« On est arrivé à réunir sur le même la reproduction de Van Gogh, la réédition de Dashiell Hammet, le dernier Kubrick, une cassette d'un film muet rare, une sectiune postale représentant un collage dadaïste, la Joconde sur un torchon, du Stan Kenton, des enregistrements ethnologiques zou-lous Tout ça est rangé côte à côte dans le présentoir. Tout ça doit être consommé côte à côte aussi. » Jean-Patrick Manchette à Libération, 15 mars 1982
À l'aube des années quatre-vingt, Jean-Patrick Manchette dessinait les contours d'une noulle culture de la consommation, mélangeant les différences, nilant les hiérarchies.
La culture sous l'influence du marché
Le domaine culturel est un des théatres privilégiés de cet effacement progressif des barrières. La culture devient un immense puzzle où l'on assemble des parties hétérogènes, voire contradictoires. Nous sommes aujourd'hui probablement au delà de ce que décrivait Jean-Patrick Manchette. Nous ne sommes plus dans une culture de consommation, mais désormais la culture est consommation. Elle est denue marchandise. Les cultures du monde sont recyclées par la sphère marchande. Transformées en produits à ndre, réorchestrées pour plaire au plus grand nombre. Les grandes entreprises sont denues les principales productrices de culture : majors musicales, sociétés internet, studios de production, jeux vidéos les fameux contenus que s'arrachent les grands capitaines d'industrie, pariant sur leur valeur future par rapport aux contenants. Il faudra bien mettre quelque chose dans les tuyaux de
la communication, l'intemet haut débit, les chaines de télévision numérique, l'information délivrée sur les écrans de nos téléphones mobiles. Ces contenus sont sélectionnés et déloppés par les multinationales elles-mêmes, qui souhaitent contrôler l'ensemble de la chaine afin d'accroitre leur attractivité auprès de leurs clients, et deviennent ainsi les premières productrices de culture. La culture devient hybride à trop se mélanger à l'unirs marchand.
Ainsi du nouau tour que prend l'information. Celle-ci, pilotée par le marché, se plait de plus en plus à fusionner deux concepts considérés comme antinomiques : l'information et le spectacle. Les chaines françaises n'ont pas tardé à suivre l'exemple de CNN. Pour faire face à la dictature des parts d'audience, elles n'hésitent plus à concevoir les journaux télévisés, non plus en fonction de l'intérêt de l'information, mais plutôt selon la capacité des sujets à maintenir les consommateurs attentifs en attendant le fameux écran publicitaire prime time de 20 h 30 (le plus cher payé, 53 500 euros en moyenne pour 30 secondes). Ainsi la forme, le ton des journaux télévisés s'en trount affectés. Ceux-ci deviennent de simples enchainements d'images, au détriment de la profondeur des analyses. On cède à la tentation d'inviter des stars médiatiques, plutôt que des personnalités plus compétentes sur les sujets traités. Mais aussi, et c'est plus gra, le fond, c'est-à-dire la nature des sujets choisis, en subit le contrecoup.
Ainsi Pierre Péan et Christophe Nick soulignaient dans leur ouvrage TF1, un pouvoir qu'une très grande majorité des sujets traitant de l'islam et de l'immigration, entre la privatisation (avril 1987) et mars 1995, les associaient au terrorisme, à l'intégrisme, la délinquance ou la violence. Sur une moyenne d'un sujet tous les trois jours sur cette période de 8 ans, seuls deux sujets juxtaposaient culture et Islam (« le 10 juin 1993, un sujet sur la culture intégriste en Iran à la ille de l'élection présidentielle ; le 26 nombre 1996, sur une représentation d'Aïda à Louxor »).
Sous le règne du marché, l'information fait place à Yinjotainement, mélange d'information et de dirtissement.
La mécanique est la même dans le domaine du sport. Il est loin le temps ou les valeurs désintéressées du sport triomphaient. Jamais le sport n'a flirté d'aussi près ac le business.
