NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » economie europeneana Inverser les mots et les référencesLes principaux changements sont d'ordre culturel et sémantique. Et d'abord, bannir le maitre mot du volontarisme eurocra-tique : harmonisation. On parle d' - harmonisation européenne -, quand il s'agit souvent d'intégration, et le plus souvent de compromis, dans tous les cas de rapports de forces, bien éloignés de la vision pacifique de l'harmonisation. Au mieux, faudrait-il parler d'arbitrages, de cohabitation de valeurs, et des représentations. Le choix des mots est essentiel : le compromis respecte l'identité, l'intégration traduit déjA un rapport de forces, l'harmonisation le nie. Le mot qui convient le mieux pour l'Europe est celui de cohabitation, parce qu'il respecte, dans un premier temps, les identités. Les deux autres réformes d'ordre culturel portent sur les perceptions de l'échelle du temps, et sur les limites du modèle culturel européen. Prendre en compte les différences de rythme, et notamment la - lenteur - du temps démocratique par rapport au temps technocratique, est une - urgence -, Détendre les échelles de temps, arrASter d'étalonner les temps sociaux par rapport au temps économique qui scande la construction européenne, exprimerait aussi cette remise en cause du modèle volontariste. Par exemple, ne pas - harmoniser - les horaires de travail entre le Nord et le Sud, reconnaitre que la journée continue a un sens en Grande-Bretagne, mais pas en Esne et que la sieste peut AStre moins indispensable en Allemagne qu'elle ne l'est A Athènes, bref reconnaitre que les échelles du temps expriment des identités culturelles. MASme si cela complique un peu les échanges commerciaux. Un autre changement porte sur l'inversion du rapport ressemblance-différence. On a vu qu'hier tout séparait les modes de vie en Europe, les traditions étant relativement différentes d'un pays A l'autre. Seule l'élite européenne avait suffisamment de ressemblance en termes de langues, de modes de vie, d'aspirations, pour pouvoir se rencontrer et échanger. Aujourd'hui, c'est l'inverse et c'est ce changement dont il faut tirer les conséquences. Les ressemblances l'emportent tellement sur les différences qu'il faut absolument privilégier les différences. Non par goût de la provocation, ou de l'ethnographie - l'Europe n'est pas un musée -, mais parce que c'est d'abord en comprenant les différences culturelles et en les respectant que les milieux sociaux, dans les différents pays, accepteront l'Europe. C'est en fait A une vérile anthropologie des différences1 qu'il faudrait s'atteler, comme tache urgente. Dans l'ordre sociologique, le changement le plus important serait de réduire la dévalorisation qui entoure la notion de - conflit social -. On y voit toujours la trace d'un échec, alors qu'il est un moyen de visualiser le heurt de plusieurs représentations. Admettre aussi que le conflit est un moyen de réappropriation de la cause européenne A travers son incorporation dans la symbolique sociale. Il n'est pas une manifestation antimoderniste, mais une respiration sociale nécessaire. Par contre, il apparait souhaile de réduire la rigidité de l'opposition entre élite et opinion publique. Cette opposition est indépassable au européen, comme au national, mais il faudra de la vigilance pour éviter que le processus européenne renforce cette dichotomie. Le risque de coupure entre les deux en recoue un autre, entre - le bocal - et le reste des populations. Le bocal est justement - l'effet de milieu - consécutif au regroupement de ceux qui - font - l'Europe. Des habitudes de travail se nouent au national et européen, entre les administrations, les hauts fonctionnaires et les politiques. Le résultat est évidemment la constitution d'une - autre réalité - sans rapport avec celle des citoyens ordinaires. Le risque est de se couper du reste de la population, d'autant qu'au sein de chaque pays, le nombre de personnes travaillant sur l'Europe est relativement limité. D'autant également que la connaissance, nécessairement technique, des dossiers renforce l'effet de bocal entre ceux qui vivent la mASme expérience et les autres. Ce bocal est constamment menacé d'auto-intoxication, d'autant qu'il n'existe pas ici de contre-pouvoir comme on en trouve au sein des Etats-nations. D'une faA§on générale, il faudrait faire apparaitre une différence de nature entre le volontarisme économique et le volontarisme politique. L'approche technocratique dominante pense les deux avec les mASmes catégories, alors que l'avènement de l'Europe démocratique oblige A inventer un volontarisme de nature différente. Un volontarisme susceptible d'AStre en prise sur les opinions publiques, les représentations, les symboles, et qui de ce fait permette aux individus de se sentir mobilisés. Tant