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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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De la culture a  la cohabitation culturelle

La première réaction face A  l'immense chantier de la culture européenne, qui va de la mythologie aux industries culturelles, est sans doute d'avouer sa modestie. L'étendue de ce qu'il y a A  embrasser interdit une sion d'ensemble. La leA§on complémentaire est de résister aux tentations de plus en plus nombreuses d'instrumentalisation. Laisser la politique et l'économie lA  où elles sont, et ne pas croire que le - volet culturel - renforcerait l'adhésion au projet européen. C'est mASme le processus inverse qui risque de se produire. Au fur et A  mesure que l'ensemble des domaines de la société s'institutionnalise, il est préférable que l'art et la culture restent un peu A  l'écart de ce mouvement. Cela n'empASche pas l'engagement des hommes de culture, mais pas - au nom - de celle-ci, mASme si chacun a en tASte les trémolos de ceux qui ne manquent jamais une occasion de souligner la dimension - naturellement - européenne de la culture. C'est toujours le mASme processus: on pouvait en appeler A  son instru-menialisation comme le proclamaient Stefan Zweig, Thomas Mann ou Romain Rolland, entre les deux guerres, quand il n'y avait pas de politique de la culture. A partir du moment où celle-ci existe, l'accentuer ne garantit en rien une meilleure adhésion des citoyens. Il y a un risque édent de rejet face A  ce qui pourrait AStre perA§u comme - un bourrage de crane -. Aujourd'hui, tout est -européen-, y compris l'an et la culture.
Laisser les actités culturelles un peu A  l'écart de ce maelstrôm institutionnel parait sage, d'autant que nombre des voisins européens de la France ont une tradition beaucoup moins étatiste de la culture ' et sont peu favorables A  une institutionnalisation si poussée.
Entre les cinq niveaux d'analyses évoqués précédemment concernant les rapports entre l'Europe et la culture, il n'est pas facile de cerner ce qui peut AStre fait. Modestement deux directions peuvent AStre indiquées dans ce vaste chantier, en rappelant que le point de vue choisi est toujours celui du citoyen, c'est-A -dire celui qu'il s'agit de convaincre de l'intérASt de cette Europe démocratique.

1 - Les intellectuels

L'Europe pose de nouveau la question de la responsabilité des intellectuels mais, la plupart du temps, le problème est posé dans la filiation des grandes ures de la - vérité -, qui de Victor Hugo A  Emile Zola en passant par Romain Rolland et Jean-Paul Sartre ont illustré une pratique très franA§aise, celle de l'intellectuel qui se dresse seul contre tous les pouvoirs, au nom de la vérité. Cette image, bien que séduisante, ne correspond plus beaucoup A  la réalité, ne serait-ce qu'A  cause du processus d'institutionnalisation de la e culturelle et intellectuelle A  travers les universités et les diverses institutions, et du statut de la culture dans la société. Finalement, la grande différence par rapport au siècle dernier est que les intellectuels font partie de l'espace public. Il leur est beaucoup plus difficile d'intervenir comme s'il s'agissait d'un acte exceptionnel pour dénoncer, expliquer. MASme si les intellectuels se veulent toujours - extérieurs -, ils sont aujourd'hui insérés dans l'espace public. Cela ne diminue pas leur responsabilité, mais modifie leur rôle. Beaucoup rASvent de rester - hors - de la e sociale, tout en réclamant de jouer un rôle plus important de conseiller du prince, en restant indépendants de lui. Bénéficier en quelque sorte des avantages d'une certaine institutionnalisation, sans les inconvénients de la responsabilité. La conséquence, en tout cas, de l'entrée des intellectuels dans l'espace public est qu'ils sont dans une logique de bipartition politique. A Londres, Paris, Berlin ou Milan chacun sait presque - instinctivement - qui sont les intellectuels de droite et de gauche. Et pratiquement personne ne se trompe, y compris pour ceux qui changent de camp.
