Alors où sont les pièges de la qualité ? Ils apparaissent lorsqu'on ut faire de la qualité un
avantage concurrentiel stratégique, lorsqu'on espère avoir trouvé lA le moyen de protéger cet actif considérable que sont les
clients et le moyen de les fidéliser. De la mASme faA§on qu'il n'y a pas de relation entre l'obtention d'un prix qualité et les résultats ultérieurs de l'entreprise, je n'ai jamais pu constater de corrélation entre
la satisfaction client et le taux de fidélité. Beaucoup de sociétés l'ont constaté amèrement : après de nombreux efforts et de coûteux instissements, la progression de deux ou trois points du pourcentage de clients satisfaits n'a rien changé ; ceux qui quittent l'
entreprise au bénéfice d'un concurrent restent A un taux inchangé.
Pourtant, l'entreprise n'a pas lésiné sur les moyens :
» les process de
travail ont été revus pour se concentrer sur ce qui représente une valeur ajoutée pour les clients, en abandonnant toutes les taches parasites mangeant de l'énergie A leur détriment ;
» l'instissement en noulles technologies a été conséquent de faA§on A améliorer la capacité et la rapidité d'action rs le client ;
» l'ensemble du personnel a été formé A la qualité et A l'importance de la satisfaction clients : - Savoir écouter le client -, - Le client avant tout -, - Le sourire au téléphone - sont des slogans qui fleurissent les murs des bureaux pour éviter que l'on oublie qu'il s'agit lA de la priorité numéro un et intangible de l'entreprise ; on a appris A traiter rapidement les plaintes des clients, et les moyens pour le faire ont été délégués ; on a aussi pris conscience qu'une insatisfaction s'exprimait rarement et qu'il fallait savoir la chercher avant qu'il ne soit trop tard ' tout le monde est convaincu de l'impérieuse nécessité pour l'entreprise de conserr ses clients et du fait qu'il est beaucoup moins coûteux de chercher A les garder que d'aller en conquérir de nouaux ;
» la direction générale s'est personnellement engagée, a inclus cet objectif dans le cadre supérieur de la mission de l'entreprise ; elle n'hésite pas A servir d'exemple en traitant elle-mASme certaines plaintes difficiles, en - allant au charbon - ; pour bien ancrer ce point dans les objectifs de chacun, il a été instauré des systèmes de reconnaissance, de récompense, de rémunération en fonction des résultats des enquAStes de satisfaction, et la parution de celles-ci devient un des moments forts de la vie de l'entreprise.
Et, malgré tout cela, les clients gardent leur indépendance ! Et ne manquent pas de regarder du côté du concurrent !
La pertinence du système de mesure est alors remise en cause. AŠtre satisfait ne ut en fait pas dire grand-chose. D'ailleurs, les entreprises interrogées sont celles qui sont clientes A ce moment-lA . On peut penser que celles qui ont été déA§ues et rendues insatisfaites sont déjA parties sous d'autres cieux. Que ut dire donc un taux de 95 % de satisfaction par rapport A un taux de 93 % ? Certaines entreprises appellent cela le - marais des clients satisfaits -. On y trou toutes sortes de profils, y compris celui qui n'est pas satisfait mais qui ne ut pas le dire ! Le stade suivant consiste donc A faire un pas supplémentaire en s'attachant A rendre les clients - très satisfaits -, enthousiastes. Nul doute que ceux-lA seront - fidélisés A vie - ! La déception risque d'AStre proportionnelle A la débauche supplémentaire d'efforts fournis.
