Mobilité accrue des capitaux, interdépendance des places boursières, nouaux acteurs la
globalisation financière est une réalité. En l'absence d'instances de régulation, signifie-t-elle plus d'insilité? Quels avantages pourrait-elle éntuellement offrir? Les
marchés financiers peunt-ils AStre régulés? Autant de questions auxquelles les déloppements théoriques récents apportent des réponses contradictoires.
LA GLOBALISATION FINANCIÀRE occupe une place grandissante dans les débats contemporains. Pour certains, elle correspondrait A une -situation chaotique- (1). On aurait donné - un pouvoir exorbitant aux
marchés et A la spéculation- (2). Pour d'autres, au contraire, il n'y aurait -aucune base pour conclure que les marchés privés de capitaux fonctionnent habituellement mal- (3).
Ces controrses trount leur origine dans la profonde transformation de l'économie mondiale A l'ouvre depuis les années 80. Au-delA de l'accroissement des flux de capitaux, nous assistons, en effet, A l'émergence d'une noulle conuration de l'économie mondiale, A savoir le passage d'un système régulé par les Etats (issu des accords de Bretton Woods de 1944) A un système régulé par les marchés. L'accroissement des mouments internationaux de capitaux et l'interdépendance des marchés font émerger un système monétaire et financier globalisé. Cette noulle conuration pose la question de la capacité des marchés A coordonner dans le temps les actions des agents en l'absence d'instances de régulation internationales. Pour se faire une idée exacte des inconvénients mais aussi des avantages que l'on peut attendre de cette globalisation, il convient de prendre la mesure des transformations que la finance internationale a connues au cours de ces dernières années (voir l'encadré es suivantes).
Finance libératrice ou répressi ?
Dans les années 70-80, la
concurrence accrue entre les acteurs ainsi que la suppression des procédures administratis ont été perA§ues comme le moyen d'atteindre une répartition plus efficace des capitaux. Or, le visage pris depuis par la finance internationale suscite de nouaux problèmes. Dès lors, la question se pose de savoir si la globalisation financière a permis de libérer l'économie des contraintes de l'économie administrée ou si, au contraire, la déconnexion apparente entre la sphère réelle et la sphère financière traduit une -dictature des créanciers- dans laquelle il serait -vain d'attendre des marchés financiers qu'ils aient la prescience nécessaire pour anticiper le long terme-, alors mASme que leurs erreurs peunt avoir des -conséquences sociales très considérables- (4).
En quoi la globalisation financière peut-elle engendrer des phénomènes perrs néfastes A la silité économique? Quels avantages peut-on éntuellement attendre de ce processus ? Autant de questions auxquelles les déloppements récents de la théorie économique, notamment ceux liés aux crises monétaires, permettent d'apporter un éclairage intéressant.
S'agissant des éntuels avantages de la globalisation, ils ont été soulignés par différents travaux portant sur la mobilité des capitaux et le fonctionnement des marchés financiers. Le concept d'efficience informationnelle et allocati des marchés (5) constitue la clef de voûte des travaux sur la mobilité. La filiation ac la théorie des anticipations rationnelles est ici importante. En effet, on suppose que les opérateurs connaissent toute l'information pertinente et qu'ils sont capables d'intégrer ses effets dans l'élaboration de leurs décisions. S'agissant du fonctionnement des marchés, au moins trois arguments en leur faur ont été avancés. D'abord, le déloppement des marchés dérivés a permis aux agents économiques de se protéger contre les
risques de variations importantes des taux de change et d'intérASt. Ils ont été de ce point de vue des instruments importants de l'internationalisation des entreprises. Ensuite, les marchés sont dotés d'une forte capacité A répondre aux chocs financiers non anticipés (chocs pétroliers, réunification de l'Allemagne), argument important dans un contexte où les chocs extérieurs sont fréquents. Enfin, les marchés assurent une certaine discipline : les instisseurs internationaux auraient pour rtu d'empAScher les Etats de s'engager dans des
