NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La liberté de la presse La liberté du journalisteLe journal vaut avant tout par le journaliste. La qualité et l'indépendance du journal sont principalement fonction de la qualité et de l'indépendance de ceux qui le font : d'où le caractère essentiel du statut du journaliste. La loi de 1881 n'avait guère envisagé le problème, la liberté intellectuelle du journaliste paraissant, A l'époque, suffisamment garantie par la liberté intellectuelle du journal A l'égard du pouir politique. C'était perdre de vue que le journaliste est, A l'égard de la direction du journal, dans une situation contractuelle, régie par le droit commun du travail, donc, comme tout salarié vis-A -vis de son employeur, dans une situation de dépendance. La conciliation de cette dépendance avec la liberté intellectuelle du journaliste a été tentée par la loi du 29 mars 1935 fixant le statut des journalistes, incorporée au Code du Travail (art. L. 761-l et s.). La qualité de journaliste professionnel suppose deux conditions de fond : la profession doit AStre exercée A titre principal, de faA§on régulière et rétribuée, dans une publication périodique, une agence de presse, ou A la radio-télévision ; l'intéressé doit en tirer le principal de ses ressources (C. Trav., art. L. 761-2). La réunion de ces conditions est constatée par la Commission de la sectiune d'identité professionnelle. La sectiune permet A son titulaire de se prévaloir des mesures prises par les autorités administratives en faveur des représentants de la presse. La commission est composée paritairement de représentants des directeurs de journaux et de représentants des journalistes. La sectiune doit AStre renouvelée chaque année. Elle peut AStre retirée après explications présentées par le titulaire. Les réclamations contre les décisions de la commission sont obligatoirement portées devant une commission supérieure, composée de trois magistrats et de deux représentants de la profession. Les décisions de la Commission supérieure sont des décisions administratives, qui peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouir devant la juridiction administrative. Cf., pour un exemple du contrôle exercé par le juge sur ces décisions, CE, 22 avril 1977, Syndicat des Journalistes CFDT, RDP, 1978, p. 278. La qualité de journaliste et le droit A la sectiune professionnelle sont reconnus aux journalistes de la presse parlée, radio et télévision, qui satisfont aux conditions indiquées ci-dessus. Aux journalistes professionnels, liés par un contrat de travail A une entreprise déterminée, on assimile, pour l'octroi de la sectiune, les indépendants, rémunérés pour chaque article ou dessin qu'ils donnent A un ou plusieurs journaux, connus sous le nom de - pigistes -, lorsqu'ils tirent de ces activités le principal de leurs ressources. Par contre, les collaborateurs occasionnels qui donnent irrégulièrement un article A un journal ne sont pas considérés comme journalistes. Il faut souligner le fait que la profession de journaliste est une des rares professions dont l'accès n'exige aucun diplôme, aucune formation antérieure, aucune qualification particulière. Il existe des écoles de journalisme, mais le passage par l'une d'entre elles n'est nullement requis pour l'entrée dans le métier. Cette totale liberté de recrutement a des côtés positifs, et l'apprentissage par la pratique correspond A bien des aspects de la profession. Malgré tout, il est paradoxal qu'une activité qui confère un pouir exceptionnel sur l'ensemble de l'opinion publique soit soustraite A toute vérification de la qualité de ceux qui l'exercent. 2A° Le statut du journaliste. ' D est déterminé, pour l'essentiel, par le droit commun du travail. Cependant, quelques dispositions dérogatoires ont pour but d'atténuer, au profit du journaliste, la subordination A l'employeur qui découle normalement du contrat de travail, afin de préserver sa liberté intellectuelle. La principale de ces dispositions est connue sous le nom de clause de conscience (C. Trav., art. L. 761-7). Selon le droit commun, le salarié qui rompt son contrat de travail n'a pas droit au bénéfice des indemnités qui peuvent lui AStre dues lorsque le congédiement est le fait de l'employeur, indemnités qui, dans le cas des journalistes, comprennent une indemnité particulière, calculée en fonction de l'ancienneté (C. Trav., art. L. 761-5). Dans le cas où, du fait d'un changement A la tASte du journal, celui-ci infléchit son orientation ou son caractère, l'application de la règle normale aurait condamné le journaliste qui estime la nouvelle ligne incompatible avec ses conceptions personnelles, A un choix difficile : rester, en sacrifiant sa liberté de pensée et sa dignité, ou partir, au prix d'un sacrifice pécuniaire considérable. Pour rendre l'option moins pénible, l'article L. 761-7 maintient le bénéfice des indemnités de licenciement au journaliste qui considère comme incompatible avec - son honneur, sa réputation, ses intérASts moraux - le changement d'orientation, et démissionne. Cf. R. LlNOON, La clause de conscience dans le statut du journaliste, JCP, 1962, I, nA° 1669. 