Les règles de procédure précisent les modalités de la saisine des diverses juridictions, de l'instruction des affaires et de la prise de décision. Elles urent dans des textes27 et aussi dans la jurisprudence qui consacre l'existence de principes généraux ou de règles générales28. De cet ensemble de sources, se dégagent quelques caractères de la procédure administrative contentieuse, qui peuvent AStre illustrées par le scénario d'une affaire.
La contestation d'un comportement administratif débouche fréquemment sur un dialogue direct entre l'administration et l'administré (A) mais, dans certains cas, les parties s'en remettent au juge qui arbitre et tranche entre leurs prétentions (B). Aussi le terme recours est-il pris dans deux sens différents : il est usuel de distinguer les recours administratifs (première hypothèse) et les recours contentieux (deuxième hypothèse).
A ' LES RECOURS ADMINISTRATIFS
Lorsqu'un administré, mécontent de la décision prise A son encontre, adresse sa réclamation A une autorité administrative, on se trouve en présence d'un recours administratif. Le recours gracieux est porté devant l'auteur de l'acte contesté ; par le recours hiérarchique, l'administré fait appel au supérieur hiérarchique de l'agent qui a pris la décision critiquée. L'administré peut invoquer aussi bien des arguments de fait que des arguments de droit strict. Très logiquement, l'administrateur a la possibilité de régler le différend aussi bien sur la base de considérations d'ordre juridique qu'en se fondant sur la pure opportunité.
Ces recours interviennent fréquemment dans la vie quotidienne de l'Administration : plainte au bureau de poste en cas de perte d'un courrier ; demande de dispense des conditions d'age A l'occasion de la candidature A un concours de recrutement ; prise en considération d'un certificat médical en cas d'absence ainsi justifiée A un examen, etc.
Le
régime juridique des recours administratifs est très souple. Cependant, il fait l'objet de diverses dispositions énoncées par le décret du 28 novembre 198329 en vue d'assurer une meilleure protection des usagers des services administratifs de l'état ou de ses élissements publics30. En premier lieu, les délais opposables A l'auteur d'une demande courent seulement A partir de la date de la transmission A l'auteur de cette demande d'un accusé de réception mentionnant notamment le moment A partir duquel, A défaut d'une décision expresse, la demande sera réputée acceptée ou rejetée31. En second lieu, le principe du contradictoire est mis en ouvre de deux manières : d'une part, certaines décisions (en particulier, les décisions individuelles défavorables) ne peuvent intervenir qu'après que l'intéressé a été mis A mASme de présenter des observations écrites; d'autre part, toute personne concernée par l'une de ces décisions doit AStre entendue, si elle en fait la demande. En troisième lieu, pour éviter les lenteurs ou les manouvres dilatoires, toute autorité saisie d'une demande dont l'examen relève d'une autre autorité, est tenue, quelle que soit la personne morale dont relève cette autorité, de transmettre elle-mASme la demande A l'autorité compétente.
B ' LES RECOURS CONTENTIEUX
1. Caractères généraux
' Ils sont soumis A un juge, qui tranche le litige es qualités.
' Ils doivent AStre réglés sur la base du droit. Certes le juge interprète les normes dont il doit faire application, mais il ne saurait les ésectiuner purement et simplement, mASme au nom de l'équité.
' Ils obéissent A des conditions plus ou moins strictes de forme et de procédure, en particulier de délai.
Sauf en matière de
travaux publics32, la juridiction administrative ne peut AStre saisie que par voie de recours formé contre une décision, dite généralement décision préalable33, et souvent obtenue A la suite d'un recours administratifs. Le recours n'est recevable que dans les deux mois A partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.
Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent pour se pourvoir contre cette décision implicite d'un délai de deux mois A compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait A nouveau courir le délai du pourvoi. Toutefois l'intéressé n'est forclos qu'après une décision expresse de rejet en matière de plein contentieux, et, dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut AStre prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux34.
Le délai de deux mois est un délai franc : il commence A courir le lendemain de la date de la décision A zéro heure et il expire le lendemain du dernier jour (le dies ad quem). Par exemple, si une décision est notifiée le 2 mars, elle peut AStre attaquée jusqu'au 3 mai A vingt-quatre heures.
' Ils s'ouvrent par une requASte qui ne suspend pas l'exécution des décisions administratives en cause35.
' Ils débouchent enfin sur une décision qui bénéficie de l' autorité de la chose jugée.
2. Déroulement d'une affaire
Bien entendu, le scénario d'une affaire varie avec la juridiction saisie, avec les acteurs (le demandeur, le défendeur, les intervenants) avec la nature du procès (responsabilité, recours pour excès de pouvoir). Pourtant, le schéma général se retrouve dans presque tous les cas, notamment devant les tribunaux administratifs et le Conseil d'état.
1. L'acte introductif d'instance ' pourvoi, recours, requASte36 ' comporte l'exposé des faits, une copie de la décision attaquée, l'énoncé des conclusions du requérant ainsi que des
moyens invoqués par lui. Cette demande doit AStre rédigée en langue franA§aise37.
