La notion de système juridique
Le vocable de - système
juridique - a plusieurs acceptions. En droit é, il correspond A des familles de droits positifs, comportant des similitudes de sources, d'inspiration ou de contenu. Au sens courant du terme, il s'agit de l'ensemble des règles de droit d'une société déterminée. On parle, par exemple, du système juridique franA§ais ou allemand. Plus fondamentalement, cela désigne l'ensemble structuré, organisé et interdépendant des règles et des mécanismes juridiques qui s'appliquent dans une société.
Le terme - système juridique - semble avoir été innté, A la fin du XVIII siècle, par Bentham1 et par Rousseau, dans Le contrat social (liv. I, chap. 9). Il s'est répandu au xixc siècle et a été notamment employé par F. Gény2. Il est maintenant utilisé par de nombreux auteurs contemporains3. Il peut susciter certaines craintes de la part de ceux qui en dénoncent des abus ou en redoutent une charge idéologique dont on doit, semble-t-il, le débarrasser car on peut ne lui attribuer qu'une signification taxinomique et explicati d'un ordre juridique cohérent et sécurisant.
La notion de système est seulement utilisée ici pour rendre compte de la complexité et de la dirsité de l'ordre juridique ainsi que des interactions d'institutions et de normes qu'il implique, sans méconnaitre les exigences de la réalité sociale et les faits que le droit a mission de traiter.
Un système est un complexe structuré d'éléments coordonnés, destiné A atteindre des objectifs. On peut le définir comme - un ensemble de pratiques, de méthodes et d'institutions formant A la fois une construction théorique et une méthode pratique - (Petit Robert). Il se caractérise A la fois par les éléments qui le composent et par leurs interactions et les liens qui les rassemblent. Cette analyse peut se résumer dans la formule : - Tout se tient. -4
Cette perception du droit en système peut d'abord rejoindre son approche - analytique -, consistant A expliquer les termes, les concepts et les
structures juridiques et A - montrer comment le tout est compréhensible comme ordonnancement cohérent des parties - qui le composent5. Cette approche, issue de la pensée de J. Bentham et de J. Austin, s'est poursuivie dans l'école allemande du - Pandek-tenrecht - et dans l'école américaine de la - Sociological Jurisprudence - de Roscoe Pound. L'école franA§aise de l'Exégèse et la pensée normativiste de Kelsen ne lui sont pas étrangères. Mais l'approche systémique, incarnée par la science des systèmes, déloppant des méthodes de modélisation des phénomènes complexes, distingue maintenant des - systèmes fermés -, c'est-A -dire isolés, ne comportant pas d'échanges ac l'extérieur et des - systèmes ourts - qui sont des pôles d'échanges ac un environnement qui leur assure une certaine autonomie. Dès lors, l'analyse du droit en un - système ourt - n'exclut nullement les influences de l'environnement social, économique, politique, idéologique du droit sur le système juridique. Certains considèrent mASme que le droit n'est qu'un sous-système du système social global. La définition du droit en système ou, mASme en sous-système, comportant de multiples sous-ensembles en interaction est aussi compatible ac une approche axiologique, quelles que soient les valeurs retenues.
La considération de valeurs morales et sociales s'intègre parfaitement dans une analyse - systémale - dès lors que le système est - ourt - et qu'il peut s'agir d'un - ensemble flou -, dialogique, comportant mASme des normes - floues - laissant A leurs destinataires une grande - liberté de décodage -2. Ainsi conA§u en - système assoupli - mais, néanmoins, en système, le droit ne se réduit plus A un ensemble formel, rigide et abstrait, comme dans le modèle purement normatif et hiérarchisé de Kelsen3. Ac une telle - systématisation externe -, le droit est intégré - dans la société, constamment en évolution, de mASme que dans le système de valeurs et de normes qui domine dans cette société -4.
Apports de - l'analyse systémale - du droit
Ce qui caractérise un système, c'est la cohérence des éléments qui le composent ou, mieux, une - qualité d'organisation -. Ainsi, le concept de système supposerait trois idées1 : celle d'un ensemble individualisé d'éléments dans un rapport réciproque ac un environnement, celle d'un ensemble formé de sous-systèmes en interaction, celle d'un ensemble subissant des modifications dans le temps mais qui conser son identité et une certaine permanence. Il s'applique ainsi parfaitement au droit. Le système juridique est, toutefois, un système particulier, caractérisé par une identité, des structures particulières et un contenu spécifique.
