Généralités
En Italie, le moindre coup de pioche ou de bulldozer met au jour quelque vestige du passé enfoui sous les strates successives d'une occupation continue du territoire. Une enquASte de 1972 portant sur un échantillon de 8 000 localités révèle que 87 % d'entre elles datent d'ant le XIVe siècle. Les administrations - au niveau de l'Etat comme A celui des régions - souhaitent naturellement protéger le patrimoine naturel et bati, d'où la prolifération de règlements et de codes d'urbanisme, parfois contradictoires, et dont l'une des conséquences est de compliquer singulièrement l'aménagement des grandes villes. La construction du métro de Rome (où furent tournées certaines scènes du Roma de Fellini) illustre parfaitement cette situation, puisqu'elle a trainé pendant plus de vingt ans. Ces blocages se traduisent par de monstrueux embouteillages qui contribuent A accélérer la dégradation des monuments et des édifices historiques, puisque la circulation des hommes et des marchandises reste en tout état de cause indispensable au bon fonctionnement de l'économie italienne. Par ailleurs, la modernisation de l'agriculture, la course A la renilité comme partout ailleurs en Europe, et donc la mécanisation et les cultures intensives, représentent autant de périls pour les sites archéologiques. Les vols et les exportations illégales d'ceuvres d'art ne se comptent plus; les sites sont pillés et l'origine des artefacts se perd ainsi A tout jamais.
En règle générale, les Italiens estiment apparemment que le premier devoir de l'Etat en matière culturelle est de protéger et sauvegarder le patrimoine national, d'où un arsenal impressionnant d'instruments juridiques. Compte tenu de la diversité et de la richesse exceptionnelles des biens culturels de l'Italie et des difficultés que posent leur protection et leur sauvegarde A la veille du troisième millénaire, il est d'emblée évident que les
moyens ne seront jamais tout A fait A la mesure des besoins. Les contraintes législatives et fiscales rendent extrASmement difficile l'élaboration de priorités précises.
L'Italie a été relativement peu touchée par la Réforme et la Révolution franA§aise, de sorte que, contrairement A la plupart des autres pays européens, elle a conservé dans ses églises et ses couvents d'innombrables chefs-d'ouvre qui gardent la vocation qu'ils aient A l'époque où ils ont été commandés ou achetés. Beaucoup de monuments historiques servent encore et continuent A faire partie de la vie de la cité.
Le patrimoine artistique de l'Italie reste fortement ancré dans son territoire d'origine. C'est la raison pour laquelle l'Italie (qui fut jusqu'A son unification une mosaïque d'Etats indépendants) ne possède pas de musées unanimement considérés comme -nationaux-. Il n'y a dans ce pays ni Louvre, ni British Muséum, ni Hermitage. L'enracinement local de maintes collections de calibre international reste un sujet de contentieux entre l'Etat, les régions et les autorités locales, un sujet qui n'a pas A ce jour trouvé de vérile solution. L'Italie a beau AStre un pays très centralisé, la notion de -collection nationale- lui est A peu près étrangère. L'Italie est tellement obsédée par son glorieux passé artistique qu'elle semble négliger toute politique digne de ce nom dans le domaine de l'art contemporain.
Les principaux problèmes
Tous les problèmes que nous avons relevés traduisent l'absence de politiques vérilement nationales qui permettraient de définir des priorités claires et de faire un suivi efficace des progrès accomplis. Ainsi peuvent perdurer certains traits néfastes, A savoir:
- L'absence de consensus sur les monuments et les musées vérilement -nationaux-. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les grands musées, qui sont souvent en réalité de dimensions assez modestes, mais qui ne peuvent évoluer car les soprintendenti n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour regrouper ou reloger les collections publiques déjA existantes.
- Dans beaucoup de régions italiennes on est plus attaché A son museo civico ou A son museo comunale qu'au musée national (considéré comme le symbole du jacobinisme importé de France par la Maison de Savoie).
