Les cadres juridiques de la responsabilité évoluent entre deux considérations. L'une est liée à la nature de la responsabilité
juridique mise en ouvre, responsabilité civile ou responsabilité pénale (A) et l'autre renvoie au support -
entreprise ou société - qui permettra d'identifier ac plus ou moins de précisions qui sont les responsables(B).
A - Nature et champ de la responsabilité juridique
Le droit de la responsabilité est denu protéiforme. La responsabilité juridique se définit comme l'obligation de répondre d'un dommage devant la justice et d'en assumer toutes les conséquences. Une distinction importante trarse tout le droit de la responsabilité ; elle repose, d'un côté, sur la responsabilité pénale et de l'autre, sur la responsabilité civile :
- la responsabilité civile s'applique lorsqu'une personne physique ou morale a causé un dommage à autrui et doit le réparer. Historiquement, le droit de la responsabilité est né ac le Code civil, notamment ac l'article 1382 et suivants de ce même code. Le système de responsabilité mis en ouvre a d'abord reposé sur le principe de la faute, comme élément déclencheur de l'action en responsabilité et sur une représentation individualiste, liée à la logique d'imputation. Il s'est progressiment enrichi d'un système de responsabilité fondé sur la notion de risque. Toute la logique de la responsabilité civile est orientée rs une fonction curati et réparatrice ;
- il n'en va pas de même pour la responsabilité pénale. Celle-ci s'applique lorsque l'auteur de l'acte doit, devant la société, subir la peine prévue par les textes. Sa fonction est essentiellement puniti. De la même manière que la responsabilité civile, la responsabilité pénale a connu une évolution sans précédent, pour intégrer la notion de risque. C'est notamment le cas pour l'incrimination de « mise en danger d'autrui » introduite dans le nouau Code pénal de 1992 (Article 223-l ). Ce délit a été qualifié d'infraction de préntion, car il n'exige pas la réalisation d'un dommage. Cet article dispose en effet «que le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entrainer une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende». Cette disposition a trouvé une application directe dans le contentieux des accidents du travail. Elle a permis notamment de renforcer la répression des atteintes à la sécurité du travail. Entre un système de responsabilité fondé sur la faute et celle reliée à la problématique du risque, on peut obserr, tout au long de l'histoire du droit de la responsabilité, des nuances qui privilégient tantôt une conception individualiste fondée sur la faute, tantôt une conception plus solidaire, fondée sur la notion de risque. Chaque époque définit donc sa propre représentation de la responsabilité en élissant des compromis subtils qui sont intimement liés au seuil de tolérance d'une société, entre ce qu'elle juge acceple ou inacceple. Aujourd'hui, on se trou confronté à un phénomène difficile à qualifier. Celui-ci est lié, d'une part, à la montée en puissance du processus de pénalisation de la vie économique, alors que d'autre part, la loi sur les noulles régulations économiques modifie les dispositions du Code pénal, dans le sens de la dépénalisation du droit des sociétés.
Pour bien comprendre l'impact de ce droit de la responsabilité sur la vie de l'entreprise et particulièrement, pour tout ce qui touche à la gestion des
ressources humaines, quelques précisions sont nécessaires sur le cadre théorique de la responsabilité.
1) Quelques repères sur le droit de la responsabilité dans l'entreprise
. La notion de faute résulte de la
philosophie du Code civil. Elle s'applique principalement au chef d'entreprise et s'analyse comme un défaut de prévoyance ou de prudence «du bon père de famille». Historiquement, c'est sur le fondement de la faute que le droit de la responsabilité a trouvé ses premiers soubassements. Puis, la notion de risque est nue utilement compléter le système de responsabilité pour ouvrir le dispositif à une conception solidaire de la responsabilité civile. Le principe de la réparation s'est imposé comme base théorique du droit de la responsabilité civile. Sous l'effet de la théorie du risque et grace au système des assurances, tout un processus d'indemnisation a pu être mis en place.
