Sur le point de savoir si c'est A l'Union d'investir A nouveau dans la dimension sociale ou si elle doit laisser cette tache aux acteurs nationaux, les états membres sont disés et la Commission elle-mASme hésite.
On peut distinguer trois approches principales.
' Le statu quo au européen. Pour certains, l'essentiel de ce qui était faisable a été accompli en matière sociale et il serait contre-productif d'aller plus loin au niveau communautaire, le social restant et devant rester de la responsabilité première des états membres. C'est donc A chaque état, dans le cadre des objectifs fixés par la Stratégie de Lisbonne, qu'il reendrait de procéder aux arbitrages et d'effectuer les adaptations nécessaires dans le cadre des - programmes nationaux de réforme -. Parmi les tenants de cette thèse, que l'on trouve tant dans les états - sociaux- du nord de l'Europe qu'au sein des pays incarnant un modèle plus libéral, certains militent mASme pour une mise en
concurrence délibérée des différents modèles nationaux au sein du
marché intérieur permettant d'identifier les plus performants.
' La pause. D'aucuns pensent que, la priorité étant désormais de faire face A la concurrence des pays émergents, l'Union ne doit pas s'engager dans une course au - mieux-disant social - qui pourrait porter atteinte A sa compétitité sur les
marchés extérieurs. Elle n'en aurait d'ailleurs pas les moyens, l'outil
juridique ayant atteint ses limites dans une Union A ngt-sept. Cette thèse reA§oit une audience certaine aujourd'hui, en particulier dans quelques uns des nouveaux états membres qui sortent d'une phase de rattrae astreignante dans la période de pré-adhésion.
' L'approfondissement de la dimension sociale du projet européen, condition de sa pérennité. Selon cette thèse, la valorisation de la dimension sociale constituerait la condition sine qua non du parachèvement du grand marché intérieur, de la pérennité du projet européen dans son ensemble et de son acceptation par les citoyens.
Autrement dit, c'est de la capacité de l'Union comme construction politique A proposer des réponses convaincantes et globales au sentiment d'insécurité
économique et sociale, qui s'est diffusé ces dernières années dans les esprits, que dépendrait sa capacité A surmonter la période de doute qui s'est ouverte avec les déboires du traité constitutionnel.
Cette troisième thèse est sans aucun doute celle qui rencontre spontanément la plus large adhésion dans l'opinion publique franA§aise. Mais elle n'est pas sans trouver d'écho au communautaire. Ainsi, marquant une inflexion par rapport au début de la décennie, la Commission européenne a relevé, dans son agenda social 2005-2010, les inconvénients majeurs qui découlent de l'absence de politique sociale au niveau communautaire et fait désormais de la réflexion sur le concept de - flexicurité - l'une de ses priorités en matière de politique de l'emploi.
Trois arguments lui donnent une force particulière.
En premier lieu, comme l'ont montré les récents débats autour de la directive Serces ou des directives sectorielles sant A parachever la libéralisation des actités en réseau (serces postaux, énergie), il apparait désormais clairement que de telles mesures de libéralisation ne sauraient tirer leur légitimité a priori des seuls bénéfices escomptés pour les consommateurs et pour les producteurs européens. L'expérience enseigne que ces bénéfices sont parfois aléatoires A court terme et que consommateurs et producteurs ne sont pas également gagnants, certains pouvant mASme patir des nouvelles conditions de fonctionnement du marché. D'où l'importance de prendre en compte en amont les impacts sociaux en termes d'équilibres territoriaux et d'emplois de ces mesures et d'apporter des réponses crédibles.
En deuxième lieu, il ne fait guère de doute, comme l'a reconnu la Commission dans sa
communication du 10 mai 2006 intitulée - Un projet pour les citoyens -, que la abilité du projet politique européen dépend de son soutien par les citoyens européens, ce qui passe par un sentiment partagé de justice sociale et de confiance dans l'avenir.
Or, les élargissements successifs, couplés avec l'approfondissement du marché intérieur, ont alimenté la crainte, dans une partie de l'opinion publique et notamment dans les - eux - états membres, d'une Europe qui serait subrepticement devenue le cheval de Troie d'une
mondialisation non régulée, aboutissant au démantèlement inélucle des modèles sociaux nationaux et A une remise en cause des choix collectifs faits dans l'immédiat après-guerre. Pour désamorcer ce soupA§on, ainsi que l'exprime le programme de
travail de la Présidence allemande de l'Union, - l'Europe doit montrer, A l'intérieur comme A l'extérieur de ses frontières, qu'elle est capable de concevoir, dans un univers mondialisé, une politique correspondant A ses valeurs -l6, valeurs qui sont celles de la liberté, de la solidarité et de la prospérité partagée.
En troisième lieu, enfin, l'Europe ne peut se désintéresser des nouveaux
risques sociaux auxquels sont confrontés ses membres, d'autant que les impacts de ces risques s'affranchissent volontiers des frontières des états. Le rapport intermédiaire sur les réalités sociales de l'Union, que la Commission soumettra au Conseil européen des 8 et 9 mars 2007, se précisément A prendre la mesure de ces risques et des défis qu'ils représentent pour les systèmes nationaux de protection sociale.