A ' INTERPRéTATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE
De lui-mASme, le juge administratif refuse d'interpréter les conventions internationales. S'agissant du
droit communautaire (originaire ou dérivé), il est tenu de s'abstenir, du moins dans certains cas (article 177 du traité de Rome).
En effet, c'est
la Cour de justice des Communautés qui est compétente pour statuer, A titre préjudiciel, sur l'interprétation des traités ainsi que des actes pris par les institutions de la Communauté. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un état, celle-ci peut ou doit, selon les cas, surseoir A statuer et renvoyer A la Cour de justice le soin d'interpréter les textes dont dépend sa décision. Elle le peut si les jugements qu'elle rend sont susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne interjeté devant une autre juridiction (appel ou cassation). Elle le doit si ses propres décisions sont A l'abri d'une telle voie de recours.
La faculté du renvoi pour interprétation est donc la règle. L'obligation de renvoi ne vaut pratiquement, dans le cas de la France, que pour le Conseil d'état et la Cour de cassation.
Cette dernière a appliqué sans réticence les dispositions des traités institutifs des Communautés. Elle a voulu faciliter l'unicité de l'interprétation du
droit communautaire qui est aussi nécessaire que la cohérence des interprétations du droit interne assurée par l'intervention des cours souveraines'5. En revanche, le Conseil d'état avait d'abord manifesté quelques réticences. Il utilisait (et sans doute, le ferait-il encore, si l'occasion s'en présentait) la théorie de l'acte clair pour éviter de se dessaisir au profit de la Cour de justice. Cela dit, il n'est plus possible de ce point de vue d'opposer les deux ordres juridictionnels car la haute juridiction administrative a utilisé la procédure du renvoi16. En revanche, on peut le faire s'agissanl de l'application du droit communautaire.
B ' APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE
Dans l'esprit et mASme d'après la lettre des traités de Paris ou de Rome, il ne fait pas l'ombre d'un doute que celui-ci, dans son ensemble (originaire et dérivé), se caractérise par son applicabilité directe dans les états (self executing) et qu'il l'emporte sur le droit interne, notamment sur la loi.
La Cour de cassation a tiré les conséquences normales de cette superposition des deux ordres juridiques : si une loi et une norme communautaire sont en conflit, la seconde, mASme antérieure, est seule retenue ; par conséquent, le juge franA§ais refuse d'appliquer la loi franA§aise au motif qu'elle est contraire au droit européen ; en d'autres termes, il opère une sorte de contrôle de communautarité de la loi, très able au contrôle de constitutionnalité. Au fond, la doctrine de la Cour de cassation prolonge l'article 55 de la Constitution qui affirme la supériorité des conventions internationales sur les lois. Elle se fonde sur deux séries d'arguments : d'une part, les traités initiaux comportent bien des abandons de souveraineté de la part des états et l'institution d'une vérile super-souveraineté au profit des organes communautaires ; d'autre part, les
juridictions nationales étant chargées d'appliquer directement les dispositions qui émanent de cette super-souveraineté, ne sauraient faire prévaloir sur elles la loi interne qui est, dans ce système, nécessairement infra-souveraine17.
Le Conseil d'état rejette ce type de raisonnement18. Il est -essentiellement une juridiction nationale, persuadée de l'excellence du système national et entendant agir comme gardien de la légalité nationale-l'*. Il l'a montré, notamment de deux manières. En premier lieu, il a banni tout contrôle de communautarité de la loi : le juge administratif, affirmait un commissaire du gouvernement, -ne peut ni censurer ni méconnaitre une loi- mASme au motif qu'elle viole le
droit international, ou, plus particulièrement, le droit communautaire20. En second lieu, sur un point plus précis, le Conseil d'état n'a pas suivi la Cour de justice des Communautés européennes qui a estompé la distinction entre les règlements et les directives en estimant que, dans certains cas, ces dernières peuvent aussi -produire des effets directs dans les relations entre les états membres et les particuliers-21. Le Conseil d'état affirme, au contraire, qu'elles ne sauraient AStre invoquées A l'appui d'un recours dirigé contre un acte individuel -quelles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent-. Elles créent toutefois pour les autorités nationales l'obligation d'adapter leur législation et leur réglementation aux dispositions qu'elles contiennent22. Par voie de conséquence, les ressortissants des états membres peuvent contester la régularité des mesures réglementaires nationales au regard des directives communautaires qu'elles prétendent mettre en oue ou qu'elles ignorent23.