NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » droit pénal Les actes unilatéraux, source possible d'obligations internationales' Les actes unilatéraux sont susceptibles de produire de tels effets, c'est-A -dire d'AStre source d'obligations internationales pour les Etats qui les émettent. Ce phénomène juridique peut se produire, soit par simple opération du droit, ainsi d'ailleurs que deit le reconnaitre la Cour permanente de justice internationale en fonction, bien sûr, des circonstances de l'espèce, soit en raison de la volonté clairement manifestée par l'Etat auteur de l'acte en cause. 1 ' L'acte unilatéral, mode d'expression possible du consentement de l'Etat A AStre lié. ' On rappellera ici encore, d'une manière générale, que le droit international n'est pas ou fort peu formaliste. Il est, pour prendre une expression moderne, de type - phénoménologique -. Si, par exemple le représentant dûment compétent d'un Etat a, par un acte quelconque ' déclaration, reconnaissance, etc.. ', fait connaitre la position officielle de son pays sur un point de droit ou de fait particulier et si un pays tiers s'appuie sur un tel acte pour guider son comportement, le premier Etat est internationalement engagé vis-A vis du second. Et il ne s'agit pas lA seulement d'une situation d'estop-pel, ainsi que cela a été examiné plus haut. Ce principe très général selon lequel un Etat est susceptible d'AStre engagé A l'égard d'un pays tiers par le biais d'un simple acte unilatéral pour peu que le second en ait fait la condition de son propre comportement, a été posé par la Cour permanente de justice internationale dans l'affaire du Groenland oriental (ser. A/B, nA° 53) qui opposa, en 1933, la Norvège au Danemark. Les faits rapportés précédemment méritent d'AStre ici développés un peu plus dans le détail. Le 19 juillet 1931, la Norvège publiait un décret affirmant sa souveraineté sur une partie du Groenland oriental. Le Danemark saisit la C.P.J.I., prétendant avoir une souveraineté complète sur ce territoire, souveraineté, au demeurant, reconnue dans le passé par la Norvège. Pour fonder sa souveraineté, le Danemark reposait son argumentation sur des - assurances - données en juillet 1919 par la Norvège, lors de la Conférence de la Paix A Paris, selon lesquelles le Danemark - ne rencontrerait aucune difficulté de la part du gouvernement norvégien - en ce qui concerne l'extension de sa souveraineté au Groenland. Cette remarque deit d'ailleurs AStre reproduite dans les minutes de la Conférence de la Paix de Paris. Une semaine après que ces assurances eussent été données au représentant danois, le ministre norvégien des Affaires étrangères, Ihlen, deit confirmer les propos tenus autour de la le de négociation A la suite d'une réunion du gouvernement norvégien. Quelle était la leur juridique de cette déclaration Ihlen faite A la sortie d'une réunion du Cabinet norvégien ? La réponse de la Cour, approuvée par une très large majorité (12 voix contre 2) est dénuée de toute ambiguïté. Tout d'abord la Cour affirma, A la suite d'un examen attentif des textes, des circonstances de l'espèce et des développements subséquents, que cette - déclaration - ne constituait pas une reconnaissance - définitive - de la souveraineté danoise sur le Groenland par la Norvège (Rec, p. 69). Toutefois, la Cour considéra - comme incontesle qu'une telle réponse A une démarche du représentant diplomatique d'une puissance étrangère, faite par le ministre des Affaires étrangères au nom du gouvernement, dans une affaire qui est de son ressort, lie le pays dont il est le ministre - (Rec, p. 71). Ainsi la Cour fut d'avis que la Norvège était liée, qu'elle s'était engagée par cette déclaration Ihlen A l'égard du Danemark qui, de son côté, ait agi au Groenland en fonction des assurances données et confirmées en 1919. A la suite de cette déclaration, dont le Danemark ait pris acte et sur laquelle il ait fondé son comportement, la Norvège se trouit dans l'obligation de s'abstenir de contester plus tard, ici en 1931, la souveraineté danoise sur l'ensemble du Groenland ; a fortiori, la Norvège n'était-elle pas fondée A proclamer elle-mASme sa souveraineté sur une partie du Groenland ni A occuper une portion de ce territoire. ' Il est clair que cette solution dégagée par la C.PJ.I. n'est susceptible d'AStre généralisée qu'A la suite d'un examen très attentif des faits de l'espèce. Ainsi, par la simple opération du droit, si les circonstances le justifient, une déclaration d'un représentant dûment qualifié, un ministre des Affaires étrangères d'un Etat par exemple, lier cet Etat. Autrement dit, un acte unilatéral du représentant d'un Etat est un mode d'expression possible du consentement de l'Etat a AStre lié. 2 ' L'acte unilatéral, mode d'expression voulu du consentement de l'Etat A AStre lié. ' Un Etat peut choisir, pour une raison qui lui est propre, d'exprimer son consentement A AStre lié d'une manière unilatérale. Dans ces conditions, A partir du jour où l'Etat s'oblige unilatéralement A l'égard d'Etats tiers, il n'est plus fondé A revenir A tout instant sur