NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » droit administratif Les règles communes aux différents services publics
A ' CRéATION ET SUPPRESSION DES SERVICES Pour les tenants de la doctrine libérale, les interventions de l'Administration doivent rester très limitées (surtout dans le domaine économique) : en assumant des activités, les autorités publiques restreignent le champ d'action de l'initiative privée, faussent les règles du marché et donc portent atteinte aux libertés des particuliers. En conséquence, sous les IIIe et IVe Républiques, seul le parlement avait le pouvoir d'autoriser la création de services publics et le juge reflétait bien cette opinion dominante en exigeant une autorisation législative expresse38. Toutefois, l'application de ce principe a toujours connu des aménagements et a été remis en cause en 1958. Les règles sont d'ailleurs différentes selon qu'il s'agit de services nationaux ou de services locaux. 1. Les services publics nationaux Le pouvoir constituant est seul compétent pour créer ou supprimer les services dont l'existence, conformément A la jurisprudence du Conseil constitutionnel, découle de la constitution ellc-mASme,9. Le monopole législatif était, dès avant 1958, assez sensiblement atténué par la reconnaissance de compétences aux autorités executives. Ainsi certains services publics supposant une utilisation du domaine public4" ne pouvaient AStre mis en place qu'après une autorisation administrative d'exploitation. D'autre part, la détermination des modalités générales d'organisation relevait du pouvoir réglementaire. Enfin, la jurisprudence avait nettement admis l'existence de services publics créés par les autorités executives et, par conséquent, éventuellement supprimés par ces dernières41. La Constitution de 1958, en délimitant le domaine législatif, met fortement en cause la compétence législative pour créer les services publics ' dans la mesure où cet objet ne ure pas dans les énumérations de l'article 34 de la Constitution et où, en conséquence, il relève du pouvoir réglementaire autonome (art. 37). Mais, cependant, le bouleversement n'est pas total car la décision continue d'appartenir au parlement dans plusieurs cas : lorsque la création du service met en cause les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, lorsqu'elle aboutit A l'apparition d'une nouvelle catégorie d'élissements publics, lorsqu'elle comporte une nationalisation (un transfert de propriété d'entreprises du secteur privé au secteur public). De plus, l'article 34 donne compétence au législateur pour fixer les principes fondamentaux de certains grands services publics : la défense nationale, l'enseignement, la Sécurité sociale. 2. Les services publics locaux Par les lois du 10 août 1871 relative au département et du 5 avril 1884 relative A la commune, le législateur a posé les règles générales de création des services locaux. Il s'agit en fait d'autorisations abstraites, données au conseil général et au conseil municipal de prendre les décisions concrètes de création sous le contrôle des autorités de tutelle. A ces niveaux, l'existence de services obligatoires implique l'obligation pour l'assemblée délibérante d'inscrire au budget les crédits nécessaires42. Ainsi en est-il pour la commune de l'aide sociale, de la police, des pompes funèbres, par exemple. A côté de ces services obligatoires, existent des services qualifiés de facultatifs en raison de la liberté laissée aux assemblées locales quant A leur création A la double condition de respecter, d'une part, le principe de l'intérASt local (limitation A la fois géographique et matérielle), et, d'autre part, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Celui-ci, qui interdit aux collectivités de faire concurrence aux entreprises privées, a provoqué au cours de la première moitié du XXe siècle des difficultés quant A la création de services publics A caractère industriel ou commercial (municipalisme ou socialisme municipal). Le Conseil d'état s'est opposé A cette création, en ne l'admettant que de faA§on très restrictive en cas de circonstances exceptionnelles4*. Et, malgré un décret-loi de 1926 élargissant les possibilités de création de services A caractère économique, le Conseil d'état a maintenu sa position dans une décision célèbre de 193044. Puis, sous l'influence des événements et de l'évolution des idées (accélérée par