' L'ordre interne joue fréquemment ce rôle d'écran, pour des raisons très diverses qui, souvent d'ailleurs, mASme si on doit le regretter, imposent le respect. Parfois il s'agit d'obstacles relatifs qui ne font que freiner ou atténuer l'application du
droit international. Parfois, malheureusement, il s'agit d'obstacles absolus qui paralysent totalement l'application du droit international dans l'ordre interne.
Ces obstacles sont de trois ordres inégalement importants. Tout d'abord, il peut exister des difficultés de type - constitutionnel - entendu au sens large. Il peut exister également des difficultés de type - juridictionnel - tenant A la
compétence des juges. Il peut enfin exister des difficultés de type - administratif - tenant au comportement des gouvernements.
1 ' Les obstacles constitutionnels.
' De tels obstacles apparaissent clairement en cas de conflits entre un traité, ou disons plus généralement le droit international et la Constitution nationale, ou entre un traité et une loi nationale postérieure.
a) Le conflit droit international - constitution nationale.
' A notre connaissance, une seule Constitution contemporaine, celle des Pays-Bas, prévoit clairement qu'elle ne saurait constituer un obstacle sérieux A l'application du droit international en Hollande. Dans un tel cas, l'article 63 impose ratification A la majorité renforcée des deux tiers. C'est la solution la plus libérale, mais, A dire vrai, unique.
' Dans tous les autres cas, lorsqu'il y a contrariété entre le droit international ' le plus souvent un traité ' et la Constitution locale, il s'agit d'un obstacle dirimant A l'application du droit international. Toutefois, les solutions internes A ce type de conflit peuvent AStre plus ou moins favorables au droit international. Ainsi, par exemple, en France, l'article 54 de la Constitution de 1958 impose la révision préalable de la Constitution ant que l'approbation ou la ratification de ce traité soit possible. Il s'agit lA d'un frein qui n'est pas insurmonle, étant donné les procédures de révision de la Constitution en France. Toutefois, il ne faut pas cacher que mASme si cette solution n'implique pas la supériorité de la Constitution sur les traités (leur lidité n'est pas en cause mais leur seule applicabilité ' voir aussi supra, nA° 128), elle signifie cependant dans l'ordre interne une paralysie au moins partielle de l'effet d'un traité liant la France, celui-ci ne pount s'appliquer ant que la Constitution n'ait été modifiée.
' Dans la plupart des cas, le conflit droit international ' Constitution locale n'a pas été abordé ni tranché par les rédacteurs de la loi fondamentale. C'est le cas aux Etats-Unis, en Italie ou en République fédérale d'Allemagne. Toutefois, il est loisible de penser que la solution franA§aise s'appliquera, A savoir que le constituant local devra modifier la loi fondamentale ant de pouvoir donner effet A la norme internationale contraire. A la limite, la paralysie du traité pourra AStre définitive si les modifications constitutionnelles requises sont A peu près impossibles A obtenir. Tel est inconteslement le cas aux Etats-Unis, où dans les Etats fédéraux en règle générale, où les équilibres sont tellement minutieux qu'il est extrASmement difficile d'obtenir une modification de la Constitution locale. Dès lors, la Constitution ne jouera pas seulement comme un frein, mais comme un obstacle quasi insurmonle A l'application du traité ou du droit international contraire.
b) Le conflit droit international - toi nationale postérieure.
' On notera tout d'abord qu'il n'existe, dans aucun système de droit, de difficultés pour trancher le conflit entre droit international (traité) et loi nationale antérieure. Le principe normal qui s'applique est celui, traditionnel, en matière de conflit de lois dans le temps selon lequel la loi la plus récente l'emporte sur la loi antérieure (principe de la lex posterior).
