NAVIGATION RAPIDE : » Index » MANAGEMENT » ENTERPRISE MANAGEMENT » Le siÈcle des organisateurs La gestion des motivationsFace A l'augmentation de la pression en faveur de la rationalisation des taches industrielles, la première génération des psychologues du trail ait riposté en faisant loir que les AStres humains ne pouient AStre assimilés A des robots : les responsables hiérarchiques aient plus A perdre qu'A gagner en omettant que les trailleurs ne laissaient A la porte de l'usine ni leurs sentiments, ni leurs désirs, ni leurs intérASts particuliers. Il convenait toutefois de ne pas en rester lA . Au mieux, ce type de proposition humaniste mettait sur la voie d'une gestion séparée de la subjectivité humaine dans les organisations; il était par contre d'un faible secours si l'objectif était de reconstruire les organisations modernes en fonctions des attentes de ceux qui s'y trouient. Quoique très sommaire d'un point de vue scientifique, l'échelle des besoins construite par Maslow ait pour mérite de localiser de faA§on compréhensible par tous le principal défaut de la cuirasse bureaucratique. En décrint des salariés -aux ordres-, suffisamment -raisonnables- pour ne pas chercher leur satisfaction ailleurs que dans leur salaire, accessoirement dans la silité de leur emploi, le système bureaucratique ne prenait sérieusement en compte que les besoins de rang inférieur et se priit donc de toute aptitude A satisfaire les aspirations normales des AStres humains. Les besoins sociaux sortaient notoirement de l'épure : ainsi les organigrammes fonctionnels ignoraient-ils les interactions entre collègues et l'appartenance des individus A des groupes, pourtant essentiels au développement individuel. A fortiori le système bureaucratique passait-il A côté des besoins psychiques : il ne visait ni A un accomplissement personnel des salariés par leur trail ni A une quelconque identification de ceux-ci aux buts de l'organisation (Maslow, 1968). La théorie de Maslow préurait l'idée aujourd'hui communément admise selon laquelle mASme les individus les moins qualifiés sont détenteurs de ressources et de capacités d'engagement qu'il ne tient qu'aux responsables d'apprendre A mobiliser. Sur ces bases, elle présentait surtout l'intérASt de dessiner en creux un autre modèle d'organisation, plus conforme aux aspirations humaines que le modèle bureaucratique. C'est en ceci qu'elle fit école. Ainsi et parmi bien d'autres, Douglas McGregor popularisa une version astucieuse de la théorie des motitions, enseignée partout, dans laquelle l'auteur mettait en regard une -théorie x- et une -théorie y- de l'organisation : le -x- faisait rappel du modèle bureaucratique et de ses frustrations tandis que le -y- décriit un modèle d'organisation orienté vers l'autonomie de tous les salariés et l'épanouissement de leurs besoins supérieurs. Le passage A la -théorie y- supposait un style de direction plus démocratique, encourageant la participation du personnel et la diffusion des responsabilités (McGregor, 1960). Avec le mASme génie de la simplification, le psychologue américain Frederick Herzberg promena dans le monde entier sa théorie de la motition au trail. Celle-ci consistait A distinguer les facteurs de satisfaction et les facteurs d'insatisfaction au trail. Au cours d'une longue série d'enquAStes, Herzberg ait cherché A caractériser les riables qui agissent respectivement sur le niveau d'insatisfaction relative, puis sur le niveau positif de satisfaction des salariés. Il était parvenu A des résultats très nets : en agissant sur l'environnement du trail, sur les facteurs d'ambiance, et mASme sur la qualité de la communication entre les chefs et les exécutants, les dirigeants ne parvenaient au mieux qu'A réduire l'insatisfaction relative du personnel. Par contre, l'élétion du niveau de satisfaction était toujours liée A un changement significatif de l'activité de trail proprement dite (Herzberg, 1966). Sur les brisées de Maslow, Herzberg touchait au point sensible. Non content de confirmer que ni le salaire, ni la sécurité de l'emploi, ni les conditions générales du trail n'étaient de nature A rendre le comportement des exécutants transparent aux prescriptions de la hiérarchie, il indiquait que la solution ne se trouit pas non plus dans une gestion intelligente des ressources humaines. Il faisait loir qu'il n'y aurait de changement vraiment significatif qu'A partir du moment où les taches confiées aux salariés auraient été substantiellement enrichies, de sorte que ceux-ci aient réellement la possibilité de satisfaire la part noble de leurs besoins : accomplissement de soi, prise de responsabilité, reconnaissance par autrui de la qualité du trail effectué, possibilité de progresser. Encore ne faut-il pas se méprendre sur ce qui fut réellement déterminant dans l'apport des théories de la motition. On tentera A ce sujet une mise au point. Comme souvent, ces théories eurent en définitive deux versants : un versant théorique, un versant prescriptif. Le versant