. La notion de risque a fait son entrée dans le
droit positif français en 1898, ac la notion de «
risques professionnels», telle qu'elle résulte de la loi sur les accidents du travail. La loi du 9avril 1898 sur les accidents du
travail désigne une manière d'envisager la réparation, qui sans passer par l'examen de la conduite de l'ouvrier ou du patron, les attribue globalement à l'entreprise. «Tout travail comporte des risques: les accidents sont la triste, mais inévile conséquence du travail même». D'après cette définition du risque professionnel, la charge des accidents est imputée au chef d'entreprise, quelle que soit leur cause, qu'ils surviennent d'un cas fortuit ou même de la faute d'un ouvrier. Ainsi, le chef d'entreprise va se trour juridiquement « responsable », aussi bien des accidents qui relènt d'une imprudence ou d'une négligence personnelle, que ceux qui sont surnus, alors même qu'il avait pris toutes les précautions pour les éviter, et de ceux dont l'ouvrier est la cause (ac l'exception de la faute intentionnelle).
2) Le phénomène de pénalisation du droit des affaires
Le phénomène de pénalisation de la vie des affaires peut s'expliquer par la conrgence de causes de nature différente, mais qui toutes interagissent pour renforcer le phénomène.
a) Un processus multiforme
On peut d'abord souligner l'importance de la médiatisation des entreprises, qui trount auprès de la
presse spécialisée un relais indispensable à leur action. C'est évidemment une arme à double tranchant, notamment quand apparait un dysfonctionnement majeur dans la gestion de l'entreprise, la même presse ne se prira, en aucune façon, de faire écho à de telles déris.
Plus fondamentalement, la montée en puissance de la pénalisation s'explique par la prolifération des textes qui régissent tous les moments de l'activité de l'organisation, et qui assortissent de sanctions pénales, la plupart des prescriptions qui sont édictées : -il s'agit principalement des règles relatis au fonctionnement interne de la
société, qui prévoient des sanctions aux infractions commises en matière d'abus de
bien social ou de tenue d'une compilité incomplète ;
-il s'agit aussi des règles concernant l'activité de l'entreprise: les sanctions pénales peunt concerner ses activités de production. L'entreprise doit respecter tout un système de nonnes liées à la protection de l'environnement qui se structurent autour d'un droit pénal de l'environnement4". Elle est tenue également de respecter un certain nombre d'obligations à l'égard de ses
clients qui sont sanctionnées par le droit pénal de la consommation, ou le droit pénal financier.
On peut expliquer également le phénomène de pénalisation de la vie des affaires, comme une conséquence directe de l'adoption du nouau Code pénal en 1992. Dans l'ancien système, on avait coutume d'associer l'aptitude pénale et donc la responsabilité pénale à une personne physique. On considérait que seule une personne capable de discernement pouvait faire l'objet d'une condamnation pénale. Cette manière d'envisager le principe de responsabilité aboutissait au fait que, seul le dirigeant de l'entreprise, était susceptible de répondre de la loi pénale. Aujourd'hui, le nouau Code pénal a élargi le principe de la responsabilité pénale à l'entreprise, en conférant à la personne morale les attributs de la responsabilité pénale.
On évoque même la notion «d'entreprise délinquante». Cela signifie très concrètement que l'entreprise est considérée comme un sujet de droit autonome des personnes physiques qui la composent. Cet élargissement du cadre de la responsabilité pénale de Fentreprise fut l'objet de nombreuses controrses doctrinales, car on est évidemment en présence d'un vérile boulersement des repères traditionnels des catégories juridiques. Les arguments, pour ou contre, se neutralisent très largement. En revanche sur un pratique, l'intérêt de la réforme est beaucoup plus évident. Il est clair, en effet, que la reconnaissance de la responsabilité pénale à une personne morale, répond à un souci d'efficacité dans la mise en ouvre de la répression. Comme le souligne Marie-Anne Frison-Roche, le fait de frapper la personne morale de l'entreprise en même temps que de sanctionner le dirigeant, constitue le meilleur moyen d'obtenir des entreprises que le comportement incriminé ne se reproduise plus. S'il est évidemment impossible de mettre en prison l'entreprise, le fait de la frapper d'amendes, qui peunt être considérables, a une rtu puniti et dissuasi tout à fait pertinente. Ensuite, comme noulle raison avancée au processus de pénalisation, on peut faire valoir l'institution par le nouau Code pénal, de l'incrimination prévue à l'article 223-l du Code pénal, concernant l'infraction de mise en danger d'autrui qui trou une application directe dans le domaine de la sécurité du travail.