que le volontarisme politique est dans la continuité du volontarisme technocratique, il se perpétue une dichotomie entre la minorité, - en avance -, et le reste de la population. Et avec le risque que les citoyens résistent ou se désintéressent. La dernière modification concerne le rapport entre citoyen, minorité, étranger. On l'a vu, les différences de mode de vie au sein de l'Europe constituent un moyen de freiner une hative harmonisation de la vie quotidienne. Mais ces différences sont A rapprocher d'autres, plus radicales, entre les citoyens et les - autres -. On sait que la définition du citoyen n'est pas la mASme en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France Le premier travail serait de recenser ces différentes définitions pour comprendre les représentations qui ont prévalu dans la définition du - national -. Le poids croissant pris par les étrangers notamment immigrés, depuis les années soixante, auquel s'ajoute maintenant celui des revendications des minorités, oblige A un réexamen sérieux des rapports au sein du triangle citoyen-minorité-étranger. L'émergence d'une conscience européenne oblige A une redéfinition du statut juridique de la minorité, et de l'étranger. Naturellement ce réexamen ne doit pas AStre baclé, car A travers lui se joue une redéfinition du rapport A la nation, A l'identité, au passé, A la conscience politique Le consensus autour de la définition de la nation et de la citoyenneté s'étant singulièrement effrité depuis une trentaine d'années, il serait dérisoire que le volontarisme politique, prompt A vouloir faire émerger une conscience identitaire européenne, n'en tienne pas compte. Les séparatismes, sous toutes leurs formes, risqueraient alors de mettre A mal le processus de construction identitaire européenne. Il est évident que plus l'espace politique européen s'oue, plus se pose le problème de la définition du citoyen et du droit des minorités; du rapport entre majorité et minorité, étranger et citoyen; droit A la différence, minorité et caractère national; droit au particularisme et référence A l'universel '. La tolérance est au bout de ce difficile travail sémantique, historique, juridique, la xénophobie au croisement de la solution trop rapide visant A redéfinir les rapports entre soi et les autres!. Ici se joue une des principales carences du volontarisme européen; ayant peur des conséquences d'un tel débat, celui-ci est repoussé, en espérant que le fait accompli de la construction politique lèvera finalement les obstacles. Rien n'est moins sûr. Si une parole collective ne peut se construire et s'échanger sur la question politique de la définition de soi et du rapport A l'autre, tous les conflits politiques ultérieurs seront, sur ce thème, possibles. La principale leA§on de cette difficile émergence de l'Europe démocratique est la nécessité de rompre avec les catégories culturelles qui ont dominé avec efficacité la construction européenne pendant quarante ans. Rompre avec les modèles culturels modernistes et volontaristes, pour notamment retrouver le passé, mASme et finalement peut-AStre surtout si ce passé est rempli de haines et de guerres. En ce sens, le projet d'une Europe démocratique est une revanche de la société contre l'économie et la politique, car on ne peut tisser le lien social d'une démocratie sans légitimer son histoire. La deuxième leA§on de cet examen des paradigmes usés est la nécessité de résister A la tentation d'une simple démocratisation du modèle technocratique actuel, sans modification substantielle. LA aussi, il faut accepter une rupture radicale. Il n'y a pas de troisième voie, où l'on accepterait de reprendre un peu d'une approche plus substantielle, tout en restant dans une perspective formelle. Couper avec le modèle technocratique, mASme teinté de social et de démocratie, constitue le moyen de souligner la radica-lité du projet européen. Attention aux syncrétismes et aux faux consensus. La troisième leA§on concerne le rapport entre la modernité et le temps. La modernité est identifiée A la conquASte et A la maitrise du temps. L'émergence de la société moderne signifie un affranchissement A l'égard du temps - naturel - qui s'imposait aux hommes. La fin de la modernité peut AStre datée du moment où l'espace reprend sa place, devant le temps. C'est exactement le problème de l'Europe. La question de l'identité, progressivement si centrale, renvoie d'ailleurs plus A une problématique de l'espace qu'A celle du temps. On peut donc dire que le modernisme était caractérisé par le couple temps-ouverture, alors que l'époque qui vient est plutôt caractérisée par le couple espace-identité. On voit l'importance des réaménagements psychiques qui deont AStre entrepris A la suite d'un tel changement de référents |
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