Pour denir une star mondiale, les performances ne sont plus les seules à compter. Il faut aussi savoir séduire et s'exprimer. Le champion doit présenter aux médias une vraie personnalité, émettre des points de vue ou laisser le charme agir ! C'est ainsi qu'Anna Kournikova est denue une dette avant d'avoir gagné un tournoi de tennis important. Propulsés par leurs sponsors, les athlètes deviennent de vériles produits.
À la suite d'un savant calcul, pondérant la personnalité par les performances sportis, on évalué la valeur de chaque sportif. Michael Jordan, star idéale car dotée d'une forte personnalité et d'un vrai talent de communicateur, est allé jusqu'au bout de cette logique. Denu une vraie superstar médiatique, il a déloppé en partenariat ac Nike une
marque de vêtements de sport portant son nom. Il semble que la performance sporti ne soit plus qu'un prétexte justifiant le spectacle que représente le sport et ses athlètes. Sous l'impulsion du marché, une noulle discipline est née, résultat de la fusion du sport, du business et du spectacle.
L'amalgame entre la culture élitaire et la culture populaire témoigne aussi de cet effacement des vieilles distinctions. Au nom des valeurs modernes, la culture s'était hiérarchisée. La culture dominante, dite classique, celle qui composait les
connaissances de « l'honnête homme » dominait l'enseignement unirsitaire. Elle ne concevait que mépris pour la culture populaire, composée de « littérature de gare », de chanson populaire et de cinéma folklorique.
La culture postmoderne est cool, cosmopolite et décomplexée. Sous l'impulsion du marché, elle balaye les vieilles oppositions. Chacune des principales facettes de la création culturelle est gagnée par une envie de faire cohabiter les contraires, de réconcilier les anciens antagonismes.
Le champ de la littérature illustre cette évolution. L'individu volage et zappeur mélange ses lectures en fonction de l'inspiration du moment et n'hésite plus à faire côtoyer dans sa bibliothèque Mary Higgins Clark ac Marcel Proust et James Joyce. Et pour cause, sous l'emprise du celebrity System, l'auteur de best-sellers devient plus célèbre que le prix Nobel.
Un intérêt nouau est porté à la littérature minoritaire. L'ouvre du prix Nobel noir américain Toni Morrison vient d'être incorporée au corpus classique d'enseignement de l'unirsité de Stanford aux États-Unis.
Les traditionnels « genres mineurs » sont réhabilités. La science-fiction française est en train de renaitre de ses cendres. Les grandes maisons d'édition s'y intéressent de plus en plus et les éditions Baleines proposent désormais une collection (Macno) publiant un ouvrage de science-fiction par mois.
De même, le roman noir bénéficie d'un réel engouement. Après avoir été longtemps confiné au rang de littérature de gare, le roman policier est reconnu comme un genre littéraire à part entière. Patrick Raynal, le directeur de la Série noire, intègre dans sa collection Odipe de Sophocle, actualisé par un unirsitaire, et définit le roman noir comme étant :
« Un regard sur le monde, un regard sur le côté sombre, opaque, criminel du monde, trarsé par le sentiment intense de la fatalité que nous portons en nous. »
Véhicule reconnu d'une certaine vision du monde qui lui est propre, le roman noir obtient ses lettres de noblesse et la reconnaissance qui lui manquait. Ses ntes décollent. En témoigne le succès de la collection Le Poulpe. Les auteurs de « polars » sont reconnus comme de grands écrivains. Simenon a été quasi canonisé après sa mort. Jean-Patrick Manchette dépasse la vision du roman noir et s'est installé au panthéon des écrivains contemporains. Même l'éminente revue Les Temps modernes, créée par Jean-Paul Sartre en 1945 et gardienne du temple de la culture élitaire, a dédié un numéro entier au roman noir (dont la courture reproduisait graphiquement un numéro de la Série noire sous le titre « Pas d'orchidées pour les Temps modernes »).