stratégies inflationnistes et/ou d'accroissement de la dette publique. Ils garantiraient, en outre, l'assainissement des politiques économiques : un pays ne s'attachant pas A suivre cette règle du jeu s'exposerait A des attaques brutales de sa monnaie, mais aussi de ses cours boursiers. Face aux manifestations de l'insilité monétaire et financière internationale, d'autres déloppements théoriques récents ont cherché A comprendre le comportement des acteurs. Deux points doint AStre soulignés A cet égard. Premièrement, les marchés financiers semblent AStre le théatre d'une situation d'asymétrie informationnelle. Celle-lA caractérise le fait que certains opérateurs sont parfaitement informés sur les facteurs des variations de cours, c'est-A -dire qu'ils sont capables de distinguer les variations relevant de déterminants fondamentaux de celles relevant de l'évolution conjoncturelle du marché, alors que d'autres opérateurs ne peunt effectuer une telle distinction. Ces agents non informés amplifient la tendance des cours en ndant (achetant) quand les cours baissent (montent) ; la spéculation devient désilisante. En second lieu, la théorie de la microstructure du
marché des changes élit une distinction entre les agents -fondamentalistes- (dont le comportement est guidé par les déterminants fondamentaux) et les -chartistes-. Ces derniers introduisent un bruit en raison de leur réaction aux modes et rumeurs. Ce faisant, ils désilisent les marchés en perturbant le comportement des autres instisseurs. Résultat : les acteurs du marché ne se comportent pas nécessairement de manière conforme A l'idée d'efficience évoquée plus haut.
Comprendre les crises
Enfin, la succession des crises monétaires depuis 1992 a réactivé les travaux relatifs A l'effondrement des régimes de change quasi fixe (6). Dans la lignée des modèles de crises de balances des paiements ou d'attaques autoréalisatrices (7), une importante littérature cherche A élir un lien entre les crises monétaires et les politiques économiques menées par les autorités. Les enseignements de ces travaux sont relatiment contradictoires. En ce sens, ils sont tout A fait représentatifs des différences de points de vue sur les avantages de la globalisation financière. D'un côté, des auteurs rejettent l'existence d'une relation directe entre l'attaque de la monnaie et la politique suivie par le pays (8). L'expérience du Système monétaire européen (SME) confirme ce point de vue. L'implication la plus importante de cette observation est la suivante : aucune économie, mASme celle qui mènerait une politique de discipline budgétaire, ne peut se protéger contre une attaque spéculati. Les phénomènes de contagion et d'interdépendance entre les marchés peunt ici se révéler déterminants. La capacité habituellement attribuée aux marchés financiers de distinguer entre les pays est ici remise en cause, ce qui pose des questions quant A la pertinence A demeurer résolument dans des politiques d'austérité. D'un autre côté, certains (9) ont identifié des déterminants fondamentaux (appréciation du taux de change réel, crises bancaires, faible niau des résers de change) qui permettent de comprendre pourquoi les marchés émergents ont été dirsement contaminés par la
crise du peso. Il y aurait une logique fondamentale A l'effet tequila ; les marchés seraient capables de réagir différemment selon les pays. 11 convient cependant de reler la conrgence de vue sur un point : les marchés réagissent tardiment et brutalement. Cette caractéristique est particulièrement importante pour les marchés émergents. En effet, certains travaux récents ont montré que les opérateurs avaient sount tendance A traiter globalement ces marchés dans le cadre de la dirsification internationale des portefeuilles, ce qui peut alors conduire A des réactions brutales A l'échelle mondiale. Il existe dès lors une forte logique autoréalisatrice A l'attaque : celle-ci produit le changement de politique qui, sans elle, ne serait pas internu. Le désaccord porte sur le rôle sous-jacent des déterminants fondamentaux dans le déroulement de la crise. Ce désaccord a ses origines dans le caractère nouau des crises financières des années 90. Deux faits stylisés majeurs doint AStre relevés. Tout d'abord, les crises se déclenchent brutalement - et de faA§on peu prévisible - alors mASme que des travaux empiriques identifient des indicateurs avancés de ces crises. Ensuite, le nombre croissant d'épisodes où crises bancaire et monétaire sont simultanées traduit l'imbrication des facteurs de fragilité financière. Ces faits stylisés trount leur unité dans le changement de nature des crises par rapport aux décennies précédentes. Alors que, dans ces dernières, les crises avaient été impulsées par le compte courant - et par lA mASme par des déséquilibres réels -, les crises récentes sont davantage conduites par le compte de
capital - suggérant le rôle déterminant des facteurs financiers.
