Malgré nos dénégations, nous vons toujours dans l'illusion que les techniciens peuvent déterminer l'unique meilleur moyen, une fois qu'une fin est clairement fixée.
M. Crozier.
Le
calcul économique consiste en un ensemble de méthodes économiques et statistiques permettant d'éclairer les choix d'un décideur, qu'il s'agisse de l'état (calcul
économique public) ou de l'entreprise (calcul économique privé). Au - calcul économique dur -, qui s'inspire directement des prescriptions de la théorie micro-économique normative, on peut opposer le - calcul économique mou -, qui se contente d'articuler plus librement les
données économiques disponibles. Si l'- évaluation ex ante- se propose de préparer une décision en ant les effets attendus de diverses options possibles, l'- évaluation ex post - analyse les conséquences observables d'une décision déjA prise. Chacune pose des problèmes méthodologiques spécifiques, la valorisation des effets non marchands et le calcul
des prix fictifs, la traduction de principes généraux en techniques concrètement utilisables pour la première, l'analyse des liens de causalité entre une action et ses effets pour la seconde.
Evolution du calcul économique.
Pour l'entreprise, le calcul économique a d'abord concerné le choix de projets d'investissement dans un contexte plus ou moins concurrentiel, A l'aide du critère de profit actualisé et en prenant appui sur des techniques de programmation (voir II, 5). Dans les années soixante, il s'est accomné de méthodes de choix en incertitude pour faire face A une variété de
risques (technologiques, économiques, sociaux), et de méthodes multicritères pour prendre en compte une plus grande diversité de préoccupations. Dans les années soixante-dix, plusieurs organismes de conseil (Boston Consulting Group, Little, Mac Kinsey) proposent une méthodologie plus qualitative, en définissant des créneaux d'intervention favorables dans un contexte fondamentalement oligopolistique. Actuellement, si les méthodes d'analyse financière se développent, les - principes d'excellence - tendent A évacuer tout cet outillage en mettant l'accent sur les seules qualités propres des dirigeants (méthode - Lucky Luke -).
En France, la méthodologie des choix collectifs a été mise au point A partir de celle des choix d'entreprise dans les années cinquante (Allais, Boiteux, Massé, Lesoume), essentiellement sous forme d'un - surplus collectif- applicable aux projets ; le calcul économique public a connu ensuite divers développements en fonction des préoccupations de chaque période. Après 1960, la prise en compte d'un
marché financier imparfait a entrainé le calcul d'un taux d'actualisation public, et les études de transport la monétarisation de deux effets non marchands, les es humaines sauvées et le temps économisé. Dans les années soixante-dix, des motivations moins économiques ont conduit A la monétarisation d'effets relatifs A l'enronnement (bruit, espaces verts) et A l'internalisation qualitative d'effets géo-politiques (aménagement du territoire, indépendance nationale) et éthiques (distribution des revenus). Depuis 1980, la persistance de déséquilibres macro-économiques importants a entrainé la définition de prix fictifs associés d'abord A l'énergie, puis aux deux ressources primaires que sont les biens importés (valeur de la dese) et le travail (salaire fictif).
A côté de ce calcul économique dur se sont développées d'autres méthodes, plus souples, prenant appui sur des corpus théoriques divergents, ou simplement désireuses de mieux s'adapter au contexte
organisationnel de la décision. Les critères de gestion proposés par des économistes proches du Parti communiste mettent l'accent sur des finalités collectives autres que le profit pour guider l'évolution de l'appareil productif (CGP, 1984). Les analyses multicritères cherchent A tenir compte ici de la pluralité des acteurs et A appréhender directement leurs points de vue, alors que l'approche patrimoniale du ministère de l'Agriculture défend une sion pluridisciplinaire des ressources naturelles et promeut une participation active des acteurs concernés. Enfin, les évaluations ex post se sont développées dans l'idée d'améliorer les processus de décision par un phénomène d'apprentissage, prenant appui sur les écarts entre effets anticipés des actions et effets réellement observés et vécus.