La littérature pulp, traditionnellement considérée comme le parent pauvre de la noire est réhabilitée (elle tire son nom du fait qu'on l'imprimait sur un matériau à base de pulpe de papier qui coûtait peu cher et abaissait le prix de revient de ces romans de gare) sous l'impulsion de Tarantino et de Bukowski qui a consacré un de ses derniers ouvrages au genre (Pulp). La vision naï et colorée de la société, les oppositions de personnalités ultra-simplistes, les meurtres sanguinolents ont désormais leur place dans le paysage de l'accueillante culture postmoderne.
Le cinéma n'est pas en reste. Pulp Fiction fait d'un genre mineur une ouvre majeure, proposant un nouau regard sur le cinéma moderne. Volte-Face de John Woo cristallise un mélange inattendu entre le cinéma d'auteur et le savoir-faire de la série B asiatique. Ce maitre du policier naïf et expressionniste, aux effusions romantiques à l'eau de rose (The Killer) est désormais reconnu par les Cahiers du cinéma. La thématique même de Volte-Face traite du flou artistique qui brouille la frontière entre le bien et le mal.
Un flic (John Travolta), qui mène une petite vie bien tranquille, partagé entre sa femme et sa fille, voue une haine féroce à un truand d'enrgure (Nicolas Cage). La raison : celui-ci a tué son fils quelques années auparavant. Une opération leur permet d'échanger leurs visages. Le flic prend le visage du truand et épouse sa vie, et vice-rsa. Le début de la métamorphose se passe mal : chacun des deux protagonistes rejette en bloc le mode de vie de son rival (activité, amitiés, famille). Nicolas Cage est brutalement confronté à la vie familiale routinière de Travolta. Ce dernier ne supporte pas d'être pris pour le truand. Progressiment les deux héros s'adaptent à leur noulle vie. Travolta constate que la vie de Cage n'est pas le mal absolu et qu'elle inclut certains aspects positifs. Cage prend goût à la vie de famille.
Morale de l'histoire : le bien et le mal ne sont pas séparés par une frontière aussi rigide qu'elle en a l'air. Les repères sont plus flous. Dans une optique très asiatique, le mal est dans le bien ; le bien est dans le mal.
Lindustrie hollywoodienne a intégré l'évolution postmoderne des sociétés occidentales. Et elle sait s'adapter. Greg Araki, jeune réalisateur de films typés ados, à dominante visuelle (The Doom Génération, Nowhere), déclarait ainsi au journal Libération, en parlant de son prochain film :
« Cela s'appelle Splendor, c'est sur les relations romantico-sexuelles de deux types et d'une fille sur le mode comédie des années trente, sur fond de techno et de jungle, un truc complètement fragmenté, très postmoderne. »
Fragmentation, mélange des temps et des styles, déstructuration du couple, tout y est ou presque ! Autant de signes qui laissent à penser que l'industrie hollywoodienne, toujours soucieuse de coller aux attentes de son public, s'intéresse elle aussi à la postmodernité.
L'art lui-même témoigne de la réconciliation de ce qui a longtemps été en opposition forte. Quoi de plus éloigné que l'art et le commerce ! Deux sphères bien délimitées et imperméables l'une à l'autre. Le mur séparant les deux disciplines est pourtant en train de se fissurer, sous l'impulsion de Fabrice Hybert.
Représentant officiel de l'art français à la biennale de Venise en 1997, l'artiste a construit l'ensemble de son ouvre autour de cette idée. Son ouvre touche à de multiples champs artistiques (dessin, peinture, sculpture, photographie, vidéo). Elle vise à juxtaposer les contraires, à réaliser des croisements inattendus.