L'action de ces derniers apparait ac une force particulière lorsque l'on rappelle que les mouments de capitaux peunt se retourner rapidement et ac une extrASme ampleur. Ainsi, lors de la crise du peso mexicain, le retournement - entre 1993 et 1995 - a représenté 13 % du PIB mexicain. Les cinq économies asiatiques les plus frappées par la crise (Corée du Sud, Indonésie, Malaisie, Philippines et Thaïlande) ont connu en 1997 un retournement équivalent A plus de 10 % de leurs PIB combinés.
Au total, quel que soit le rôle joué par les facteurs financiers - qui s'apparentent A de nouaux fondamentaux -, les crises des années 90 reposent sur une logique autoréalisatrice. Cela pose la question de la maitrise des marchés, noul objet de débats.
Que faire ?
Les régulateurs des opérateurs et des marchés (la Commission des opérations de Bourse, par exemple) ainsi que les institutions internationales refusent de voir dans les marchés financiers un fonctionnement par essence chaotique. Cependant, considérant les risques engendrés par leur insilité, un accent particulier est mis sur l'amélioration de leur fonctionnement : procédures destinées A les rendre plus transparents, meilleure information des opérateurs A propos des conditions réelles des marchés. Un tel impératif a notamment été mis en avant par le FMI après la crise mexicaine de 1994 (mise en place d'un système d'alerte précoce; normes de diffusion internationale de
données macroéconomiques). Le point important A reler est le suivant : on recherche une plus forte interaction entre les autorités gournementales et internationales, et les marchés ; les premières contribuant A la formation des anticipations des seconds. Une telle interaction a récemment été accentuée par l'autorisation accordée aux
banques par le Comité de Bale d'utiliser leur modèle interne de gestion pour appréhender les risques de marché (10). Cette décision est tout A fait significati de l'orientation actuelle qui repose sur la responsabilisation et l'incitation des opérateurs. Le Comité de Bale entend ainsi réduire le poids de la réglementation (considérée d'une
efficacité limitée compte tenu de la complexité des instruments déloppés par les opérateurs). Cependant, la présence des autorités de régulation est indispensable pour inciter tous les opérateurs privés A adhérer aux mASmes règles du jeu. D'une manière générale, ce que l'ancien directeur général du Fonds monétaire international - Michel Camdessus -appelle la -noulle architecture- du système financier international cherche précisément A responsabiliser les acteurs publics et privés de la finance globalisée autour de codes de bonne conduite et de principes directeurs dans la gournance des économies et des affaires. Cette logique d'incitation des opérateurs se heurte toutefois A leur capacité de réaction, et plus généralement A leur logique de fonctionnement. Ainsi, un certain nombre de travaux ont montré que, mASme lorsque des indicateurs macroéconomiques laissent suggérer une crise imminente, les opérateurs tardent A réagir. Se produit alors ce que A. Cartapanis qualifie A '-auglement au désastre- (11). Leur réaction est d'autant plus brutale et se traduit par une vérile -surréaction- au sens où les ajustements monétaires dépassent de loin ce qui est nécessaire. Certains préconisent alors une mesure plus radicale pour contenir la puissance désilisatrice des marchés financiers : un contrôle sur les mouments internationaux de capitaux. Il s'agit d'introduire un élément de rigidité dans un segment de l'économie de marché de plus en plus flexible considérant que -lorsque certains marchés ne s'ajustent pas parfaitement, on peut accroitre le bien-AStre en internant dans le processus d'ajustement des autres marchés- (12). On cherche donc A rendre moins excessi la réaction des marchés. Cependant, les contrôles du type taxe Tobin doint faire face A un certain nombre de limites. Les agents économiques sont conduits A effectuer un arbitrage entre le coût du transfert des capitaux