Le conflit droit international (traité) ' loi nationale postérieure est plus délicat, mais il faut le noter, rare. Il convient, en effet, de supposer systématiquement que le législateur local n'agit pas, en principe, en mé
connaissance des obligations internationales de l'Etat et que s'il adopte une loi contraire, c'est plus souvent par inadvertance que par pure volonté délibérée. Un tel conflit est parfois tranché par la Constitution locale ; mais, le plus souvent, il ne l'est pas ou dans des termes peu clairs, d'où la présence de solutions nationales très diverses et non-concordantes.
' i) Dans une première série de cas, la loi nationale postérieure n'empASchera pas le droit international contraire de produire tous ses effets. Telle est la solution constitutionnelle aux Pays-Bas (art. 65 de la Constitution) ou en République fédérale d'Allemagne (art. 25 de la Constitution). Au cours de ces dernières années, les tribunaux ont fait préloir cette solution en Belgique et en France. En France, le revirement a été celui des seules
juridictions de l'ordre judiciaire. Il a été rendu possible par la décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 1975 (affaire de l'interruption volontaire de grossesse) ; il est illustré par l'arrASt des Cafés J. Vabre rendu par la Chambre mixte de
la Cour de cassation, le 23 mai 1975 (R.T.D.E. 1975, 354, avec les conclusions remarquées et remarquables du procureur général Touffait). Cet arrASt a, pour la première fois, fait triompher un traité (en l'espèce, le Traité de Rome de 1957) sur une loi nationale, postérieure et contraire.
' ii) Dans une deuxième série de cas, la loi nationale postérieure contraire seulement suspendre, freiner l'application du droit international. Telle est, par exemple, la solution italienne : ainsi une loi locale contraire A un traité international antérieur se trouve également contraire A la Constitution. Toutefois, elle ne perdra complètement sa lidité interne qu'après avoir été déclarée nulle par la Cour Constitutionnelle. Ainsi, dans l'interlle compris entre le vote de cette loi nationale et son annulation pour inconstitutionnalité par la Cour Constitutionnelle, le droit international aura été paralysé dans son application en Italie. Sans doute la paralysie est-elle provisoire, mais elle est certaine. On rappellera que cette - solution italienne - a été expressément et plusieurs fois condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes A propos de l'application du
droit communautaire (voir notamment l'affaire précitée Simmenthal de 1978 ; R.T.D.E. 1978, 381, note D. Carreau).
' in) Dans une troisième série de cas, la loi nationale postérieure contraire au droit international bloquer, paralyser complètement l'application du droit international. C'est une situation qui est malheureusement fréquente, sans doute peut-AStre quantitativement la plus fréquente. C'est celle des pays de common law ; c'est aussi, encore actuellement, celle du Conseil d'Etat franA§ais ; et telle était, ant 1975, la position des juridictions judiciaires franA§aises dans leur ensemble
' C'est ainsi, par exemple, qu'en Angleterre le droit international est reconnu comme faisant partie du droit du pays (- international law is part of the law of the land -) ; telle est la maxime célèbre que nous avons déjA citée de Blackstone, et qui se trouve dans de très nombreux arrASts rendus en Grande-Bretagne depuis la fin du xvin siècle. Ce principe a été interprété couramment par la jurisprudence et la doctrine comme signifiant que : 1) le droit international lie les nations et elles seules ; 2) le droit international fait sans doute partie' de la légale interne, de la common law ; 3) le droit international ne produit des effets directs internes que s'il n'est pas contraire au droit existant d'origine législative ou tel qu'il a été interprété par les tribunaux; 4) enfin, le droit international ne saurait produire des droits et des obligations dans le chef des particuliers que si ses dispositions ont été acceptées et adoptées par le Parlement ; autrement dit, pour AStre applicable par les tribunaux locaux, le droit international doit avoir été reA§u, transformé en droit interne, ceci en raison de la - souveraineté législative- reconnue traditionnellement au Parlement britannique (théorie de la -souveraineté du Parlement -).
