' La reconnaissance de l'existence de règles constitutives d'un - jus cogens - constitue un retour marqué et nole A l'idée de -
droit naturel -. Jus cogens et droit naturel reposent sur le mASme fondement, la mASme conviction philosophique, A sair qu'il existe un certain nombre de règles fondamentales liées A la conscience universelle et inhérentes A l'existence de toute
société internationale digne de ce nom. Mutatis mutandis, de mASme qu'il existe un ordre public interne, il existerait également un - ordre public international - auquel il serait juridiquement impossible de déroger. Cet - ordre public international -, comme l'ordre public interne, apparait comme une notion imprécise et contingente qui a un soubassement moral, politique,
économique et social et dont les conséquences juridiques de son non-respect sont particulièrement strictes, A sair la nullité de l'acte contraire. Toutefois, il existe une différence nole entre - droit naturel - et - jus cogens - : ce dernier concept fait désormais partie du
droit international positif contemporain. Il a en effet été accepté A l'unanimité par les membres de la C.D.I. et A la quasi-unanimité des Etats participant A la Conférence de Vienne sur le droit des traités de 1969.
1 ' Une notion imprécise.
' La Convention de Vienne de 1969 officialise en ces termes le concept de - jus cogens - :
- une norme impérative du droit international général acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme A laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut AStre modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le mASme caractère - (art. 53 'in fine).
On remarquera tout d'abord que la Convention de Vienne se garde bien de définir ce concept de jus cogens : un accord aurait sans doute été impossible A obtenir sur ce point. En revanche, elle essaie de cerner ce concept en élissant son
régime juridique : il s'agit lA d'une tendance ' facheuse ' du droit international contemporain qui s'abstient de définir certains concepts nouveaux tout en leur donnant un régime juridique précis ; d'autres exemples de cette technique qui consiste A - réglementer sans définir - peuvent AStre cités avec des concepts tels que ceux de - plateau continental -, - investissement international - ou de - pays en
développement - au titre ici du droit international économique.
a) Une norme impérative.
' L'adjectif - impératif - revASt ici toute son importance. La Convention de Vienne s'est A juste titre abstenue de parler de - norme obligatoire - ; en effet, il convient de garder présent A l'esprit que toutes les normes du droit international sont obligatoires pour leurs destinataires.
On est ici en présence d'un degré - de plus -, d'une qualité supérieure de certaines normes. Il s'agit de normes prohibitives auxquelles il est interdit de déroger. Il y a bien entendu lA une limite importante A l'autonomie contractuelle des Etats pour ne citer qu'eux. En d'autres termes, un aspect fondamental de la souveraineté de l'Etat est restreint : les Etats perdent la liberté de contracter sur toute matière d'intérASt international comme bon leur semble.
' Cependant, toutes les normes fondamentales du droit international général ne font pas partie du - jus cogens -. Ainsi la règle - pacta sunt servanda - est A la base du caractère obligatoire des traités. On ne saurait y déroger, pas plus d'ailleurs qu'aux dispositions du traité lui-mASme. La règle - pacta sunt servanda - apparait ainsi comme une norme du droit des traités et non comme une norme de - jus cogens -. Ainsi encore, pour le principe de - bonne foi - : celui-ci est inhérent A la société internationale et A la silité des
relations juridiques entre ses membres. Comment en effet envisager un système juridique fondé sur une présomption généralisée de - mauvaise foi - ?
' La justification du caractère - impératif - de certaines normes internationales est double :
' il convient tout d'abord de protéger des intérASts supérieurs aux intérASts individuels des Etats : ceux de la société et de l'ordre international qui sont communs A tous ses membres. C'est ainsi interdire des comportements - immoraux - ou - anti-sociaux - (et ici l'analogie est frappante avec la notion - d'ordre public - que connaissent tous les systèmes juridiques nationaux) ;
' il convient également de protéger l'Etat contre ses propres faiblesses, ou, du moins, contre la force de certains de ses partenaires (n'est-ce pas lA ce qui explique en grande partie le très fort soutien dont le concept de - jus cogens - bénéficie auprès des pays du - Tiers-monde - ?). On est ici en présence d'un moyen de protection contre les inégalités de puissance dans les négociations internationales : ainsi un traité obtenu, extorqué, par l'emploi ou la simple menace de la force au mépris de l'article 2 de la Charte de TO.N.U. serait nul, sans
valeur juridique aucune, car contraire A une norme de - jus cogens -. Comment ne pas penser ici aux dispositions du droit du
travail ou du droit social dans l'ordre interne qui tendent A éviter l'abus du - pouir économique - des employeurs par exemple dans leurs relations avec leurs employés ?
b) Une norme du - droit international général -.
