NAVIGATION RAPIDE : » Index » MARKETING » MARKETING STRATéGIQUE » Le piège des chiffres Le concept crée la valeurLe concept indique la force du positionnement stratégique Pendant de longues années, la théorie gagnante était celle de la part de marché relative. C'était la courbe d'expérience du Boston Consulting Group. Plus l'écart entre votre part de marché et celle de vos concurrents immédiats est important, plus vous serez profile. Avec les volumes, l'expérience dans la faA§on de produire augmente et les prix de revient diminuent. Ceci permet A l'entreprise leader en parts de marché de posséder un avantage - coûts - qu'elle peut refléter dans ses prix pour éliminer ses concurrents et dès lors protéger ses marges bénéficiaires. Bien que 1 'histoire économique ait montré les limites de ce modèle, la donnée - part de marché - reste encore vivace dans les critères de management des entreprises et le - reporting - du nombre d'unités vendues reste bien souvent le nerf de la guerre. Le profit pourtant vient d'un autre type de leadership. Ce n'est plus celui de la part de marché, mais c'est celui du concept. Il ne s'exprime plus par un chiffre mais par un mot. C'est la possession de ce mot qui permettra A l'entreprise de dominer les forces concurrentielles et donc, en fonction de ce que nous avons vu au chapitre précédent, de créer de la valeur pour qui y ont investi. Au début des années 1990, IBM était la société qui réalisait dans le marché de l'informatique le chiffre d'affaires le plus important. IBM était-il un leader pour autant ? Dans les années précédentes, Apple avait occupé la place du microordinateur A usage non professionnel, DEC avait déboulonné IBM en le repoussant vers le haut de marché A application centralisée. DEC n'avait pas su profiter de son avantage en laissant IBM prendre le marché des PC professionnels mais IBM se réla incapable de faire de cette activité une activité renle. Sur le plan du software, aucun créneau n'appartenait A IBM. Le logiciel OS/2 faisait pale ure face A Microsoft et Windows. Sun avec Unix se taillait la part du lion dans le monde de l'engineering et les initiatives d'IBM en matière d'alliance ou d'achat de sociétés s'étaient rélées peu concluantes. De nombreux projets de diversification furent ou allaient AStre des échecs cuisants : les copieurs vendus A Kodak, la société Rolm vendue A Siemens et d'autres fermées telles que Satellite Business Systems. De quel créneau IBM était-il vraiment leader pour assurer A ses actionnaires dans le futur la profiilité attendue ? En 1991, la capitalisation boursière d'IBM n'excédait que de très peu ses fonds propres. IBM ne créait plus de valeur pour ses actionnaires car son positionnement sur le marché n'était plus celui d'un leader capable de contrôler son futur. A€ l'inverse, prenons au mASme moment une société comme Lotus. Sa capitalisation boursière équivalait A quatre fois ses fonds propres. On peut en AStre surpris car, en 1991, Lotus avait vu ses parts de marché traditionnelles mises A mal par Microsoft. Lotus avait fondé son succès sur le logiciel Lotus 1-2-3 qui voyait ses ventes régresser au profit d'Excel, qui n'était pas en soi un meilleur logiciel mais qui profitait en plein de l'effet Windows. Mais les chiffres de 1991 ne reflétaient que le passé et un rile leader n'apparait que lorsque l'on se projette dans l'avenir : ce que le marché boursier retenait, c'était le potentiel de Lotus sur un nouveau créneau en forte progression, celui des logiciels permettant le travail de groupe sur réseau où la société possédait le concept - groupware -. Nous étions en 1991 et Lotus commenA§ait juste A livrer les premiers Lotus Note montrant qu'il était en position de leader potentiel sur ce nouveau marché prometteur. Finalement, Lotus fut acheté pour 3,5 milliards de dollars par IBM. En 1991, donc, les chiffres globaux étaient encore en faveur d'IBM, mais aucun mot ne venait A l'esprit pour qualifier un segment de marché contrôlé par cette société. Lotus voyait ses parts de marché traditionnelles s'effondrer sous les attaques de Microsoft mais le marché ne retenait qu'une chose : le terme - groupware - que lotus s'apprAStait A conquérir alors qu'au contraire, vers cette époque-lA , IBM continuait A investir dans les