NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » droit pénal Les effets des traités à l'égard des etats tiers- En vertu d'un principe général commun au droit des contrats et au droit des traités, les uns et les autres ne sauraient produire des effets en dehors du cercle des parties contractantes : pacta tertiis, nec prosunt nec nocent. Cependant, dans l'ordre interne comme dans l'ordre international, les exceptions à ce principe sont nombreuses et vont même en s'accroissant ; il s'agit là d'un phénomène particulièrement remarquable dans l'ordre international qui est essentiellement de type « consensualiste ». 1 - L'inopposabilité (l'absence d'effets) des traités à l'égard des Etats tiers. - Ce principe traditionnel, coutumier, est tout naturellement consacré par la Convention de Vienne de 1969. L'article 34 dispose en effet que : « un traité ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son consentement ». Cette solution est conforme à la souveraineté de l'Etat qui s'exprime ici par l'autonomie de la volonté en matière d'engagements internationaux. a) La non-imposition d'obligations aux Etats tiers (art. 35 de la Convention de Vienne). - Il existe une pratique internationale abondante qui n'a cessé de rappeler ce principe. C'est ainsi, par exemple, que dans l'affaire de l'Ile des Palmes de 1928, l'arbitre, Max Huber, estima que les traités conclus par l'Esne avec des Etats tiers et qui reconnaissaient sa souveraineté sur cette ile n'étaient nullement « opposables » aux Pays-Bas qui n'y étaient pas partie. « Il semble édent, disait-il, que les traités conclus par l'Esne avec de tierces puissances et qui reconnaissent sa souveraineté sur les Philippines (dont faisait partie l'Ile des Palmes) ne pouvaient lier les Pays-Bas » (R.S.A., vol. 11.830 et ici p. 850). - La Cour de La Haye, de son côté, eut maintes fois l'occasion de reconnaitre l'existence de cette règle fondamentale du droit des traités. Ainsi, dans l'affaire de la Haute-Silésie polonaise, la C.P. J.I. devait dire on ne peut plus clairement qu'un « traité ne fait droit qu'entre ceux qui y sont parties » (1926), n° 7, Ser. A, p. 29. Dans l'affaire des « zones franches » déjà citée, la Cour estima que l'article 435 du Traité de Versailles ne serait « opposable à la Suisse, qui n'est pas partie à ce traité, que dans la mesure où elle (l'aurait) elle-même accepté » (1932), Ser. A/B, n° 46, p. 141. De même dans son as consultatif sur la « juridiction territoriale de la commission internationale de l'Oder », la C.P.J.I. arriva à la conclusion que la Convention de Barcelone de 1921 sur les voies nagables d'intérêt international, traité à portée générale s'il en est, n'était pas opposable à la Pologne, ce pays n'y étant pas partie (1929, Ser. A, n° 23, pp. 19-22). Il est à noter que, peu auparavant, la C.P.J.I. avait également estimé que le Pacte de la S.D.N. n'était pas opposable à l'égard d'un Etat non membre, en l'occurrence l'U.R.S.S. : voir l'affaire de la Carélie Orientale, 1923, Ser. B, n° 5, pp. 27-28. (Ici on ne peut s'empêcher de noter l'évolution du droit : dans l'affaire Bernadotte déjà citée de 1949, la C.I.J. reconnut que la « personnalité internationale objective » de l'O.N.U. s'imposait - et était donc opposable - aux pays non membres, en l'espèce Israël ; voir aussi infra, n° 962). Plus près de nous, dans l'affaire de « l'incident aérien du 27 juillet 1955 entre la Bulgarie et Israël », la Cour estima que l'article 36, par. 5 de son Statut ne « possédait aucune force de droit pour les Etats non signataires », ici la Bulgarie (Rec. 1959, p. 138). - Cette règle selon laquelle un Etat ne saurait se voir imposer une obligation au titre d'un traité auquel il n'est pas partie, souffre deux séries d'exceptions. Tout d'abord, cet Etat peut avoir formellement ou implicitement accepté d'être lié par une telle obligation. De plus, certains traités, en raison de leur nature « objective », pourront créer des obligations à rencontre des tiers et en dehors de leur volonté (voir infra, n° 392 et s.). b) La non-reconnaissance de droits aux Etats tiers {art. 36 de la Convention de Vienne). - Il s'agit là d'un principe complémentaire, corollaire du précédent. Il est lui aussi confirmé par une pratique constante. C'est ainsi que dans l'affaire de l'Ile de Çtipperton qui t la France et le Mexique se soumettre à l'arbitrage du roi d'Italie afin de déterminer le titulaire de la souveraineté sur cet ilot du Pacifique, l'arbitre refusa au Mexique le droit de se prévaloir contre la France des dispositions de l'Acte général de Berlin de 1885 relatif aux conditions d'occupation des territoires faute d'être partie à cette Convention (R.S.A., vol. 2. 