Ainsi, elle multipliait les clins d'ceil à des animateurs connus de la télévision française et montrait comment une chaine fonctionne. Louvre d'Hybert, où l'art flirte ac le commerce et les médias, est un signe parmi d'autres. Elle illustre les glissements progressifs de disciplines autrefois opposées, qui lentement, tendent à se rapprocher. Elle contribue à enraciner l'exposition « Hybermarché », précédemment organisée à l'Arc, qui jouait sur les mots et proposait un unirs où chacune de ses ouvres était étiquetée comme dans un centre commercial. Celle-ci réconciliait déjà deux mondes traditionnellement opposés : ceux de l'art et de l'entreprise. Louvre représentant la France à Venise nous faisait voyager à l'intérieur de la chaine de production d'images d'une station de télévision, perception d'une société ourte au mélange et au métissage des genres.
Pour la musique, les grands succès mondiaux témoignent de l'abolition des barrières géographiques et culturelles.
Dans la chambre de Richard, 16 ans, on croise le dernier album des Beastie Boys, un disque de musique cubaine, le Requiem de Mozart et un classique des Stones.
La World music devient populaire, étaire et branchée. Depuis quelques années, plusieurs labels se disputent la diffusion des musiques du monde, dont le fameux « Real World » créé par Peter Gabriel. On se met à écouter du blues malien ou des rythmes soufis. Après sa mort, le génial pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan a été consacré superstar. La musique cubaine suscite le même engoue ment. Ainsi, comble des hasards de la vie, il aura fallu à Compay Segundo et Ruben Gonzales atteindre les ages canoniques de 90 et 78 ans pour obtenir la consécration internationale qu'ils ont attendue toute leur vie ac l'anture du Buena Vista Social Club.
Les succès étaires mélangent les décennies ou les styles. Les Chemical Brothers ont fait un carton en mélangeant rock et techno. Le groupe Air, porteur de la French Touch, conquiert le monde anglo-saxon en mélangeant les influences musicales, des Pink Floyd à Françoise Hardy !
Même la musique classique semble concernée par ce phénomène. Le jeune compositeur new-yorkais Aaron Jay Kernis, consacré par la
presse comme star montante du classique américain en 1997, n'hésite pas à métisser ses ouvres. À la structure classique d'une symphonie, il ajoute des accords de jazz, joue ac les musiques populaires. Dans News and Dance, il associe une basse électrique ac des bruits de la rue comme les sirènes ou le sifflet, qu'il incorpore à un orchestre. Le compositeur a assimilé l'influence des musiques populaires du XXesiècle (jazz, comédies musicales) et multiplie les références à des genres autrefois exclus. Le Sacre du printemps de Stravinsky y croisera le pianiste de jazz Bill Evans dans un Nocturne
La mode elle-même mélange et recycle. Les marques de street wear plébiscitées par les ados sont sount issues d'autres domaines, recyclées. Ainsi de CATERPILLAR qui a su habilement profiter de l'attraction spontanée des jeunes pour le look « chantier ». La marque s'est déployée sur le segment des vêtements et chaussures branchés, ciblés ados. Ou de Lacoste qui s'est fait apprécier des jeunes des banlieues jouant sur le contraste entre leur réalité quotidienne et le côté chic un peu suranné de la marque au crocodile.
Les magasins eux-mêmes se plaisent à mélanger les fonctions. Et, après Londres et New York, on voit éclore dans les rues commerçantes parisiennes des magasins qui déloppent une facette restaurant. Du branchissime Colette qui propose des mets recherchés et décalés dans un unirs minimaliste au Virgin Mégastore, de la boutique Emporio Armani du boulevard Saint-Germain à Paris aux magasins Celio ou à Habitat, nombreuses sont les enseignes qui se mettent au jood in shop. Adaptation du commerce aux désirs et au plaisir des consommateurs ou signe du grand melting-pot de la noulle culture postmoderne ?