Dans les PVD, l'après-guerre voit apparaitre des méthodologies de choix de projets déterminant une - productité marginale sociale - (H.B. Chenery), calculée aux prix de marché (y compris pour les taux d'intérASt), avec parfois des corrections liées A la surévaluation des taux de change et au fort taux de chômage. A partir de 1968, l'approche par un calcul coûts-avantages avec prix fictifs (voir II, 5) s'est généralisée A l'initiative des organismes internationaux de
financement des projets (OCDE, ONUDI, Banque mondiale). Cette méthode est alors goureusement contestée par l'assistance technique franA§aise (SEDES), qui préconise la - méthode des effets -, proposant de calculer les effets quantitatifs non seulement directs mais indirects du projet sur divers agents avant toute valorisation (CGP, 1984). L'opposition porte A la fois sur la nécessité d'échapper A une évaluation trop générale pour s'adapter A la spécificité de chaque projet et sur la volonté de rendre la méthode transparente en affichant des effets réels plutôt qu'en s'abri-tant derrière des prix obscurs.
Evaluation ex ante.
L'évaluation ex ante simule les trois phases du processus rationnel de décision (voir II, 2) qui, si elles sont rarement décrites de faA§on chronologique lors de l'élaboration d'une étude, n'en constituent pas moins une trame logique transparente dans sa présentation. La première consiste A construire un ensemble d'actions possibles, soumises a priori A des contraintes techniques, budgétaires, réglementaires ou sociopolitiques, et regroupées en - projets - en fonction de leurs liens de complémentarité-substituabilité. La deuxième consiste A prévoir les effets de chaque projet, en s'appuyant sur des modèles plus ou moins formalisés du système qui le met en œuvre et de son enronnement, effets mesurés aussi objectivement que possible et discriminés selon plusieurs paramètres. La troisième consiste A valoriser les effets sous forme quantifiée (note), sinon monétarisée (prix), en projetant sur eux les critères de choix retenus, et A agréger les effets valorisés selon les paramètres précédents afin d'obtenir un bilan par projet.
Les méthodes d'évaluation classiques mesurent toujours les effets des projets par rapport A un - projet de référence - (projet - ne rien faire de nouveau -) ou une - situation de référence - (situation - au fil de l'eau -) ; elles se distinguent entre elles essentiellement par la manière de traiter la dernière phase. La méthode - coûts-avantages - exprime tous les effets sous forme monétaire, A l'aide de valeurs unitaires généralement justifiées de faA§on théorique, et les agrège par sommation en postulant ainsi leur parfaite substituabilité. La méthode coût-
efficacité prilégie un effet quantifié improprement appelé efficacité, et l'oppose au bilan monétaire des autres effets, souvent sous la forme d'un ratio efficacité sur coût. Les méthodes multicritères partent de plusieurs effets quantifiés qui sont implicitement agrégés avec des taux de substitution définis a priori ou révélés, les projets étant és soit globalement, soit d'abord deux A deux avant de conclure.
En dehors de l'agrégation par rapport aux types d'effets et aux critères multiples, précédemment abordée, d'autres agrégations doivent AStre effectuées et, si elles ressortent toutes d'un mASme cadre formel, elles s'appuient cependant sur des corpus théoriques variés. Les effets sont d'abord modulés selon leur période d'apparition et agrégés par actualisation des bilans périodiques en un bilan intertemporcl, le taux d'actualisation étant calculé sur des bases théoriques, pour la collectité comme pour l'entreprise. Les effets sont ensuite distingués selon les groupes concernés, et, s'ils sont agrégés par sommation des bilans indiduels en un bilan pour la collectité en vertu de la théorie du surplus micro-économique, rien n'incite l'entreprise A tenir compte des effets subis par d'autres qu'elle-mASme. Les effets dépendent enfin des états de l'enronnement, qu'il s'agisse de facteurs exogènes ou d'actions d'autres décideurs, et sont alors agrégés dans tous les cas en s'inspirant respectivement des principes du choix en incertitude et de la théorie des jeux.
