Classiquement, l'organisation du travail est faite pour
la récurrence des procédés, pour la prévisibilité des
actions. La connaissance, elle, est unique et sa formation rarement prévisible. Il n'y a donc aucune raison pour que les modes de régulation d'une organisation
donnée soient aussi ceux de la connaissance en son sein, aucun lien a priori entre l'efficacité de l'une et l'efficacité de l'autre.
Pourtant telle est bien la question posée aux organisations et au
management à nir. A l'image des organisations matricielles, voire des logiques de processus, l'enjeu du
manager sera de maitriser une double logique d'organisation du travail, d'en comprendre les liens et au-delà d'optimiser leur efficacité. Cependant, à la différence de ces deux modèles, ces deux logiques ne se déloppent pas à la même échelle : la première est maitrisable au niau de l'équipe de travail, elle est même en quelque sorte «faite pour cela». L'autre ne l'est que très partiellement, elle ne prend sens bien sount que globalement au niau de l'entreprise.
Relier la dynamique de connaissance à l'organisation du travail
Or il n'existe nulle théorie pour juger de tels liens et les enseignements que nous tirons de notre histoire de l'organisation ne sont que partiellement concluants. Certes, ils nous permettent de juger de l'efficacité producti d'une organisation «classique», ce qui reste toujours un horizon de notre réflexion. De même, nous apprennent-ils qu'il existe des organisations plus ou moins favorables à la connaissance; on l'a vu à propos des modes projets. Toutefois, la notion d'efficacité, pour la connaissance organisée, est plus exigeante que ce simple constat. Elle commande sinon de mesurer, du moins d'évaluer ce qui relè de la position des acteurs dans le travail «déjà» organisé, de leur fonction dans la dynamique de connaissance et de ce fait des interactions entre acteurs situés à différents niaux de l'entreprise. Plus encore, elle commande de juger de l'articulation entre ces deux niaux au quotidien, c'est-à-dire dans le cadre «naturel» des équipes de travail. Sans oublier le rôle que le management sera appelé à jouer.
La question qui nous est posée est donc de forger des outils d'analyse permettant de telles évaluations, c'est-à-dire des concepts spécifiques, propres au problème qui nous est posé.
L'analyse de la dynamique de connaissance à partir de concepts clés
Y répondre est l'objet du présent chapitre dont la démarche est fondée sur deux idées-force :
D'une part, nous posons qu'il existe des lieux clés dans une organisation où se décide la dynamique de la connaissance, ce terme de «lieu» renvoyant à la forme organisée informelle que nous avons présentée à la fin de notre chapitre sur la connaissance en entreprise.
En parlant de lieux clés, nous voulons à la fois signifier leur caractère structurant pour la dynamique de connaissances, mais aussi que ces lieux peunt être repérés à partir de problématiques génériques, id est valables pour toutes les entreprises impliquées dans l'unirs de la connaissance : nous privilégions pour cela la «pure» analyse du travail de la connaissance. Le problème consiste donc à identifier ces lieux clés, à les décrire, ce qui nous conduira à élaborer cinq concepts1 qui recouvrent autant de fonctions de la connaissance au travail : l'épreu, l'épreu de masse, la boucle d'apprentissage, la boucle de retour d'expérience et les réseaux «appelant-appelé».
D'autre part, nous considérons que l'on peut analyser ces lieux clés aussi bien au niau «micro-organisationnel» de liens entre individus que «macro-organisationnel» des structures internes aux entreprises. Autrement dit, nous considérons que la logique de formation de connaissance vaut aussi bien pour des individus que pour des groupes.
Cette asymétrie pourra surprendre. En fait, elle se déduit de la spécificité de la connaissance en
entreprise qui s'appréhende à la fois comme portée par des acteurs et comme réalité collecti. Ce qui ut dire que la connaissance vaut - dans tous les sens du terme - aussi bien pour des individus que pour des collectifs. Or notre enjeu est d'abord ici d'analyser l'organisation du travail ; il s'agit de se doter d'outils de lecture de l'entreprise pour y entrevoir le jeu réel du travail de la connaissance en son sein. De ce point de vue, cette dynamique peut tout aussi bien se comprendre à partir des acteurs, auquel cas c'est une approche par les process que l'on met en ouvre, que comme réalité socialisée et c'est une approche macro-structurelle que l'on obtient.
Privilégier le point de vue du management opérationnel
Ceci dit, si l'utilisation peut être commune, c'est le premier niau d'analyse qui sera privilégié dans l'exposé, pour des raisons aisées à comprendre. Car au-delà de l'analyse proprement dite, il y a là un enjeu pratique : celui de l'efficacité au quotidien de l'organisation, des équipes et des individus. Cet enjeu serait non seulement inaccessible à une
approche structurelle, mais on ne peut que constater qu'il est, pour le moment, plutôt négligé par les commentateurs. En effet, la plupart des travaux qui paraissent aujourd'hui sur le management ou la gestion des
connaissances insistent sur les connaissances elles-mêmes, autrement dit sur le «quoi», mais ils laissent de côté la dynamique de leur formation et leur implication dans le travail. Ce «quoi» est important, bien sûr, et nous l'aborderons au chapitre suivant ; mais, à l'aborder trop tôt, on manquerait l'enjeu managérial premier qui est le. rapport entre la-connaissance et l'efficacité des hommes. C'est pourquoi la question de cette dynamique, la question du «comment» les connaissances se créent et se diffusent, doit rester notre fil conducteur.
C'est pourquoi aussi nous n'hésiterons pas à l'aborder de façon fine, en essayant à chaque pas de montrer comment une analyse concrète de ces lieux clés peut être mise au service du management opérationnel. Non pas que nous cherchions à construire un modèle d'interntion, une «méthode one» appliquée à la connaissance, en quelque sorte ; mais il s'agit plutôt de prendre en compte les difficultés actuelles du management opérationnel. Notre expérience a montré, en effet, qu'il existait de grandes faiblesses parmi les
managers face aux questions que nous posons, et que le premier enjeu pour ces acteurs était d'abord de leur donner à «lire» concrètement les circuits de connaissance trarsant leurs équipes. On rra d'ailleurs que ces circuits forment système, au sens où la logique de l'un s'appuie sur la logique des autres. Ce qui explique que bien sount cette lecture soit à elle seule source de progrès significatifs.
Notre propos dans ce chapitre sera donc celui-là : montrer concrètement, pour chacun des cinq lieux clés, comment se structure ce système de création2, de partage et d'assimilation de la connaissance, et comment sa logique peut être rendue «évidente» aux acteurs ; puis, dans un deuxième temps - mais seulement dans un deuxième temps - les termes dans lesquels la question de l'efficacité du travail de la connaissance peut être abordée au niau opérationnel.