NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » Le rÉgime de la communication audio-visuelle Les ÉlÉments de la libertÉC'est avant tout à la liberté de rémission que l'on pense lorsqu'on aborde le problème de la liberté en matière de radiotélévision. Encore faut-il en préciser le contenu et ne pas oubber un second aspect de la liberté, dont l'importance n'est pas moindre, celle du destinataire de rémission, c'est-à-dire du téléspectateur et de l'auditeur. La liberté de créer une entreprise d'émission est une liberté économique. Mais, plus encore qu'en matière d'entreprises de presse, c'est une liberté que les techniques ont longtemps résere à ceux qui disposaient des capitaux considérables qu'exigeait sa mise en œuvre. Le contenu de l'émission, par contre, relève de la liberté d'expression. Or, les deux libertés ne sont pas solidaires. La liberté d'entreprise ne préjuge pas des contrôles pris, ou même publics, qui peuvent s'exercer sur les auteurs des émissions. A l'inverse, le monopole de l'émission conféré à une entreprise publique n'exclut pas que celle-ci soit largement ouverte à toutes les tendances de l'opinion et aux initiatives des créateurs. Les deux points de vue de la liberté de l'entreprise et de la liberté du contenu de l'émission doivent donc être envisagés de façon distincte. 2° La liberté d'expression : pour qui ? — La liberté de « communiquer ses pensées et ses opinions » est un droit reconnu à « chacun ». Il est évident, cependant, qu'il est impossible de mettre à la disposition de tous ceux qui pourraient souhaiter s'en servir des instruments aussi puissants et aussi onéreux que les stations de radio et de télévision susceptibles d'émettre à de grandes distances. Les émetteurs locaux de faible portée eux-mêmes ne peuvent être indéfiniment multipliés. Les impératifs techniques et financiers imposent donc — plus encore que pour la presse écrite qui, sous ses formes mineures, reste, on l'a vu (supra, p. 218), un moyen d'expression largement ouvert — une sélection en ce qui concerne l'accès à l'antenne. Les critères selon lesquels cette sélection sera opérée, l'autorité, prie ou publique, qui sera chargée de les mettre en œuvre sont des problèmes propres à la radio-télévision, quel que soit le statut de l'entreprise d'émission. 3° La liberté de l'auditeur. — Si la liberté intellectuelle de l'émission n'avait pour but que de permettre à quelques personnalités choisies de s'exprimer sur les ondes, elle serait, non une liberté, mais un privilège. L'émission est faite pour le public qui la reçoit, et c'est la liberté de ce public qu'elle doit respecter et servir. La liberté des auditeurs pose deux problèmes : celui de la réception et celui de l'information. a I La liberté de la réception. Elle n'est pas moins importante que la liberté de l'émission. Celle-ci se heurte à des limites dont certaines sont inéviles. Mais ces limites, édictées par les gouvernements, ne jouent que dans le cadre national. Or, la liberté de la réception permet d'entendre, non seulement les voix des émetteurs nationaux, mais celles qui proviennent du reste du inonde. Par là, les limitations étatiques imposées à l'émission se révèlent largement vaines : la liberté de la réception permet à ceux qui veulent s'en servir de s'évader du cadre où on souhaite les enfermer. Sans doute les Etats peuvent-ils proscrire cette liberté et prohiber l'écoute des émissions étrangères. Mais l'expérience prouve que les interdictions, sur ce point, sont faciles à transgresser, car les moyens techniques d'empêcher la réception des émissions étrangères, ou même de détecter ceux qui les reçoivent, sont peu efficace.