Un autre changement du statut des intellectuels concerne le rapport A  la communication. Hier l'intellectuel avait un rôle important parce qu'A  un moment, il disait quelque chose. L'intervention était exceptionnelle. Aujourd'hui, par l'intermédiaire des médias, les intellectuels sont beaucoup plus présents et leur intervention n'est pas une exception, mais dans l'ordre des choses. Ce qui les oblige de plus en plus A  hausser le ton pour se distinguer de tous ceux qui s'expriment : hommes politiques, experts, hauts fonctionnaires. Sur le fond, leur rôle est plus lié A  une capacité de production originale dans un domaine précis que dans la capacité A  se faire le porte-parole de l'Universel.
Bref, la e intellectuelle est aujourd'hui très différente d'il y a un demi-siècle, aussi institutionnalisée que la e culturelle, et largement modifiée par la démocratisation, l'émergence de la culture moyenne, et le règne de la culture de masse. Le rôle de l'intellectuel n'est sûrement plus celui du chevalier de la vérité qui s'élevait seul contre tous. Il est tout aussi imponant, mASme s'il est apparemment moins romantique.
Deux autres facteurs réduisent encore la sion traditionnelle. C'est d'abord la parcellisation du savoir qui interdit aujourd'hui A  un intellectuel d'intervenir sur n'importe quel sujet. Sauf peut-AStre au nom de la morale et de la vérité dont quelques-uns pensent AStre encore les porte-parole. La seconde raison a trait A  l'histoire : du fascisme au marxisme, du stalinisme au maoïsme, les intellectuels se sont tellement trompés, et ont tellement cautionné, depuis le début de ce siècle, l'incautionnable, A  l'opposé des valeurs de vérité et de justice qu'ils étaient censés défendre, qu'il leur est difficile de continuer A  se présenter comme les héros du bien. Y compris depuis la conversion récente aux valeurs de la démocratie pluraliste.
Plus les intellectuels se feront les hérauts sans nuances de l'Europe, plus ils risquent un rejet, contre eux, et contre l'Europe alors mASme qu'ils ont un rôle A  jouer, comme les autres forces sociales, dans la construction de l'Europe démocratique. Peut-AStre mASme plus que les autres forces sociales, car on retrouve avec l'Europe l'essence du travail intellectuel : la culture, l'histoire, les idées, l'abstraction. Si les intellectuels n'ont pas forcément A  devenir les hérauts de l'Europe, ils n'ont pas non plus A  minimiser leur place dans cette aventure qui, depuis toujours, appartient A  leur univers culturel. C'est mASme pour sauver ce rôle essentiel qu'ils ne doivent pas se transformer en idéologues de l'Europe.
Les intellectuels sont pris dans une contradiction intéressante. Réintroduire l'histoire lA  où certains peuvent croire tout inventer, mais reconnaitre néanmoins que le caractère nouveau de cette histoire politique rend difficile les analogies pourtant toujours intéressantes.
La première démarche est de montrer aux journalistes, hommes politiques et technocrates, qui manquent souvent de culture, qu'une bonne partie des débats A  venir s'inscrivent déjA  dans des raisonnements des philosophies politiques du xii siècle, pour ne pas remonter au xi siècle, voire mASme A  la Renaissance. Montrer les filiations et les liens qui rattachent les débats actuels aux oppositions anciennes, par exemple entre culturalisme et universalisme, commu-nautarisme et relatisme '.
D'une certaine manière toutes les formes politiques ont déjA  été pensées, et parfois essayées. Introduire le poids de l'histoire est donc le meilleur moyen d'éter l'illusion de la nouveauté.
Mais en mASme temps, et c'est le second mouvement A  avoir A  l'esprit, si on recode tout de suite le neuf et le différent, avec les mots anciens, il deent difficile de penser la rupture. Surtout, et c'est toute la difficulté avec l'Europe, lorsque le neuf surgit si rapidement, et que personne n'a de distance A  son égard.