En bref, dans les pays qui suivent ce type de solution, le droit international peut AStre paralysé en cas d'inaction du législateur local s'il n'adopte pas vue norme nouvelle qui donne effet au droit international. Il peut AStre également paralysé si le législateur local adopte une législation postérieure contraire au droit international. Il est A noter que ce problème de hiérarchie des normes a été et reste particulièrement sérieux pour la Grande-Bretagne en tant que membre de la Communauté économique européenne : en effet, que le
droit communautaire l'emporte sur toute norme nationale présente ou future et qu'il puisse produire un effet direct sans l'aide quelconque du législateur national, se révèle complètement étranger A la tradition
juridique britannique (voir notre note précitée sous l'arrASt Simmen-thal, pp. 414-416 ; voir aussi supra, nA° 139 et s.).
' Ce système peut connaitre certaines riantes, comme, par exemple, aux Etats-Unis. En effet, la situation semble ici un peu plus favorable au droit international. Sans doute les termes de l'article VI de la Constitution américaine font-ils penser A la maxime précitée de Blackstone sur le droit anglais ; cependant, il y a été ajouté que le droit international constituerait la - loi suprASme du pays - (suprASme law of the land). Ainsi, aux Etats-Unis, le droit international t'emporte-t-il pleinement sur l'ensemble du droit des Etats fédérés (y compris leur propre constitution). Le droit international l'emporte également sur tout le droit antérieur fédéral. Le droit international l'emporte, soit parce qu'il a été - reA§u -, - transformé - par une législation appropriée du Congrès ' et c'est lA l'application du principe bien connu de la - lex posterior - ', soit parce qu'il est en l'espèce - auto exécutoire - (- self-executing -), cette notion étant inconnue du droit anglais. En renche, le droit international céder dent le droit postérieur fédéral. Cette solution ne saurait surprendre dans la mesure ou le droit international est juridiquement placé sur le mASme pied que la loi fédérale. Dès lors, le principe de la - lex posterior- jouera pleinement. Toutefois, on notera que les juges américains ont toujours tenu A préciser que les tribunaux deient s'efforcer d'adopter une construction juridique telle qu'elle évite un conflit direct entre un traité et une loi fédérale postérieure, de faA§on A pouvoir donner effet concurremment aux deux ordres, interne et international. Ce principe de construction selon lequel les juges deient essayer de concilier les deux ordres juridiques interne et international et leur reconnaitre une lidité concurrente et compatible, a été formellement reconnu par la Cour suprASme dans une décision rendue en 1888 dans l'affaire Whitney v. Robertson (124, US 190).
' En France, la situation était analogue pour l'ensemble des juridictions nationales, et cela jusqu'A l'arrASt Jacques Vabre de 1975 précité. Encore de nos jours, le Conseil d'Etat continue A faire préloir ta toi postérieure sur le traité (voir l'arrASt Astudillo Calleja du 25 juin 1977, Clunet 1978.71, note Ruzie). Les raisons de cette attitude des tribunaux aient été énoncées d'une manière extrASmement forte et non ambiguA« par le procureur général Matter dans ses conclusions célèbres sous l'arrASt Sanchez (Cass. civ. 22 décembre 1931, S. 1932.1.257, concl. Matter, note Niboyet). Pour le procureur général Matter, le juge interne ne pouit connaitre qu'un principe : - le respect de la loi - au sens formel du terme, c'est-A -dire l'acte législatif voté par le Parlement. Et, comme le juge américain, le procureur général Matter précisait que les tribunaux deient s'efforcer de trouver une construction juridique conciliant l'application simultanée de ces deux droits. - Il existe en quelque sorte, disait-il, une présomption que la loi n'a pas voulu empiéter sur le traité et cette présomption ne peut AStre détruite que par une déclaration formelle de la loi -.
' Toutes ces diverses approches, anglaise, américaine ou franA§aise de jadis reposent sur une argumentation commune, A savoir la place du juge dans l'ordre constitutionnel interne qui ne lui permettrait pas d'ésectiuner la loi nationale contraire au droit international.
