Pourtant, il faut admettre que ce modèle n'existe pas, du moins pas au sens auquel de nombreux autres pays qui souhaiteraient copier les systèmes de protection sociale d'Europe occidentale l'entendent.
Ces pays cherchent au contraire à préserver leur compétitivité en employant des moyens moins coûteux pour assurer une protection sociale sans perdre en productivité, défaut souvent imputé aux Européens.
En outre, on peut aussi arguer que le modèle social européen n'est pas particulièrement social, car de nombreux systèmes de protection tels que les dispositifs de départ en préretraite visent délibérément à exclure des citoyens du second réseau social : le marché du trail. Il n'est pas non plus spécifiquement européen, compte tenu des fortes différences entre les systèmes de protection de tous les États membres de l'Union européenne.
Il existe toutefois une forme d'identité sociale commune, au sens où nous nous considérons comme des citoyens socialement concernés. Dans une certaine mesure, cet état d'esprit fait partie de notre héritage chrétien, mais aussi idéologique. Les conserteurs britanniques, par exemple, se réfèrent à Disraeli, tandis que les Allemands ne renient pas leur passé bis-marckien. Et dans tous les pays d'Europe occidentale existent de puissants mouvements démocratiques qui considèrent la création d'un État providence comme la voie de la liberté. Il subsiste donc une forte tradition d'élaboration de politiques sociales fondées sur l'action collective, sur l'ensemble du spectre politique, des socialistes aux conserteurs en passant par les libéraux.