L'écueil est donc double. Croire que l'on invente tout avec l'Europe démocratique, croire qu'il n'y a rien de nouveau et recadrer les débats A  venir sur l'Europe dans les cadres anciens. La marge de manœuvre est étroite et, dans les deux cas, les intellectuels ont une responsabilité réelle car ils gèrent le rapport au passé, bénéficient tout de mASme d'un certain prestige au titre de la culture dont ils sont détenteurs et de la capacité dont on suppose qu'ils sont investis de penser l'histoire et la politique. Surtout A  un moment où les autres acteurs, hommes politiques et journalistes, le nez sur l'événement, ont quelques difficultés A  prendre du recul.
On retrouve toujours la force et la faiblesse de l'intellectuel face A  l'histoire et A  la politique : il s'agit de son domaine prilégié de connaissances, mais comme tous les autres acteurs, il a des difficultés A  faire la part des choses entre le métier, produire et gérer la connaissance respectée par tous, et les choix idéologiques du moment. La conclusion sans doute finalement paradoxale et rassurante, mASme si elle n'est pas agréable pour l'amour-propre, est que les intellectuels se sont tout autant trompés, et parfois plus, que les autres acteurs.
Trois profils semblent possibles aujourd'hui pour l'intellectuel.
Le premier, le plus compréhensible, est celui de conseiller du prince. C'est une tradition classique dont la ure d'André Malraux est sans doute le plus beau symbole. En dépit de ce que disent nombre d'universitaires, cette fonction peut déplaire mais n'est pas sans grandeur. Il faut AStre attiré par le goût de l'action, le reconnaitre, et accepter le prix A  payer, c'est-A -dire ne pas se comporter en universitaire chez les politiques, et en politique chez les universitaires. On peut dans une e faire plusieurs carrières, mais A  condition A  chaque fois de rester dans l'identité du moment. Sinon, personne ne s'y retrouve. Le développement institutionnel de l'Europe crée des postes A  pourvoir. Entre les souvenirs de l'Europe culturelle du Moyen Age d'hier et le dédale des circulaires administratives d'aujourd'hui, il y a une place et une action possible où inscrire sa marque sur le cours des choses.
La deuxième catégorie se veut plus - indépendante du pouvoir -, c'est-A -dire souhaite le plus souvent en avoir les avantages, sans les inconvénients. Elle regroupe plutôt les intellectuels prophètes, ou intellectuels organiques, qui ne veulent pas trop se compromettre dans la gestion, mais veulent inspirer, influencer. C'est probablement le profil le plus discule, car il s'agit de personnalités qui ne reconnaissent pas leur attirance pour le pouvoir et ses avantages, mais qui souhaitent en profiter dans une position de conseiller plus ou moins officiel. - Influents, mais pas acteurs -, pour reprendre A  l'envers la formule qui fait florès : - responsable, mais pas coupable -. Cette attitude bénéficie de la plus grande sollicitude, car elle allie le goût pour l'indépendance des intellectuels et celui pour l'influence et le pouvoir non dévoilé.
La troisième attitude consiste A  perpétuer la fonction de {'intellectuel critique '. Celui-ci s'engage, mais respecte la différence de nature entre son domaine d'actité, la connaissance, et celui de la politique, l'action. Il ne prétend pas inspirer directement ou indirectement l'action du prince. Que l'intellectuel souhaite exercer une influence sur le cours des événements est d'autant plus compréhensible que l'infrastructure intellectuelle et culturelle de l'Europe est A  construire. Mais A  condition de ne pas mélanger les genres et les espaces de références. En respectant le lieu d'où les uns et les autres pensent et agissent. L'intellectuel critique préserve la pluralité des rôles au sein de l'espace public et éte le recouvrement préjudiciable A  tous des différentes légitimités.