Le monde de la
consommation n'est pas en reste. Les grandes marques exploitent leur image et leur notoriété pour dépasser les frontières de leur domaine de
compétence initial. C'est ainsi qu'ÉVTAN a lancé Affinity, une gamme de produits de soin. Crème hydratante, fluide démaquillant le rapport à l'eau est lointain mais est exploité par
le marketing de la noulle gamme. De même que CONTREX lance Contrex Beauté, des produits destinés à améliorer le rayonnement de la peau. Lintérieur et l'extérieur du corps ne sont plus distincts. Laromacologie montre bien cette tendance. Après le succès des bougies parfumées agissant sur notre humeur, les lancements de parfums « actifs » ne se comptent plus (Coloressence de Dior). Ils sont énergisants ou relaxants (Aroma Tonic et Aroma Calme de Lan-CÔme). Les gels douches ne se contentent plus de leur fonction nettoyante, mais comprennent désormais des agents hydratants (Garnier Skin Naturals, Do. ..). Bref le vieux principe marketing « un produit-une promesse-un bénéfice » est fortement remis en question. La consommation évolue rs le mélange de bénéfices différents, à partir d'un simple produit.
L'unirs du branché n'a pas été le dernier à prendre la mesure du phénomène. La culture underground longtemps confinée aux seuls initiés, et d'autant plus orgueilleuse qu'elle concernait peu d'adeptes, s'est mise à fréquenter les hit-parades et le grand public. La génération 68 parnue aux commandes des majors du cinéma et du disque est attenti aux tendances de la contre-culture. En parallèle, les jeunes créateurs se prêtent volontiers au jeu, d'autant plus qu'il peut être à l'origine de renus considérables.
Et l'on voit Doc Gyneco, qui a commencé de façon radicale chez les rappers banlieusards du Ministère Amer, rassembler autour de son ouvre et sa personne. Il a la faur des hit-parades et ses interviews dans le journal 20 ans n'entament pas le « capital respect » dont il bénéficie auprès des initiés. De même, pour reprendre cet exemple, le succès du groupe Air est multi-facettes. À la frontière de nombreux courants musicaux, allant de la pop à Yeasy listening en passant par la chanson française, le groupe a connu le succès ac son album Moon Safari. Il a ensuite coloré le film Virgin Suicides de S Coppola d'une bande son années soixante-dix. Non content d'abolir la frontière entre les genres musicaux, Air s'offre un succès commercial et médiatique tout en conservant l'estime des milieux branchés qui l'ont vu naitre.
Et pour cause, les grosses majors internationales font ouvre de réconciliation et travaillent désormais la main dans la main ac les labels indépendants, produisant les jeunes artistes branchés. C'est ainsi que chez Epie, on voit se croiser Pascal Obispo, chanteur gla-mour pour midinettes, et NTM, groupe de rap de combat
Tarantino est le parfait exemple de cette noulle tendance. En remettant au goût du jour tout un unirs culturel alternatif, allant des comics books aux romans pulp, il séduit les masses en restant branché. Son aspect consensuel ne l'empêche pas d'être « culte ».
Chaque noulle culture a besoin de ses bastions : La Villette prend le pas sur les ambassadeurs de la culture institutionnelle et devient celui de la culture postmoderne. C'est un succès populaire évident, ac plus de dix millions de visiteurs annuels enregistrés. Et ce succès est le fruit d'une politique à géométrie variable, à la frontière de l'élitisme, du grand public et du métissage culturel. Contrairement aux principaux centres culturels nationaux comme le Centre Pompidou ou le Louvre, qui assurent une programmation homogène, La Villette se fait le diffuseur de cultures variées. Ainsi se conjuguent les expositions témoignages de la culture traditionnelle « Devoir de mémoire », « Guerre et paix » ac du cirque (spectacle « Que-Cir-Que »). Ou encore se croisent les concerts de musique classique ac des spectacles de musi-que berbère, des expos ethniques sur les Navajos ou la culture caraïbe.