- L'absence de réseaux de musées régionaux (sur le modèle des LA ndes-museen allemands). Le ministère du Patrimoine culturel n'a de toute manière pas le dynamisme nécessaire pour coordonner les réseaux qui pourraient éventuellement se créer.
- Le système de subventions et d'autorisations de dépenses est très centralisé, mais il manque de souplesse et ne possède aucun mécanisme de contrôle. Faute de
stratégie d'ensemble, les crédits sont dépensés de faA§on brouillonne.
- Comme la gestion par objectifs (et par priorités clairement définies) n'existe pas, on encourage les mentalités d'archivistes qui privilégient l'accumulation de
connaissances spécialisées au détriment de l'accès ou de l'éducation du public.
- Les soprintendenti assument actuellement trop de responsabilités pour AStre vraiment efficaces, d'où des gaspillages d'énergie considérables.
Structures et responsabilités administratives
Personne ne nie que la sauvegarde du patrimoine national représente pour les pouvoirs publics italiens un fardeau d'une importance inégalée dans le monde. Mais, si effectivement la tache est lourde, la plupart des problèmes qu'elle entraine n'ont rien de tellement exceptionnel.
En 1974, le gouvernement italien décida que la Direzione générale délie antichita e belle arti, créée quatre-vingts ans plus tôt ne ferait plus partie du ministère de l'Education, mais formerait une entité administrative A part entière, le Ministero per i béni culturali e ambientali. Cette mesure ait manifestement pour but A l'époque de donner plus de poids et de visibilité aux secteurs des biens culturels et de l'environnement. Il semble toutefois que ni la libération de la tutelle du ministère de l'Education, ni la date choisie (A savoir au moment mASme où commenA§ait la régionalisation) n'ont été particulièrement bénéfiques. Le nouveau ministère n'a jamais acquis l'autorité et le prestige espérés, et il a l'impression de se livrer depuis le début A une guerre de tranchées sans espoir. On peut sans exagération dire qu'il est en pleine crise,
crise encore amplifiée du côté ambientali par la récente création du ministère de l'Environnement.
Le Conseil consultatif
Le ministère du Patrimoine culturel est doté d'un -Conseil consultatif national- élu qui peut compter jusqu'A quatre-vingt-dix membres (délégués du personnel compris), répartis dans six comités chargés des secteurs suints:
a. environnement et biens architecturaux;
b. archéologie;
c. objets historiques et artistiques;
d. archives;
e. bibliothèques;
f. institutions culturelles.
Ce timentage vertical par domaines d'intérASt étroitement délimités n'encourage pas l'élargissement des débats sur la mise en leur et l'exploitation du patrimoine, ni, du reste, aucune autre initiative d'intérASt majeur pour les partenaires des secteurs public, privé ou associatif aux niveaux régional et local. Les questions d'importance générale (l'examen d'initiatives parlementaires telles que projets de textes ou autres, l'élaboration de la politique A suivre ou l'affectation des ressources) sont traitées en séance pléniè-re par le Conseil consultatif national, qui confie les questions techniques d'intérASt plus particulier A ses sous-comités spécialisés. Bien que le Conseil consultatif national comprenne des représentants des pouvoirs locaux, sa large composition - il regroupe aussi des responsables d'organisations syndicales, d'éminents universitaires et des représentants de ministères - contribue peut-AStre A une certaine dilution de son efficacité. Il a beaucoup de mal, notamment, A avoir un impact réel sur l'organisation des rapports, souvent problématiques, entre administration centrale et collectivités locales.