' La convention de Vienne dans son article 53 précité fait expressément référence A des - normes acceptées et reconnues par la communauté internationale des Etats dans son ensemble -. Cette expression ambiguA« soulève plus de questions qu'elle n'en résout.
' Quant au processus de formation d'une norme de - jus cogens -, on peut noter un point commun avec la coutume : la présence nécessaire de - l'opinio juris - (ir infra, nA° 683 et s.). La norme de jus cogens en cause doit air été reconnue d'une manière formelle comme possédant un caractère absolu, impératif.
' Cette reconnaissance doit air été le fait de - la communauté internationale des Etats dans son ensemble -. Est-ce A dire que tous les Etats doivent l'air reconnue ou seulement certains d'entre eux, les plus - représentatifs - d'un groupe donné (pays capitalistes, socialistes ou en ie de développement par exemple) ? Quelle portée attacher au refus par un Etat, ou un petit nombre d'Etats, A la reconnaissance d'une norme particulière comme faisant partie du jus cogens ? Un tel refus empASche-t-il la formation d'une norme de - jus cogens - ? Autant de problèmes non résolus et que nous retrouverons également A propos de la formation des règles coutumières.
' La Convention de Vienne se place A l'évidence au niveau des normes de jus cogens A portée universelle. Cela signifie-t-il pour autant qu'il ne saurait exister de normes de - jus cogens - de caractère purement régional ? Sans doute, rien ne permet de dire que l'existence de normes de - jus cogens - régionales soit exclue, mais elles devront alors respecter les normes universelles de - jus cogens -. Dans certains cas, de délicats problèmes de compatibilité peuvent se poser. C'est ainsi, par exemple, qu'il y a quelques années une doctrine dite de la - souveraineté limitée - (ou - doctrine Brejnev -) a été avancée selon laquelle l'U.R.S.S. disposerait du droit d'intervenir ' au besoin militairement ' dans les affaires intérieures des pays dits -socialistes - au cas où les conquAStes du
socialisme se trouveraient, A ses yeux, menacées. Cette thèse fut avancée lors de l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 ou de l'Afghanistan en 1979. Est-on lA en présence d'une norme de - jus cogens - régionale nonobstant l'interdiction d'intervention dans les affaires intérieures des Etats et la prohibition du recours A la force expressément consacrée dans la Charte de l'O.N.U. et d'innombrables traités internationaux? En l'espèce, une réponse positive est exclue ainsi que devait l'admettre la C.IJ. dans son arrASt du 27 juin 1986 dans l'Affaire des activités mititaires et paramilitaires au Nicaragua : après air rappelé la liberté de tout Etat de choisir son - système politique, social, économique et culturel -,
la Cour ajouta qu'- elle ne saurait conceir la création d'une règle nouvelle faisant droit A une intervention d'un Etat contre un autre pour le motif que celui-ci aurait opté pour une idéologie ou un système politique particulier - (nA° 263). C'est lA une condamnation sans appel ' mais implicite ' de cette - doctrine Brejnev -.
En revanche, il est loisible d'admettre que des normes régionales plus strictes que les prescriptions du droit international général possèdent le caractère de - jus cogens - pour les Etats concernés ; il en irait ainsi, par exemple, de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales telle qu'elle est posée par la Convention Européenne de 1950.
c) Une norme non immuable.
' Une norme de - jus cogens - n'a pas de valeur pour l'éternité. Elle peut AStre modifiée par une norme ultérieure de mASme nature. Il y a lA une différence marquée avec les règles constituant le - droit naturel - qui sont censées AStres fixes, immuables.