la crise économique des années 30), la jurisprudence a été assouplie et a apprécié de faA§on plus large les besoins locaux. A la notion de circonstances exceptionnelles a été substituée celle de circonstances particulières de temps et de lieu, au demeurant entendues de manière extensive. Le développement de l'interventionnisme économique de l'état a, d'une faA§on générale, atténué considérablement la portée du principe de liberté du commerce et de l'industrie. De plus, un décret du 20 mai 1955 et une loi du 31 décembre 1970 ont encore augmenté les possibilités d'intervention des communes dans le domaine économique et social. La notion de besoin collectif local inclut des activités essentielles comme le logement, l'hygiène, la distribution de l'eau, les transports, et aussi la culture (théatres, cinémas) ou les loisirs. Théoriquement justifié par lA carence ou l'insuffisance de l'initiative privée, les interventions publiques sont admises simplement en e d'une amélioration qualitative ou quantitative de l'activité, ou mASme A titre d'impulsion. Ainsi relèvent de ces objectifs la création de services de consultations juridiques gratuits45 ou de cabinets médicaux municipaux. Par exemple, en 1901, le Conseil d'état avait déclaré nulle de droit une délibération d'un conseil municipal en Corse qui décidait de rémunérer -un médecin communal chargé de soigner gratuitement tous les habitants pauvres ou riches indistinctement- alors que deux médecins exerA§aient dans la commune; au contraire, en 1964, la môme juridiction a estimé régulière la création, A Nanterrc, d'un cabinet dentaire municipal, destiné A -permettre A la population locale, composée en grande majorité de salariés modestes, de ne pas renoncer aux soins dentaires malgré la carence de l'équipement hospitalier et le nombre insuffisant de praticiens privés, alors surtout que ceux-ci pratiquaient en fait, pour la plupart du moins, des tarifs supérieurs A ceux que rembourse la Sécurité sociale-46. B ' PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT Les théoriciens de -l'école du service public- ont essayé d'élir les principes qui régissent l'ensemble des activités tendant A la satisfaction de l'intérASt général. A la suite de Léon Duguit, Louis Rolland47 a systématisé ces -lois- ' égalité, continuité, muilité ' qui demeurent essentielles malgré les évolutions. 1. Le principe d'égalité a) En affirmant l'égalité devant la loi, la Déclaration des droits de 1789 a posé le fondement de l'égalité devant les activités publiques, précisée, en particulier, dans le préambule de la Constitution de 1946 (rappelée dans celle de 1958). Le Conseil d'état a mis en ouvre cette inspiration fondamentale du droit positif franA§ais, en consacrant, notamment, comme principe général du droit, le principe d'égalité quant au fonctionnement des services publics48. b) Cependant, les administres ne sont égaux que s'ils se trouvent dans des situations identiques. En revanche, dès qu'ils sont dans des situations différentes ou encore lorsque des considérations d'intérASt général l'exigent, apparaissent entre eux des discriminations licites. Ainsi la souplesse nécessaire A la gestion des services publics industriels et commerciaux conduit A traiter différemment leurs clients, notamment en ce qui concerne les tarifs qui leur sont applicables. De mASme, les administrations disposent-elles d'une large liberté dans le choix de leurs cocontractants : l'adjudication qui place tous les candidats sur un pied d'égalité est fréquemment écartée au profit d'une négociation directe et d'une désignation intuitu personae des partenaires des services publics. c) En fait, l'application du principe d'égalité pose des problASmes très difficiles et complexes. En effet, les inégalités sociales ne doivent pas anéantir Y égalité de droit. Aussi bien la condition de cette dernière semble bien AStre la gratuité du service public. Cependant, la Constitution ne parait affirmer expressément ce principe que pour renseignement4''. D'autre part, la charge matérielle du service ' son coût ' doit AStre financée dans tous les cas, d'une faA§on ou d'une autre, soit par le contribuable (national ou local), soit par l'usager directement. Le législateur et les autorités executives sont donc obligés d'opérer des choix, ou bien en fonction de la nature des activités (il est certain que la défense nationale ou la police peuvent difficilement AStre financées par l'usager), ou en fonction de l'impact politique et social de leurs décisions (et les choix peuvent AStre alors très discules), ou bien en fonction d'impératifs de gestion, l'état se déchargeant, pour des raisons budgétaires, d'activités onéreuses sur des organismes privés qui élissent des relations de clientèle avec les usagers (péages d'autoroutes, par exemple). 