NAVIGATION RAPIDE : » Index » MANAGEMENT » RESSOURCES HUMAINES » L enjeu de la mutation du travail Le constat : l'Évolution de la nature du travail
Aussi loin que l'on remonte dans le temps, le terme de trail a toujours signifié une activité physique, difficile généralement et liée à la transformation de la nature. «Trail» vient d'ailleurs de «tri-pallium», instrument pour esclaves, et renvoie à l'idée d'un effort essentiellement physique : le trail de la terre ou de la mine. Plus tard, le trail a été associé à l'idée de production industrielle - production de marchandises essentiellement - et sera le fait de l'ouvrier ou du technicien. «Trailleur» ou «ouvrier» ont été quasi synonymes dans le débat politique au XX siècle. En effet, il suffit de se promener dans n'importe quelle entreprise pour mesurer à quel point le trail effectif diffère de ces représentations quasi-millénaires : l'outil de trail d'abord est désormais quasiment le même, comprenant un micro-ordinateur, un téléphone et quelques outils de documentation. L'activité ensuite se résume essentiellement à sa dimension intellectuelle (discussion, rédaction de documents, transmission d'informations, etc.). Le trailleur, aujourd'hui, parle, écrit, consulte, dialogue, imagine mais il «fait» peu de choses au sens où jadis on l'entendait. Similitude et différences dans l'industrie et le service En fait, deux grandes tendances s'observent selon que l'on se situe dans le domaine de l'industrie et du service : - dans le domaine de l'industrie, le trail - humain -s'éloigne progressivement de l'acte productif, dont le niveau d'automatisation progresse sensiblement, pour s'orienter vers deux fonctions essentielles : - la gestion du système productif, où l'ouvrier contrôle la bonne marche d'un process ou pilote l'activité d'une machine robotisée ; - la conception des produits, dans la mesure où leur renouvellement devient un enjeu concurrentiel majeur. On lira dans l'encadré ci-après l'extrait d'un trail écrit en 1986 par Pierre Veltz - actuel directeur de l'ENPC - décrint la genèse de cette situation. L'évolution du trail industriel.Un point de vue de chercheur en 1986 Une série de phénomènes se révèlent : - une tendance à la dissolution des frontières entre entretien et fabrication, qui résulte dantage de la situation technologique ; - une très grande difficulté à définir de façon précise des «taches», voire des fonctions dans la mesure où le trail est surtout lié à la gestion des aléas, et où on semble se diriger dantage vers une définition des emplois par «objectifs» que par modes opératoires ; - une accentuation du caractère collectif du trail liée à la fois à cette imprécision des taches individuelles, et à l'apparition de flux d'information nouveaux et structurants ; - une chute nette de l'intensité moyenne du trail ; - la place prise par des taches () d'analyse de la production., qui ouvre la voie à un vérile «taylorisme des machines» ; - une structuration radicalement nouvelle du rapport entre temps réelet temps différé dans le rapport homme-machine. () Avec l'automatisation, on entre dans une période où le flou dans la définition du trail deviendra sans doute constitutif, et pas seulement résiduel ou accidentel : défi mortel, évidemment, pour la logique catégorisante du taylorisme. De nombreux obserteurs, d'ailleurs ont remarqué que la force du management japonais était sans doute liée à une capacité très supérieure à accepter et gérer ce qui nous parait flou, et relève en réalité de la pratique ordinaire d'une communauté communicante. P. Veltz. «Informatisation des industries manufacturières». Sociologie du trail, janvier 1986 : 5-22. - dans les domaines des services, la notion de production -entre guillemets - revient paradoxalement à l'honneur, en partie du fait de leur massification. Le trail consiste à mener des activités hier encore considérées comme secondaires (transmettre des informations, mettre en relation des offres et des demandes, gérer des comptes, etc.) dans le cadre de contraintes économiques lourdes. On lira dans l'encadré ci-après un extrait de rapport décrint l'évolution d'une activité de service dans une cellule de télé-marketing. L'évolution du trail dans les services. Une situation de trail Le métier de ce service consiste à organiser des relations commerciales personnalisées par téléphone avec une clientèle nombreuse. Cette démarche est organisée autour d'appels en série ou camnes rythmées tout au long de l'année et centrées sur une offre produit assez standardisée. Les camnes étant organisées par thèmes, les contacts effectués par le téléconseiller se situent dans un spectre assez réduit. L'organisation des appels est semi-automatique. L'ordre des clients à appeler étant programmé à l'ance, chaque agent prend connaissance, presque au moment de l'appel, des coordonnées du client à appeler. Généralement l'appel se déroule comme suit : 1 phase .préparation de l'appel (de l'ordre de trois minutes) Lecture détaillée de la fiche client qui a été alimentée au travers de contacts précédents (historique des contacts, autres informations). Cette lecture permet au téléconseiller de préparer son appel et décider si la programmation a priori des services marketing doit être prise en compte. 2 phase : appel, discussion et argumentaire Cette discussion s'organise de façon assez logique, voire même rationnelle, autour de la présentation du produit. Elle est centrée sur 'action commerciale indirecte : l'objectif du téléconseiller étant le plus souvent de «placer» un rendez-vous avec un agent commercial. Naturellement la stratégie de discussion rie en fonction du nombre d'appels déjà effectués «sur» ce client. On estime ce temps à environ sept, huit minutes en moyenne. 3 phase : clôture de l'appel Cette clôture contient deux phases : la finalisation de l'action commerciale ; l'inscription des informations dans le SI et/ou la transmission du rendez-vous obtenu. L'ensemble de l'appelpeut durer un peu moins d'un quart d'heure. Obsertions personnelles. Cette évolution du trail est profonde, spectaculaire et il faudra du temps pour que nos sociétés en prennent toute la mesure. Nous pensons même que ce sera très long. Mais ces affirmations suffisent-elles pour en juger ? Cela suffit-il même pour parler d'une révolution, comme l'ont cru les partisans de la «nouvelle économie» ? La réponse est, selon nous, moins unilatérale qu'il n'y parait. En effet, la mutation dont nous parlons recoupe une dualité extrêmement forte dans l'esprit occidental entre l'univers des idées et celui de la matière (ou de la réalité). Elle ne pourra donc pas s'opérer sans de profondes remises en cause et ce n'est pas un hasard si elle est souvent mal vécue dans le monde de l'industrie, où l'on raille encore «la palabre, la réunionnite». De plus, et là est à notre avis un point central, cette tendance à la dématérialisation ne trouve pas d'équilent - à l'heure actuelle ! - dans le cadre juridique dans lequel l'entreprise évolue, c'est-à-dire dans l'univers du contrat.
On a tendance à l'oublier dans de telles discussions, mais si l'entreprise peut faire évoluer la forme de son trail, elle se meut, se finance et se rémunère dans un univers beaucoup plus sle : l'univers du contrat juridique. Une transaction commerciale, en particulier, est considérée comme un contrat dont l'effectivité doit se prouver. Or, qu'on le veuille ou non, ce cadre subsiste et reste déterminé par un rapport traditionnel à la réalité : ce qui veut dire que toute transaction commerciale doit pouvoir se référer in fine à des objets, même si ce lien pourra se relacher1. |
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