grands systèmes une part importante de son budget recherche et développement, environ 30 % ! Neuf ans après, si nous ons les chiffres d'affaires et les résultats respectifs d'IBM et de Dell, nous trouvons que Dell est une société d'un poids d'environ 1/3 de celui d'IBM. Si nous regardons la capitalisation boursière des deux sociétés, on s'aperA§oit que Dell représente les 2/3 d'IBM. Dell est concentré sur un domaine et un seul. Il est le spécialiste du contact direct client et tout laisse A penser, en particulier ses résultats en ventes - internet -, qu'il est le leader psychologique de ce marché. C'est cette société qui indique le tempo, c'est elle que l'on veut copier. C'est un rile leader psychologique, c'est la troisième société la plus admirée des Américains. Ce n'est pas le moindre avantage du leader psychologique que celui d'AStre en mesure de recruter les meilleurs talents ! IBM a certes fortement évolué, se transformant avec un certain succès en société de service positionnée en tant qu'acteur majeur dans le - e-business - mais la perception du marché ne doit pas encore en AStre A ce stade. Le concept concentre l'activité de l'entreprise Plus le mot est simple, plus il signifie que le contrôle exercé par la société sur son marché est fort. On a beaucoup expliqué le redressement de Xerox par l'appel au benchmarking et par l'utilisation intensive de la qualité. Ce furent, A n'en pas douter, deux éléments majeurs, mais la principale raison ne se trouve-t-elle pas résumée par le changement de nom de l'entreprise de Xerox en Xerox-The Document Company, signifiant par lA l'abandon de toutes les tentatives de diversification aventureuse des années précédentes pour se recentrer sur le document. Depuis longtemps, Xerox n'avait plus fait évoluer le marché. Ce n'est pas elle en particulier qui l'avait emmené vers la couleur. Dès ce recentrage annoncé, Xerox a retrou en partie son rôle de leader psychologique en menant dans le peloton de tASte la migration vers les technologies digitales. La réalisation de grands projets, la mobilisation des forces de l'entreprise passent par la capacité A résumer simplement l'intention stratégique, comme en politique et surtout pendant les temps de guerre. S'adressant au peuple américain s'enga-geant aux côtés des alliés dans la Seconde Guerre mondiale, Sir W. Churchill ne trouva-t-il pas les quelques mots qu'il fallait : - The price of greatness is responsibility. - ' Il est vrai que Churchill usait de la rhétorique comme une rile arme. Comme le disait J.F.Kennedy : - He mobilized the english language and sent it to the battle. - Dans la guerre économique aussi, le mot est puissant. La bataille Xerox/Canon a finalement été une bataille de mots. Dans un premier temps le - Tuer Xerox - (ou - battre Xerox - suivant les versions) de Canon ne trouvait pas de contrepartie capable de s'y opposer. Celle-ci est venue avec - The Document Company -. Pendant la première période, Xerox a vu ses parts de marché se réduire dans de grandes proportions. Dans la période suivante, l'action Xerox a vu son cours multiplié par 12, avec l'atteinte d'un taux de renilité des actifs de 18 %. Se concentrer autour d'un mot est créateur de valeur ! Malheureusement, plus récemment, pour de graves problèmes opérationnels, le cours de la société rechuta, mettant ainsi fin A un redressement spectaculaire. Au début de l'année 2000, la Bourse a salué, pour la première fois depuis longtemps, un éclaircissement de la stratégie de Bull : un positionnement sur les activités porteuses d'internet et la vente d'activités n'apparaissant plus dans le centre de la nouvelle stratégie. Par la suite, plusieurs décisions de prise de participation et d'alliances sont venues renforcer ce nouvel ancrage. Tout ceci est extrASmement encourageant mais il manque encore A la société ce mot simple qui finirait par traduire dans les esprits des investisseurs l'originalité de son positionnement. En écoutant le président de Bull, Guy de Panafieu, s'exprimer dans les derniers mois de 1999, on peut penser qu'A ce moment-lA , la route était encore longue : - Nous comptons bien, cette année, capitaliser sur notre positionnement stratégique. Nous sommes les spécialistes de la transition des entreprises vers internet Bull