2. Le principe de continuité Le principe de continuité des services publics51 repose sur la permanence de l'état en mASme temps que sur la nécessité de répondre aux besoins d'intérASt général sans interruption. L'article 5 de la Constitution de 1958 dispose d'ailleurs que -le président de la République assure, par son arbitrage, la continuité de l'état et le fonctionnement régulier des pouvoirs publics-. Il n'est donc pas surprenant que le Conseil constitutionnel ait donné A ce principe valeur constitutionnelle52 et que le juge administratif en fasse le fondement de prérogatives administratives'3 en mASme temps que d'obligations ou de sujétions imposées A la puissance publique. Les autorités executives doivent s'assurer du fonctionnement régulier des services publics et, en cas de défaillance, leur responsabilité serait engagée. D'autre part, les autorités de l'état doivent veiller A ce que les autorités des collectivités décentralisées exécutent les lois et, notamment, assurent les services qu'elles ont obligatoirement en charge; en cas d'inertie, de refus ou de négligence, le pouvoir de substitution peut intervenir. Par ailleurs, les autorités administratives imposent, pour rendre effective la continuité des services publics, des obligations au personnel ainsi qu'aux cocontractants de l'administration : tous les agents du service public sont soumis A la réglementation relative A la grève (et, en particulier, A l'obligation d'assurer un service minimal); et, A l'égard des cocontractants, le principe de continuité fonde la jurisprudence de l'imprévision et le pouvoir de sanction : un concessionnaire, notamment, doit, sauf cas de force majeure, continuer l'exploitation du service mASme en cas de difficultés imprées54. 3. Le principe de muilité Parfois présenté comme un corollaire du principe de continuité, celui de muilité ou d'adaptation a cependant sa spécificité. Il s'agit plus d'assurer au mieux, qualitativement, le service, que du problème de sa régularité dans le temps. Les exigences de l'intérASt général, et les besoins des administrés évoluent. Toutes les modifications d'ordre juridique, économique ou technique qui interviennent et touchent les services publics obligent les autorités administratives A adapter, en conséquence, leurs actions. L'Administration est donc tenue d'agir, et son abstention peut AStre sanctionnée par le juge. Le refus de mise en application de nouveaux textes ou de prise en considération d'un bouleversement des circonstances de fait (nécessitant des décisions nouvelles) peut AStre annulé A la suite d'un recours pour excès de pouvoir ou entrainer la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique. D'autre part, les autorités administratives, pour assurer la meilleure adaptation possible de leur action, imposent des obligations diverses aux usagers (hausse des tarifs), aux cocontractants (modification unilatérale de clauses des contrats), aux agents publics qui, étant dans une situation légale et réglementaire, n'ont aucun droit au maintien de leur statut ou de l'organisation des services auxquels ils sont affectés. Pleinement justifié dans son essence, ce principe d'adaptation recèle toutefois une certaine ambiguïté quant A son contenu. En effet, la recherche de la renilité, accentuée par les difficultés économiques, conduit les autorités A formuler des limites A leur propre action. Le principe de muilité est alors détourné de son sens : il sert de couverture A une restriction des services pour raison économique, et est utilisé en e d'adapter les besoins sociaux A la gestion, et non l'inverse. Ce phénomène précis reflète une situation générale critiquable : les services publics représentent de moins en moins des fins propres; ils deviennent des activités parmi d'autres, modelées en e d'un enjeu qui les dépasse; ils sont banalisés. |
|||||
Privacy - Conditions d'utilisation |
Au sujet des droit administratif |
||||||||||
|
||||||||||
Je sais et les autres ... |
||||||||||
|