Enfin, la dernière étape du processus de pénalisation concerne désormais toute l'activité
économique de l'entreprise. L'évolution qui s'est produite ces dernières années est de plusieurs ordres : on est passé d'un droit pénal de défense, à un droit pénal de prescription. Concrètement, cela signifie qu'il ne suffit plus de respecter un certain nombre de normes d'interdiction (interdiction de mettre en ouvre des pratiques cor-ruptis ou de pratiquer des délits d'initiés) mais qu'il faut désormais agir dans telle ou telle direction. Ce qui impose concrètement des obligations en vue d'agir et d'adopter un certain nombre de comportements. Le seul fait pour un chef d'entreprise de ne pas respecter telle ou telle prescription peut mettre en jeu sa responsabilité pénale41.
Face à ce moument de pénalisation grandissante de la vie des affaires, un certain nombre d'auteurs ont souligné les
risques de voir ce phénomène proliférer. Les arguments avancés pour stopper le processus s'inscrint dans le registre de l'efficacité. Le recours à l'arme pénale s'explique par une certaine impuissance du droit (lenteur excessi des
juridictions civiles, complexité de la sanction civile) et par la difficulté du système juridique à faire respecter ses exigences. Ainsi, rien n'interdit de penser que l'affaiblissement des sanctions civiles est une des causes de la pénalisation du droit des affaires. Mais la surchauffe du système pénal heurte également les règles fondamentales du principe même de justice. Ce recours à l'arme pénale est lié à la médiatisation des affaires mettant en cause la responsabilité pénale des chefs d'entreprise, ces derniers ne bénéficiant pas des mêmes garanties procédurales, notamment au regard du secret de l'instruction. Enfin, cette pénalisation excessi perturbe grament les distinctions juridiques fondamentales en détournant le pénal de sa finalité, à savoir l'atteinte à l'ordre public.
Cette question de la nécessaire dépénalisation urait en bonne place dans le débat sur la loi concernant les noulles régulations économiques, faisant suite notamment aux conclusions du rapport Marini" sur la modernisation du droit des sociétés.
La question demeure cependant posée de savoir si le coup d'arrêt au processus de pénalisation du droit des sociétés, amorcé par le législateur, sera suffisant. Rien n'est moins sûr, si l'on en croit les premiers commentateurs de la loi4'. La pénalisation de la vie de l'entreprise semble avoir encore de beaux jours devant elle !
b) Les conséquences pratiques du phénomène de pénalisation dans une société de risque
La conception actuelle de la responsabilité est liée complètement à la noulle philosophie du risque, et c'est sur fond de paradoxe qu'il sera possible de la comprendre. Jamais en effet les risques liés à l'activité
économique et industrielle n'ont été aussi grands, jamais la tolérance de la population à l'égard du risque n'a été aussi faible, jamais par ailleurs les mesures destinés à encadrer le risque n'ont été aussi nombreuses. Il faut, par ailleurs, distinguer la dimension juridique du risque d'entreprise, et la manière dont ce dernier est vérilement intégré dans la gestion quotidienne de l'entreprise. Là encore, on constate un décalage entre les deux domaines. Sur certains sujets, c'est le législateur qui est à l'origine de la prise de conscience du risque, alors que sur d'autres, c'est le poids d'un événement qui modifie en profondeur la représentation collecti du risque.
La gestion du risque dans l'entreprise suit généralement une évolution que l'on peut résumer selon un processus en 4 étapes : d'abord le déni, puis la gestion de la crise, ensuite, c'est celle de la gestion des ruptures, enfin la quatrième, est celle de la prise en compte des «ruptures créatrices» qui font émerger de noulles normes de comportement.