fournira les équipements, l'architecture et les services dans ce domaine, avec l'intégration d'applications de télécommunication, de commerce électronique, de relations clients et de progiciels de gestion intégrée; sans oublier la sécurité sur le net, qui est l'affaire de notre division sectiunes et logiciel. - 1 Il est difficile de trouver ce mot car il est difficile de concentrer ses forces sur un seul thème porteur. Les bienfaits de la spécialisation sont reconnus mais, en mASme temps, il faut garder la main sur tout, en particulier pour se prémunir contre les méfaits des activités cycliques. Pourtant, c'est bien en se concentrant sur un mot que l'on a le plus de chance de créer de la valeur. Dans une étude très intéressante, L. Ries montre la supériorité des résultats financiers des sociétés concentrées sur un thème par rapport aux sociétés diversifiées . Elle a é les résultats des cent premières sociétés au Japon et aux états-Unis. Elles réalisaient en 1997 le mASme niveau de chiffre d'affaires : un peu moins de trois billions de dollars. Les sociétés japonaises avaient une marge nette de 1,2% en moyenne, ce qui veut dire que nombre d'entre elles étaient en perte. Les sociétés américaines réalisaient une marge de 6,5 %. Constatant que les sociétés japonaises sont toutes du type diversifié, alors qu'il n'y a qu'un seul conglomérat dans les cent premières sociétés américaines, elle parvient A la conclusion suivante : la crise asiatique n'aurait pas eu pour cause ni un problème de taux de change, ni un problème bancaire, mais bien un problème de - branding -, du fait de l'incapacité des sociétés asiatiques A asseoir leur profiilité sur un mot. Rassembler ses forces autour d'une seule idée maitresse est maintenant une stratégie de plus en plus suivie par de nombreuses sociétés qui n'hésitent pas A s'éclater lorsque l'évolution du marché risque de les emmener dans des directions divergentes. Ce fut récemment le cas avec la société Lucent, elle-mASme issue de l'éclatement d'ATT en 1996. Reconnaissant que le marché se déplaA§ait vers de nouveaux secteurs de croissance comme les infrastructures internet, les réseaux optiques, les semi-conducteurs, l'optoélectronique, Lucent a décidé de créer une société indépendante pour les activités de téléphonie d'entreprise comme les standards. Pourtant, les chiffres de l'exercice clos au 30 septembre 1999 montraient une croissance de 20 % du chiffre d'affaires et un quadruplement du bénéfice ! Mais les chiffres sont le reflet du passé. En janvier, la Bourse avait par la suite pénalisé Lucent du fait de son mauvais positionnement sur les secteurs A forte croissance et le titre avait perdu 20 %. La création de deux sociétés indépendantes, loin d'AStre jugée comme une réduction néfaste de taille, a été saluée par un bond du titre de 14 %. Lucent n'est pas un cas isolé. Hewlett Packard a également récemment pris une décision de se scinder en deux entreprises, l'une, Agilent, spécialisée dans le matériel de mesure et l'autre, HP, centrée sur l'informatique. Aussitôt, le cours d'AGiLENT s'est envolé et sa capitalisation boursière a fini par dépasser celui d'HP, bien qu'étant une société cinq fois plus petite. Les analystes financiers appellent cela la - broken up value -. Dans ce domaine, le tout n'est pas supérieur A la somme des parties. On ne croit pas trop A la fameuse synergie qui donnerait au niveau global un effet de levier A la valeur de chaque partie de l'ensemble. Les exemples ne manquent pas. Parfois, ils ont été initiés contre la volonté des sociétés elles-mASmes, pour des motifs légaux : ce fut le cas des - Baby Bells - issues de l'éclatement forcé d'ATT. Certains ne manquent pas de souligner qu'IBM aurait aussi eu intérASt A créer des - baby blues -, surtout pour les PC, ce qui aurait probablement permis de rendre profile cette activité. Plus près de nous, lorsque l'action Bull était A environ six euros, beaucoup d'analystes financiers pensaient que l'addition de chaque composant pris séparément représentait une valeur totale du double. Rappelons-nous qu'après la vente par Bull de sa participation dans Ingenico, la valeur de cette dernière société a augmenté en deux mois de temps de plus de 300%.
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