Allez vous rendre compte vous-mASme, comme j'ai eu l'occasion de le faire, de la situation sur le terrain. Ne vous contentez pas des chiffres. Visitez des clients qui vous ont quitté il y a six mois. Discutez aussi ac ceux que vous az gagnés A cette époque et essayez de comprendre pourquoi ils ont quitté vos concurrents. Privilégiez l'approche par observation directe, qualitati A l'approche statistique. Vous vous apercevrez alors que les raisons qui poussent les clients A passer d'un fournisseur A l'autre ont peu de chose A voir ac leur degré de satisfaction ou de mécontentement tel qu'il apparait dans les sacro-saintes études et enquAStes. La qualité et la recherche de la satisfaction clientèle comme avantage concurrentiel renferment quatre pièges :
L'absence de différenciation : tout le monde satisfait aux critères de la qualité
Lorsque Peters et Waterman ont écrit ce qui est denu la bible en la matière, Le Prix de l'excellence, nous étions en 1984, et beaucoup d'entreprises n'avaient pas encore intégré la dimension
du client et la corrélation entre satisfaction clients et résultats de l'entreprise. Les sociétés qui se sont les premières lancées dans cette voie ont inconteslement
marqué une différence ac celles qui tardaient A le faire. Mais, on le sait, c'est en denant théorie que les meilleures idées perdent de leur valeur. Aujourd'hui, seize ans plus tard, le niau de qualité générale s'est nettement amélioré et, si l'exigence croissante des clients montre que la course A la qualité est une course sans fin, les différences entre les entreprises se sont nettement atténuées et le petit pourcentage de satisfaction incrémental est bien coûteux A obtenir pour offrir peu de résultats. A€ cet égard, la fameuse politique d'amélioration permanente, le - kaizen -, peut s'avérer ruineuse pour l'entreprise qui la contrôlerait mal en la rendant systématique. Regardez la plupart des manuels de formation A la qualité client listant les moyens de rendre vos clients fidèles. Sount, il y est mentionné des questions telles que - Comment faire mieux que la
concurrence ?- ou - Comment vous démarquer de vos concurrents ? - Faites-en une lecture assidue. Vous serez peut-AStre comme moi : vous n'y trourez pas les réponses, les moyens de vous différencier. On vous dira : - Faites des études atis ac les process suivis par vos concurrents -, - Faites des benchmarks ac la politique de service de vos concurrents - et, mASme, parfois, on vous conseillera : - Si vos concurrents font quelque chose qui vous parait intéressant, adaptez-le A votre entreprise - ! Je ne pense pas que cela soit une bonne faA§on de prendre le problème. Aujourd'hui, dans beaucoup de cas, la satisfaction clients n'est plus un moyen de différenciation comme cela a pu l'AStre il y a quinze ans, et, s'il n'est pas bien sûr question de renir en arrière, de ne plus incorporer dans ses priorités cette vérité évidente qu'une entreprise ne peut survivre sans clients satisfaits, il faut aussi se rendre compte que la fidélité clients passe maintenant par d'autres moyens.
Le piège de la négociation : confondre la base et les termes
Le fondement de l'approche qualité, apprend-on, est la négociation d'un engagement face A une exigence. Cette négociation se concrétise sous la forme d'un rapport qualité/prix. La qualité consiste A assurer une conformité - sans défaut - par rapport aux termes de cette négociation. C'est du respect absolu de l'équilibre prévu dans ce contrat fournisseur/client que viendront les bénéfices attendus, tant sur le de l'optimisation des coûts de la société que sur le de la satisfaction du client. Oui, mais, nous l'avons déjA dit, un contrat est par nature éphémère. Il peut AStre rompu A la première occasion favorable. Un client peut A la fois se déclarer - satisfait -, et mASme - très satisfait -, parce qu'il reconnait le parcours sans faute de son fournisseur par rapport A la négociation initiale, et avoir en mASme temps la ferme intention d'aller voir ailleurs. En général, ce n'est pas pour trour mieux car, dans ce cas, il ferait valoir A son fournisseur actuel qu'il y a sur le