Les méthodes de calcul économique diffèrent sensiblement selon qu'elles appliquent A un problème concret des préceptes théoriques généraux ou qu'elles le traitent directement dans sa spécificité, comme en témoignent la présion et l'évaluation des effets macro-économiques des projets (voir I, 7). Le - calcul classique de renilité - se contente d'appliquer aux effets micro-économiques (effets sur l'organisme support du projet) des prix fictifs reflétant A la fois les objectifs du décideur public et le fonctionnement de l'économie (voir II, 7). La -simulation macro-économique- détermine les effets successivement au niveau micro-économique, méso-économique (effets sur le système productif engendrés par le supplément de demande) et macroéconomique (effets de bouclage par
les prix et les revenus), avant de les évaluer par une fonction-objectif de l'état. Bien entendu, ces méthodes donnent des résultats ables si elles utilisent les mASmes représentations du système et adoptent les mASmes objectifs du décideur, mais la seconde s'appuie généralement sur des outils plus spécifiques que la première.
Valorisation des effets non marchands.
Les valeurs des effets non marchands (e humaine, temps, biens d'enronnement) sont calculables selon deux méthodes, qui prennent appui respectivement sur une décision A prendre ou déjA prise par un agent économique, public ou privé. La méthode a priori consiste A évaluer directement l'avantage pour cet agent d'une modification unitaire du niveau de l'effet, en monétarisant et en agrégeant toutes les conséquences induites par cette modification. La méthode a posteriori consiste A révéler, A partir d'une décision passée (ou ensagée) de l'agent sur un - pseudo-marché - (voir II, 5), la valeur implicite qu'il accorde A l'unité d'effet d'après le coût qu'il accepte ou non de supporter pour l'obtenir ou l'éter. Contrairement A la première, la seconde méthode ne fournit qu'une borne supérieure ou inférieure de la valeur cherchée (sauf si l'agent est indifférent entre deux options) et donne un résultat qui dépend non seulement de l'agent, mais de l'action considérée.
La valeur du temps d'un usager des transports est calculée essentiellement a posteriori, en considérant le coût qu'il accepte (ou non) de payer pour gagner une heure, dans un arbitrage prix-temps entre différents modes ou itinéraires. Elle peut cependant AStre déterminée a priori A partir d'un modèle classique d'optimisation du consommateur, complété par une contrainte sur le temps total de consommation, et s'égalise alors au salaire horaire, si on néglige la pénibilité du travail. La valeur de la e humaine pour la collectité est calculée a priori en évaluant les conséquences pour la nation de la perte d'un indidu considéré dans ses différents rôles, en particulier sa valeur économique comme -
capital humain -. Elle est obtenue a posteriori en considérant le coût global qu'un décideur public accepte de dépenser pour sauver une e humaine dans des choix concernant la sécurité du travail, la sécurité des transports ou la santé.
Ces valorisations supposent définie une unité quantitative d'effets adéquate comme l'heure gagnée, la e sauvée, les hectares de forASt préservés ou les décibels épargnés ; en fait, en matière de sécurité, il vaut souvent mieux raisonner en termes d'- années-e sauvées - que de - es sauvées - (pour ne pas parler des - es handicapées -), car on ne fait jamais que prolonger une e. Cette unité étant définie, elle ne recouvre pas forcément une entité bien homogène, d'une action A l'autre ; la e humaine peut AStre perA§ue différemment selon la faA§on de mourir, et une heure de temps gagnée est ressentie différemment selon les types de déplacement (domicile-travail, loisirs). Enfin, le coût ou l'avantage attaché A un effet n'est pas toujours proportionnel au niveau de l'effet, comme le suppose la définition d'une valeur unitaire ; un riverain d'un aéroport ne ressent pas de la mASme faA§on une forte diminution du bruit aux heures de pointe ou une faible diminution étalée sur la journée.