et les gains anendus des placements A l'étranger. En conséquence, dans l'hypothèse d'une perturbation monétaire importante et durable, le contrôle est inefficace. L'expérience des crises monétaires des années 1969-l973 en témoigne. En outre, un taux élevé peut remettre en cause l'efficience des marchés ; mais un taux faible peut n'avoir aucun effet. Il y a lA un dilemme important. Surtout, il est nécessaire d'obtenir un accord international pour éviter les phénomènes de fuites rs les places non taxées. Les contrôles portant sur les entrées de capitaux - du type de la taxe appliquée au Chili - paraissent beaucoup plus praticables en raison de leur caractère unilatéral. En outre, en rallongeant la maturité de ces entrées, ils semblent avoir une certaine efficacité. Cependant, le recours au contrôle ne semble pas AStre en mesure de protéger durablement les économies des perturbations internationales. Tout au plus peut-il permettre aux
banques centrales de bénéficier d'une marge de manouvre temporaire dans leur réaction. Ainsi, l'insilité monétaire et financière internationale semble AStre un caractère dominant de la globalisation financière. Cette insilité interroge les économistes quant A la pertinence de ce processus. Il est désormais reconnu que les acteurs des marchés ne se comportent pas nécessairement de manière conforme A la théorie de l'efficience. L'analyse
économique a fait des progrès significatifs dans la compréhension de ces phénomènes de désilisation. Ces derniers sont importants, ac les conséquences macroéconomiques - difficiles A mesurer - qui en résultent. En dépit de cette insilité, on ne peut pas en déduire une remise en cause du processus de globalisation financière. En effet, l'analyse économique ne permet pas d'affirmer la supériorité des coûts par rapport aux gains. On considère généralement que les mouments de capitaux obéissent très largement A une logique fondamentale, mASme si A certains moments les marchés deviennent insles.
La complexité de la situation réside alors dans l'apparente contradiction qu'il y a A accepter les règles du jeu imposées par les marchés financiers tout en reconnaissant que ces marchés ne se comportent pas toujours conformément aux préceptes de l'efficience. L'enjeu auquel doit faire face la communauté internationale se situe dans la gestion de cette situation : arrir A tirer pleinement profit de l'intégration financière passe par une silisation des marchés financiers et des changes. Les discussions relatis A l'instauration de pouvoirs régulateurs A l'échelle mondiale ont été relancées par certains. L'un des principaux défis du XXT siècle sera de trour les
moyens de rendre compatibles l'expression d'une certaine souraineté nationale et l'unification de la finance, qui transcende ces sourainetés et rend nécessaire une régulation A son échelle. Les difficultés considérables pour contrôler directement les marchés incitent A accentuer la responsabilisation des acteurs, en l'occurrence les instisseurs. Une telle responsabilisation ne peut AStre atteinte que par une plus forte légitimité dans l'interntion des institutions internationales. La création d'un Conseil de sécurité économique, monétaire et financière pourrait s'inscrire dans cette recherche de légitimité (13). Il aurait quatre fonctions principales :
- fournir aux Etats un cadre de référence stratégique A long terme afin de promouvoir un déloppement plus équilibré de l'économie mondiale ;
- assurer la cohérence entre les différentes institutions aux compétences spécifiques;
- offrir un forum sur les questions d'intérASt commun ;
- servir d'instance de coordination pour répondre de faA§on concertée aux situations financières d'urgence.
L'avantage d'un tel conseil est double : d'une part, intégrer un nombre croissant d'acteurs majeurs dans les négociations internationales ; d'autre part, trour un compromis entre le respect des sourainetés nationales et la nécessite de créer des cadres d'action A l'échelle des opérateurs internationaux.