La gestion du risque juridique s'impose donc comme une responsabilité noulle, qui s'infiltre dans toutes les grandes fonctions de l'entreprises. De fait, les Directions des Ressources Humaines ne sont pas épargnées par le processus. Elles sont sount en première ligne pour appréhender les conséquences de cette noulle philosophie du risque. Parmi les nombreux risques auxquels les entreprises sont soumises, on peut d'abord mettre en évidence les risques industriels ou technologiques. Ils sont liés aux activités d'usine, d'ateliers, de dépôts, de carrières ou de transports de matières dangereuses. Le risque industriel résulte de la présence de produits dangereux, susceptibles de provoquer un accident entrainant des conséquences gras pour le personnel, les rirains, les biens et l'environnement. Il faut distinguer:
. les risques traditionnels comme le risque incendie, transports, catastrophes naturelles ;
. et les risques nouaux qui n'étaient pas auparavant pris en compte dans la gestion d'entreprise44. Dans cette rubrique, on peut inscrire:
- le risque environnemental, lié à la prise de conscience des dangers qu'occasionnent l'activité économique -
pollution massi des cours d'eau, problème des gaz toxiques ou explosion ;
- les risques alimentaires ;
- les risques informatiques ;
- les risques liés au terrorisme ;
- les risques liés au piratage des brets.
La notion de risque zéro dans l'activité de l'entreprise est évidemment une illusion. C'est même le contraire, puisque c'est la prise de risque qui est sount la base de la rémunération de l'entreprise, constituti de sa valeur.
On est aujourd'hui confronté à un paradoxe qui suppose donc un arbitrage. D'une part, il faut absolument éviter que le risque ne se réalise, tout en continuant à créer de la valeur qui, elle, suppose la prise de risques encore plus forts. D'autre part, il faut tout mettre en ouvre pour éviter la surnance de risques. L'impact des différentes affaires comme celle du sang contaminé, de la vache folle, de l'amiante, de l'Erika ou de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, n'est sans doute pas étranger à cette montée de la logique sécuritaire.
La traduction concrète de la prise de conscience du risque dans
le management des entreprises se manifeste par l'émergence d'un nouau métier: «le risk manager».
B - Le cadre d'exercice du droit de la responsabilité
Une question de fond trarse tout le droit de la responsabilité. Il s'agit de savoir qui doit assumer la responsabilité, l'entreprise à trars la personnalité de ses dirigeants (1), ou les salariés au titre de leur implication dans l'entreprise (2).
1) L'entreprise à trars la personnalité de ses dirigeants
Les dirigeants de l'entreprise ont été historiquement en première ligne du droit de la responsabilité, depuis la loi de 1898 sur les accidents du travail. Deux types de responsabilité pèsent sur les dirigeants: une responsabilité civile et une responsabilité pénale. La responsabilité pénale est fondée sur le principe de l'imputation, telle qu'elle résulte de l'article L-l21-l du Code pénal et selon lequel «nul n'est responsable pénalement que de son fait personnel ».
Cette question de l'imputation personnelle, comme fondement de la responsabilité pénale, pose des problèmes difficiles à surmonter, notamment quand il s'agit de dégager les différentes responsabilités dans les affaires où interviennent de multiples acteurs. Le moument qui s'est produit, a consisté à diffuser, par effet de ricochet, les risques de la responsabilité pénale à tous les acteurs de l'entreprise. Cependant, en tant qu'organe de gestion, les dirigeants prennent des décisions essentielles pour l'anir de leur société. Une responsabilité pénale spécifique pèse sur eux, pour deux types d'infractions, celles qui peunt être commises dans le cadre de la direction de la société - il s'agit de l'abus de biens sociaux et de l'abus de pouvoir - et celles qui concernent la gestion financière et comple de la société :
- l'abus de biens sociaux, est l'infraction que l'on rencontre le plus fréquemment. Les dirigeants la commettent lorsqu'ils font « de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils sant contraire à l'intérêt de celle-ci, à des lins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement »45 ;
- l'abus de pouvoir est un délit qui accomne sount l'abus de biens sociaux, mais il peut exister de manière autonome. Il s'agit pour les dirigeants d'une société, «de faire de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, un usage qu'ils sant contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société directement ou indirectement»4''.
Enfin, des responsabilités exercées conjointement à la fois par les organes sociaux et le dirigeant doint être identifiées. Elles concernent tous les manquements aux obligations prévues pour encadrer la gestion financière: il s'agit principalement des règles de présentation des comptes, de la
publicité des documents comples, des procédures d'augmentation du capital social.