La valeur d'un effet non marchand est bien édemment variable d'un indidu A l'autre ; ainsi de la valeur de la e humaine calculée comme capital humain ou de la valeur du temps révélée chez l'usager (croissantes avec le revenu). L'état peut cependant modifier ces valeurs pour tenir compte d'effets externes non pris en compte par les agents, voire les égaliser pour des raisons éthiques; adopter des valeurs différentes reent, en effet, A leur assurer une sécurité variable (
moyens de transport) ou leur accorder des priorités dans les files d'attente (guichets administratifs). La valeur d'un effet non marchand peut également varier, pour un mASme décideur, selon qu'elle résulte d'une méthode a priori ou a posteriori ; ainsi, un gestionnaire de la Santé peut agir de manière non conforme avec l'évaluation qu'il fait explicitement de la e humaine. Le calcul économique public peut alors retenir la valeur a posteriori (s'il postule la silité et la cohérence du décideur public) ou a priori (si les références passées sont inexistantes ou sujettes A caution).
Calcul des prix fictifs.
Les prix fictifs des facteurs primaires (capital, travail, biens importés) sont calculés a priori comme variables duales associées aux contraintes d'équilibre ressources-emplois dans un modèle d'optimisation complet de l'économie (prix fictifs de référence). Ils sont également calculés, toujours a priori, en simulant les effets macro-économiques de leur utilisation par les agents A travers un modèle descriptif et en les ajustant A la main de faA§on A se rapprocher des objectifs poursuis (prix fictifs de réforme). Les prix fictifs peuvent aussi AStre déterminés a posteriori comme valeurs implicites utilisées, soit dans le choix d'une trajectoire prilégiée de l'économie, soit dans celui d'un projet spécifique (auquel cas ils varient avec le projet). Ils peuvent finalement AStre obtenus en partant d'un prix fictif passé, jugé acceple dans les conditions économiques de sa détermination, et en le modifiant A la marge pour tenir compte des conditions nouvelles de l'économie.
En France, le taux d'actualisation a d'abord été calculé par une méthode a posteriori, où il apparait comme la productité marginale nette du capital le long d'un sentier de
croissance future de l'économie, prilégié par voie politique (CGP, 1973). Il a plus récemment été approché par la seconde méthode a priori, en l'assimilant au coût d'usage du capital (CGP, 1984), ainsi qu'avec la dernière méthode qui permet en fait des ajustements successifs d'un A l'autre, A partir d'une base supposée bien assurée (CGP, 1981). Le salaire fictif et le taux de change fictif ont A leur tour été calculés, indépendamment l'un de l'autre (ce qui constitue une hypothèse très restrictive), par chacune des deux méthodes a priori (CGP, 1984). La méthode a posteriori est utilisée pour calculer des prix fictifs sous-jacents A des actions spécifiques, comme les
aides aux biens nationaux (charbon), ou mASme A d'autres méthodes de choix de projets, comme la méthode des effets.
Dans les pays en voie de développement, des calculs de prix fictifs, et notamment du taux d'actualisation, ont été tôt mis en œuvre en suivant la première méthode a priori, aussi bien pour l'Inde (Sandee, 1960) que pour certains pays africains (SEDES, 1963). Les manuels de choix de projets des organismes internationaux proposent actuellement une gamme plus étendue de prix fictifs (certains concernant les effets redistributifs), chacun étant exprimé en fonction de caractéristiques macro-économiques du pays concerné (coefficient de capital,
chômage de la main-d'œuvre non qualifiée). Cette procédure implique d'abord que tous les pays voient leur fonctionnement économique, et en particulier leurs déséquilibres, modélisés de la mASme faA§on, leurs seules différences concernant certains paramètres et variables d'état. Elle indique ensuite que les objectifs poursuis restent toujours identiques et reflètent d'ailleurs plus les préoccupations tutélaires des organismes prASteurs que celles des états concernés par le projet.
Il n'empASche que les manuels présentent les principes généraux du calcul économique, et plus particulièrement les formules de calcul des prix fictifs, comme des résultats incontesles dérivant d'hypothèses elles-mASmes incontournables. Dans celui de l'OCDE (1968), rédigé sous l'impulsion de Little et Mirrlees, ces formules sont - parachutées - en laissant dans l'ombre et en soustrayant A toute critique le modèle global dont elles dérivent. Il reent A Le Gall (1977) d'avoir - reconstruit - un modèle d'optimisation dynamique compatible avec ces formules, et, si un tel modèle sous-jacent n'est sans doute pas unique, d'autres s'avéreraient probablement assez proches. Le modèle ainsi - révélé - a, comme on pouvait s'y attendre, des traits spécifiques, tant en ce qui concerne sa description des phénomènes de sous-développement (en particulier l'emploi) que sa définition des objectifs A poursuivre.
