté économique européenne comme « contraires aux normes et pratiques du droit international » et constituant une « agression économique flagrante ». Dans cette perspective, la légalité des mesures en cause doit être appréciée à la fois au regard du droit de la neutralité et du droit du commerce international.
Le droit de la neutralité a été codifié au début de ce siècle dans les conventions de La Haye n° V et XIII du 18 octobre 1907 et dans la déclaration de Londres du 16 février 1909, qui reflètent très largement le droit coutumier international. Selon ce droit, les Etats neutres ont certains devoirs. Ils doivent en particulier s'abstenir de toute assistance hostile et traiter les adversaires de manière égale, au moins en matière de transit et d'exportation d'armes et de munitions.
Le droit de la neutralité a connu cependant une certaine évolution depuis la Seconde Guerre mondiale, et l'on a vu apparaitre le concept de neutralité qualifiée ou de non-belligérance. Dans cette perspective, en cas d'agression d'un Etat contre un autre Etat, un Etat tiers peut ne pas traiter également les belligérants, dès lors qu'il s'abstient de prendre part à toute opération militaire.
En l'espèce, les alliés du Royaume-Uni ont usé de la seconde formule. Ils ont rappelé que le Conseil de Sécurité, par la résolution 502, ait condamné « l'insion » des Malouines par l'Argentine, souligné qu'aux termes de la résolution de l'Assemblée générale sur la définition de l'agression une « insion » est une « agression », et conclu qu'à la suite de cette agression de l'Argentine contre le Royaume-Uni ils pouient aider la Grande-Bretagne, en demeurant non belligérants, sans violer le droit international.
L'interdiction des importations en provenance d'Argentine posait par ailleurs certaines questions au regard du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Elle était, en effet, contraire à plusieurs dispositions de cet accord et plus particulièrement à l'article XI (interdiction des prohibitions et des restrictions à l'importation autres que les droits de douane) et à l'article XIII (interdiction de toute discrimination en ce domaine).
Cette interdiction ne trouit pas de fondement juridique direct dans les résolutions du Conseil de Sécurité (qui n'ait rien ordonné de ce genre alors qu'il en ait le pouvoir). Elle ne pouit donc se justifier que dans le cadre de la théorie des représailles ou de dispositions spécifiques du GATT.
Aussi bien l'Argentine s'en est-elle plainte auprès du Conseil du GATT, qui en a délibéré à plusieurs reprises en 1982 sans prendre de décision. Au cours de ces délibérations, la Commission des Communautés, au nom des Dix, a défendu la décision de ceux-ci en se référant à la pratique du GATT et « aux droits naturels dont l'article XXI de l'accord général est l'expression », cet article précisant qu'
aucune disposition du présent accord ne sera interprétée comme empêchant une partie contractante de prendre toutes mesures qu'elle estimera nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité appliquées en temps de guerre ou en cas de grave tension internationale.
L'Argentine a contesté l'interprétation donnée par la Communauté à l'article XXI et, finalement, le Conseil du GATT a adopté, le 29 novembre 1982, une déclaration ambiguë selon laquelle
les parties contractantes s'engagent individuellement et collectivement à s'abstenir de prendre, pour des raisons de nature autre qu'économique, des mesures de restriction des échanges qui ne seraient pas conformes à l'accord général.
Sans adopter les thèses britanniques sur les Malouines, les alliés du Royaume-Uni l'ont ainsi soutenu diplomatiquement et économiquement à la suite de l'insion de l'archipel.


b) Les alliés de l'Argentine

Le texte applicable est ici le traité d'assistance mutuelle interaméricaine, signé à Rio de Janeiro le 2 septembre 1947, et auquel sont parties, avec l'Argentine, les pays latino-américains, les Etats-Unis et certains pays de la zone caraïbe.


L'article 3 de ce traité dispose :

Une attaque armée provenant de quelque Etat contre un Etat américain sera considérée comme une attaque contre tous les Etats américains ; en conséquence, chacune des parties contractantes s'engage à aider à faire face à l'attaque, en exercice du droit naturel de légitime défense individuelle et collective, que reconnait l'article 51 de la Charte des Nations unies.
Cette clause est lable dans la région géographique à laquelle s'applique le traité et cette région comprend les Malouines. Ainsi, les Etats parties



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Une harmonisation limitÉe des rÉglementations
La redistribution rÉparatrice : les fonds structurels
L absence de vÉritable politique macroÉconomique de lutte contre le chÔmage
La timide crÉation d un espace de concertation europÉen
L affichage politique d objectifs communs en matiÈre d emploi
La pac originelle : une politique fondÉe sur des prix ÉlevÉs
Crise et rÉvisions de la pac : le retour du marchÉ
La politique commerciale
Politique de coopÉration et convention de lomÉ
L union europÉenne et les peco
Le sme : une zone de paritÉs fixes plus l ecu
Le bilan : stabilitÉ, dynamisme de l ecu, convergence et asymÉtrie
Les prÉalables de l union monÉtaire
Institutions monÉtaires, politique monÉtaire et politique de change
Les politiques Économiques dans le cadre de la monnaie unique
Construction européenne et redéfinition de l intervention publique
Comment préserver le modèle social européen?
Le modèle de développement européen a-t-il un avenir dans la mondialisation?
Le modèle social européen comme mécanisme de partage collectif des risques
Centre d analyse stratégique - projet politique européen
L europe, quel modèle économique et social ?
Les grandes crises internationales