NAVIGATION RAPIDE : » Index » MANAGEMENT » ENTERPRISE MANAGEMENT » L entreprise en actions Les systÀmes d'action concretsOn a compris l'essentiel de ce que véhiculait la méthode de l'analyse stratégique : plutôt que d'AStre observées comme des machines plus ou moins cohérentes, les entreprises gagnaient A AStre vues comme des systèmes d'action. Ces systèmes étaient le produit d'ajustements par définition fragiles et provisoires entre des acteurs faisant valoir, chacun pour son compte, sa propre -rationalité-. Pour comprendre de tels systèmes et agir sur eux, la bonne solution était de partir de la part visible de leur dynamique, et en particulier des stratégies que les acteurs y mettaient en ouvre. Parmi la multitude des cas présentés pour illustrer la méthode et sa pertinence, les plus célèbres sont restés ceux sur lesquels Michel Crozier lui-mASme s'était appuyé A l'origine pour rédiger le Phénomène bureaucratique. L'étude réalisée A la fin des années cinquante dans un atelier du SEITA (entreprise publique franA§aise disposant du monopole de la production du ac et des allumettes) a sans doute été la plus sount reprise, car elle illustrait de faA§on exemplaire et simple l'énorme distance qu'il pouvait y avoir entre la structure formelle d'un atelier de production et le -système d'action concret- que l'observation permettait de mettre A jour. Rappelons-en les grands traits. Cet atelier était une illustration typique de ces unités que Burns et Stalker qualifiaient A la mASme époque de -structures mécaniques - pour caractériser la situation des entreprises protégées des aléas du marché et de la concurrence. La répartition des taches y était a priori très simple : des opérateurs et opératrices non qualifiés étaient chargés de l'alimentation des machines; des ouvriers professionnels, sensiblement plus gradés, étaient chargés du réglage des machines, de leur entretien et des interntions A effectuer en cas d'incident ou de panne; enfin. l'autorité hiérarchique était représentée par un chef d'atelier directement responsable devant ses supérieurs. Les difficultés commenA§aient lorsqu'on prenait en compte l'état des équipements techniques : les machines, anciennes, tombaient sans cesse en panne, ce qui donnait aux ouvriers d'entretien un rôle disproportionné par rapport A ce qu'il aurait été dans un atelier -normal-. Le -système d'action concret- se recomposait en fait de fond en comble autour de cette donnée imprévue. L'étude montra qu'un accord informel avait été conclu entre les ouvriers de production et les ouvriers d'entretien pour la gestion des incessants -pépins- : les taches d'entretien les plus courantes et les réparations bénignes avaient été léguées aux premiers, qui avaient trouvé lA les satisfactions d'une autonomie et d'une responsabilité accrues. En contrepartie, les professionnels s'étaient réservés /ev inten'entions sérieuses et la liberté la plus totale pour les mener : c'est ainsi qu'aucune observation ne devait leur AStre faite quant au temps qu'ils passaient sur une machine en panne. Autre caractéristique : cet accord informel avait été scellé -dans le dos du chef- et au moins partiellement contre lui. Puisque les incidents faisaient l'objet d'une régulation solidaire dans l'atelier, le chef n avait plus A internir A ce sujet, sauf A prendre le risque de se mettre tout le monde A dos et A faire l'au de son impuissance Pour que le leau fût complet, celle-ci était denue totale le jour où les s des machines avaient eux-mASmes disparu. Le propos de l'analyse stratégique n'était pas de dire jusqu'A quel point ce curieux ballet A trois était dysfonctionnel, ni s'il penchait plutôt du côté de la perrsion extrASme ou dans le sens opposé d'un magnifique arrangement. Il était d'élucider les conditions finalement raisonnables dans lesquelles des partenaires aux intérASts opposés avaient réussi A s'organiser pour faire face sans trop de casse A des difficultés que la logique formelle du système ignorait absolument. La structure technique était défaillante mais la production