Critique des évaluations ex ante.
Une première critique concerne le rassemblement quasi anarchique que réalisent les études d'aide A la décision entre informations diverses et hétérogènes, souvent inadaptées ou dépassées, et formant un paysage où subsistent de nombreuses zones obscures A côté de domaines sursaturés. Une deuxième porte sur la faiblesse de la phase initiale de prémodélisation de la situation et du problème en cause, le champ couvert ayant des frontières mal cernées et le degré acceple de remise en cause du système considéré étant mal défini. Une troisième met en relief la probance incertaine ou faible des calculs, soit que les analyses de sensibilité s'avèrent inexistantes, soit qu'elles soient réalisées en ordre dispersé sur divers paramètres, soit encore qu'elles aboutissent A des résultats très fluctuants quant A l'action A retenir. MASme s'il est vrai que toute étude est trop facilement démontée, on peut associer A ces critiques générales des critiques plus spécifiques relatives A chacune des trois phases logiques de la décision, simulées par l'étude (Poinsard-Walliser, 1980).
Les actions possibles considérées forment souvent un catalogue hétéroclite prilégiant certains types de mesures (techniques, juridiques, informationnelles), tout en restant peu spécifiées (intensité, date d'application, modalités). Elles peuvent AStre très nombreuses et forment alors une structure arborescente quasi inextricable, ou se réduire A quelques solutions contrastées sans considération de variantes. Les liens de complémentarité-substituabilité des actions sont souvent masqués, soit que l'on solidarise deux actions en fait relativement indépendantes (non-dissociation des effets respectifs de A et B), soit que l'on considère une action sans tenir compte d'actions nécessairement associées (affectation A A seul d'effets de A et B). Le degré de remise en cause acceple du système n'est pas toujours bien précisé, A savoir la frontière entre ce qui est considéré comme modifiable par la décision et ce qui est considéré comme fixé dans le système. Enfin, l'action de référence par rapport A laquelle sont jugés les effets des autres actions reste largement arbitraire et joue mASme un rôle abusif de repoussoir, qu'il s'agisse d'une action fantaisiste ou extrémiste aux conséquences imprésibles ou néfastes, ou mASme du statu quo qui souvent s'avère parfaitement inacceple.
Les représentations utilisées pour prévoir les effets, des plus sommaires (effets proportionnels aux actions) aux plus complexes (modèles formalisés), restent toujours trop simplistes pour rendre compte du vérile changement social induit par l'action. Les effets psychosociologiques ou géo-politiques, de nature subjective ou qualitative, sont souvent négligés au profit des seuls effets économiques et quantitatifs, mASme s'il eût été possible, sinon de les intégrer dans un bilan, du moins de les réintégrer dans la décision. Les effets macro-économiques, redistributifs ou de structuration des
marchés sont eux-mASmes traités hativement au profit des seuls effets micro-économiques, souvent difficiles A quantifier précisément (pollution) ou A articuler avec les données comples (coûts). Enfin, l'incertitude reste mal intégrée dans les études, qui procèdent A une évaluation et A une différenciation insuffisante des risques, et accordent peu d'attention aux problèmes d'acquisition progressive d'information.
Les objectifs poursuis par les décideurs sont souvent fluctuants et contradictoires, et, si leur définition directe par interrogation ou A travers leurs discours est sujette A caution, leur révélation A travers leurs comportements n'est pas moins délicate. En particulier, les calculs de prix fictifs ou de valeurs d'effets non marchands conduisent fréquemment A des résultats dispersés, et l'utilisation de telle valeur plutôt que telle autre se d'abord A améliorer le bilan d'actions prilégiées. Plus généralement, les effets positifs calculés sont volontiers affectés au projet plutôt qu'A l'enronnement, vus A court terme plutôt qu'A long terme, et mASme souvent délibérément surestimés (et inversement pour les effets négatifs). Enfin, des évaluations partielles des projets sont souvent juxtaposées alors que la notion mASme de décision implique que l'on agrège, A un stade ou A un autre, mais de préférence de faA§on explicite, des conséquences multiformes et des objectifs incommensurables.