En pratique, les trois positions sont proches les unes des autres, mais diffèrent radicalement dans les postures théoriques. Et plus l'espace public démocratique intègre des arguments A  caractère culturel et intellectuel, plus il est nécessaire de maintenir la différence entre ces trois profils. Ce troisième profil rappelle la tradition des intellectuels critiques, dont Raymond Aron fut sans doute la ure contemporaine la plus nette, quoique la plus contestée, puisque comme chacun s'en souent encore - on préférait avoir tort avec Jean-Paul Sartre que raison avec Raymond Aron -. Pourquoi évoquer ici R. Aron qui avait d'ailleurs consacré un livre, Plaidoyer pour l'Europe décadente ', A  l'Europe A  un moment où elle était moins A  la mode chez les élites culturelles qu'aujourd'hui ? Parce que lui, et quelques autres, furent depuis toujours des fervents défenseurs de l'Europe2, contrairement A  Jean-Paul Sartre et aux autres intellectuels des années 1950-l980 qui n'y voyaient qu'une manœuvre supplémentaire du capitalisme.
L'Europe sera un jour l'occasion d'affrontements du type de ceux qui existèrent pendant la guerre froide. Le contenu des oppositions ne sera plus le mASme mais l'idéologie y jouera un rôle central. Pourquoi? Parce que l'Europe est probablement le chantier le plus important A  venir. Cependant, un changement est intervenu depuis 1950 : le niveau critique du public est supérieur, grace A  l'élévation du niveau des connaissances, A  l'effondrement des idéologies totalitaires et au rôle croissant de l'information, par l'intermédiaire des médias.
Rôle critique plus important aussi parce que, depuis 1950, les erreurs ont été si nombreuses et si peu souvent accomnées d'autocritiques, que la légitimité des intellectuels et la bienveillance dont ils étaient l'objet sont aujourd'hui plus faibles qu'entre les deux guerres par exemple, du temps des rencontres de - Pontigny -.
Les intellectuels sont aujourd'hui confrontés A  une crise de confiance larvée identique A  celle dont sont finalement l'objet les hommes politiques et les journalistes '. Et le passage A  l'Europe démocratique pourrait s'avérer délicat s'ils l'abordent sans tenir compte des changements précédemment évoqués.

2 - De la cohabitation A  l'interculturel

Trois écueils sont A  éter.
Croire que l'on part de rien, car l'Europe est réellement - dans la tASte - des Européens depuis le début de la CECA. MASme si elle ne correspond pas A  une expérience, elle est déjA  un héritage, une histoire, une tradition.
Croire possible d'agir sur la culture comme sur la santé, l'éducation ou les transports.
Croire en une unité culturelle européenne. A l'inverse, sous couvert d'une certaine tolérance A  l'égard des diversités culturelles, le risque est édemment une sorte de réification des particularismes et des différences. Sous prétexte de respecter les diverses formes d'expression culturelle, on arriverait A  une cohabitation polie, mais indifférente, des communautés culturelles.
Le troisième risque est pour le moment le plus dangereux. A la phase d'assimilation et d'intégration succéderait celle d'un émiette-ment sans autre principe directeur que le respect des - différences - dont on aura compris qu'il est différent du respect des identités. Dans celui-ci, il demeure un projet d'intégration culturelle qui disparait dans l'idéologie différentialiste qui se contente de légitimer les particularités. LA  où la différence gère les cohabitations, l'identité cherche un projet. Sous prétexte de respecter les - différences culturelles »» on supprimerait le principe d'intégration au profit d'une cohabitation des minorités culturelles, sans hiérarchie ni ordre. On retrouve ici, derrière la ctoire un peu démagogique du droit A  la différence, le risque de dérive différentialiste dont on a déjA  parlé et qui se manifeste aux Etats-Unis de manière d'ailleurs récurrente dans l'histoire de ce pays et de tous les pays multiculturels. La marge de manœuvre reste étroite entre intégration, identité et différence. Mais si l'on voit assez la différence entre les deux premières notions, on voit moins celle entre la seconde et la troisième, tout aussi essentielle. La difficulté pour le moment ne ent pas de l'inexistence d'un principe intégrateur - on en invente un depuis une dizaine d'années -, mais de la résistance A  ce que ce principe soit repris par les citoyens, surtout depuis les années 90. Manifestement les premières y sont beaucoup plus attachées que les secondes.