prescriptif se résume aisément : il faut en finir avec les rigidités du modèle bureaucratique, incapables de susciter l'engagement des salariés dans l'organisation; il faut promouvoir des organisations nouvelles qui fassent droit aux besoins supérieurs des individus. Le versant théorique nous ramène un peu en arrière : A l'opposé de ce qu'énonA§aient les chercheurs du groupe de Harrd, il ne convient pas de traiter séparément le système formel et le système informel de l'entreprise; l'un et l'autre tiennent ensemble, comme le montre la nécessité de changer le trail pour augmenter le niveau de la satisfaction des salariés. Lequel de ces deux versants convcnait-il de privilégier? Rétrospectivement, on sait que le plus conincant était en réalité le second, c'est-A -dire celui qui a eu dans les faits le plus de mal A s'imposer. Toutes les approches contemporaines de l'entreprise n'ont cessé de confirmer l'existence d'une relation directe entre la conception du système de production et la maitrise du comportement humain dans les organisations. Il a été clairement éli qu'il n'y ait qu'une solution qui permette A la -gestion des ressources humaines- de tenir ses objectifs : celle qui consiste A l'amarrer fermement au système formel, si ce n'est A faire en sorte qu'elle soit étroitement associée A sa définition. Ces considérations sont d'autant plus importantes que sur ce point, les schémas dualistes hérités de l'Ecole des relations humaines ont gardé malgré tout la vie dure : dans les grandes entreprises, l'idée d'une gestion autonome des ressources humaines s'est imposée et a été relayée par la constitution de départements particuliers de plus en plus puissants; un peu partout, on continue aujourd'hui encore A séparer soigneusement les compétences techniques et les compétences sociales, quitte A reconnaitre (concession A double sens?) la pertinence de la -double compétence-, comme cela se dit par exemple en France dans les grandes écoles d'ingénieurs. Le message prescriptif, sur la nécessité d'en finir avec le modèle bureaucratique pour satisfaire les besoins de la main-d'ouvre, s'est trouvé dans la situation exactement inverse. Il est celui qui est le mieux passé, au point de faire apparemment l'unanimité : qui, dans le management contemporain, oserait défendre au fond les vertus du système bureaucratique? Cependant, de plusieurs points de vue, ce message était de très loin le plus discule. Ce n'est pas en décriant la forme bureaucratique qu'on se procurait les moyens de s'en passer. La réalité fut l'incroyable résistance de la bureaucratie dans les faits, malgré les griefs qui lui étaient reprochés sur le papier, au point que ce phénomène est certainement l'un de ceux qui auront le plus occupé les spécialistes tout au long de ce XXe siècle! Allons plus loin : mASme parmi les psychologues concernés par les problèmes de la motition au trail, celte endurance de la bureaucratie est peu A peu apparue comme le fait déterminant, au point de reléguer parfois au rang de candides utopies les thèses d' A. Maslow et de ses disciples proches ou lointains. En tout cas et sans aller nécessairement jusqu'A cette lecture psychanalytique de la vie des organisations, il est clair que les comportements des salariés n'ont jamais donné le sentiment d'AStre toujours spontanément orientés vers l'engagement et la responsabilité. Une théorie de bon sens s'est efforcée d'en rendre compte en expliquant que tout individu était porté A un moment ou A un autre A choisir la protection des règles contre la liberté, les repères sles de l'ordre bureaucratique contre les incertitudes de l'auto-réalisation. A ce sujet, les psychologues sont lA encore intervenus pour faire loir qu'un des attributs particuliers des systèmes bureaucratiques était de fournir A ses membres des - objets transitionnels - (des règles claires, des signaux de tous ordres A quoi se raccrocher), A la manière de ces poupées et autres ours en peluche que les enfants installent entre eux et le reste du monde et grace auxquels ils peuvent affronter la réalité (Winnicott, 1964). Pour qui voulait prouver que la régression bureaucratique n'était pas pour autant une fatalité, cet affaire d'ours en peluche offrait il est vrai une porte de sortie, dans laquelle les proandistes contemporains de la -gestion culturelle des organisations- n'ont pas manqué de s'engouffrer : pourquoi les entreprises cherchant A stimuler le développement personnel de leurs agents et leur goût de la responsabilité ne produiraient-elles pas A leur tour des -objets transitionnels- adaptés A cet objectif? Le management moderne, friand des symboles, de rites initiatiques, des cultes rendus aux grands dirigeants, ne disposerait-il pas avec eux de substituts efficaces aux règles bureaucratiques, et capables d'accomner le changement? Mais c'est lA un autre débat, qui prouve s'il en était besoin qu'A ce jour, la gestion des motitions ne fait pas partie des affaires classées. |
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