Problèmes de mise en œuvre.
L'incarnation d'un modèle théorique normatif en une décision concrète suit un cheminement long et tortueux, parsemé d'hypothèses nombreuses de tout niveau, comme l'illustre l'usage du taux d'actualisation public dans un bilan actualisé. Ce taux est d'abord défini par un rôle prilégié parmi plusieurs rôles possibles (norme de renilité, reflet d'une contrainte de financement), puis par une expression plus précise parmi celles qui sont, en théorie seulement, équivalentes (productité marginale, utilité marginale, taux de croissance net). Il est ensuite calculé selon cette définition en spécifiant son cadre qualitatif et spatio-temporel (production industrielle franA§aise sur 1980-l985), mais n'est affiché (taux du ) qu'après une
négociation entre experts et Administration prenant en compte d'autres arguments. Il est enfin utilisé de faA§on plus ou moins orthodoxe dans les calculs économiques de certains agents (EDF, SNCF) pour certaines décisions, ces calculs ne constituant eux-mASmes qu'un élément d'information parmi d'autres dans le choix effectif des projets.
Les méthodes d'évaluation classiques reposent sur des hypothèses théoriques rarement vérifiées en pratique (hypothèse positive) ou non forcément partagées par le décideur (hypothèse normative), mASme si elles sont parfois amendables pour s'adapter aux circonstances concrètes. Le surplus micro-économique (voir II, 7) est utilisé, bien que les projets ne soient pas - marginaux - (mais il peut AStre généralisé) et les compensations financières nécessaires non effectuées (mais on peut se contenter de bilans par agents). Les pseudo-prix sont définis sous des postulats extrASmes (la valeur économique a priori de la e humaine est nulle pour un retraité) ou calculés dans des contextes trop généraux pour le projet spécifique (le salaire fictif retrace des conditions globales de sous-emploi). Enfin, tous les agents sont supposés utiliser le mASme système de prix (voir II, 5), alors que l'état ne dispose des moyens de coercition ou d'incitation nécessaires pour les faire appliquer que sur un nombre réduit d'agents (mais les prix peuvent AStre recalculés par
Les méthodes d'évaluation usuelles examinent les caractéristiques techniques et économiques des projets, sans tenir compte de leur mode de financement (sinon indirectement A travers le taux d'actualisation), rapport A ce domaine).
En conséquence, si les agents décentralisés choisissent un projet sur la base de prix fictifs plutôt que de prix réels, ils observent une distorsion entre son bilan économique (servant de base A la décision) et son bilan financier (effectivement ressenti). Cette distorsion apparait aussi lorsqu'ils utilisent des valeurs de biens non marchands, car, si les avantages que retire l'acheteur sur le pseudo-marché d'un tel bien sont partiellement internalisés dans le prix par le vendeur, ils ne le sont jamais totalement. Sauf si la distorsion leur est favorable, les agents doivent AStre, soit contraints A utiliser les pseudo-prix, soit compensés financièrement (allocation budgétaire pour les administrations, subventions pour les entreprises publiques).
Pour surévaluer la compensation financière qu'il peut retirer d'un projet décidé en commun par l'agent et sa tutelle au vu d'un bilan économique (positif), l'agent a intérASt A masquer ses vériles caractéristiques et A minimiser son bilan financier (négatif). En sens inverse, si l'agent présente A sa tutelle, qui prend cette fois seule la décision, un projet qu'il désire voir réalisé (au vu du bilan financier et d'autres éléments), il doit, lA encore, masquer ses caractéristiques et maximiser cette fois son bilan économique. Il lui suffit pour cela de réduire les coûts du projet (d'un - facteur n - comme le veut une idée répandue au ministère de l'équipement) et de gonfler ses avantages (jusqu'A arriver au taux de renilité requis, parfois malencontreusement affiché). Il existe une possibilité théorique pour la tutelle de s'appuyer sur la théorie des incitations pour faire révéler A l'agent les informations qu'il possède moyennant des subventions adéquates, mais elle est délicate A mettre en œuvre concrètement.