son engagement, d'autres Etats s'appuyant sur cet acte unilatéral pour dicter leur propre conduite. On se trouve donc dans une hypothèse tout A fait différente de la déclaration unilatérale prévue A l'art. 36, al. 2, du Statut de la C.IJ. par exemple. On peut citer deux exemples classiques où des Etats ont entendu exprimer leur consentement A AStre lié A l'égard de pays tiers par le biais d'actes unilatéraux, la déclaration égyptienne de 1957 sur le statut du canal de Suez et les déclarations franA§aises de 1974 faites dans le cadre de l'affaire des essais nucléaires dont la C.IJ. eut A connaitre A l'époque. a) La déclaration égyptienne du 24 avril 1957 sur le canal de Suez ' A la suite de la crise de Suez de 1956-l957, l'Egypte publia une déclaration unilatérale de nature A ses yeux, A - constituer un instrument international -, créateur de droits et d'obligations internationales. L'Egypte demanda et obtint ' ce qui est curieux ' l'enregistrement de cette déclaration unilatérale au Secrétariat des Nations Unies (R.T.N.U., vol. 265.299 et s.). Cette procédure ne lasse pas de surprendre dans la mesure où seuls les traités internationaux sont déposés et enregistrés pour AStre publiés par le Secrétariat général des Nations Unies. Cette déclaration égyptienne de 1957 reconnait, tout d'abord, la lidité de la Convention de Constantinople de 1888 portant statut du canal de Suez. Elle reconnait les droits de navigation et de passage des usagers du canal et des Etats tiers. Cette déclaration contient aussi des obligations imposées aux usagers et aux Etats tiers pour des impératifs de navigation et de sécurité. Elle contient enfin une procédure de règlement des différends. A ce dernier titre, l'Egypte s'engageait A reconnaitre la compétence obligatoire de la C.IJ. selon la procédure visée A l'article 36, al. 2 du Statut de la Cour. En conséquence, le 18 juillet 1957, elle déposait sa déclaration unilatérale, reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour pour tout ce qui concernait l'utilisation du canal de Suez. Enfin, la déclaration du 24 avril 1957 instituait une procédure d'arbitrage éventuel pour régler les différends avec les usagers du canal en dehors du cadre de la C.IJ. Quelle est la vérile nature de cette déclaration unilatérale égyptienne ? Est-ce seulement une loi égyptienne - A portée internationale - ou est-ce, au contraire, une déclaration liant l'Egypte et qui, ayant été acceptée par les Etats étrangers, ne peut plus AStre modifiée unilatéralement par l'Egypte ? Il y aurait lA une sorte de traité international - innommé -, de traité international par notion. Il semble que l'on puisse affirmer que cette déclaration unilatérale égyptienne de 1957 a bien une portée, une leur obligatoire dans l'ordre international ; en effet, cet Etat n'est désormais plus en mesure de la modifier de faA§on unilatérale car les pays tiers ont accepté les engagements égyptiens et ont fondé leur propre conduite ultérieure en la matière sur ce - statut - du canal de Suez défini de manière unilatérale par l'Egypte. b) Les déclarations franA§aises de 1974 sur les explosions nucléaires dans l'atmosphère et leur interprétation par la C.IJ. dans le contentieux opposant l'Australie et la Nouvelle-Zélande A la France. ' Les faits étaient les suints. L'Australie et la Nouvelle-Zélande se plaignaient des essais nucléaires atmosphériques franA§ais dans le Pacifique et estimaient que ces essais étaient contraires au droit international et qu'ils engageaient ainsi la responsabilité de la France A leur égard dans la mesure où ces essais leur causaient des dommages. Pendant toute la procédure, la France s'abstint de paraitre dent la Cour. Après une camne d'explosions nucléaires au printemps 1974, le Président de la République franA§aise, en juillet 1974, puis le ministre de la Défense franA§ais en août et octobre 1974, et le ministre des Affaires étrangères en septembre 1974, firent savoir dans des conférences de presse, que, pour l'avenir, la France ne procéderait plus A des essais dans l'atmosphère, pour se limiter exclusivement A des essais souterrains. Quelle était la leur juridique de ces déclarations faites au cours de conférences de presse par les plus hautes autorités politiques franA§aises ? La Cour jugea ces déclarations suffisamment importantes pour que, A son avis, le différend entre la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande soit vidé de son contenu. La Cour décida, par 9 voix contre 6, que - la demande é(tait) désormais sans objet et qu'il n'y ait dès lors pas lieu de statuer -. Autrement dit, la Cour considéra que la France se trouit ainsi engagée A l'égard des pays demandeurs et que ces derniers aient obtenu par ce biais l'essentiel de ce qu'ils demandaient ' A savoir, l'arrASt des expériences nucléaires franA§aises dans l'atmosphère. Le raisonnement de la C.IJ. lui permettant d'ar river A cette conclusion mérite d'AStre ici analysé dans le détail en raison de son importance A titre de précédent généralisable. ' La Cour deit tout d'abord poser le principe suint : - Il est reconnu que ces