2 ' Les obstacles juridictionnels : la place des juges dans l'ordre constitutionnel interne.
' Tout juge interne, mASme lorsqu'il applique le droit international, le fait en tant que - juge national - : il rend en effet la justice au nom du peuple pour lequel il agit. Autrement dit, pour qu'il puisse sanctionner la supériorité du droit international sur tout droit interne, y compris la Constitution, pour donner un effet direct A certaines dispositions du droit international, il doit en avoir reA§u expressément le pouvoir.
En bref, le juge national tient sa compétence de la Constitution locale. Or si celle-ci ne lui donne pas le pouvoir d'ésectiuner les lois nationales contraires au droit international ou, du moins, pas clairement, comme dans le cas franA§ais, le juge national se trouver désarmé (voir les obsertions du professeur Reuter in - L'application du droit international par le juge franA§ais -, op. cit., p. 23). Dès lors, le juge national se trouvera obligé de faire preuve d'une - timidité- ou d'une -réserve- bien compréhensible lorsqu'il s'agira d'étendre sa compétence A la sanction des normes du droit international qui viendraient A AStre contraires A des règles du droit interne. MASme, en effet, s'il ne lui est pas demandé de déclarer inconstitutionnelles les lois nationales contraires au droit international ' ce que, en général, il n'aurait pas compétence de déterminer ', mASme s'il est seulement demandé au juge national d'ésectiuner la loi contraire au droit international, il est loin d'AStre sûr qu'il possède la compétence requise pour trancher ce conftit au détriment de la loi nationale.
Les termes d'un tel débat apparaissent très clairement A la lumière de la jurisprudence des tribunaux de l'ordre judiciaire en France jusqu'en 1975 et de la position que le Conseil d'Etat continue de maintenir encore actuellement.
a) L'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation : une position - classique - jusqu'au retournement de 1975.
' Le procureur général Matter, dans ses conclusions précitées de 1931, disait on ne peut plus clairement qu'en cas de conflit entre un traité et une loi postérieure, le devoir du juge était évident : Ici aucun doute, disait le procureur Matter. Vous ne connaissez, vous ne pouvez connaitre d'autre volonté que celle de la loi. C'est le principe mASme sur lequel reposent nos institutions judiciaires -. Il est d'ailleurs frappant de noter qu'un avocat général A la Cour de cassation, M. Blondeau, affirmait encore que telle était la position de la Cour suprASme franA§aise en 1970 (voir - L'application du droit international par le juge franA§ais -, op. cit., p. 59-62) ; et il en donnait la mASme raison en 1970 que le procureur général Matter en 1931 : le constituant franA§ais n'ait pas investi le juge national des compétences nécessaires pour faire préloir le droit international en cas de conflit avec la loi interne postérieure.