sortait. Chacun des trois acteurs tirait son épingle du jeu : les opérateurs de production en préservant leur solidarité mutuelle et leur bonne entente ac l'entretien, tout en allégeant la tutelle hiérarchique; les ouvriers de l'entretien en s'octroyant la place centrale dans la régulation de l'atelier, en lieux et places du chef; le chef, en donnant sa caution A une situation qui garantissait finalement sa propre sécurité. Rien ne prouvait que cet arrangement fût optimal. Son avantage était cependant de tendre A l'équilibre dans la mesure où, en révélant le rapport des forces réellement A l'ouvre dans l'atelier, il donnait A chacun la place qui pouvait légitimement lui renir sans que cela fût insupporle aux autres. L'un des intérASts essentiels de la description de systèmes d'action concrets tel que celui-ci était de montrer l'effet déterminant que pouvaient avoir sur les stratégies les éléments objectifs de la situation dans laquelle chaque acteur se trouvait. Ici, la recomposition stratégique avait tenu A la -zone d'incertitude- creusée autour de l'état des machines et du problème posé par leur entretien. Ailleurs, on se serait trouvé devant des problèmes totalement différents mais donnant lieu néanmoins, toutes choses égales par ailleurs, A des arrangements ables. Une autre propriété fondamentale de ce type d'analyse était de conduire A une reformulation radicale de la question du pouvoir et de sa distribution dans l'entreprise. Comme l'indiquait clairement le cas de l'atelier du SEITA, aucun pouvoir n'était acquis dans l'absolu. Ni l'autorité conférée A quelqu'un dans un organigramme, ni le charisme émanant de sa personne ne suffisaient A garantir son influence effecti sur autrui. Par ailleurs, rien d'essentiel ne distinguait le pouvoir d'un chef de n'importe quel autre pouvoir de fait pris sur le terrain. Dans tous les cas, le pouvoir d'une personne sur une autre était nécessairement le fruit d'une interaction, si ce n'était d'une négociation plus ou moins formellement nouée entre elles. A nouau, il connait de rapprocher l'interaction en question des données concrètes de la situation dans laquelle les acteurs se trouvaient, et plus particulièrement de ces - zones d'incertitude - creusées autour des règles formelles : octroyé d'en haut ou pris d'en bas, un pouvoir ne prenait de consistance qu'A partir du moment où il coïncidait ac une marge de liberté effectiment gagnée sur la liberté d'autrui. Les ouvriers qualifiés de la manufacture des acs avaient conquis leur pouvoir en poussant les autres A reconnaitre non seulement le poids des compétences qui s'attachait A l'entretien des machines, mais aussi la liberté légitime que ces compétences conféraient A leurs détenteurs. Selon les grilles de l'analyse stratégique, un dernier type de pouvoir tenait A la position de ceux qui se trouvaient en mesure de manipuler des règles sensibles dans la vie des entreprises. Ici, on retrouvait sans doute la source particulière de pouvoir qui semblait renir -de droit- au responsable hiérarchique : un chef dont les attributions impliquaient qu'il fût consulté pour l'élaboration de règles noulles disposait d'un pouvoir peu discule. De mASme du responsable dont on savait qu'il pouvait A loisir ignorer ou au contraire appliquer A la lettre une règle existante (un droit de sanction par exemple). Cependant, le contrôle des règles n'était pas vraiment la chasse gardée de la hiérarchie : les dirigeants syndicaux qui négociaient y avaient également accès. Sur un autre registre, un concierge chargé de fermer A heure fixe des locaux collectifs pouvait dans certaines circonstances se trour insti d'un pouvoir démesuré en rapport direct ac la gestion d'une règle : tous les cadres ou chercheurs en ont fait l'expérience le jour où ils ont dû rester plus longtemps A leur bureau pour terminer quelque rapport Dans une telle situation, il existe la plupart du temps une marge de négociation, mais la position des -professionnels- y est a priori de beaucoup la plus faible ! |
||||
Privacy - Conditions d'utilisation |