L'Europe culturelle est aujourd'hui autant menacée par l'idée d'une fausse unité A  reconstituer que par celle d'une fausse cohabitation A  assurer. Les effets pervers de l'intégrationnisme sont aussi forts que ceux du multiculturalisme, les seconds étant sans doute moins faciles A  repérer que les premiers. La marge de manœuvre est donc étroite entre une nouvelle et fausse intégration culturelle et un non moins faux multiculturalisme. En fait, comme l'écrit Yves Hersant, - aujourd'hui, il ne s'agit plus de se demander si l'Europe est une ou multiple, mais d'appprendre A  la penser comme simultanément plurielle et une. C'est dans le non-identique que son identité se découvre; travaillée par l'altérité, elle doit demeurer ouverte et multiforme. De lA  bien des conséquences. A commencer, en Europe mASme, par un devoir de résistance A  toute simplification d'une culture dont la complexité fait tout le prix. ' -
Une chose est certaine ; toute action dans le domaine culturel qui touche aux symboles et représentations est A  terme plus complexe et dangereuse qu'une action dans un autre domaine de la construction européenne.
Le plus simple est sans doute de recenser les différents patrimoines et de les mettre en communication entre les pays afin que les citoyens, A  leur rythme, saisissent progressivement les spécificités de chaque culture. Valoriser les pratiques des uns et des autres, c'est-A -dire toutes les manifestations qui dans chaque région donnent aux indidus l'ene de sortir de chez eux pour se rencontrer et passer un moment. Car il n'y a pas de plus forte définition d'une actité culturelle que celle qui spontanément, gratuitement, régulièrement, réunit des personnes et des familles. C'est d'ailleurs en évoquant cette liste succincte, arbitraire, A  partir de quelques manifestations franA§aises existant au sein des grandes lles, que l'on mesure A  la fois la richesse de ces pratiques culturelles et leurs faiblesses : courses cyclistes, processions, foires, cirques, boules, fASte de la Saint-Jean, transhumance, pèlerinages, fAStes du 14 juillet, foires aux bestiaux, loto, marathon, baptASmes de bateaux, majorettes
La deuxième démarche est de définir un - minimum - de projets communs. Si le pire en matière de - culture européenne - est de se gargariser de mots, de références et d'ambition, ce n'est pas une raison pour ne rien faire. Mais faire dans ce domaine passe par les mots, et ceux-ci sont piégés tant ils évoquent le volontarisme. Un exemple : recueillir les mots qui dans les différentes cultures signifient A  peu près la mASme chose, pour voir néanmoins ce qui les sépare. Le mot minorité lié A  la question de l'intégration est un bon exemple des différences au sein des cultures politiques. En France, il renvoie A  l'idée de minorité politique, alors qu'en Grande-Bretagne il renvoie plutôt A  celle de minorité ethnique et culturelle. Non seulement les mots n'ont pas toujours les mASmes référents mais ils n'ont pas non plus les mASmes connotations. C'est ainsi par exemple que le mot intégration n'a pas le mASme sens dans les cultures franA§aise, italienne et allemande tout simplement parce que l'usage de ce mot renvoie A  des histoires politique et A  des traditions culturelles différentes d'un pays A  l'autre. Saisir la polysémie sous l'apparente unité des définitions est déjA  une acceptation du pluralisme culturel.
Les mots cohabitation culturelle, multiculturalisme, interculturalilé sont proches. Difficile de choisir, d'autant qu'aucun d'entre eux n'éte définitivement les glissades et les crevasses. Le mot choisi ici serait plutôt celui d'- interculturalilé -, en ne se faisant guère d'illusion sur les détournements dont il peut AStre l'occasion. Il suffit de voir au niveau européen et mondial la langue de bois des institutions culturelles et humanitaires qui ne cessent de faire appel A  l'- inter-culturalité -. L'interculturel semble d'un seul coup le - sésame - de ce problème kafkaïen : la nécessité de faire cohabiter des cultures que tout sépare. Mais aujourd'hui, avec le triomphe du paradigme démocratique et l'ouverture de la communication, elles sont sous le regard des uns et des autres, et obligées de se supporter sans pouvoir s'exclure ou se détruire.