marché des rapports qualité/prix plus intéressants et utiliserait cet argument pour renégocier. Ne l'oublions pas, un client n'aime pas forcément changer de fournisseur. Cela peut signifier pour lui tout un changement d'habitudes, d'interlocuteurs, de méthodes, dont il se serait bien passé parce qu'il a d'autres priorités. Non ! S'il décide de ne pas AStre loyal A son ancien fournisseur, c'est sount parce qu'un élément nouau est apparu, faisant que la base mASme de la négociation, et non pas les termes, ne tient plus dans son esprit. Cet élément peut trour sa cause dans l'évolution de l'environnement qui fait apparaitre que le moment de changer de fournisseur est arrivé. Nous reviendrons sur ce point plus loin. Insistons ici sur le fait que le respect, mASme absolu, des termes d'une négociation n'assure pas une assurance de conserr le client. On peut penser que la prestation sans faute de son fournisseur l'endorme et permette qu'il ne regarde pas d'autres possibilités, et c'est probablement vrai dans une certaine mesure, mais penser que cela suffise serait une gra erreur. A l'inrse, le manquement aux engagements pris, s'il peut mettre le fournisseur dans une position de faiblesse lors d'une renégociation ultérieure, ne signifie pas non plus qu'il y a perte obligatoire du client. Le phénomène n'est pas rérsible non plus. C'est l'objet du paragraphe suivant. Il n'y a que peu de corrélation entre conformité aux exigences négociées et fidélité clients.
Oublier de cultir sa différence : ne pas mettre les points forts avant les points faibles
La démarche qualité totale ut que l'on s'attache en premier lieu A résoudre les cas de non-conformité. Mesurer l'écart entre état désiré et état réel, analyse causale, méthode de résolution de problème, diagramme dlshikawa, détermination des actions correctrices, mesure de l'efficacité de ces actions, toute l'énergie est consacrée A la correction des points faibles. Pourquoi pas ? Il vaut mieux avoir des process de travail efficaces entièrement tournés rs le client plutôt que des process lourds, sans réelle valeur ajoutée pour celui-ci. Il existe néanmoins une condition A cela qui sount est oubliée : cette priorité ne doit pas se faire au détriment de celle qui consiste A délopper ses points forts. En particulier, le positionnement de l'entreprise repose sount sur un élément de sa chaine de valeur. C'est celui-ci qui a permis A l'entreprise de remporter la décision face A ses concurrents, c'est celui-ci qui a
marqué l'esprit du client. C'est l'avantage qu'il faut renforcer. C'est le contact direct qui a fait le succès initial de Dell. Au début, il s'agissait de contacts téléphoniques. Il s'agit maintenant d'un commerce électronique de cinquante millions de dollars par jour ! Si vous ndez des pizzas A domicile, c'est l'appareil logistique qui doit AStre prioritaire en matière d'instissements, de faA§on A tenir, voire garantir le délai de livraison annoncé.
C'est en renforA§ant ses points forts que l'on rend les clients fidèles. Ils ont acheté pour une raison bien précise ; il faut la connaitre et faire preu d'innovation pour les étonner encore plus dans ce domaine, pour leur donner l'envie de continuer ac le mASme fournisseur. Il ne s'agit pas de faire ce qui est connu d'appeler de la - sur qualité -, c'est-A -dire dépenser énormément pour faire légèrement mieux. Il s'agit de constamment évoluer en
leader dans ce domaine pour ne pas décevoir le marché. Poussé A l'absurde, le raisonnement - qualité totale - mettrait chaque entreprise en position égalitaire, chacune d'entre elles ayant gommé ses points faibles pour se rapprocher des meilleurs. L'entreprise compétiti, au contraire, doit cultir sa spécificité avant tout. Mais l'esprit humain ne sait pas sount raisonner ainsi, probablement parce qu'en s'attaquant A ses points faibles, on pense pouvoir élargir son marché.