À la frontière du populaire et de l'élitisme, du national et du cosmopolite, La Villette a su se créer une place à part dans le paysage culturel français. Son succès s'explique par une programmation métissée qui vient à la rencontre des attentes de l'époque.
Ce phénomène de métissage, de réconciliation des contraires allant de pair ac un effacement des barrières concerne aussi la vie politique et citoyenne.
Ainsi, les fameux spin doctors, les conseillers en communication des gournants anglo-saxons, prennent un poids considérable en Angleterre comme aux États-Unis. C'est sur leur conseil que le président Clinton a voté l'abolition du Welfare State aux États-Unis, acte politique lourd s'il en est. Le marché se réconcilie ac les affaires de l'État, et le fait que l'on nde désormais un homme politique comme un produit ne choque presque plus personne.
Les « affaires » le montrent bien : la frontière entre le criminel et le légal est de plus en plus floue. Les barrières dressées par la société moderne étaient fortes : le crime était considéré comme une vérile maladie de société qu'il fallait éliminer et punir, en tout cas exclure. Si l'on en croit le magistrat Jean de Maillard dans son ouvrage LAnir du crime, la frontière entre crime organisé et légalité est de plus en plus ténue. Mais écoutons-le plutôt :
« Les entreprises multinationales sont censées correspondre à un schéma traditionnel, le plus légitime, d'intégration sociale, de progrès, d'efficacité. Or, on s'aperçoit que, par glissements successifs, au trars de la corruption, ces entreprises vont ressembler de plus en plus à des mafias globales. On peut se demander si les cas de Elf ou du CRÉDIT Lyonnais ne sont pas des exemples de cette tendance naissante. Inrsement, plus les mafias s'élargissent, plus elles dépendent de la société globale et plus elle se confondent dans leurs formes ac une multinationale. »
Que penser de ce tour d'horizon de champs culturels disparates ? Au-delà des dirgences, force est de constater qu'un point commun apparait dans chacun de ces champs : les barricades dressées par le
modernisme tombent les unes après les autres. La culture moderne excluait ce qui ne lui appartenait pas. Elle dressait des barrières, élissait des hiérarchies.
Celles-ci s'effacent au profit d'un grand melting-pot culturel où toute prise de parole est légitime, où le mélange des styles et des genres devient la règle. Les contraires peunt désormais coexister de façon harmonieuse, de nouaux équilibres s'installent.
Un constat d'ensemble se dégage : le rôle du marché se déloppe sans cesse. Le système de valeurs moderniste faisait office de régulateur, en édictant les priorités et les hiérarchies. La logique du marché s'impose désormais. Elle préside à la création de noulles juxtapositions, plaide pour la réconciliation de champs auparavant opposés. À partir du moment où il y a un marché, où l'on peut ndre et séduire, on est prêt à s'associer, à se regrouper. Les magasins créent des restaurants pour être dans l'air du temps et offrir un service supplémentaire, visant à séduire et fidéliser leurs clients. Munderground ne rechigne plus à séduire le grand public. C'est aussi parce que les chiffres de nte sont là. Bien entendu, la même logique est à l'ouvre pour les chaines de télévision qui adaptent leur journal aux chiffres d'audience, ou dans le domaine du sport où le dettariat va croissant. Les barrières modernistes éclatent sous la pression du marché et du marketing, qui de plus en plus joue un rôle central dans la société postmoderne. Comme le constatent les unirsitaires Firat et Venkatesh dans l'article « Postmodernity, the age of Marketing » paru dans le International Journal of Research in Marketing en 1993, le marketing devient l'instance centrale et régulatrice des sociétés postmodernes. Acteur à la fois de la fragmentation de la société, des phénomènes de juxtaposition et du règne de l'image sur le réel, le marketing s'impose comme le nouau paradigme.
Le domaine culturel tend à confirmer ces analyses. Tout devient culturel sous le règne de l'industrie et du marketing dans la mesure où cela fait ndre !