Les méthodes de trail
Les responsabilités du ministère sont très riées. La loi de 1939 relative A la tutela est claire, mais on chercherait en in une politique gouvernementale (et A plus forte raison nationale) cohérente ou une entente aux autres niveaux administratifs qui permettrait de fixer concrètement des priorités et des objectifs d'action. On a donc recours A une gestion de crise, compliquée par le casse-tASte que représentent les -crédits spéciaux-, A distinguer des -crédits ordinaires- (ce qui explique en partie l'effondrement en 1989 d'une dizaine de mètres du rempart médiél d'Urbin, malgré les appels au secours des élus locaux, ou l'allure de tranche napolitaine de l'arc de Titus A Rome - moitié nettoyé, moitié sale, les deux parties formant une ligne verticale du plus bel effet en plein milieu de la faA§ade). Les crédits de traux semblent AStre attribués au petit bonheur, mais comme il faut constamment colmater les brèches, l'action préventive arrive souvent trop tard. En théorie, le patrimoine italien est sévèrement protégé; dans la pratique, il est trop souvent négligé pour des raisons foncièrement bureaucratiques.
Le ministère du Patrimoine est très centralisé, avec une centaine de so-printendenze pratiquement inchangées depuis leur création en 1939. Les so-printendenze relèvent de trois grandes directions générales: architecture, archéologie et histoire de l'art. (Le ministère comprend d'autres divisions distinctes pour les bibliothèques, les archives, et le personnel administratif.) Cette délégation de responsabilités aux unités provinciales est limitée, et beaucoup de gens se disent conincus qu'en réalité la mainmise de Rome s'est renforcée au cours des vingt dernières années. Lors d'un entretien avec les membres du groupe d'experts, le ministre Fisichella a é la situation du secteur du patrimoine avec la délégation des pouvoirs qui s'est faite beaucoup plus concrètement dans les forces armées. Le ministère du Patrimoine a de plus en plus de mal A s'y retrouver dans ses innombrables responsabilités aux contours mal définis. On nous a affirmé A la Commission du Sénat que la richesse mASme du patrimoine italien était désormais couramment invoquée pour excuser les carences de la protection (carences dont on voit d'embarrassants exemples dans les édifices les plus prestigieux). Il convient aussi de préciser que, en vertu de la loi, les soprintendenti du ministère du Patrimoine culturel doivent sauvegarder non seulement les édifices, musées, collections d'ceuvres d'art, bibliothèques et archives, mais aussi les sites archéologiques (fouillés, partiellement fouillés ou non fouillés, sites en sous-sol et sites sous-marins confondus), les édifices religieux (l'Italie compte plus de 90 000 églises importantes) et leur contenu, ainsi que les objets d'art détenus par les collectionneurs privés.
Théoriquement, le mandat des soprintendenti couvre aussi les musées régionaux, provinciaux et municipaux et leurs collections, alors mASme que toutes ces institutions ont sur place leurs propres spécialistes, ce qui laisse le champ libre A toutes sortes d'interventions plus ou moins cohérentes en fonction de l'idée que chacun se fait de la restauration, et qui détourne les énergies et les ressources d'autres secteurs où ils seraient peut-AStre plus utiles. Un procès récent impliquant la Région Ligurie a confirmé le droit de l'administration centrale A intervenir dans les musées. Un décret de 1985 relatif aux règlements d'urbanisme donne au ministère le pouvoir d'intervenir s'il estime que les autorités régionales ont fait preuve de négligence, voire d'annuler les décisions officielles des instances régionales.
