Le développement récent de fonds de capital-investissement par des grands groupes industriels témoigne de la maturité de cette activité et de l'intérASt croissant qu'elle suscite. De grands groupes ont créé leurs propres fonds de capital-investissement, sous le nom de corporate venture, pour ne pas se laisser distancer par l'agilité des petites entreprises qui sont généralement A la pointe de l'innovation technologique. Chacun y trouve son compte : les groupes industriels ont un - droit de préemption - sur la technologie si celle-ci est un succès, et ils peuvent alors se l'approprier ; la start-up de son côté bénéficie de l'expertise technique, financière et
juridique de l'industriel, avec un bémol : elle risque de tirer un moindre profit de sa technologie qu'avec un investisseur indépendant.
A€ côté de cette tendance A l'externalisation, d'autres sociétés ont créé des lignes de
financement internes, mises A la disposition des salariés, l'objectif étant d'accroitre la créativité et la motivation du personnel et de susciter de nouvelles sociétés.
Exemples de corporate venture
Dans le cas de l'externalisation, la société mère crée généralement une société de capital-risque. Ainsi Vivendi, accomné par des industriels européens et américains des télécommunications et des médias ainsi que par un financier franA§ais, a créé Viventures, Danone a participé A l'incubateur Chrysalead, le groupe Dassault et Thomson-CSF ont respectivement lancé Dassault Développement et Thomson-CSF Venture, devenu entre-temps Thaïes Venture. Rhône-Poulenc, Danone et Axa ont confié 61 millions d'euros A Auriga, et LVMH a créé LV capital. Innovacom, filiale spécialisée de France Télécom existant depuis 1988, a levé son quatrième fonds en 2000. L'objectif de ces fonds, comme toute autre société de capital-risque, est d'obtenir la meilleure renilité possible pour ces investissements, grace notamment A l'expertise que peut lui procurer son sponsor. L'autre objectif est de stimuler la créativité et l'innovation. Diana Nobles, directeur général de Reed Elsevier Venture (GB), déclarait A Connectis en février 2001 : - Une grande
entreprise qui pense que les meilleures technologies peuvent toujours AStre développées en interne a perdu. Le capital-risque est un moyen génial pour rapprocher l'ancienne et la nouvelle économie. - Pour LVMH, - la perspective de réaliser un TRI de 20 % constitue bien évidemment un moyen privilégié d'optimiser le rendement de notre trésorerie disponible -. IBM, A travers IBM Global Finances, va jusqu'A participer A des
financements mezzanine dans le cadre d'opérations de LBO sur des sociétés technologiques.
Une pratique particulièrement active dans le domaine des nouvelles technologies
La pratique du corporate venture n'est pas entièrement nouvelle : - Au début des années 1980, un quart des grandes sociétés américaines avaient constitué des fonds d'investissement. La plupart ont coulé après le krach boursier de 1987 -, explique Denis Champenois, directeur général d'Innovacom. Aujourd'hui, de nouvelles sociétés constituent des pôles de capital-investissement, notamment Oracle et Intel. Cette pratique permet aux grands groupes de ne pas se laisser distancer par des start-ups remuantes comme Amazon.com, Yahoo, et elle peut AStre considérée dans une certaine mesure comme une externalisation de leur recherche et développement. Intel, numéro un mondial du microprocesseur, est considéré comme une référence du corporate venture. L'entreprise a investi en 1998 dans 130 entreprises pour un montant de 830 millions de dollars et, A ce jour, elle a investi au total 2,5 milliards de dollars dans plus de 200 sociétés. Les prises de participations sont - en moyenne de 3 millions de dollars par société - et ne dépassent pas généralement - 20 % du
capital -, explique Stephen Nachtseim, vice-président du groupe chargé de gérer ces fonds. Néanmoins, certaines prises de participations dérogent A la règle, tel l'investissement de 500 millions de dollars dans l'entreprise de semi-conducteurs américaine Micron Technology en 1998. La
stratégie d'Intel est claire : les cibles du fonds sont des sociétés fabriquant des produits complémentaires (sociétés de logiciels, de multimédia et de vidéo qui accroissent les débouchés des puces), des comnies qui nécessitent le renouvellement du parc informatique des utilisateurs (par exemple, Quokke, qui permet A un supporter de football de visualiser par Internet la manière dont il verra le terrain de football de la place qu'il vient d'acheter). Malheureusement pour elle, la société Intel a annoncé que son activité de capital-risque présentait des pertes significatives en 2001. Le deuxième objectif est l'acquisition de nouvelles connaissances. Le troisième objectif est de rester en contact avec les nouvelles idées et de pratiquer la veille technologique. France Télécom a bien compris cette stratégie en intégrant dans son offre - Wanadoo - un logiciel de recherche d'adresses e-mail, créé par une start-up américaine dans laquelle Innovacom avait investi.
Plus modestement qu'Intel, Oracle a lancé début janvier 1999 un fonds de capital-risque de 100 millions de dollars, destiné A investir des tickets de 2 A 5 millions de dollars dans des jeunes entreprises dans le développement technologique, notamment dans le développement des bases de
données sur Internet. Comcast a lancé un fonds d'un mASme montant. Lucent, Nokia, Panasonic, McAFee ou MCI WorldCom ont également créé leur propre structure courant 1998. Ce phénomène a mASme touché la CIA qui a annoncé en octobre 1999 le lancement d'un fonds dans la Silicon Valley. John McMahon, ancien directeur adjoint de la CIA et membre du conseil de direction de la nouvelle entité, déclarait A l'époque au New York Times que - les technologies de l'information connaissent aujourd'hui une explosion sans précédent. Résultat, l'agence est toujours A la traine. D'où l'idée de se doter d'une structure qui permettrait non seulement d'évaluer ses besoins mais d'élir un cordon ombilical qui la relie aux esprits les plus brillants de la Valley -.
Il est intéressant de constater que l'Europe et la France sont au rendez-vous de ce capital-risque industriel. En effet, sur les 7,2 milliards d'euros de fonds levés en Europe en 2000, 11 % environ l'ont été par le corporate venture. Pour la France, le pourcentage se monte A 13 %» Enfin, les investissements en corporate venture en Europe en 2000 ont été légèrement supérieurs au milliard d'euros (source : statistiques EA).