évaluation ex post.
L'évaluation expost simule également les trois phases du processus rationnel de décision, mais de faA§on descriptive A partir des politiques mises en œuvre et des conséquences observées, et non plus normative A partir des politiques possibles et des conséquences anticipées. La première consiste A reconstituer la procédure de choix qui a conduit A retenir la politique mise en œuvre, et en particulier A préciser le
contexte économique de la décision et les objectifs poursuis par les acteurs, affichés ou non. La deuxième consiste A rechercher les liens de causalité entre la politique suie, l'enronnement économique et les effets mesurés, tant au niveau de l'organisme qui réalise la politique (résultats) que du système économique en aval (impacts). La troisième consiste A évaluer la politique par rapport A ses objectifs propres comme A des critères externes, mais aussi A se prononcer sur l'opportunité de reproduire le choix dans d'autres contextes ou pour des politiques voisines.
La phase centrale est ici primordiale et consiste A attribuer les effets observés A la politique suie ou A l'enronnement, après aison éventuelle avec les effets d'une politique de référence passée ou présente, dans un enronnement identique ou différent. Ainsi, les effets peuvent AStre mesurés avant et après la mise en œuvre de la politique (ou mASme de faA§on continue en cas de mise en œuvre progressive) sur le mASme groupe concerné, mais les conditions d'enronnement ont généralement évolué. De mASme, les effets peuvent AStre mesurés simultanément, pour la politique et en son absence, sur des groupes aux caractéristiques différentes ou semblables, sachant que, lA encore, les conditions d'enronnement peuvent différer. Les données recueillies sous diverses formes (monographies, statistiques, enquAStes) sont alors analysables, en profitant de la variance créée par la variété des situations, selon différentes techniques statistiques, en particulier par l'économétrie sur données micro-économiques (longitudinales, transversales ou panels).
L'évaluation expost se ainsi A réaliser une - pseudo-expérimentation - aussi rigoureuse et globale que possible (voir I, 3), qui la démarque de genres voisins comme le contrôle de gestion (plus interne A une organisation) ou le contrôle administratif (plus axé sur la régularité des actions). Cependant, le caractère spécifique de toute situation et la non-abilité des groupes sur lesquels agissent des politiques alternatives limitent fortement la possibilité de mettre en édence une vérile causalité (voir III, 3). De plus, mASme si l'on peut er les effets sur un groupe touché par la politique et sur un groupe témoin, il ne faut pas oublier l'interaction éventuelle entre les deux actités (aison de l'hôpital privé et public). Enfin, le fait que l'on procède A une expérimentation peut altérer le comportement des agents par rapport A celui qu'ils auraient adopté en cas de politique générale et durable (-effet Hawthorne-, observé sur l'expérience d'impôt négatif du New Jersey).
Plus profondément, l'expérimentation peut s'avérer juridiquement discule parce qu'elle ole la contrainte d'égalité de tous les indidus devant la loi (expériences pilotes menées dans des élissements d'enseignement). De mASme, l'évaluation ex post s'avère idéologiquement délicate lorsqu'elle remet en cause l'autorité naturelle liée A la décision prise et jette un doute sur la légitimité d'un choix pourtant effectué sur des bases parfaitement légales. Enfin, ses conclusions peuvent directement mettre en cause les responsables de la politique qui, lA encore, vont avoir intérASt A masquer leurs objectifs et A procéder A une rétention d'information sur certains résultats qu'ils observent. Le nécessaire dialogue entre analyste et décideur exige alors que le principe d'une évaluation expost soit négocié dès le départ entre toutes les parties prenantes et qu'un dispositif de sui de la politique soit mis en place au moment mASme de la décision.