' Or il a fallu attendre le
développement du droit communautaire et surtout la décision précitée du Conseil Constitutionnel du 15 janvier 1975 dans l'affaire de l'interruption volontaire de grossesse pour que les tribunaux de l'ordre judiciaire fassent preuve de plus de hardiesse. On rappelle que le Conseil constitutionnel estima, en l'espèce, qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier - la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou accord international, mais seulement la conformité des lois nationales A la Constitution -. Selon le Conseil, les traités ne font donc pas partie du - bloc de constitu-tionnalité -, ce qui aurait entrainé leur dégradation, puis leur assimilation A la loi fondamentale. Le Conseil constitutionnel a ainsi reconnu, du moins implicitement, qu'il s'agissait lA d'un simple conflit d'applicabilité de
normes juridiques de nature différente qu'il ne lui appartenait pas de trancher, mais dont pouient connaitre les autres tribunaux. C'est A la suite de cette décision que la Cour de cassation admit, avec l'arrASt Jacques Vabre de 1975, qu'elle pouit ésectiuner une loi nationale postérieure contraire A une norme communautaire antérieure, parce que, ce faisant, il ne lui était pas demandé de déclarer la loi interne contraire A la Constitution (ce qu'elle n'ait pas compétence pour faire et ce qui ait constitué l'argument majeur ' mais faux ' pour interdire aux tribunaux franA§ais de faire triompher le droit international sur la loi postérieure contraire) ; mais la Cour de cassation estima, A juste titre, qu'il lui était seulement demandé de traficher un conflit entre deux normes possédant une
nature juridique différente : placée dent un tel conflit de normes juridiques, la Cour de cassation fit triompher la norme supérieure, A savoir la - loi - internationale (voir dans le mASme sens Crim. 14 janvier 1980, Ctinel / S.A. Voréat, R.T.D.E. 1981, p. 369, note O.L. - Trib. correct, de Nanterre 21 janvier 1981, SPMO Rallye et autres c. Vugt et Sté Grunding France, R.T.D.E. 1981, p. 373, note Loy). Il convient ici de bien interpréter le rôle du juge franA§ais : celui-ci ne déclare pas la loi nationale postérieure anti-constitutionnelle car contraire A une norme du droit international ' ce qu'il ne saurait faire ' ; il ne fait qu'en ésectiuner l'application.
b) Le maintien de la position - traditionnelle - par le Conseil d'Etat.
' A la différence des tribunaux de l'ordre judiciaire et en dépit des encouragements implicites prodigués par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 15 janvier 1975 précitée, le Conseil d'Etat continue de s'en tenir A la réserve jusqu'alors traditionnellement observée par les magistrats franA§ais dans le passé et pour les mASmes raisons que celles ancées par le procureur général Matter en 1931.
Madame Questiaux, commissaire du gouvernement dans la célèbre affaire Syndicat général des fabricants de semoules (CE. 1er mars 1968, Rec, p. 149, A.J.D.A. 1968, 48, 235) deit bien résumer la position dominante de la magistrature administrative de l'époque ainsi que ses raisons, qui restent, semble-t-il, tout aussi lables aujourd'hui pour le Conseil d'Etat. -Le juge administratif, disait-elle, ne peut faire l'effort qui lui est demandé sans modifier, de sa seule volonté, sa place dans les institutions. Il ne peut, ajoutait-elle, ni censurer ni méconnaitre une loi La Constitution n'a pas jugé bon de définir d'une nouvelle manière les pouvoirs du juge : la mission de celui-ci reste celle, subordonnée, d'appliquer la loi Si le législateur a manifesté une volonté précise, si la loi nationale s'insère comme un intermédiaire nécessaire entre le traité et l'application qui en est demandée, aucune disposition de la Constitution ne dispense le juge de respecter cette volonté. Il est difficile d'imaginer que se créent, dans tous les domaines affectés par un traité international, des zones entières où les lois seraient privées d'effet par le juge - (le Conseil d'Etat deit d'ailleurs maintenir sa jurisprudence, ainsi qu'en témoigne sa décision du 22 octobre 1979, Union démocratique du trail (Rec, p. 384, A.JJJ.A. 1980.42, note BG). II s'agissait, en l'espèce, d'examiner la compatibilité de la loi de 1977 sur les élections européennes, avec la Constitution et le Traité de Rome ; le Conseil d'Etat refusa de procéder A un tel examen au motif ' erroné ' que ceci - tend nécessairement A faire apprécier par le juge administratif la consti-tutionnalité des dispositions de la loi et leur conformité A ce traité Il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitution-nalité de la loi du 7 juillet 1977 -).
Dans une étude officielle récente ' Droit international et droit franA§ais, N.E.D. nA° 4803, 1986 ' le Conseil d'Etat deit s'en tenir A sa position traditionnelle en faisant loir que la jurisprudence précitée de la Cour de cassation A la suite de l'affaire Jacques Vabre risquait de conduire A - l'introduction en droit interne franA§ais de concepts d'inspiration étrangère qui se concilient mal avec notre propre tradition - et aussi de modifier - l'équilibre institutionnel traditionnel au détriment du Parlement - (v. les pp. 25-27 et ici, p. 45). Le Conseil d'Etat franA§ais se pose ainsi en digne successeur des juristes de la Couronne du temps de la monarchie qui aient pour ambition de maintenir le - pré carré - du Roi et de défendre ses prérogatives.