L'absence de ification
On attendait un nouveau ministère du Patrimoine dynamique, mais les espoirs ont été vite déA§us: le ministère est devenu une lourde machine bureaucratique centralisée qui emploie aujourd'hui 27 000 fonctionnaires A plein temps. Faute de ification adéquate, les rôles et les responsabilités sont mal définis, et les chevilles ouvrières du ministère sur le terrain - les soprintendenti - sont pour la plupart désabusés et cyniques. Leurs excellentes équipes de spécialistes, techniciens et scientifiques font les frais de la politique générale du ministère, de la médiocrité professionnelle de maints fonctionnaires et d'une bureaucratie brouillonne et inefficace. La création au sein du ministère d'un Comité national de ification semble n'avoir bénéficié A personne. L'unité opérationnelle du ministère est prisonnière de la routine administrative, d'où la situation paradoxale de budgets partiellement inutilisés alors que tout le monde sait qu'ils ne sont mASme pas suffisants pour répondre aux besoins. Les blocages au niveau des autorisations de dépenses et des appels d'offres ne sont pas propres au ministère du Patrimoine, mais ils sont aggravés par la bureaucratie particulièrement pesante de cette administration. Enfin, les audits en cours et l'engagement de la responsabilité personnelle des soprintendenti qui peuvent (comme ce fut le cas pour la Piazza délia Signo-ria A Florence) AStre poursuivis pour destruction du patrimoine national, accroit la nervosité et les réticences A agir.
Combien consacre-t-on au patrimoine?
Les
données publiées sous-estiment probablement les coûts salariaux aux niveaux régional et municipal. Les traitements des fonctionnaires du ministère sont pris en compte, et ils absorbent A eux seuls plus de 45 % des crédits de l'Etat (un tiers des employés sont des gardiens de musée, et il faut se rappeler que les
salaires sont bas dans tout le secteur, voire étonnamment bas dans le cas des soprintendenti). A titre de aison, les frais de personnel équilent A peu près A la contribution totale du secteur privé. Une autre méthode de calcul montre aussi que les droits d'entrée des visiteurs italiens et des touristes étrangers ne représentent que 10 % des coûts salariaux du ministère. Ces chiffres soulèvent toute la question de la renilité, question infiniment plus sérieuse que ne feignent de le croire ceux qui s'abritent derrière la politique générale des obligations constitutionnelles de la tutela.
Gestion de crise et morcellement des initiatives
Depuis sa création en 1974, le ministère ne s'est apparemment jamais donné d'objectifs réalisables. Tous les employés - des agents présents sur le terrain aux techniciens des instituts (ateliers de restauration, Catalogue national, etc.) - savent au départ qu'il n'y aura pas assez d'argent pour faire le trail correctement car les taches ne sont ni coordonnées de manière cohérente ni traitées par ordre de priorité. Le colmatage de brèches est aujourd'hui le mode de fonctionnement le plus courant: on réagit au coup par coup, alors qu'il aurait fallu ifier pour éviter la crise.
Les crédits spéciaux sont toujours accordés chaque année A la soprin-tendenze de Frioule, comme ils le sont depuis 1976, pour réparer les dommages causés par le tremblement de terre. En 1981, la Campanie et la Basilicate furent victimes de tremblements de terre. A la suite de cette catastrophe, le ministère créa A Rome une soprintendenze chargée de remettre en état le patrimoine archéologique, artistique et bati des deux régions. Cette soprintendenze spéciale arrive maintenant au terme de son mandat: en quatorze années d'existence, elle a A peine réalisé 18 % de son programme, faute de moyens suffisants. Nous ne doutons pas de l'importance du trail accompli, qui a livré de précieux enseignements sur les constructions et réhabilitations futures dans les zones sismiques, des études d'impact sur l'emploi et les revenus de la région, etc., mais une gestion plus décentralisée n'aurait-elle pas permis de consacrer une plus grande part des crédits aux objectifs concrets? Au nom de quelle logique une unité spéciale dotée d'une équipe complète a-t-elle été mise en place A Rome pour coordonner le trail des dix soprintendenti de Campanie et de Basilicate, et pourquoi a-t-on, par-dessus le marché, créé un centre d'informatique autonome A Naples?