La responsabilité civile du dirigeant se décompose elle-même en deux catégories. Il faut distinguer celle relati aux personnes dont le dirigeant a la charge et celle du fait des choses :
- en ce qui concerne la responsabilité du fait des personnes, elle correspond à la responsabilité de l'employeur mise en ouvre du fait de ses salariés. Conséquence directe du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail, l'employeur peut voir sa responsabilité civile engagée du fait des dommages causés par un de ses salariés ;
- la responsabilité civile qui pèse sur le dirigeant du fait des choses peut internir dans deux cas de ure. La première situation de mise en jeu de la responsabilité du dirigeant provient d'un dommage causé par des choses dont le dirigeant a la garde". Il peut s'agir d'un batiment industriel, d'une machine défectueuse. Toute la difficulté pour engager la responsabilité du dirigeant sera de prour le lien de cause à effet entre le dommage surnu à une personne, du fait de la chose en cause et le défaut d'entretien. De plus, il faudra également identifier précisément qui est le gardien de la chose. C'est à ce niau, que toute la chaine de la délégation dans la définition de l'espace de la responsabilité va prendre toute sa signification soit pour élargir à l'infini la responsabilité du dirigeant, soit au contraire pour la restreindre.
Un raisonnement similaire peut être appliqué dans le cadre de la responsabilité du fait des produits défectueux. Cette responsabilité a été introduite en droit français par la loi du 19 mai 1998, ac la transposition de la directi communautaire du 25 juillet I98548. Elle est destinée à protéger le consommateur de tous dommages liés à l'utilisation de produits. Si cette responsabilité pèse évidemment sur le dirigeant en denier ressort, on peut obserr, de manière similaire à la responsabilité du fait des choses, un engagement solidaire, impliquant dans l'exercice de cette responsabilité tous les acteurs du processus de production. Là encore toute la difficulté sera d'identifier clairement l'implication de chacun dans la chaine complexe de la responsabilité.
2) Les salariés, au titre de leur implication dans la vie de l'entreprise
Sur ce point également, une évolution très significati s'est produite, qui tend à modifier les repères classiques de l'exercice de la responsabilité dans l'entreprise. Tout le droit social, ainsi que le droit des sociétés, s'appuyaient sur une architecture qui conférait au système de responsabilité une certaine cohérence. Celle-ci reposait d'une part, sur le refus d'accorder la personnalité morale à l'entreprise, qui n'existait qu'à trars ses organes sociaux, et d'autre pan, sur le lien de subordination qui permettait de donner une qualification juridique au contrat de travail.
La conjugaison de ces deux principes avait conduit à exclure le salarié de sa responsabilité pénale pour des fautes commises dans le cadre de son travail. On considérait alors que le salarié ne pouvait être responsable de ces agissements, puisque du fait de son lien de subordination, il ne pouvait disposer de son libre choix, qui était pour le droit pénal la condition de l'aptitude pénale.
Un arrêt de la chambre criminelle de
la Cour de cassation du 5 janvier 1993 a modifié singulièrement l'équilibre ancien. La cour a admis que le chef d'entreprise ne répondait plus personnellement des agissements répréhensibles de ses salariés lorsque ceux-ci disposent de fait, de l'autonomie et des
moyens matériels et techniques pour prendre les décisions.
Un pas supplémentaire a été franchi dans le sens d'un approfondissement de la responsabilité ac les arrêts récents rendus sur la question de «l'amiante». Désormais, selon les termes de la Cour, «il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé, ainsi que de celles des autres personnes concernées, du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; que dès lors, alors même qu'il n'aurait pas reçu de délégation de pouvoir, il répond des fautes qu'il a commises dans l'exécution de son contrat de travail ».
Cette jurisprudence est la traduction, sur un juridique, de la montée des exigences en matière de sécurité5", qui impose de fait aux employeurs, la mise en place d'un dispositif de préntion des risques professionnels beaucoup plus contraignants, puisqu'il s'agit d'une obligation de sécurité de résultat. C'est donc l'employeur qui supportera désormais la charge de la preu dans ce domaine. Dans le même temps, cette jurisprudence rappelle l'importance de l'obligation de sécurité qui pèse également sur le salarié, même en l'absence de délégation de pouvoir explicite. On est en présence d'une diffusion de la responsabilité à tous les niaux de la hiérarchie, ce qui n'est pas sans conséquences pour les salariés.