' En bref, cette notion de - jus cogens - est entourée de nombreuses - zones d'ombre -. En particulier, comment une telle norme est-elle engendrée ? Comment la découvrir ? Doit-elle AStre acceptée par tous les Etats ou seulement par certains d'entre eux ? Son existence doit-elle faire l'objet d'une reconnaissance formelle ou son caractère impératif vient-il seulement du consentement qui lui est donné, fût-ce implicitement ? (ir en général les questions posées par le représentant de la Suisse A la Conférence de Vienne et reproduites in P. Reuter, La Convention de Vienne sur le droit des traités, Paris, A. Colin, 1970, pp. 86-87). Toutes ces incertitudes montrent bien le caractère dangereux et très peu satisfaisant sur le du droit d'introduire des notions nouvelles sans les définir et en se contentant de tracer les grandes lignes de leur régime juridique. C'est ce qui expliqua ' A juste titre ' les réticences de certains Etats (comme la Suisse) et l'hostilité de la France qui fut le seul pays A se prononcer contre le texte de la convention sur le droit des traités lors de la Conférence de Vienne de 1969. (La France devait récemment confirmer son hostilité A cette notion de - jus cogens - en raison de son imprécision et de son atteinte A la silité des relations juridiques. Voir A.F.D.I,, 1986.1047). De tels dangers ont été encore accrus par l'imprécision entourant le contenu mASme de ce concept de - jus cogens -.
Klaus Barbie. Ainsi, dans son arrASt du 26 janvier 1984, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation devait accepter l'imprescriptibilité des - crimes contre l'humanité - en vertu des principes de droit reconnus par l'ensemble des nations -, laissant entendre par lA que l'on était ici en présence de règles coutumières. (Voir Clunet, 1984, 308 avec une note Edelman). En revanche, dans son rapport sur le problème de la qualification des crimes contre l'humanité qui devait donner lieu A un arrASt antérieur de la Chambre Criminelle en date du 6 octobre 1983, le Conseiller Le Gunehec devait estimer que le fondement d'une telle incrimination se trouvait - dans une sorte de droit naturel supra-national -, autrement dit dans le - jus cogens - ; dans cette mASme affaire, le Procureur Général Dontenwille devait suivre une approche analogue en considérant que ce type de crime relevait - du droit naturel, d'essence supra-nationale et transcendante - ' ce qui est lA encore rejoindre l'idée mASme de - jus cogens -. (Voir J.C.P. 1983.11.20107).
2 ' Un contenu imprécis et élutif.
a) Un contenu imprécis.
' Aucun exemple concret d'une norme de - jus cogens - ne fut jamais donné par la C.D.I. dans ses diverses études sur le droit des traités. La raison en est simple : une liste aurait risqué d'apparaitre comme limitative, ce qui aurait - cristallisé - le contenu du - jus cogens - et freiné son développement ultérieur. Toutefois, la doctrine semble d'accord pour admettre certaines normes comme faisant partie du - jus cogens -, quelques-unes demeurant controversées.
I. ' Les règles bien admises du - jus cogens -.
' Il s'agit tout d'abord de certaines règles d'origine conventionnelle. Ainsi de la prohibition de l'emploi ' ou de la menace de l'emploi ' de la force dans les relations internationales contrairement aux principes de la Charte de l'O.N.U. Ainsi de l'interdiction de la traite des AStres humains, de la piraterie ou du génocide. Ainsi des actes qualifiés de - crimes contre l'humanité -.
' D'autres ont une origine coutumière. Ainsi du non-respect des principes humanitaires. Ainsi de la non-reconnaissance des situations de fait élies en violation du droit international (par exemple la - nullité - de l'accord de Munich de 1938 ou la présence actuelle d'IsraA«l dans les territoires arabes occupés A la suite de la guerre des - six jours - de 1967). Ainsi de la violation du droit des peuples A disposer d'eux-mASmes. Ainsi de la violation des droits de l'homme (au moins de certains d'entre eux) et des libertés fondamentales. Ainsi du non-respect de l'égalité des Etats.
II. ' Les règles contestées du - jus cogens -.
' Il en va ainsi, par exemple, pour le principe de la liberté des mers ou celui de la coexistence pacifique. Il en va de mASme pour la primauté du respect de tous les droits de l'homme sans distinction (telle fut la position du représentant du Saint-Siège A la Conférence de Vienne de 1969. Voir des extraits de son intervention in P. Reuter, op. cit., p. 85).
b) Un contenu élutif.
