NAVIGATION RAPIDE : » Index » MARKETING » MARKETING STRATéGIQUE » Le piège de la planification stratégique Stratégie et incertitude
Une seconde différence entre les deux types de stratégies tient au phénomène d'incertitude auquel répondent mieux les approches émergentes. Les stratégies descendantes tendent A ignorer les conséquences du jeu concurrentiel. En effet, il s'agit bien d'un jeu où, certes, au départ les égalités ne sont pas parfaites, car il y a des leaders élis et des challengers, des sociétés bénéficiant de l'avantage de la défense, d'autres se trouvant en obligation de prendre des risques pour attaquer, mais où le fait qu'il y ait plusieurs concurrents montre que chacun croit en ses chances et que celles-ci sont réparties entre les différents acteurs. Récemment, la société Manitou BF, que nous avons déjA introduite plus haut, qui ambitionnait de se développer sur le marché de la nacelle élévatrice de personnes, a dû revoir complètement sa stratégie de développement interne, en raison des modifications rapides de l'environnement concurrentiel et de la forte accélération du marché. Prenant conscience qu'elle ne pourrait parvenir A s'imposer dans un délai rapide comme un généraliste de la nacelle, en raison d'une gamme trop étroite, elle a multiplié les partenariats commerciaux et industriels avec des acteurs de référence étrangers dans un temps record. Ce virement brutal de stratégie, tout en lui permettant d'avoir accès immédiatement A une technologie et A des produits dont elle ne disposait pas, lui a permis de renforcer sa présence sur les continents d'Amérique du Nord et d'Asie où elle ne réalisait que des ventes limitées. Elle a su, en faisant preuve d'une grande adapilité, transformer une faiblesse en une réelle possibilité de développement. Elle a su le faire parce qu'elle a pleinement conscience du fait que, dans le jeu concurrentiel, on n'est pas maitre de ses actions comme le font penser les s stratégiques : nos décisions dépendent de la décision de nos concurrents. Un stratégique fixe des objectifs et une ligne de conduite sur au moins une année. Dans les grands groupes, le cycle d'élaboration des s est lui-mASme proche d'un an. Lorsque le est déployé sur l'ensemble de l'entreprise, les hypothèses sur lesquelles il a été bati ne sont déjA plus vraies, ce qui explique que la plupart des s ne sont pas crédibles du point de e des acteurs opérationnels. Les approches émergentes tiennent compte de ce phénomène d'incertitude créé par la concurrence. Elles reconnaissent qu'elles ne sont pas maitre de la conduite des affaires. Pour beaucoup, elles signifient une absence de contrôle. On peut objecter au contraire qu'elles reconnaissent ce phénomène pour mieux l'appréhender et le gérer en mettant sur pied une organisation et un état d'esprit qui tous les jours analysent l'évolution de la situation afin de décider des nouvelles orientations. C'est A ce moment-lA que savoir décider permet de prendre l'avantage sur un adversaire qui restera sur des positions élies et refusant de faire preuve de la flexibilité nécessaire. Clausewitz a déhni ainsi ce qu'était une décision : - La décision est précisément le trait de caractère qui doit se faire jour quand le général en chef est entouré d'incertitudes. - Dans le chapitre premier de La Pensée sauvage , Claude Lévi-Strauss e science et pensée mythique. La science utilise ses structures correspondant A ses hypothèses et ses théories pour créer ses événements. La pensée mythique, au contraire, crée les structures A partir de résidus ou de débris d'événements. Il serait intéressant pour notre propos d'analyser comment la stratégie d'entreprise descendante relève du domaine de la science et en quoi la stratégie émergente peut AStre rapprochée de la pensée mythique. Cette question est d'autant plus importante de nos jours si l'on tient compte du fait que non seulement, au sein d'un secteur, c'est le jeu concurrentiel qui est producteur tous les jours d'événements qu'il faut savoir utiliser, mais aussi que ce sont les secteurs eux-mASmes qui changent de nature. Les structures dans lesquelles opèrent les entreprises évoluent de par l'action des forces de transformation provenant des nouvelles technologies, des déréglementations, de la mondialisation. Plus que jamais, le futur est imprévisible et vouloir l'intégrer dans un modèle de ification est une gageure. Au contraire, pour l'adepte de la - pensée mythique -, savoir utiliser les événements créés par ces forces de changement peut lui permettre de définir la structure de marché dans laquelle il veut opérer et comment. Pour y parvenir, il s'attachera A renverser le processus de ification stratégique traditionnel. Il s'attachera A relier les événements les uns avec les autres. Ceux-ci, pris individuellement, n'ont en effet pas grande signification. C'est dans leur mise en relation qu'apparaitront les grandes perspectives d'évolution recherchées. C'est en fait, nous dit Lévi-Strauss, ce que fait le bricoleur. Le bricolage est sur le pratique le pendant de la pensée mythique. Lévi-Strauss nous rappelle tout d'abord que le bricolage, au sens ancien du terme, évoque toujours un mouvement incident : la balle qui rebondit, le chien de chasse qui divague, le cheval qui s'ésectiune pour éviter un obstacle. - De nos jours, ajoute-t-il, le bricoleur est celui qui utilise des moyens détournés par rapport A l'homme de l'art. Sa capacité consiste A créer en utilisant un certain nombre d'éléments qu'il n'hésitera pas A sortir de leur premier contexte pour les associer dans un nouvel emploi. - Sur un marketing, les idées qui créent l'innovation, qui provoquent le décalage, proviennent également de cette capacité A considérer les événements avec une perspective particulière, en utilisant un angle de e oblique. C'est dans le garage que l'on bricole, c'est lA où naissent les grandes entreprises. |
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