Volvo ainsi a toujours bati sa réputation sur la sécurité, ce qui n'empASche pas d'autres marques d'apparaitre également sûres aux acheteurs. Dans Experiential
marketing B. Schmitt raconte comment Volvo a voulu au moment du lancement du coupé C70 délopper une image plus sensuelle, sans abandonner celle d'AStre la marque la plus sûre. La
publicité disait : - A surge of adrénaline, then a surge of peace-of-mind -2 ou bien - Protect the body, ignite the soûl - 3. Le long terme dira si cela a été une bonne idée ! Le risque est que le consommateur puisse se dire : - Finalement qu'est-ce qu'une Volvo ?- En voulant AStre l'un et l'autre, on risque de n'AStre ni l'un ni l'autre.
Ne pas savoir donner l'envie du futur
Cependant, en s'attachant toujours A délopper ses points forts, l'entreprise court un risque stratégique, celui de construire un système puissant mais très monolithique, dont le centre de gravité peut faire l'objet de ces attaques indirectes dont nous parlions dans le chapitre précédent. Celles-ci sont généralement lancées A l'occasion d'un changement dans les habitudes, dans l'environnement. C'est surtout A cette occasion que les clients quittent leurs fournisseurs, mASme s'ils sont très satisfaits de leurs services. Ils les quittent parce que ceux-ci ne sont plus en mesure de répondre A l'évolution de leurs attentes alors qu'un concurrent est nu ac un modèle nouau, non able mais correspondant parfaitement au nouau concept d'achat qui émerge dans le marché. Les enquAStes de satisfaction clients sont basées sur le respect du contrat négocié dans le passé. La fidélité des clients dépend de la capacité des entreprises A se positionner dans le futur, A se réinnter continuellement pour suivre les migrations de valeur qui, immanquablement, vont faire évoluer les concepts d'achat des clients.
Le risque de pertes de clients de Microsoft ne vient pas d'un manque de qualité de ses produits mais de l'émergence d'un besoin de systèmes ourts évolutifs, adaples, lié lui-mASme A l'émergence d'internet. Dans l'exemple personnel que je citais dans un précédent chapitre, les clients que je perdais étaient satisfaits des services et des produits que ma société leur avait procurés dans le passé. Ils nous quittaient parce que l'arrivée de noulles technologies faisait qu'ils cherchaient un nouau type de contrat ac de nouaux services, des engagements de nature différente et auxquels nous ne satisfaisions plus. Lotus, au début des années 1990, avait deux choix : l'un consistait A améliorer le produit qui avait fait son succès, le leur Lotus 1-2-3, pour résister A l'attaque de Microsoft ac Excel, l'autre, de profiter du déloppement des réseaux pour proposer un logiciel permettant de gérer les noulles formes de travail qui y sont associées. C'est ce qui a été fait ac Lotus Note. Lotus 1-2-3 était un excellent produit dont les clients étaient très satisfaits. Ceux-ci partaient rs Microsoft non pas pour des raisons négatis concernant ce produit mais parce que le modèle stratégique de Microsoft - Excel sous Windows -était une
stratégie gagnante. Il fallait donc répondre en déloppant une noulle stratégie, en déplaA§ant le centre de gravité, en oubliant le passé, mASme si celui-ci était synonyme d'excellence, pour se projeter dans le futur. C'est ce qui a permis A Lotus de garder ses clients au fur et A mesure que ceux-ci migraient rs les solutions réseaux.
A contrario, une société réputée pour son approche qualité peut aller d'échecs en échecs si elle se trompe sur ses choix de positionnement. A. Ries donne l'exemple de Motorola . Cette société fut le premier lauréat du Malcolm Baldridge Award et en retira une image indélébile de la société - qualité - par excellence. Ceci ne l'a pas empASché d'accumuler les échecs dans ses choix stratégiques sur le
marché de l'informatique: les ordinateurs personnels de 1985, les postes de travail de 1990, les gros systèmes de 1992, et ainsi de suite. Pourtant, on peut AStre sûr que les clients rs qui ces offres successis ont été adressées devaient AStre très satisfaits de la société en tant que société garante d'un haut niau de qualité.