L'utilité et le succès de la notion de système, - au-delA de toute considération de mode -2, tiennent au fait qu'elle dépasse - la distinction traditionnelle entre les aspects morphologiques des choses et leur dynamique propre pour tenter de saisir la relation intime qui les unit -. C'est ainsi que les aspects substantiels du droit qui en sont les racines (idées de justice, de sécurité et de progrès, faits sociaux ou volonté de l'état) et ses expressions formelles (lois et autres normes, jurisprudence) s'y conjuguent aisément. La notion de système permet aussi - de maintenir l'identité de l'objet auquel elle s'applique tout en prenant en compte les relations d'échange qu'il entretient ac le milieu dans lequel il se trou - : le droit ne doit pas seulement AStre considéré en lui-mASme mais ac le milieu social danslequel il agit. Enfin, la variété de ses applications possibles permet d'utiliser l'analyse systémique comme un moyen privilégié d'approches - transdisciplinaires -. - L'analyse systémique tend A identifier la nature d'un système et des mouments qui l'animent L'approche systémique cherche A repérer les centres nerux d'un système afin d'agir efficacement sur ceux-ci et de construire une stratégie d'action. -3
L'assimilation du droit A un système ourt et complexe comportant de nombreux sous-systèmes permet dès lors d'en dégager les inspirations et les finalités, la logique et la cohérence, les instruments et les procédés, sans négliger les réalités dont il procède et auxquelles il s'applique et sans le er dangereusement. C'est en fonction de ces éléments que l'élaboration et l'application du droit peunt s'opérer grace A des méthodes appropriées.
L'application de la notion de système au droit
Ainsi, par exemple, la loi doit AStre interprétée dans le sens où elle est compatible ac le système juridique dont elle dépend et non dans un sens où elle serait en contradiction ac lui. Son interprétation doit AStre conforme A l'esprit du législateur et aux finalités poursuivies. Elle doit AStre fidèle au texte pour respecter la logique des institutions. Ainsi, la systématisation du droit permet d'en éliminer les contradictions grace aux méthodes d'interprétation - systémique - et aux principes de règlement des conflits de lois1 et d'en combler les lacunes grace A des principes généraux, des interprétations extensis, des procédés logiques comme l'analogie ou l'argument a fortiori.
Il appartient en outre A la doctrine de procéder A un exposé systématique du droit et de réunir des éléments épars de l'ordre juridique en ensembles cohérents et harmonieux. La - systémique - est l'art du classement des notions, des concepts ou mASme des règles, en bref des catégories du droit2. La doctrine est ainsi conduite A créer des concepts destinés A - la
connaissance et A l'analyse systématique du droit -, A procéder A des classifications, puis A identifier les choses, les personnes, les droits et les faits par rapport A ces catégories, A les qualifier, pour les soumettre au mASme
régime juridique que le leur. La détermination du régime juridique applicable A une personne ou une chose suppose sa qualification juridique préalable. Les concepts, les catégories, les institutions, les principes généraux sont les - structures - ou, plutôt, l'armature ou l'ossature du système juridique. La méthode qui consiste A découvrir le régime juridique d'une chose A partir de sa
nature juridique est d'usage quotidien pour tout juriste. Mais cet effort de classification permanente est également nécessaire pour coordonner les textes juridiques. La fameuse hiérarchie formelle des normes de Kelsen permet de déterminer leur validité, parce que la règle inférieure doit AStre conforme A la norme qui lui est supérieure. Le classement des règles selon la plus ou moins grande généralité ou la spécialité de leur domaine d'application, la décourte de principes généraux ou fondamentaux du droit, voire de principes - supraconstitutionnels -', procèdent aussi de cette systématisation inélucle du droit.
Toute œuvre de codification, enfin, est, par excellence, une œuvre de systématisation. Elle l'est surtout lorsqu'il s'agit d'une codification matérielle, novatrice, comme ce fut le cas pour le Code Napoléon. Mais c'est aussi le cas, d'une autre manière, de codifications purement formelles, de simples compilations, destinées non A repenser le droit d'une matière mais A regrouper et ordonner les textes législatifs et réglementaires préexistants2. On obser aussi actuellement des formes plus mineures de systématisation, des comportements et des
relations juridiques par la - normalisation -, dans des - documents de référence -, des problèmes techniques et commerciaux3.
Cette systématisation du droit est, certes, plus particulièrement déloppée dans les approches positivistes et dans les droits d'essence romano-germanique. Elle n'est pourtant propre ni aux unes, ni aux autres. La
méthodologie juridique parait inhérente A tous les systèmes juridiques et se concilie ac toutes les écoles de pensée.