1105). Dans l'affaire des « forêts du Rhodope Central » qui opposa la Grèce à la Bulgarie, l'arbitre Unden estima que la Grèce ne pouvait demander à bénéficier pour ses nationaux de certains avantages que s'étaient réciproquement accordés des Etats tiers dans un traité international auquel elle n'était pas elle-même partie : « n'étant pas signataire du Traité de Constantinople, (la Grèce) n'avait pas de base juridique pour faire une réclamation appuyée sur les stipulations matérielles de ce traité » (R.SA, vol. III.1405, ici p. 1417) (en l'espèce, un traité ultérieur, le traité de Neuilly, devait donner à la Grèce cette base légale). - Sans doute est-il possible que des droits soient accordés à des Etats tiers au titre d'un traité international : toutefois, le bénéficiaire doit avoir donné son accord. Le droit international est moins rigoureux quant à la manifestation extérieure de son consentement dans un tel cas puisque l'Etat tiers va bénéficier d'un droit et non se voir imposer une obligation : ainsi, l'absence d'objection de la part du bénéficiaire pourra suffire à démontrer son consentement. - Ceci étant, à titre d'exception au principe de la non-reconnaissance de droits conventionnels aux Etats tiers, on cite fréquemment la « stipulation pour autrui » et la « clause de la nation la plus favorisée ». Signalons dès maintenant que, à notre sens du moins, il ne s'agit pas d'exceptions à la règle « pacta tertiis » : ces deux clauses ont un fondement contractuel et nécessitent pour jouer l'acceptation du bénéficiaire qui, dans de telles conditions, peut difficilement être qualifié de « tiers » par rapport au traité initial, même s'il n'y est pas directement « partie ». I. - La stipulation pour autrui - L'existence possible en droit international de cette institution bien connue de l'ordre interne qu'est la « stipulation pour autrui » fut discutée dans l'affaire précitée des « zones franches » qui opposa la France à la Suisse devant la C.P.J.I. en 1932. La Cour s'abstint de trancher cette question qui n'était d'ailleurs pas nécessaire pour régler ce différend : en l'espèce, en effet, la Suisse était bien le bénéficiaire d'une disposition de l'acte final du Congrès de Vienne de 1815 qui avait institué à son profit des « zones franches » afin d'augmenter « l'hinterland » économique de la lle de Genève et elle avait expressément donné son consentement à l'octroi de tels droits économiques ; de plus, par la suite, la Suisse avait acquis des droits contractuels sur ces zones à la suite de traités passés en 1815-l816 avec le Piémont-Sardaigne, traités qui ne furent jamais abrogés (Ser. A/B, n° 46, pp. 144-l49). La confusion en la matière nt de certains « obiter dicta » de la Cour qui alimentèrent les controverses doctrinales, jusqu'à la codification de Vienne. Tout d'abord, la C.P.J.I., dans son « ordonnance » de 1929, devait estimer qu'elle n'avait pas à se pencher sur l'existence en droit international du principe des « stipulations en faveur des tierces parties » (Ser. A, n° 22, p. 20). Mais, dans son arrêt de 1932, la Cour introduisit quelque incertitude dans ce domaine. Elle s'estima tout d'abord fondée à dire que l'article 435 du Traité de Versailles n'avait pas pu avoir pour effet d'abroger le régime des zones franches à l'égard de la Suisse qui n'y était pas partie ; une telle abrogation, pour être licite, devrait recueillir l'accord formel de la Suisse. Ce faisant, la Cour précisait « qu'elle n'avait pas besoin de considérer la nature juridique de la zone de Gex du point de vue de savoir si elle constituait une stipulation en faveur d'une tierce partie ». Mais elle ajoutait ce passage : « on ne saurait facilement présumer que des stipulations avantageuses à un Etat tiers aient été adoptées dans le but de créer en sa faveur un vérile droit. Rien cependant n'empêche que la volonté d'Etats souverains puisse avoir cet objet et cet effet. L'existence d'un droit acquis en vertu d'un acte passé par d'autres Etats est donc une question d'espèce ; il s'agit de constater si les Etats qui ont stipulé en faveur d'un autre Etat ont entendu créer pour lui un vérile droit que ce dernier a accepté comme tel » (p. 147). Aux termes de ces réflexions embarrassées de la Cour, il est loisible de conclure que, pour elle, la stipulation pour autrui n'était pas nécessairement étrangère au droit international mais que sa présence ne pouvait être qu'exceptionnelle en raison des conditions posées difficiles à remplir : que les parties contractantes aient clairement manifesté l'intention d'accorder un « vérile droit » à un Etat tiers et que celui-ci l'ait accepté. - La Convention de Vienne devait adopter une position