3A° Les insuffisances du statut du journaliste. ' Les quelques dispositions dérogatoires au droit commun qu'on vient d'analyser ne fournissent pas de solutions aux problèmes essentiels que pose la profession de journaliste, soit qu'elles les ignorent, soit qu'elles s'avèrent impuissantes A les résoudre. a I Parmi les lacunes du statut, on a déjA relevé l'absence de toute vérification de la qualification professionnelle a l'entrée dans la profession. Il faut y ajouter l'absence de toute règle déontologique dans un métier où, pourtant, les problèmes de déontologie se posent de faA§on constante et grave. Il existe bien une - Charte des deirs professionnels des journalistes -, élaborée parle Syndicat national des Journalistes en 1918, complétée en 1938. Mais c'est un document purement privé qui n'a qu'une autorité morale. Un autre problème demeure en suspens : celui du secret professionnel du journaliste ; peut-il, lorsqu'il a recueilli une information susceptible d'intéresser la Justice, se retrancher derrière le secret pour refuser de révéler ses sources au magistrat instructeur ? Dans le silence des textes, la réponse négative prévaut dans la jurisprudence : le journaliste qui ne livre pas le nom de son informateur encourt la peine attachée au refus de témoigner en justice. La profession conteste cette solution, qui risque de tarir les sources d'information qui lui sont souvent nécessaires pour dépasser les vérités officielles. b / Quant aux problèmes que le statut a aperA§us et tenté de résoudre, le principal, celui de la position du journaliste vis-A -vis de la direction du journal, n'est pas réglé par la seule disposition qui s'y rapporte, c'est-A -dire la clause de conscience. Elle n'est pas inutile. Mais elle est manifestement insuffisante, surtout A une époque où la concentration raréfie les emplois, en mASme temps, d'ailleurs, qu'elle rend plus fréquents les changements d'orientation. Au journabste qui refuse de se pber A des directives contraires A sa propre pensée, le maintien de l'indemnité garantit une sécurité matérielle de quelques semaines ou de quelques mois ; mais elle laisse subsister la difficulté de trouver une nouvelle situation et la menace du chômage. Il faut, pour accepter ces risques, un courage qu'on ne peut exiger de tous. Ces déficiences, que la situation actuelle de la presse met en plein rebef, expliquent les tentatives faites par les journalistes pour trouver, au problème de leur hberté vis-A -vis de leur employeur, une solution vérile, avec le système des sociétés de rédacteurs. 4A° Les sociétés de rédacteurs. ' Il s'agit, avec cette formule, d'une définition nouvelle du rôle du journabste au sein de l'entreprise. Salariés, et subordonnés A la direction dans le système traditionnel, les journalistes, de plus en plus menacés dans leur indépendance, revendiquent le droit d'AStre associés collectivement aux décisions essentielles qui déterminent la vie et l'orientation du journal, au lieu d'en subir passivement le contrecoup. Le problème ne se posait pas au xixe siècle : l'équipe des rédacteurs, peu nombreux, s'organisait autour d'un leader politique auquel le journal servait de tribune, ou d'un patron de presse au prestige indiscuté, et les rapports personnels primaient les relations juridiques. La transformation de ces données a amené, A partir de 1950, la création, dans un nombre croissant de journaux, de sociétés de rédacteurs, dont le but est d'acquérir des actions ou des parts sociales de la société propriétaire, et de participer, en tant que propriétaire de ces titres, aux organes sociaux dont émanent les décisions essentielles : choix des dirigeants, fusions et concentrations, etc. Mais le mouvement se heurte A la résistance des détenteurs du capital et, sauf exceptions, n'a pas abouti aux résultats espérés. Il existe plus de trente sociétés de journalistes, dont la plus ancienne, et la seule vraiment puissante, est celle du Monde, qui possède une fraction importante du capital. Elles se sont regroupées, depuis 1967, dans la Fédération franA§aise des Sociétés de Journalistes. Les changements de direction et d'orientation qui ont affecté récemment de grands quotidiens ' Le aro, France-Soir ' contre la lonté de la majorité des rédacteurs montrent l'insuffisance de la formule en l'état actuel du droit. On a signalé (supra, p. 206) le problème qu'elle pose au niveau des principes : la liberté de la presse est-elle la liberté des responsables de l'entreprise, ou celle des journalistes ? Il est inadmissible que ceux-ci soient privés de toute influence sur des décisions dont dépendent, non seulement leur avenir professionnel, mais aussi, et surtout, leur liberté d'expression et qu'ils puissent, en cas de changement de direction, AStre contraints de choisir entre le chômage et le reniement de leur pensée personnelle. A l'inverse, on concevrait mal que le directeur, pénalement responsable de ce qu'il publie, soit sans pouir sur ses collaborateurs ; de plus, et quelles que soient la compétence et la conscience de beaucoup de journalistes, l'autorecrutement de la profession, l'absence de toute garantie de qualité A l'entrée n'incitent pas A faire une confiance entière et exclusive aux rédacteurs pour définir et maintenir la ligne du journal en dehors de toute pression partisane ou financière. Une solution équilibrée, qui implique une révision profonde du statut des entreprises de presse dont la loi de 1881 n'avait pas discerné la spécificité, reste A trouver. Sur les sociétés de rédacteurs : R. Lindon, JCP, 1966, I, nA° 1981 ; J. SchWOEBEL, La presse, le pouir et l'argent, 1968, et le bulletin trimestriel de la Fédération des Sociétés de Journalistes : La tribune des sociétés de journalistes. |
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