2. L'instruction s'engage alors. Elle est conduite par le rapporteur qui propose toutes les mesures utiles pour mettre le dossier au clair. Si l'Administration est défenderesse, elle présente ses observations sur le pourvoi. Les parties adressent A la juridiction saisie des mémoires soit A leur initiative, soit sur réquisition du juge. Au terme de ce débat qui dure parfois plusieurs mois, voire plusieurs années, le rapporteur rédige son rapport qui est un document de
travail intérieur et qui analyse toutes les données de l'affaire qu'il s'agisse des faits ou du droit; en outre, il prépare les visas de la décision de justice, ce qui le conduit A faire une rigoureuse synthèse de l'argumentation des parties et A répertorier tous les textes législatifs réglementaires applicables en l'espèce. Au Conseil d'état, l'instruction est confiée A l'une des sous-sections de la section du contentieux.
3. Le rôle du commissaire du gouvernement est aussi essentiel. Conseiller d'un tribunal administralif ou maitre des requAStes au Conseil d'état38, il s'exprime en toute indépendance contrairement A ce que pourrait donner A penser son titre. Il donne son opinion et propose une solution dans des conclusions. Ce sont souvent de très remarquables analyses qui, parfois, dégagent les orientations nouvelles de la jurisprudence : sans remonter au xixe siècle, des juristes comme Romieu, qui devait faire toute sa carrière au Conseil d'état39, ou Léon Blum dont les activités furent au contraire très diverses40 ont ainsi laissé une ouvre importante41.
4. L'affaire est enfin jugée. Des avocats interviennent souvent et développent le contenu des mémoires. Après le délibéré, le jugement (pour les tribunaux administratifs) ou l'arrASt (pour les cours administratives d'appel et le Conseil d'état) est lu en séance publique42 (la date de cette séance est celle de la décision de justice) et communiqué aux parties. Une analyse du dispositif des arrASts ayant prononcé l'annulation de dispositions réglementaires contenues dans un arrASté ministériel ou dans un décret, c'est-A -dire urant elles-mASmes au Journal officiel est publié dans celui-ci43.
5. Divers incidents peuvent compliquer le déroulement d'un procès, en particulier parce que l'offensive processuelle revASt deux modalités. Si la voie d'action s'exprime par la saisine directe d'un juge, en revanche, la voie d'exception greffe, sur un litige principal, une contestation incidente. Une question se pose et deux hypothèses sont envisageables : ou bien le juge du principal est compétent pour y répondre, ou bien il doit prononcer un sursis A statuer et un renvoi A une autre juridiction. Dans le premier cas, il s'agit d'une question préalable, dans le second, d'une question préjudicielle''4.
D'une part, en plus des parties, d'autres personnes peuvent souhaiter appuyer ou combattre un pourvoi : elles le font par une intervention formée par une requASte distincte.
6. Enfin, la sentence ayant été prononcée, le procès peut néanmoins rebondir si l'une des parties utilise des voies de recours permettant de remettre en cause la décision de justice. En droit administratif, ces voies de recours sont principalement :
' l'appel dirigé contre un jugement d'un tribunal administratif devant une cour administrative d'appel ou le Conseil d'état;
' le recours en cassation, tendant A faire casser par le Conseil d'état une décision qui émane d'une -juridiction spécialisée- ou un arrASt d'une cour administrative d'appel; mais, dans ce dernier cas, le pourvoi en cassation devant le Conseil d'état fait désormais l'objet d'une procédure préalable d'admission;
' la tierce-opposition, ouverte A toute personne dont les droits sont lésés par un jugement ou un arrASt dès lors qu'elle n'était ni présente ni régulièrement appelée dans l'instance ayant abouti A ce jugement ou A cet arrASt45.
Ce scénario d'un procès administratif met en évidence les caractères généraux de la procédure administrative conlentieuse.
a) Elle est contradictoire. Ce sont les parties qui échangent leurs arguments bien que le juge puisse décider A partir d'un motif qu'il relève lui-mASme.
b) Elle est écrite. Tout doit urer dans le dossier sous la forme de pièces : mémoires des parties, rapport, conclusions du commissaire du gouvernement, etc. Les plaidoiries elles-mASmes (observations orales) ne peuvent que développer le contenu des mémoires.
c) Elle est secrète. Les différents documents sont réservés aux seuls acteurs du procès.
d) Elle est inquisitoriale : elle est dirigée non par les parties mais par le juge. Celui-ci prescrit
la communication de la requASte A qui de droit et ordonne les mesures d'instruction. Aussi la preuve des allégations d'un plaideur n'est-elle pas administrée par lui mais recherchée et élie par le juge46 : cette règle essentielle est illustrée par la jurisprudence Barel47 : l'autorité administrative ne saurait interdire A un candidat de se présenter A un concours en raison de ses opinions politiques, mais la victime d'une telle décision peut avoir quelques difficultés A prouver que son exclusion repose bien sur ce motif; le juge, usant de son pouvoir inquisitorial, somme la puissance publique de s'expliquer, si le requérant apporte A l'appui de ses allégations un faisceau d'indices sérieux : après quoi, le silence de l'Administration tient lieu d'aveu en quelque sorte. Cet arrASt a été confirmé et le caractère inquisitorial de la procédure étendu par les décisions cat-Blanc48 et Maison Genestal49, notamment.