raisonnable en la matière dans son article 36. Elle reconnait en effet la possibilité pour les parties contractantes d'un traité d'accorder un (ou des) droit(s) au profit d'Etat(s) tiers. L'Etat bénéficiaire devra y conseptir, son accord étant présumé en l'absence d'indication contraire. Toute modification ultérieure de ce droit implique le consentement de l'Etat tiers bénéficiaire (sauf, toutefois, si le traité conférant ce droit en dispose autrement). II. - La clause de la nation la plus favorisée. - Il s'agit là d'une disposition conventionnelle (très fréquente dans la pratique) selon laquelle deux (ou plusieurs) Etats décident de s'étendre mutuellement le bénéfice du traitement le plus favorable qui endrait à être accordé par l'un d'entre eux dans l'avenir à un pays tiers. Cette clause de généralisation des avantages acquis dans le temps a pour but de lutter contre les pratiques discriminatoires et ainsi d'assurer une totale égalité de traitement entre les étrangers sur le territoire des Etats qui se sont accordé le bénéfice d'un tel régime. - Plus encore que dans le cas précédent, il est loisible *de douter que cette clause de la nation la plus favorisée constitue bien une exception à la règle « pacta tertiis » dans la mesure où toutes les parties en cause sont liées par des liens conventionnels : il n'existe ici vérilement aucun Etat « tiers », chaque bénéficiaire d'avantages en trouvant la source dans un traité antérieur. Et ce résultat juridique correspond fort bien au jeu de la clause qui est d'éter les discriminations entre les divers partenaires. De surcroit, la portée de la clause est strictement limitée au domaine sur lequel les Etats contractants ont pris des engagements précis : ainsi dans l'affaire de l'Anglo-Ira-nian qui opposa la Grande-Bretagne à l'Iran devant la C.I.J. en 1952 (Rec. 1952, p. 93), la Cour fit remarquer que la Grande-Bretagne n'était pas fondée à invoquer les dispositions d'un traité irano-danois de 1934 portant, inter alia, sur le règlement des différends entre les deux pays, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée contenue dans des traités anglo-iraniens de 1857 et 1903 au motif que ces traités portaient sur des questions commerciales et non de juridictions. Autrement dit, c'est bien montrer le lien indissociable qui existe entre le jeu de cette clause et les rapports contractuels élis par les parties contractantes : la clause ne joue qu'à l'intérieur de ces limites précises. 2 - L'opposabilité des traités aux Etats tiers : les traités « objectifs ». - Il s'agit là de l'un des développements les plus marquants du droit international contemporain : des obligations internationales d'origine conventionnelle peuvent être imposées aux Etats en dehors de leur consentement. - Il ne faut pas confondre cette situation avec celle, classique, sée à l'article 38 de la Convention de Vienne sant le cas de dispositions conventionnelles qui deennent obligatoires pour les pays tiers dans la mesure où elles se sont ultérieurement cristallisées en norme de type coutumier. Il en va de même en cas de traité « codifiant » des règles coutumières antérieures. Il n'y a pas là des exceptions au principe « pacta tertiis » : en effet, le caractère obligatoire de telles normes internationales trouve son fondement dans la coutume et non dans des traités ; de plus, il ne saurait y avoir de parties « tierces » en présence d'une règle coutumière générale ou universelle, sous peine d'en nier l'existence même. - Ces principes généraux ont été bien mis en lumière lors de l'affaire du plateau continental de la Mer du Nord de 1969 lorsque la C.I.J. eut à apprécier la portée de la règle de l'équidistance. La Cour raisonna logiquement en deux temps : elle se posa d'abord la question de savoir si la convention de Genève de 1958 sur le plateau continental avait codifié une règle coutumière existante ; après avoir répondu négativement à cette première interrogation, la C.I.J. dut se prononcer sur les développements ultérieurs du droit international en la matière et sur la consécration éventuelle de la règle de l'équidistance en tant que norme coutumière - et là encore la Cour s'estima fondée à répondre d'une manière négative. - Que des obligations conventionnelles internationales puissent s'imposer à des Etats tiers en dehors de leur consentement constitue à l'édence une dérogation marquée au consensualisme. Il existe actuellement un nombre croissant de traités qui possèdent une validité « erga omnes » dans la mesure où ils élissent des « régimes » généraux, objectifs, qui servent les intérêts de la communauté internationale dans son ensemble.
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