' Ainsi que nous l'ans déjA mentionné, une norme antérieure de - jus cogens - peut perdre cette qualité et AStre remplacée par une autre de mASme nature et caractère. Le parallèle est ici frappant avec la notion interne d' - ordre public - : celui-ci se compose de règles permanentes et contingentes. 11 existe en effet toujours un - certain - ordre public mais dont le contenu précis élue avec le niveau d'organisation de la société considérée et qui dépend des préoccupations politiques, morales, sociales et économiques dominantes. Une telle incertitude, si elle est aisément acceple dans l'ordre interne en raison de la relative aisance avec laquelle la législation locale peut AStre modifiée en fonction des besoins de la société nationale, l'est moins au niveau international en raison des infirmités de cet ordre (ir supra, nA° 71). En outre, le contenu incertain et variable du - jus cogens - s'ajoute aux autres incertitudes précédemment signalées concernant la naissance et l'identification de telles normes. Tous ces éléments expliquent aisément les réticences de nombreux Etats devant ce nouveau concept du - jus cogens - qui n'est pas sans rappeler ' du moins tel qu'il existe actuellement ' la - boite de Pandore -.
3 ' Des effets drastiques : la nullité des normes contraires.
' Dans ses articles 53 et 64, la Convention de Vienne pose le principe de la nullité du traité (et l'on peut ici élargir le propos A - tout acte international -) contraire A une norme de - jus cogens -.
' Deux situations sont visées par la Convention de Vienne. Si, lors de sa conclusion, un traité se révèle contraire A une norme de - jus cogens - un tel traité est nul, frappé d'une nullité - ab initio - (art. 53, al. I). En revanche, si une nouvelle norme de - jus cogens - survient et entre en conflit avec un traité existant, celui-ci devient nul et prend fin, cette nullité ne produisant cependant aucun effet rétroactif (art. 64).
' Une telle sanction entraine deux types de difficultés, aussi considérables l'une que l'autre. Elle risque, tout d'abord, de frapper de précarité, et donc d'insilité, les traités et, en général, tous les engagements internationaux. En effet, afin de se libérer d'une obligation plus lourde que prévue, les Etats ' pour ne citer qu'eux ' ne seront-ils pas tentés d'exciper systématiquement d'une contrariété avec une norme de - jus cogens - ? Mais la solution retenue par la Convention de Vienne comporte un second problème, peut-AStre encore supérieur au précédent : qui va décider de la nullité de tel ou tel traité ? Un juge international ? Un Etat ? Ce sont ces diverses interrogations, non résolues, qui expliquent l'hostilité de certains Etats (comme la France) ou de certains auteurs (comme Lauterpacht ou Schwarzenberger) A ce concept de - jus cogens -, du moins tel qu'il existe dans sa version actuelle aussi - floue -. Une telle appréhension ne saurait AStre entièrement dissipée par la possibilité expressément reconnue par la Convention de Vienne A propos du - jus cogens - de soumettre les différends portant sur l'application ou l'interprétation de ce concept A la décision de la C.I.J. ou d'un tribunal arbitral (art. 66). On notera, au demeurant, qu'un tel remède n'a aucune portée obligatoire et qu'il reste entièrement facultatif pour les Etats qui auront décidé d'AStre liés par le texte de cette convention sur le droit des traités.
Conclusion : un essai d'évaluation d'ensemble.
On se bornera A présenter deux remarques d'ordre général. Tout d'abord, cette notion de - jus cogens - demeure controversée dans son appréciation. De plus, A s'en tenir A la pratique arbitrale ou judiciaire, il faut noter que jamais ce concept n'a été expressément cité, mASme si l'on peut trouver des allusions A son existence.
I. ' Une appréciation controversée.
' En règle générale, les pays - occidentaux - se sont montrés réservés A l'égard de ce - jus cogens - tel qu'il apparait dans la Convention de Vienne de 1969. Cette réticence s'explique avant tout par la crainte de ces Etats de ir ce concept de * jus cogens - utilisé systématiquement par certains pays peu scrupuleux pour essayer d'échapper commodément A des engagements internationaux apparaissant comme trop lourds ou contraignants. Il y aurait lA un risque généralisé d'atteinte - A la parole
donnée -, et donc A l'autorité du droit international tout entier.
' De leur côté, les pays du - Tiers-monde - ont eu la réaction opposée et pour des raisons inverses. Us tendent A ir dans cette notion de - jus cogens - une garantie contre les abus éventuels des - grandes puissances - qui pourraient AStre tentées de leur imposer leur lonté par le biais de - traités inégaux -. Dans cette optique, le concept de - jus cogens - apparaitrait comme l'arme des - faibles - contre les entreprises abusives des - puissants -.