Le cas de l'Institut national de l'inventaire du patrimoine illustre lui aussi cet éparpillement. Le projet d'institut a été lancé en 1970. Il s'agissait dans l'esprit de ses partisans de dresser un inventaire raisonné de l'ensemble du patrimoine historique italien. L'Institut ait de hautes ambitions et se voulait un modèle de rigueur scientifique. Cependant, il traille si lentement que son objectif semble presque aussi éloigné que lors de sa création. L'inventaire a été conA§u comme un objet purement scientifique, si bien qu'il ne permet pas de repérer les monuments et édifices en péril et qu'il faudra un trail supplémentaire colossal pour qu'il puisse avoir une utilité pratique. Nous avons toutefois appris avec satisfaction que la municipalité romaine ait une liste de monuments et édifices A réparer ou restaurer en priorité et qu'elle l'actualisait régulièrement.
Les multiples rôles des soprintendenti
Nous lisons dans le rapport national que, -en raison des urgences et du manque de moyens, il n'a pas été possible de prendre des mesures d'entretien courant et d'élaborer un de réhabilitation efficace-. Mais, pour que les objectifs puissent AStre atteints, il faut que la gestion du ministère et de ses ressources se -modernise-, ce qui implique une plus grande autonomie en matière de fonctionnement et d'exécution ainsi qu'un allégement des multiples taches des soprintendenti (la gestion des musées, par exemple). Dans une certaine mesure, la délégation de pouvoirs supplémentaires aux différents soprintendenti renforcerait leur autorité A l'échelon local et faciliterait considérablement l'instauration de partenariats féconds avec les administrations régionales et municipales dans tout le pays.
Le ministère a un devoir fondamental de protection (avec le concours d'une brigade spéciale de carabiniers spécialisée dans la répression des vols et des exportations illégales d'oeuvres d'art). Mais il a aussi pour mandat de -loriser- les biens culturels dont il a la garde. Et c'est lA que l'on entre en pleine subjectivité: A la simple évocation des mots -exploitation- et -renilité-, certains craignent que l'éthique de protection et de sauvegarde soit du jour au lendemain balayée par une gestion muséale -A l'américaine- et que l'on se mette A imiter les dérives démagogiques de certains musées britanniques A l'époque Thatcher. Le rapport national souligne la difficulté qu'il y a A concilier deux objectifs -qui ne coïncident pas toujours-. Certes, nous pouvons comprendre l'exigence professionnelle et scientifique qui sous-tend ces craintes, mais nous avons une fois de plus rencontré des attitudes beaucoup plus ouvertes et modernes dans les administrations municipales; les personnes que nous avons interrogées nous ont dit que l'éducation et la sensibilisation du public, grace notamment A des activités pédagogiques, encourageait le respect du patrimoine et ne pouit que contribuer A sa sauvegarde générale. Elles étaient également conscientes du fait que la participation accrue du secteur privé n'était pas sans risque en matière de normes et d'accès au patrimoine.
Gestion muséale et répartition des crédits
Si les musées et les institutions étaient plus autonomes, leurs personnels pourraient devenir une vraie catégorie professionnelle, consciente A la fois des besoins de la société et des réalités économiques, sachant concilier sauvegarde du patrimoine et
communication avec le public. Le problème, c'est que l'on manque pour l'instant de professionnels qualifiés capables de diriger les activités extra-muséales d'une institution autonome, et que la plupart des salariés sont chichement payés. A l'heure actuelle, toutes les recettes de billetterie des musées et des sites historiques vont au Trésor, de sorte qu'il n'existe aucun lien entre les dotations de l'Etat et la performance réelle des institutions.