L'interculturel, ou plutôt la » cohabitation culturelle -, a l'avantage de rappeler les deux dimensions : l'altérité culturelle et l'existence des facteurs communs. Il a aussi l'avantage de conforter le niveau national qui, en matière de transmission culturelle, joue un rôle primordial. Il a enfin l'avantage de respecter les autres cultures, sans élir trop de hiérarchie. Il dépasse le paradigme moderniste, au profit d'une sorte d'anthropologie culturelle ', qui implique le respect de la diversité. Et de ce point de vue, on ne dira jamais assez le rôle essentiel du livre, cènes moins facile d'accès que l'image, mais qui justement par la difficulté qu'il présente, et la permanence qu'il offre, constitue édemment le meilleur souùen de la culture. Favoriser par exemple les traductions des livres les plus caractéristiques de goûts nationaux ou de notre culture afin qu'autrui saisisse l'originalité d'une approche. Créer aussi des prix européens, non pas dans la perspective de récompenser les meilleurs textes de la littérature ou des sciences humaines, ce qui n'aurait pas grand sens, mais pour forcer A  la circulation des textes. Dans le domaine de la presse, la formule originale du Courrier international - traduire dans une langue les articles les plus intéressants parus dans les autres pays - est aussi un exemple A  développer. Certes tout ce qui concerne l'écrit est moins sible et spectaculaire que le son et l'image, mais qui pourra nier que l'unité culturelle européenne réside au plus profond de ces merveilleuses bibliothèques poussiéreuses, ou modernes, qui peuplent le continent?
L'histoire culturelle est une intation, sans doute la plus directe, au respect des uns et des autres surtout dans les relations entre les deux Europes. L'idée d'interculturel revalorise le troisième sens du mot culture, plus anglo-saxon qu'allemand et franA§ais, celui qui s'intéresse aux faits et gestes de la e quotidienne, et pas seulement aux œuvres. Il y a par exemple toute une culture des pays de l'Est A  valoriser pour comprendre comment ces peuples, par une sorte d'alliage original entre la mémoire, les conditions du communisme et l'humour, avaient trouvé le moyen de vre dans l'univers gris et bureaucratique. Et encore ne faudrait-il pas trop noircir cette histoire, car il s'était éli des codes, des gestes, des pratiques, incompréhensibles A  l'Ouest, qui permettaient de faire tenu-ensemble des systèmes de valeurs qui n'avaient rien en commun. Cène - cohabitation - dont personne n'était dupe, y compris les dirigeants communistes, était une manière de vre originale. Il y a un décryptage du monde culturel socialiste A  entreprendre, pour le respecter, et cesser au plus te cette hiérarchie infantile entre l'Est où il n'y avait -rien A  apprendre- et l'Ouest d'où serait venue la lumière. A ce propos Dominique Moisi et Jacques Rupnik soulignent que -trop souvent A  l'Ouest, la démocratie est considérée comme allant de soi avec une sorte d'indifférence blasée. A l'Est, où elle a été arrachée de haute lutte, elle est A  réinventer chaque jour. Sans aller jusqu'A  dire que la crise du politique A  l'Ouest peut trouver sa solution A  l'Est, on peut néanmoins penser que l'expérience de l'Est contribue A  remettre les valeurs au centre du processus démocratique. ' -
Valoriser A  l'Est et A  l'Ouest cette culture de la e quotidienne est aussi le moyen d'ouvrir une brèche dans le fort mouvement d'institutionnalisation de la culture, ou plutôt le moyen de faire comprendre que le fait culturel est plus large que les œuvres qui en portent le nom. Parler d'une anthropologie culturelle de l'Europe ou d'une approche interculturelle est édemment abstrait et montre combien tout discours sur la culture, toute politique a tendance A  écraser et submerger ce qu'elle cherche A  protéger et promouvoir. Mais cela a au moins l'intérASt modeste de rappeler la talité du bouillonnement des sociétés sous le glacis des institutions.



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