L'invasion des logos dans la civilisation moderne participe d'un mouvement de multiplication des signes lié A un processus de symbolisation croissante caractérisant la condition de l'homme moderne. Si notre existence quotidienne est A ce point peuplée de symboles et de signes, c'est que, comme l'a montré Cassirer dans sa Philosophie des formes symboliques, l'homme moderne a peu A peu perdu contact avec la réalité brute. Cette toute-puissance du symbole renie A la faculté humaine de s'AStre peu A peu entourée d'images, de rites, de symboles et de mythes qui structurent sa faA§on de ir le monde et organisent toute expérience perceptuelle, ne permettant plus de ir, pour ainsi dire, face A face, la réalité physique. Le logo participe donc d'un vaste ensemble de pratiques symboliques et quasi mythiques qui - ne sont pas des fables mais une manière pour l'homme de se mettre en rapport avec la réalité fondamentale, quelle qu'elle soit -'. Cette faculté humaine de symbolisation est d'autant plus importante qu'elle assure un processus de
médiation essentiel A la société contemporaine. Cependant, on peut envisager deux acceptions de la notion de symbole. La première approche, plutôt large, fait de la - fonction symbolique, la fonction de médiation par le moyen de laquelle l'esprit, la conscience construit tous ses univers de perception et de discours -2. Le symbolique désigne alors le dénominateur commun de toutes les manières de donner sens A la réalité ; il exprime la non-immédiateté de notre appréhension de la réalité et renie A - l'universelle médiation de l'esprit entre nous et le réel -3. Or, l'image symbolique, puisque c'est bien ce qu'est
le logo en premier chef, n'offre pas de lecture directe mais exige un
travail de déchiffrement, contrairement A - l'image historique qui se veut le reflet de la chose mASme -4. Cette nécessité du échiffrement est d'autant plus prégnante que le logo est souvent conA§u comme un vérile condensé de sens qui permet A l'organisation de garder un lien quasi matériel avec ses publics1. Cette condensation du sens en un espace graphique restreint pose d'ailleurs, comme nous le verrons par la suite, de fortes contraintes techniques puisqu'un bon logo doit concilier la taille réduite de l'espace de signification et la clarté nécessaire A sa bonne compréhension par les différents publics de l'entreprise.
Il faut donc envisager la fonction symbolique sur un mode plus restreint que celui de la médiation. Une autre approche du symbole, plus réduite celle-ci, repose sur la notion d'analogie. Le logo vise justement A fonctionner comme une image analogique de l'organisation. Quelles sont alors les propriétés permettant A un objet de devenir l'image d'un autre objet ? Hans Jonas précise notamment A ce sujet que2 :
1 / la propriété la plus évidente est celle de la - ressemblance - proche de ce que l'on peut appeler l'analogie ;
2 / la ressemblance est intentionnelle ;
3 / la ressemblance n'est pas absolue ; son incomplétude doit AStre perceptible de manière A ce que laressemblance puisse justement apparaitre comme simple ressemblance. La ressemblance n'est donc pas l'imitation (avec laquelle joue par exemple la contrefaA§on) : elle fait sans cesse montre qu'elle n'est que ressemblance ; 4 / pour autant l'incomplétude comporte des degrés de liberté. Omettre c'est choisir et ainsi envisagée sous son aspect positif, l'incomplétude de la ressemblance de l'image signifie le choix de caractéristiques représentatives, - pertinentes -, - significatives - de l'objet. La représentation visuelle est incomplète par ce qu'elle ne fait que sélectionner des éléments pertinents représentatifs. Seront alors dits représentatifs les éléments qui garantissent la possibilité de la reconnaissance en l'absence mASme de toute complétude.
A€ partir du moment où le logo ne peut rendre compte de la totalité d'une organisation, doit donc s'opérer une sélection des éléments importants et dé-finitoires de cet AStre immatériel qu'est une organisation ou une marque, pour pouir en rendre compte de faA§on plastique. Comme nous le montrerons par la suite, le logo fonctionne toujours plus ou moins soit comme une ure métonymique', soit comme une ure métaphorique de l'organisation ou de la
marque qu'il représente. Ce caractère métonymique ou métaphorique empASche alors une organisation de choisir n'importe quel symbole pour se représenter ; le logo, bien qu'il soit un signe purement conventionnel, doit AStre soumis A un critère de motivation qui exige un rapport d'analogie entre la chose représentante (le logo comme signe matériel) et la chose représentée (la marque ou l'organisation A laquelle il renie).