Si elles aient une logique quelconque, les politiques muséales de l'Etat devraient s'inscrire dans une certaine continuité par rapport aux politiques sociales et économiques, et surtout aux politiques touristiques. Mais l'éparpille-ment des compétences empASche l'élaboration de toute orientation ou stratégie cohérente. Le ministère du Patrimoine culturel agit cependant depuis quelques années pour inciter les grandes villes (Rome et Florence, notamment) A conclure des accords de ification coordonnée. Cette politique a eu des effets bénéfiques sur la conduite de différents projets de restauration, de mASme que sur la gestion des richesses artistiques et des principaux musées et galeries d'art, dont l'accès, les heures d'ouverture et les activités d'information et de promotion ont été améliorés. Les crédits, toutefois, sont très inégalement répartis. Le rapport national indique que 47,7 % des musées sont situés dans le Nord du pays, contre 29,8 % dans le centre (avec une forte concentration A Rome), et seulement 22,5 % dans le Sud. Il n'y a pratiquement pas de grand musée sur la côte ouest de la péninsule entre Naples et Pa-lerme. Certes, ce déséquilibre est le produit de l'évolution historique de la mosaïque italienne. Mais le
développement économique du Sud et la nécessité de décongestionner certains sites touristiques surexploités appellent tous deux une ification stratégique. Il n'est pas indispensable de galuder ou de trivialiser le patrimoine culturel pour en faire un usage renle qui contribuera A la réalisation d'autres objectifs nationaux ou régionaux.
Faire connaitre le patrimoine
Il est évident que des tiraillements existent entre les deux grands principes que sont la tutela d'une part et la lorizzazione de l'autre. Nous avons noté le cas, que nous espérons extrASme, de la Sicile où il n'existe pas de dialogue entre l'administration régionale du tourisme et les responsables de la sauvegarde et de l'interprétation du patrimoine. Nous avons visité A Palerme une importante exposition qui n'a eu pratiquement aucune
publicité en raison de cette mASme absence de coopération. Beaucoup de musées qui ne présentent pas leurs collections au public multiplient les acquisitions et les fouilles continuent au mASme rythme alors que des sites et des découvertes importants sont négligés et que la communauté scientifique ne peut en profiter.
Certains centres spécialisés (comme par exemple l'Institut central de la restauration, que les experts ont visité) ont un beau palmarès professionnel et technique en dépit de leurs maigres moyens. Des soprintendenze et des musées ont monté des expositions impressionnantes et lancé d'importants projets de recherche. Mais, A côté de ces réussites, il est impossible de ne pas remarquer les restaurations lentes et mal gérées, les musées en mauise condition, les sites et les édifices fermés au public sine die. La triste vérité, c'est que près de 80 % des crédits du ministère vont A la Direction générale, alors que l'on réduit - tant en chiffres absolus qu'en pourcentage - les crédits d'exploitation des biens nationaux dont le ministère a la charge. La région autonome de Sicile consacre au maximum 2 % du budget du patrimoine culturel A cette tache essentielle (ce qui est A peine suffisant pour mettre en place des dispositifs élémentaires comme les panneaux explicatifs ou le fléchage des sites archéologiques).
La question de l'exploitation du patrimoine inévilement prendre toujours plus d'importance. Nous avons entendu toutes sortes d'arguments contre la renilisation des sites historiques et des musées. On nous a mASme cité le rapport d'un éminent universitaire qui démontre que les cafés ne sont pas renles dans les musées qui reA§oivent moins de 200 000 visiteurs par an. Mais il suffit de voir le succès des boutiques, librairies et magasins de sectiunes postales des musées des autres pays européens, ou encore celui des franchises groupées, pour comprendre que les opportunités sont multiples et intéressantes.
La plupart des musées italiens sont relativement petits et ils sont généralement situés dans des batiments anciens, d'où des problèmes d'adaptation et d'espace - y compris pour les bureaux, les ateliers, les réserves, l'accès des handicapés. Ces contraintes sont parfois invoquées pour décourager les propositions d'activités commerciales génératrices de revenus. Mais, bien qu'effectivement les espaces museaux italiens posent un certain nombre de problèmes spécifiques, ils ne sont en rien des cas uniques, contrairement A ce que l'on affirme trop souvent. L'ingéniosité, la bonne volonté et, par dessus-tout, des mesures incitatives ont permis ailleurs de surmonter bien des obstacles, malgré des espaces qui étaient loin d'AStre parfaits. Le premier obstacle A incre est celui des mentalités, plutôt que celui des espaces.