déclarations revAStant la forme d'actes unilatéraux concernant des situations de droit et de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques -. - Quand l'Etat auteur de la déclaration entend AStre lié conformément A ses termes, cette intention confère A sa prise de position le caractère d'un engagement juridique, l'Etat intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite conforme A sa déclaration -. - Un engagement de cette nature exprimé publiquement dans l'intention de se lier, mASme hors du cadre de négociations internationales, a un effet obligatoire. Dans ces conditions, aucune contrepartie n'est nécessaire pour que la déclaration prenne effet non plus qu'une acceptation ultérieure ni mASme une réplique ou une action d'autres Etats, car elles seraient incompatibles avec la nature strictement unilatérale de l'acte juridique par lequel l'Etat s'est prononcé - (Rec. 1974, p. 267). Et la Cour terminait ainsi son analyse : - Les déclarations ayant été faites publiquement en dehors de la Cour et erga omnes (p. 269), le Gouvernement franA§ais a signifié par lA A tous les Etats du monde, y compris le demandeur, son intention de mettre fin effectivement A ses essais - (p. 269). Il s'agit donc, dit la Cour, d'un - engagement A l'égard de la communauté internationale dans son ensemble - (p. 269). ' De ces longs extraits de l'arrASt de la Cour de 1974, il est possible de résumer ainsi l'état du droit international en la matière tel qu'il est énoncé par la C.I.J. 1A° Une déclaration unilatérale d'un Etat est susceptible de constituer une source d'obligations internationales pour cet Etat. 2A° Le fondement du caractère obligatoire d'un acte unilatéral de ce type réside dans le principe de bonne foi. Une telle déclaration engendre, en effet, pour les pays tiers une confiance légitime qui les inciter A adopter une conduite en conséquence. Bonne foi de l'Etat émetteur, confiance légitime des pays tiers concernés se trouvent au centre des liens juridiques élis A partir d'actes unlatéraux. Leur présence est nécessaire pour que des relations juridiques sles et sûres puissent exister et se développer dans un tel cadre. Ces considérations fondamentales expliquent que les engagements internationaux contenus dans des actes unilatéraux ne puissent AStre modifiés A tout propos par les Etats - émetteurs -. 3A° Les obligations ainsi souscrites ne sont assorties - d'aucun pouvoir arbitraire de révision - (Rec, p. 270). Cela ne veut pas dire cependant qu'il n'existe aucun pouvoir de révision ; ces déclarations unilatérales obligatoires ne sont pas immuables. En tout cas, elles ne sont pas plus immuables que les obligations découlant d'un traité international. C'est ainsi, par exemple, que le Traité de Moscou de 1963 sur l'interdiction des essais nucléaires dans l'atmosphère autorise les parties contractantes A se retirer du traité - si des événements extraordinaires en rapport avec l'objet du présent traité ont compromis les intérASts souverains d'un pays - (art. IV). Il de soi que l'effet des déclarations unilatérales franA§aises ne saurait AStre plus strict que les dispositions du Traité de Moscou de 1963. Mais il ne saurait non plus AStre moins strict. En bref, la France serait fondée A revenir sur ses engagements en la matière, au mASme titre que les parties contractantes au Traité de Moscou, en cas de circonstances exceptionnelles. Il convient ici de retenir que de tels actes unilatéraux, sources d'obligations internationales, peuvent AStre révisés, mais que cette révision ne doit pas se faire d'une faA§on arbitraire de la part de l'Etat - émetteur -. Mutatis mutandis, les règles applicables en matière de révision des traités sont susceptibles d'AStre ici transposées. Toutefois, il faut aussi d'autres conditions pour que ces actes unilatéraux soient des sources d'obligations internationales. 4A° Il faut que la partie déclarante ait eu l'intention de se lier. La recherche de cette intention est, bien entendu, toujours difficile A dégager et il n'y a aucun formalisme dans ce domaine. Le juge, s'il en est saisi, doit s'inspirer du contexte et des circonstances qui ont entouré ces actes unilatéraux et, sur ce point, l'approche de la C.I.J. dans l'affaire des essais nucléaires est un bon exemple de la marche A suivre. 5A° Enfin, la déclaration unilatérale doit AStre publique. Une déclaration unilatérale, pour lier un Etat, doit avoir été faite publiquement. LA encore, il n'y a aucun formalisme pour assurer la publicité de ces actes unilatéraux. Aucune notification aux Etats intéressés n'est ici exigée. Il suffit que les engagements reconnus par l'Etat aient été pris publiquement et non pas confidentiellement et que les Etats tiers concernés aient eu tout le loisir d'en prendre connaissance. Et lA encore, on peut renvoyer A la démarche de la C.IJ. dans l'affaire des essais nucléaires de 1974. La Cour admit ici facilement que les déclarations unilatérales franA§aises remplissaient ce critère de publicité, - les faits en cause, suint la Cour, étant notoires -. |
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