- : la liberté de réception est, dans une large mesure, une liberté incompressible. La guerre de 1939-l945 en a apporté la démonstration : malgré les interdictions officielles et les tentatives de brouillage, la radio de Londres ou la radio suisse ont été écoutées dans toute la France» et même en Allemagne dans les camps de prisonniers : depuis, la prolifération des transistors a encore facilité l'écoute : on l'a rifié durant la guerre d'Algérie, tant dans le camp algérien à l'égard des radios arabes que dans les casernes françaises lors de la tentative de putsch militaire de 1962. Même dans les pays de l'Est, les émissions en provenance de l'Occident sont largement captées. La liberté de la réception est donc une des composantes essentielles de la liberté en matière de radio. Si elle s'est longtemps heurtée, en matière de télévision, à des impossibilités techniques qui, sauf dans les régions proches des frontières, assuraient un monopole de fait aux émetteurs nationaux, l'évolution qui va briser ce monopole — émissions de télévision par satellites, télédistribution par cables — est déjà largement engagée. b I Le droit à l'information. La liberté de la réception ne suffit pas à assurer le respect de la personnalité de l'auditeur : encore faut-il que les messages qu'il peut capter répondent à ses attentes et à ses besoins. D'où l'importance du problème, qu'on retrouve ici, du contenu intellectuel de l'émission. La liberté de la presse a été, depuis la Déclaration de 1789, entendue comme la liberté de ceux qui veulent s'exprimer. Avec la radio-télévision, l'optique change : la liberté d'expression, plutôt qu'une fin en soi, apparait, au moins en ce qui concerne l'information, comme un moyen au service d'une liberté plus fondamentale : la possibilité, pour l'auditeur, de se former une opinion personnelle. Mais l'élaboration d'une pensée libre suppose autre chose que l'écoute des opinions d'autrui : la connaissance des réalités à partir desquelles les opinions se forment. C'est le droit à l'information. Permettre à chacun de recevoir une information suffisamment large sur les faits et sur les courant? de pensée — qui sont aussi des réalités — et, à partir de là, de choisir ou de composer ses propres options, telle parait être la signification profonde de la liberté de l'information en matière de radio-télévision. Ce but peut être atteint par deux voies : s'agissant des faits, celle de l'objectivité, s'agissant des courants de pensée, celle du pluralisme. Toutes deux sont difficiles : l'objectivité, au sens propre du mot, se heurte, comme en matière de presse écrite, au fait qu'entre la réalité et celui auquel elle est présentée, un sujet s'interpose toujours : l'informateur qui appréhende cette réalité avec sa sensibilité et son intelligence propres, et ne peut en donner ainsi que l'image conforme à sa vision subjective. Mais, au-delà de cette déformation inévile et involontaire, l'image peut être déformée volontairement, à partir d'un a priori, ou au service inavoué d'une cause. L'objectivité que le spectateur est en droit d'exiger de son informateur se ramène donc, en définitive, à la bonne foi et à la lucidité de celui-ci. La même remarque vaut en ce qui concerne la sélection, inévile étant donné le volume quotidien des informations, entre celles qui seront diffusées et celles qui seront tues. L'information ne peut être complète. Encore faut-il que le tri soit effectué sans parti pris, et que les développements consacrés aux nouvelles retenues pour la diffusion correspondent à leur importance; réelle, parfois difficilement mesurable. Le pluralisme pose un autre problème qui rejoint celui évoqué supra, p. 272 : à qui reconnaitre le droit d'accéder à l'antenne qui, même élargi par la technique, reste limité ? A partir de quelle importance — qualitative ou quantitative — un mouvement de pensée sera-t-il habilité à se faire entendre ? Et comment doser la part à faire aux uns et aux autres sans manquer, là encore, à l'objectivité ? Information et pluralisme supposent, en outre, que les responsables des émissions leur accordent une place suffisante, et ne consacrent pas l'essentiel de leurs programmes au seul divertissement, considéré comme susceptible de retenir un plus large public, surtout lorsqu'il exclut toute création originale. Quelles que soient les difficultés de ces problèmes, c'est de leur solution que dépend la liberté de l'auditeur, qui est, en matière de radio-télévision, le rile sens de la liberté. |
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