La reconnaissance d'une responsabilité de l'Administration, en dégageant le principe d'une sorte de légitimité de l'indemnisation des personnes lésées par la puissance publique, a conduit A admettre dans une certaine mesure la responsabilité de l'état pour les dommages qu'il cause dans l'exercice de ses autres fonctions : la fonction législative, la fonction juridictionnelle et aussi la fonction gouvernementale.
1. La fonction législative
L'état législateur est resté longtemps irresponsable, sur le fondement du caractère mASme de la loi : expression de la volonté générale, et s'imposant A tous, elle ne paraissait pas susceptible de causer des dommages identifiables pour un particulier. Cependant, l'application du principe d'égalité devant les charges publiques a conduit le Conseil d'Etat A reconnaitre la responsabilité du fait des lois. Plusieurs décisions de la première moitié du xxc siècle, principalement dans l'affaire La Fleurette jugée en 1938, ont admis l'ouverture d'un droit A indemnité en réparation des conséquences dommageables d'une loi; une décision ultérieure de 1944 a confirmé cette éventuelle responsabilité; toutefois, celle-ci reste enfermée dans des conditions très restrictives7. En effet, d'une part le Conseil d'état examine si la loi ou les travaux préparatoires n'ont pas entendu exclure toute indemnisation. D'autre part, il considère le plus souvent qu'aucune indemnisation n'est justifiée car les dispositions législatives sent A satisfaire l'intérASt général qui recouvre l'intérASt économique, fondement de nombreuses lois aux effets rigoureux (par exemple les dispositions de lutte contre la hausse
des prix), et également l'intérASt social. Enfin, le préjudice invoqué doit AStre non seulement certain et direct (c'est-A -dire ne pas AStre une simple éventualité) mais aussi spécial au requérant et anormalement grave. Ces principes de la responsabilité résultant de l'application d'une loi ont été utilisés par le juge pour les dommages résultant de la mise en œuvre d'une ordonnance, acte A valeur législative8. De plus, le Conseil d'état admet dans des conditions ables la responsabilité des
personnes publiques pour les conséquences dommageables de règlements régulièrement édictés9.
2. La fonction juridictionnelle
La responsabilité de l'état dans l'accomplissement de la fonction juridictionnelle est également limitée et récente et elle obéit A des règles différentes selon que le dommage est né de l'actité des tribunaux judiciaires ou de celle des tribunaux administratifs. Pour les premiers, le principe d'une irresponsabilité, fondé sur la force de vérité légale attachée aux jugements, n'a longtemps été assorti que de dérogations très marginales : responsabilité pour des actes préparatoires détachables du jugement ou en raison des conséquences dommageables de la détention prosoire. Mais une loi du 5 juillet 1972[0 a supprimé l'irresponsabilité de principe en prévoyant que - l'état est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du serce de la justice -. Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice (art. 11). Cette faute lourde ou ce déni de justice, peut provenir d'une
faute personnelle d'un juge ou d'un agent du serce judiciaire ; mASme dans ce cas, la ctime d'un dommage doit attaquer l'état (ce dernier ayant la possibilité ensuite de se retourner contre le magistrat ayant commis une faute personnelle, au moyen d'une action récur-soire). Ces dispositions abrogent la procédure de la prise A partie contre un magistrat qui était prévue par le Code de procédure cile.
Toutefois cette loi ne s'applique qu'A l'exercice de la fonction judiciaire. Et jusqu'A un arrASt récent, le fonctionnement des
juridictions administratives était marqué par le principe d'irresponsabilité, sauf pour des fautes détachables de la fonction juridictionnelle. Pourtant, en 1978, le Conseil d'état a admis l'existence d'un droit A indemnité en cas de faute lourde (et uniquement dans ce cas) dans le fonctionnement de la justice administrative, en excluant clairement toute faute résultant du contenu mASme de la décision juridictionnelle si celle-ci est définitive car elle est alors revAStue de l'autorité de chose jugée".
Dans le mASme ordre de difficultés juridiques, se pose le problème de certaines actités qui, rattachées A la fonction juridictionnelle, sont dans une situation intermédiaire en quelque sorte entre le serce public administratif et le serce de la justice. Tel est le cas de la police judiciaire dont le personnel est en grande partie le mASme que celui de la
police administrative et utilise les mASmes moyens matériels, mais qui a pour objet de contribuer au fonctionnement de la justice. Dès lors la question s'est posée de savoir si l'on devait utiliser les règles de droit prive et considérer le contentieux comme totalement judiciaire ou se référer aux règles du
droit public. La jurisprudence en la matière est originale, mais fort complexe pour les requérants. La Cour de cassation a affirmé sa
compétence pour la responsabilité de la police judiciaire, mais en affirmant également le devoir de se référer en l'espèce aux règles du droit public de la responsabilité12.
3. La fonction gouvernementale
La régularité des actes de gouvernement n'est pas contrôlée par le juge administratif13, mais celui-ci accepte de condamner l'état A réparer les préjudices causés par de tels actes qui sont donc traités comme des lois du point de vue contentieux. Cette solution date de 196614. Elle a mis fin A l'irresponsabilité de la puissance publique en ce domaine. L'affaire qui a permis ce rerement de jurisprudence concerne les conventions internationales mais elle vaut pour l'ensemble de la fonction gouvernementale. Le Conseil d'état s'exprime en ces termes : - La responsabilité de l'état est susceptible d'AStre engagée, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de conventions conclues par la France avec d'autres états et incorporées régulièrement dans l'ordre
juridique interne, A la condition d'une part que ni la convention elle-mASme ni la loi qui en a éventuellement autorisé la ratification ne puissent AStre interprétées comme ayant entendu exclure toute indemnisation et, d'autre part, que le préjudice dont il est demandé réparation soit d'une graté suffisante et présente un caractère spécial. -