II. ' Une pratique internationale limitée et peu concluante.
' Il est loisible d'interpréter certains passages d'arrASts ou avis de la C.I.J. comme se référant A cette notion de - jus cogens -, bien que la Cour elle-mASme se soit toujours gardée de l'utiliser.
' Ainsi dans l'affaire du détroit de Corfou de 1949 la Cour mentionna-t-elle au titre de - certains principes généraux et bien reconnus -, des - considérations élémentaires d'humanité, plus absolus encore en temps de paix qu'en temps de guerre -, - le principe de la liberté des communications maritimes - et - l'obligation pour tout Etat de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats - (Rec. p. 22).
' Ainsi dans l'affaire des - réserves A la convention pour la prévention et la répression du génocide - de 1951 la C.U. estima-t-elle que le génocide qualifié par l'O.N.U. de - crime de droit des gens - impliquant le refus du droit A l'existence de groupes humains entiers - était un - refus qui bouleversait la conscience humaine, infligeait de grandes pertes A l'humanité - et - était contraire A la fois et A la loi morale et A l'esprit et aux fins des Nations-Unies -. Elle en tira la conséquence que les principes reconnus par cette convention étaient - des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeant les Etats mASme en dehors de tout lien conventionnel - (Rec. 1951, p. 23).
' Ainsi encore dans les affaires relatives au Sud-Ouest africain de 1950 et de 1962, la Cour reconnut-elle que le mandat confié A l'Afrique du Sud avait valeur d'institution internationale créée afin de défendre les intérASts des habitants du territoire et de l'humanité tout entière (avis consultatif de 1950). En 1962, elle devait qualifier le mandat - d'engagement international d'intérASt général - (Rec, p. 332).
' Plus près de nous, dans l'affaire de la Barcelona traction de 1970, la Cour devait reconnaitre l'existence de normes plus fondamentales que d'autres. - Une distinction essentielle estime la Cour, doit en particulier AStre élie entre les obligations des Etats envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-A -vis d'un autre Etat dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature mASme, les premières concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent AStre considérés comme ayant un intérASt juridique A ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes Ces obligations découlent par exemple, dans le droit international contemporain de la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide, mais aussi des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l'esclavage et la discrimination raciale '; certains droits et protections correspondants se sont intégrés au droit international général ; d'autres sont conférés par des instruments internationaux de caractère universel ou quasi universel - (Rec. A§ 33).
' C'est sans doute dans le passage de cet arrASt et dans celui reproduit plus haut dans l'avis consultatif sur le génocide de 1951 que la C.I.J. a touché de plus près A l'idée de - jus cogens -. On notera que la Cour a admis l'existence, dans certains domaines, de normes absolues auxquelles il n'était pas possible de déroger, ce qui est, au fond, l'idée sous-jacente A la notion de - jus cogens - et qui la situe dans la grande tradition du - droit naturel -. Plus récemment encore la C.I.J. devait faire des allusions analogues, bien que moins précises, A l'existence d'un tel corps de règles impératives dans son avis consultatif/sur la Namibie de 1971 (ir les A§ 126-l31), dans l'affaire des Essais nucléaires franA§ais dans le Pacifique de 1974 (Rec. p. 269) ou dans l'affaire Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis A Téhéran (Rec. 1980, A§ 91 et 92).
En dehors de ces prises de position de la Cour de La Haye, il est loisible de citer d'autres instances où cette idée de - jus cogens - a pu affleurer.
' Ainsi, le tribunal de Nuremberg chargé de juger certains criminels de guerre nazis montra sa faveur pour la reconnaissance d'un ordre public international. A ce titre, il déclara contraire aux bonnes mours, et donc nul, un accord entre l'Allemagne et le gouvernement de Vichy qui obligeait les prisonniers de guerre franA§ais A travailler dans les usines d'armement allemandes (ir l'affaire Krupp, nA° 58, Law reports of Trials of War Criminals Vol. X, London, 1949, p. 141).
' Enfin, dans une affaire souvent citée A ce propos qui opposa l'Italie A l'Autriche en 1951, la Commission européenne des droits de l'homme instituée par la Convention de 1950 avait décrit les obligations des parties contractantes comme étant - essentiellement de caractère objectif -, une violation en la matière s'analysant, pour la Commission, comme une - violation de l'ordre public de l'Europe - (Annuaire de la Convention européenne des droits de l'homme, l. 4, p. 141).