3 ' Les obstacles liés au comportement gouvernemental.
' Le gouvernement peut encore paralyser l'application du droit international dans l'ordre interne en ne prenant pas les mesures qui s'imposent ou en les prenant avec un très grand retard.
Il faut tout d'abord exclure de cette situation tous les cas où le gouvernement s'abstient de soumettre A ratification parlementaire un traité international qu'il a signé au nom de l'Etat. Il en de mASme si après le vote par le Parlement de la loi autorisant la ratification, l'autorité constitutionnellement compétente ' en général le chef de l'Exécutif ' s'abstient de ratifier. Il s'agit lA d'actes discrétionnaires nullement contraires aux obligations internationales des Etats (voir supra, nA° 296 et s.).
Il s'agit ici d'envisager le cas où un accord ou un traité international a été dûment approuvé ou ratifié, mais où il n'a pas été porté A la connaissance des intéressés concernés, autrement dit où il n'a pas été - publié - (voir Le Roy, - La publication des engagements internationaux de la France -, A.F.D.I. 1962, 888).
Deux principes généraux ici sont clairs. D'une part, nul n'est censé ignorer la loi. Mais, d'autre part, celle-ci, pour AStre opposable aux individus, doit AStre connue. On rappellera ici les termes de l'article 1 du Code civil franA§ais : - Les lois sont exécutoires dans tout le territoire franA§ais en vertu de la promulgation qui en est faite Elles seront exécutées du moment où la promulgation en pourra AStre connue -.
Autrement dit, au vu de ces principes, le gouvernement- peut paralyser l'application d'une norme du droit international, d'un traité ou d'un acte unilatéral d'une Organisation internationale, par exemple, en ne procédant pas A sa publication. En vertu d'une jurisprudence ancienne et constante, les tribunaux estiment qu'un traité non publié (ant, on disait - non promulgué -) n'est pas opposable aux particuliers (Cas. crim., 28 novembre 1834, S. 1834, I, 822 et plus récemment, Cass. com. 2 mai 1972, Grossard c. Receveur des
finances de Corn-piègne, R.G.D.I.P., 1972.1208, obs. Ch. Rousseau). L'obligation de publication est d'ailleurs de nature constitutionnelle en France. On rappellera, A cet égard, les dispositions de l'article 26 de la Constitution de 1946 ou celles de l'article 55 de la Constitution de 1958.
En France, les modalités de publication des engagements internationaux ' et non des seuls traités ' ont été précisées par le décret précité du 14 mars 1953 (J.O. du 15 mars, p. 2436). Il y est spécifiquement affirmé que doivent AStre publiés au Journal officiel tous les - accords de nature A affecter, par leur application, les droits ou les obligations des particuliers -. Or, sur ce point, la pratique suivie est peu satisfaisante, et c'est lA employer un euphémisme (voir l'article du professeur Leroy précité). Les délais de publication rient, en effet, de quelques jours A plusieurs dizaines d'années. Ainsi, pendant toute cette période où le traité international a été dûment ratifié et est donc pleinement obligatoire pour la France au niveau international, il AStre privé de tout effet dans l'ordre interne : les justiciables ne pourront pas s'en préloir et les tribunaux refuseront de les appliquer. Dans une telle hypothèse, l'effet du droit international sera donc suspendu, soumis au bon ou mauis vouloir du gouvernement.
De 1958 A 1973, il a été estimé A environ un millier le nombre des traités conclus par la France et non publiés (voir, R. Pinto, Le juge dent les traités non publiés par la France, Mélanges Waline, L.GJ3J., 1974.239).